Maîtres et serviteurs à Downton Abbey (02/05/2020)

Allez, je me lance : Downton Abbey est très certainement l’une des meilleures séries de ces dix dernières années. À mettre en tout cas sur le podium des créations télés les plus ambitieuses artistiquement, au point d’en avoir fait un film pour le cinéma, dont je vous parlerai bientôt.

Cette véritable superproduction historique anglaise, créée par Julian Fellowes pour qui rien n’était trop beau, n’a pas lésiné sur les moyens : costumes, coiffures du début du XXe siècle, automobiles d’époques, accessoires dignes de figurer dans Affaires conclues, sans oublier les décors, toujours somptueux. En premier lieu, il y a le château néogothique de Downton Abbey – celui de Highclere Castle dans le Berkshire, nous précise le générique de fin – véritable personnage de la série.

Le spectateur suit la vie d’une famille aristocrate anglaise, les Crawley. Il y a le comte de Grantham Robert Crawley (Hugh Bonneville), aussi droit et collet monté qu’intègre, marié à une roturière, l’Américaine Cora Crawley née Levinson, la toujours impeccable Elizabeth Mc Govern que l’on retrouve ici dans le rôle d’une mère faussement effacée mais à l’autorité jamais démentie. Il y a aussi les trois sœurs, au caractère bien trempé : l’insaisissable Mary (Michelle Dockery), promise à un mariage de circonstance mais que le tout premier épisode va bouleverser, la jeune, généreuse et passionnée Sybil (Jessica Brown Findlay) et la secrète Edith (Laura Carmichael), qui rêve d’enfin trouver chaussure à son pied. Et, the last but not the least, il y a aussi et surtout la comtesse douairière de Grantham, Violet Crawley (Maggie Smith), véritable tête pensante et figure tutélaire, dont la rigidité apparente laisse deviner au fur et à mesure des épisodes un caractère bien plus subtil qu’il n’y paraît.

Plusieurs générations cohabitent donc bon an mal an dans l’immense domaine de Downton Abbey, sans compter les tantes et beaux-parents, les lointains cousins, les visiteurs impromptus (dont un diplomate turc qui, dès le troisième épisode, va mettre bien malgré lui un sacré grain de sable dans la stabilité familiale) et une ribambelle d’invités pour des soirées aussi chics qu’onéreuses.

Ceux d’en haut et ceux d’en bas

Mais Downton Abbey ne serait pas Downton Abbey sans une invention scénaristique géniale : mettre en parallèle à l’histoire des Crawley celle de leurs serviteurs. Une armée de domestiques, femmes de chambre, valets de pied, cuisinières ou majordomes chargés de faire vivre le domaine. C’est aux étages inférieurs que vivent ces hommes et ces femmes, traités sur un pied d’égalité par les créateurs de la série. Outre les histoires d’amour contrariées (celle de William et de Daisy), les deuils, les drames et les questionnements de chacun et chacune sur leur destin respectif comme sur leur place dans une société aristocrate fermée, les auteurs mettent aussi en avant ces singuliers liens hiérarchiques avec les figures autoritaires de Charles Carlson (Jim Carter) et de Mademoiselle Hugues (Phyllis Logan) et ces affrontements parfois impitoyables sur des fonctions âprement convoitées – celle de valet de chambre par exemple. Dans l’étage inférieur des serviteurs, où les maîtres ne pénètrent que rarement, se jouent les destins de personnages attachants : John Bates (Brendan Coyle) et la femme de chambre Anna (Joanne Froggatt), la naïve Daisy (Sophie McShera) et sa robuste responsable en cuisine, Mme Patmore (Lesley Nicol), l’intrigant Thomas Barrow (Rob James-Collier) et sa "complice" Mlle O’Brien (Siobhan Finneran), dans une ambiance où le protocole rigide chez ces serviteurs n’a rien à envier à celle de leurs aristocrates de maîtres.

La série entretient un va-et-vient régulier entre ceux d’en haut et ceux d’en bas, entre riches et pauvres. Malgré tout, des relations fortes faites de confiances voire d'affection  se tissent au-delà des barrière sociales, à l’exemple du procès de Bates au cours de la saison 2. Les dialogues sont soignés et écrits à la perfection pour suivre les aléas des Crawley et de leurs serviteurs dans une Grande-Bretagne secouée par les grands événements européens : le naufrage du Titanic, la première guerre mondiale, la grippe espagnole, l’indépendance irlandaise, les débuts de l’émancipation féminine et le basculement vers un nouveau monde après la Grande Guerre.

Sans doute l’une des meilleures séries jamais tournées, vous dis-je.

Downton Abbey, 6 saisons, série historique de Julian Fellowes, avec Hugh Bonneville, Elizabeth McGovern, Maggie Smith, Michelle Dockery, Laura Carmichael, Jim Carter et Penelope Wilton, 2010-2015, Grande-Bretagne, Amazon Prime
https://www.itv.com/downtonabbey
https://www.primevideo.com

Voir aussi : "Kad Merad, Baron noir et très noir"

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08:06 Écrit par Bruno Chiron | Tags : downton abbey, angleterre, grande-bretagne, années 20, première guerre mondiale, grippe espagnole, julian fellowes, hugh bonneville, elizabeth mcgovern, maggie smith, michelle dockery, laura carmichael, jim carter, penelope wilton, série, amazon | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | | |