Et au milieu coule le Rhin (27/02/2017)
Fleuve européen stratégique, frontière naturelle et inspirateur de contes et légendes, peu de cours d’eau se prêtent aussi bien à des histoires merveilleuses que le Rhin. Sylvain Tesson en fait le sujet de deux nouvelles dans le recueil Chronique des Bords du Rhin (éd. Le Verger).
L’auteur du Prix Médicis 2011 Dans les Forêts de Sibérie et du plus récent Sur les chemins noirs (Gallimard), propose deux pérégrinations plus dépaysantes et aventureuses que ne le laisse à penser cette chronique (ou ces chroniques ?) sur un fleuve relativement mal connu dans notre pays.
Le premier de ces voyages, Journal d’une Fée du Rhin, s'inspire des légendes rhénanes. L’auteur donne la parole à une narratrice, une figure mythologique de ces contrées : "Je suis fille d’ici. Je suis née de la respiration du Rhin. Un feu follet qui caracolait sur la berge du vieux fleuve féconda un soir d’été une nuée blanche qui en ouatait la surface. J’ai jailli de cette noce célébrée par l’air et l’eau." La fée du Rhin parle du fleuve dont elle est l’une des gardiennes. Le lecteur est invité à laisser de côté sa raison et de retrouver son âme d’enfant crédule. Oui, les fées existent, semble nous dire Sylvain Tesson, qui use d’une langue onirique, chantante et fragile comme du cristal. Cette première nouvelle n’est pas simplement un morceau de prose poétique. Elle nous parle aussi de notre époque : des transformations du Rhin, de la modernité dévastatrice et de ses habitants intrusifs, voire criminels. Malgré cela, la fée veille sur les lieux et les hommes "en prêtresse heureuse de ce temple végétal."
La deuxième nouvelle, Où est-elle ?, fait du Rhin le décor d’un conte tour à tour romantique, mystérieux, tragique puis grotesque. Le narrateur accepte à contrecœur d’accompagner sa petite amie en Alsace pour un périple en amoureux. Cette Lorelei fantasque, "aux yeux un peu violets", fille d’un montreur d’ours transdniestrien et d’une obscure chanteuse d’opéra tcherkesse, conduit son amant sur les rives du Rhin. Mais au cours de la promenade, la jeune femme s’évanouit. Son ami, incrédule, part à sa recherche. Bientôt, une battue est organisée : où est-elle ? Et surtout qui est-elle ? Sylvain Tesson se fait conteur féroce, dans une histoire sur la folie digne d’Edgar Allan Poe.
La Chronique des Bords du Rhin se referme après un moment rare de dépaysement autour du Rhin que nous pensions - à tort - connaître.
Sylvain Tesson, Chronique des Bords du Rhin, éd. Le Verger, coll. Sentinelles, 2017, 37 p.
00:00 Écrit par Bruno Chiron | Tags : sylvain tesson, le verger, rhin, nouvelle, sp | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | |