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Rechercher : jazz

  • Ozma, hyperjazz

    C'est un jazz étonnant qui nous est proposé par le quintette Ozma - French Explosive Jazz. Un jazz XXIe siècle et, dirions nous, très urbain. C'est en effet la ville qui sert de fil conducteur à un album dans lequel cuivres, batterie et machines sont au service d'un projet musical ambitieux.

    Il souffle sur Hyperlapse, le septième album d’Ozma, un vent à la fois magnétique (le trombonne de Dust City, nous entraînant à Pékin) et déroutant dans son approche electro-pop (le son industriel du titre qui donne son nom à l'album et placé sous le signe de Hambourg).

    Ozma conduit son véhicule jazz aux quatre coins du monde. A côté de villes bien connues (Beijing, Marrakech, Hambourg ou Djakarta), il est question de coins plus confidentiels : Ahmedabad en Inde, Purwokerto en Indonésie ou Bulwayo au Zimbabwe.

    Il s'agit bien d'un voyage musical sans répit, dépaysant et d'une grande densité, à l'instar du morceau Clay Army (Xi'An). L'exotisme est très présent, notamment lorsque le jazz se teinte de couleurs méditerranéennes et orientales, avec par exemple le titre À Leila (Marrakech). Hyperlapse ne se refuse rien : ni l'hypermodernisme de Hambourg, ni le zen et l'ivresse du bien nommé Spleen Party (Ahmedabad), ni non plus la mélancolie du voyageur perdu en Indonésie, loin de ses terres (Infinite Sadness, Entre chien et loup).

    Puissant et même naturaliste – Tuk-Tuk Madness (Mumbai) – le jazz de Ozma – French Explosive Jazz revendique un son world mais qui ne renie jamais son souffle occidental (One Night In Bulawayo), cette cool attitude ou ce goût de l'improvisation présent dans Die Gielde (Lübeck).

    Du vrai jazz globe-trotteur.

    BC

    Ozma, Hyperlapse, Cristal Records, 2020
    https://www.facebook.com/ozmajazz
    https://www.instagram.com/ozmajazz

    Voir aussi : "Glass Museum, une certaine vision du jazz"

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  • Manuel Anoyvega Mora, premier album

    Comme son nom l’indique, il souffle sur Cubacuba, l'album de Manuel Anoyvega Mora un parfum de Caraïbes. 40 ans de carrière mais un premier album : pour l’occasion, le pianiste cubain est accompagné de Pierre Guillemant à la contrebasse, Abraham Mansfarroll Rodriguez à la batterie, Guillaume Naturel au saxophone et à la flûte et Inor Solotongo aux percussions.

    On entre dans la danse dès le premier morceau, Veneracion : un jazz latino, frais et rythmé dans lequel le musicien ne trahit ni ses origines ni ses appétences pour le jazz… et la salsa. Un jazz frais et mené tambour battant donc (Alizé), comme si le musicien proposait dans son opus un bœuf avec ses amis.

    Manuel Anoyvega Mora est un pianiste à la technique sans faille. Sa touche magique le place dans le sillage de très grands interprètes jazz et classiques (Preludiosa Mantanzas, Marinna). L’opus alterne plages de détachement debussyennes (Soplos de Musas) et moments dansant au tempo irrésistible (Ilduara Carrandy).

    Cuba ! Cuba ! Perla Preciosa est un authentique morceau de bravoure proposant, en un titre, un concentré du talent de Manuel Anoyvega Mora : du rythme, de la virtuosité, de la densité, des couleurs (Ah, cette flûte poétique !) et des voix heureuses d’être là.

    On navigue entre ses mouvements, comme un bateau affrontant tous les temps (Frescoson) : résolument voyageur, Manuel Anoyvega Mora fait de son jazz un brillant exemple de mariage franco-cubain.

    Manuel Anoyvega Mora, Cuba Cuba, Fofo Production / Caroline International, 2019

    Voir aussi : "Mais qui sont ces Cubains ?"

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  • Ola Kvernberg brouille les pistes

    Ola Kvernberg : ce nom ne vous dit peut-être rien. Et pourtant, le musicien norvégien avait sorti il y a quatre ans Steamdome, un album alliant jazz progressif et électronique devenu l'un des vinyles les plus vendus en Norvège en 2017, en plus d’être unanimement salué par la critique internationale.

    Voilà donc Ola Kvernberg de retour avec son nouvel opus, tout simplement nommé Steamdome II (et sous titré "The Hypogean").

    Une suite ? Pas vraiment. Car ici, la palette jazz du compositeur et violoniste s’enrichit avec des incursions bien au-delà de l’électro. Prenez "Arpy" par exemple. Les pistes sont brouillées pour ce premier morceau de 9 minutes 32 commençant comme un cantique religieux dans des sons d’harmonium avant de s’émanciper vers des univers parallèles, du côté de l’électronique période Kraftwerk.

    Pour son nouvel album, Ola Kvernberg s’est entouré des meilleurs musiciens de la scène jazz et pop de Norvège. Sans délaisser complètement son instrument fétiche, le musicien a remplacé son violon par une boîte à rythmes et un synthétiseur basse. Parmi ses compagnons, le bassiste Nikolai Hængsle (Band of Ogold, Bigbang, Møster) prend la guitare et Daniel Buner Formo (Trondheim Jazzorchester, Kobert) délaisse son orgue Hammond pour enflammer le paysage sonore avec des machines faites maison.

    Des compositions rythmées et à forte densité

    Steamdome c'est aussi le batteur percussionniste Erik Nylander (Monoswezi, Liarbird, Mechanical Fair), le batteur Olaf Olsen (Bigband, Fra Det Onde) et le percussionniste Martin Windstad (Kurt Nilsen, Todd Terje).

    Ola Kvernberg  se surpasse dans des compositions rythmées et à forte densité. Le musicien norvégien cache bien son jeu (le court "Vault") et sait alterner à merveille jazz, pop-rock, électro, contemporain ou musique électronique, à l’instar de "Get Down" formidable maestria de sons de plus de 10 minutes dans un morceau ouvragé aux petits oignons.

    Pour "Carbonado", Ola Kvernberg redevient violoniste – électronique – et fait de son instrument le véritable héros d’un morceau d’électro-pop scintillant. Tout aussi complexe, le jazzy "Hypogean" est entièrement rhabillé par l’électro inventive et rythmée du musicien norvégien.

    Voilà qui fait une transition impeccable avec le morceau suivant, "Devil Worm" à la rythmique rap. Un son très actuel qui, au fur et à mesure, s’aventure sur des terres peu familières, comme enflammées, pour devenir fun, sinon funk.

    L’auditeur devra absolument s’arrêter sur le magnifique "Diamondiferous", époustouflant morceau virtuose au violon, porté par des vagues romantiques et comme d’un autre monde. Celui d’Ola Kvernberg, justement. 

    Ola Kvernberg, Steamdome II - The Hypogean, PIAS / GRAPPA, 2021
    https://www.olakvernberg.com
    https://www.facebook.com/OlaKvernberg
    https://www.instagram.com/olakvernberg
    https://orcd.co/steamdome

    Voir aussi : "Éloge de la folie"
    "Fiona Monbet a plus d’une corde à son archet"

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  • Éloge de la folie

    Lioness Shape est d’abord un trio de trois musiciennes : Manon Chevalier au chant et aux compositions, Maya Cros aux claviers et Ophélie Luminati à la batterie. Les trois musiciennes ont sorti ce printemps leur premier album Impermanence, un opus de jazz au caractère bien trempé.

    Impermanence revendique son message féministe, "pour que les femmes soient plus que beauté et tranquillité. Pour qu’elles expriment leur art, et développent leur créativité. Pour qu’elles se rendent compte de cette force incroyable qu’elles ont en elles. Force qu’elles s’efforcent de réprimer chaque jour au nom de la beauté". C’est ce qu’exprime à sa manière le premier morceau "Somos tantas" ("Nous sommes nombreuses"), un jazz à la fois méditatif et rythmé – oui, c’est possible ! – et en espagnol s’il vous plaît…  

    Tout aussi voyageur, "El Canto de mi deseo" voit le jazz se teindre là encore d’accents latins, avec un  naturel désarmant. Le groupe Lioness Shape s’aventure sur des terres mariant pop, rock, world et jazz, bien entendu, à l’image de "Self-reliance", au cool porté par la voix chaleureuse, veloutée et chaloupée de Manon Chevalier. 

    Audacieux, fou et intelligent

    Audacieux, fou et intelligent, le trio joue de l’alternance dans un album qui ne cesse d’alterner passages complètement dingues et respirations bienvenues, quand elles ne sont pas zen ("Blue Wooden Chair"). Les musiciennes savent tout aussi bien alterner les langues : l’anglais, l’espagnol et le français et même l’irlandais ("Tóg go bog é").

    Je parlais d’audace. Elle est bien présente dans le titre "L’origine". Ce morceau, d’abord très lent, s’emballe grâce à une singulière composition contemporaine que l’on peut rapprocher du "sauvage" morceau mystérieusement intitulé "Tóg go bog é" dont le titre signifie : "détendez-vous". Tout un programme. 

    Parlons également de "My Tame Bird" qui peut se définir comme un morceau jazz dopé aux percussions et aux sons électro, avec la voix incroyable de Manon Chevalier s’envolant tel un oiseau. Tout aussi enthousiasmant, "Sand World" est enthousiasmant grâce encore à son interprétation aux accents faisant penser à la chanteuse pop islandaise Björk. La chanteuse de Lioness Shape se surpasse encore dans "The Last Lullaby", un titre dans lequel elle se fait crooneuse.

    Au final, Impermanence frappe par son étrangeté omniprésente, à l’instar de "Water" qui vient clôturer cet album étonnant de créativité, de folie et d’enthousiasme grâce à trois filles formidables. 

    Lioness Shape, Impermanence, Laborie Jazz, 2021
    https://www.lionessshape.com
    https://www.laboriejazz.fr/artistes/lioness-shape

    https://www.facebook.com/Lionessshape
    https://www.instagram.com/lionessshape

    Voir aussi : "Deux de jazz"
    "Madeleine Cazenave derrière le piano"

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  • Les âmes libres de Sarab

    S’il y a un album qui a attisé cet automne notre intérêt c’est bien celui-là : Arwāh Hurra, le deuxième album de Sarāb, un groupe créé à partir de la rencontre entre la chanteuse franco-syrienne Climène Zarkan et du guitariste Baptiste Ferrandi. Pour ce projet musical, les six musiciens de Sarāb ont invité le percussionniste Wassim Hallal, le joueur de saz Abdallah Abozekry ou encore l'auteur de SF Alain Damasio.

    "Sarāb" signifie "mirage" en arabe. Il est vrai que cette fusion rare entre musique arabe, jazz et pop-rock occidental apparaît comme un sémaphore étrange, presque irréel, mais tellement intéressant !

    Prenez par exemple "Yally shaghalt al bāl" ("Celui qui occupe mes pensées"), le titre qui ouvre l’album. On assiste là à un métissage enivrant de world music de chanson française arabe et de pop rock. Climène Zarkan chante avec un romantisme exacerbé "celui qui hante toutes mes pensées / Si seulement j'étais dans tes pensées".

    Dans sa course aux recherches de sons, Sarāb ose avec "Lilliths' Samaii" un électro rock éclairé par la voix incroyable de Climène Zarkan, se brisant aux trois-quarts du morceau pour s’aventurer dans du son heavy métal, donnant au morceau l’éclat d’un diamant noir incandescent.

    Après ce moment à couper le souffle, "Yā Snīn Hubbī" propose un morceau de jazz arabe mâtiné d'électronique pour créer un univers bariolé et passionné, qui est aussi une rencontre entre les influences occidentales et les sons orientaux. 

    La liberté est le maître-étalon de ce deuxième opus

    "Il y a une erreur sur le nom étranger" : ainsi commence "Nahnu Haraq" ("Étranger est un verbe"), morceau engagé avec la prosodie d'Alain Damasio et ce cri : "Au nom de quoi empêcher les gens d'aller de voler de voguer d'une rive à l'autre ?" Ce titre, tout comme les deux interludes "Reminiscence", font définitivement d’Arwāh Hurra un opus construit comme un concept album dans lequel il est question d’amour, d’humanité, de traditions, d’hypermodernité, de poésie, de liberté, de féminisme et de réflexions sur le futur.

    La musique hyper créative n’est pas en reste, que ce soit le rock arabe et urbain "Mā Bahwad Had", avec la voix toute en circonvolutions, en puissance et en audace de Climène Zarkan, le "Choral", une ballade toute orientale, sensuelle et exotique, portée par une orchestration délicate et ramassée, le morceau pop et jazz "Tikhūnūh", toujours en arabe ou encore "Collapse – Inhiār", une curiosité mêlant traditions arabes, création contemporaine, jazz, rock et électronique, dans un titre sombre et claustrophobe.

    L’auditeur trouvera dans "Zidnī bi farte al hubb" un son plus traditionnel comme venu du fond des temps avant de s'envoler vers une joie communicative.

    "Arwah hurra - Âmes libres" vient clôturer de la meilleure des façons l’album avec cette ballade au piano à la facture classique. On atterrit tout en douceur, non sans un riff de guitare inattendu et un bonus surprise, si on la curiosité d’attendre la fin du morceau.

    Est-il encore utile d’ajouter pour conclure que la liberté est le maître-étalon de ce deuxième opus d’une richesse incomparable ? 

    Sarāb, Arwāh Hurra, L'Autre Distribution, 2021
    https://www.sarab-officialmusic.com
    https://www.facebook.com/sarabofficialmusic
    https://www.instagram.com/sarab_officialmusic

    Voir aussi : "Comme un grand océan de rock"

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  • Live au taf

    Quelques jours après la mort du pianiste Chick Corea, il paraît judicieux de se plonger ou replonger dans le jeu magnétique d’un géant du jazz.

    C’est aussi l’occasion de découvrir la série des Tiny Desk Concert. Le principe ? La chaîne NPR Music propose sur Youtube des lives, des documentaires et des concerts au sein même de ses locaux.

    L’auditeur peut ainsi voir et écouter Wynton Marsalis et le JLCO Septet, Miley Cyrus, Muzz, Lous and The Yakuza, Sting et Shaggy, Dua Lipa ou Billie Eilish dans des prestations en toute intimité et surtout dans des lieux à la fois originaux et proches de nous : bureaux encombrés, bibliothèques ou halls d’accueil.

    Parmi ces artistes s’étant prêté au jeu de ces Tiny Desk Concert, il y a le regretté Chick Corea, dans un enregistrement acoustique avec le xylophoniste Gary Burton : moment de magie assuré. 

    Chick Corea & Gary Burton: Tiny Desk Concert, 2016
    https://ww.youtube.com/c/nprmusic/videos

    Voir aussi : "Diana Krall, Superstar"

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  • Sarah Lancman : ”Oser oser !”

    L'actualité récente de la jazzwoman Sarah Lancman est marquée par le projet musical Inspiration et Vie : un ensemble de duos issus du label Jazz Eleven. Ce programme avec quelques noms de la scène jazz est vraiment passionnant, dans la mesure où la musicienne, accompagnée de Giovanni Mirabassi, prend le pari d'un répertoire ne se limitant pas aux standards de jazz. Sarah Lancman a bien voulu se prêter au jeu des questions de Bruno Chiron.

    Bla Bla Blog – Bonjour Sarah. Inspiration et vie est un concept musical que vous avez mis en place avec Giovanni Mirabassi pour votre label de jazz Jazz Eleven. Il s’agit de duos enregistrés et disponibles sur Internet. Pouvez-vous nous en dire plus ? 
    Sarah Lancman – Cher Bruno, bonjour et merci pour votre soutien depuis le début... Ce projet est venu suite à mon premier album Inspiring Love enregistré à New York en 2015. Nous avions déjà pensé par la suite au concept des Inspiring Live avec Giovanni, même avant la crise sanitaire. Le concept étant d’inviter un artiste pour créer une rencontre le temps d’une chanson filmée en plan séquence dans un lieu intime, comme à la maison. A défaut de pouvoir toujours enregistrer en studio, nous aimions l’idée du moment fugace de la vidéo. Mais cela pourrait être un autre concept maintenant que j’y pense : de tourner en studio... Cette fois-ci nous voulions trouver un lieu inédit comme le Sunside jazz club. A un moment où tous les lieux du spectacle sont fermés, prendre le contre-pied et aller chanter là-bas et retrouver les sensations de la scène.

    BBB – Pouvez-vous nous parler des artistes de Jazz Eleven qui vous accompagnent dans la série Inspiration et vie ?
    SL – L’idée était de choisir des artistes avec des univers complètement différents mais avec qui nous avions toujours voulu jouer. C’était l’occasion de créer la rencontre : Guillaume Perret et ses multiples facettes qui peut se dédoubler à l’infini et sait écrire autant des arrangements de standard de jazz façon big band stratosphérique, Tatiana Eva-Marie et son ton vintage pour partir dans un espace hors du temps, Walter Ricci et le charme à l’italienne avec une reprise d’une chanson de Fame et Anne Sila tout en douceur et sensibilité à fleur de peau. Des artistes différents et uniques pour des duos inédits, c’était ce que nous voulions. Se (re)connecter de manière différente en s’inspirant les uns et les autres.

    BBB – Un tel projet aurait-il pu être possible sans la crise sanitaire ? Comment d’ailleurs se porte la scène jazz, d’autant plus touchée avec la fermeture des nombreux clubs de jazz ? 
    SL – Nous avions pensé ces vidéos avant la crise sanitaire mais il est vrai que cette période nous a permis de remettre ce projet en allant plus loin cette fois. Nous voulions également filmer en plan séquence avec une caméra mouvante, comme une mouche qui vole sur scène, au plus près des artistes. C’est une manière de voir un concert, de vivre la musique différemment. Le spectateur peut faire l’expérience de voir et d’écouter de façon immersive et plus intime qu’en étant assis dans la salle avec un unique point de vue. L’idée de rentrer dans un club "fantôme" était une expérience incroyable ! Nous avions l’impression d’être "hors la loi", de rentrer dans un lieu fermé au public et à la fois on renouait avec des sensations, une vie d’avant, avec des réflexes.

    BBB – Vous même, comment avez-vous vécu ce Grand Confinement et la crise sanitaire ? 
    SL – Je dois avouer avoir fait un burn-out qui a été avec le recul un véritable cadeau de la vie. Le confinement m’a permis de m’accorder une véritable pause, chose que je ne me serai jamais autorisée à prendre en temps normal. J’ai pu ainsi me reconnecter à mon essentiel et me remettre à écrire et travailler à nouveau ma technique vocale et mon souffle en reprenant l’exercice physique et l’entraînement. On se rend compte souvent, emporté par le tourbillon de la vie que l’on existe dans un quotidien la tête hors de l’eau et à moitié en apnée en se disant souvent : on verra plus tard, passant ainsi à côté de notre essentiel, au lieu de prendre le temps pour savourer des moments simples avec ceux que l’on aime, et de se ressourcer pour nourrir son art. Je ne regrette rien mais cela a été une grande leçon de vie pour moi.

    "Je dois avouer avoir fait un burn-out qui a été avec le recul un véritable cadeau de la vie"

    BBB – On sent chez vous de l’appétence pour un jazz qui sortirait de ses frontières traditionnelles. C’était visible dans vos précédents albums et ça l’est plus encore avec le programme Inspiration et vie. On y croise Thelonious Monk, John Coltrane, mais aussi Jacques Brel ou Marie Laforêt. Comment s’est fait le choix des titres ? 
    SL – Merci ! On doute souvent lorsque l’on ne rentre pas forcément dans le moule d’un genre mais j’aime mélanger mes inspirations et écrire tout simplement des chansons. Concernant le choix des chansons pour les duos, pour Guillaume Perret il était intéressant de revenir à un morceau traditionnel jazz pour aller explorer le morceau avec des sons plus modernes. Pour Anne Sila, c’était le contre-pied de chanter cette chanson, qui habituellement demande de performer vocalement, en toute sobriété et émotion, presque à l’unisson. Deux voix qui n’en deviennent qu’une seule : c’était très émouvant de pouvoir ainsi jouer face à face avec un texte aussi fort que celui-là. Pour Tatiana Eva-Marie, c’était une envie de chanter en français. La tendresse qui est un texte d’une si grande puissance qu’il résonne encore de nos jours sans avoir pris une ride. Pour finir, je trouvais cela intéressant de choisir cette chanson issue du film Fame, qui n’est pas le titre phare, mais qui change. Walter Ricci a des capacités vocales qui lui permettent de jouer au caméléon selon l’univers de la chanson autant jazz, que pop, que Motown,… c’était également une rencontre magique.

    BBB – Pouvez-vous nous parler des autres projets de Jazz Eleven, et peut-être des découvertes que vous avez faites ? 
    SL – Giovanni Mirabassi va sortir un album qui s’intitule Pensieri Isolati ("Pensées isolées") qu’il a enregistré en piano solo durant le premier confinement. Il s’est associé à un artiste vidéo qui va créer une matière visuelle à partir de pensées poétiques reçues de la part du public sur leur vécu du confinement et de la solitude en général. C’est un projet inédit qu’il dévoilera bientôt. Il sera d’ailleurs en résidence au Théâtre du Châtelet prochainement et un partenariat avec l’école d’art Estienne est en cours. Pour ma part, j’ai réalisé que j’adorais également écrire pour les autres. Mes arrières grand-parents étaient tailleurs et j’ai l’impression que je perpétue d’une certaine manière une tradition à ma façon. J’aime écrire des chansons sur-mesure pour des artistes qui m’inspirent.

    BBB – Votre actualité musicale invite au voyage : la France de Michel Legrand, Broadway ou l’Italie avec Intermezzo. Comment d’ailleurs ce titre peut-il se lire ? Comme d’une étape ? 
    SL – Complètement. Intermezzo c’était un intermède dans ma vie, une étape qui m’a permis d’explorer autre chose, d’aller plus loin vocalement, de faire une pause dans l’écriture mais je crois au fond que chaque album est une étape. C’est un peu comme une photo, on fixe un moment précis de notre vie, à savoir qui l’on est maintenant. Il y a cette envie de marquer ce moment clé, mais au final on évolue, on est en constante mutation et c’est cela qui est magique. Se dire que tout cela n’est qu’une expérience de ce que l’on vit aujourd’hui mais ne définit pas qui on sera demain. C’est la liberté de la créativité et d’oser oser !

    BBB – Quels sont vos futurs projets discographiques ?
    SL – J’écris mon nouvel album et je me laisse cette année pour bien le travailler et savoir dans quelle direction je souhaiterai aller, avec quelle formation, quels musiciens jouer… Pour l’instant j’en suis au stade de l’écriture encore mais quelques chansons sont nées déjà !

    BBB – Merci, Sarah. 
    SL
    – Merci, Bruno !

    Inspiration et Vie, proposé par Giovanni Mirabassi et Sarah Lancman
    Avec Anne Sila, Guillaume Perret, Tatiana Eva-Marie et Walter Ricci
    Proposé par le label Jazz Eleven
    https://www.sarahlancman.com
    https://www.facebook.com/sarahlancmanjazz
     https://www.jazzeleven.com

    Voir aussi : "Quand le jazz est là"
    "Sarah Lancman amoureuse"

    Photo :  © Hubert Caldagues

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  • Glass Museum, une certaine vision du jazz

    Glass Museum : "musée de verre" ou hommage appuyé au minimalisme de Philip Glass et du courant répétitif américain ? Une chose est sûre, Glass Museum est un duo belge composé du pianiste Antoine Flipo et du batteur Martin Grégoire. En juin 2016, les deux acolytes ont remporté la finale du Festival de Dour. Deux ans plus tard, Glass Museum sort son premier EP, Deux, et propose leur propre univers jazz.

    Les artistes citent volontiers quelques références : GoGo Penguin, BadBadNotGood, Jon Hopkins ou Floating Points. À écouter Deux, l’électro-jazz de Glass Museum va puiser loin ses influences, du côté de la pop, du rock, de l’électro mais aussi du classique et du contemporain.

    Avec une ouverture sobre à la fois jazz, classique et pop (Opening), l'auditeur peut se laisser happer par Shadow's Faces. La structure harmonique, charpentée et enjouée insuffle un beau rythme endiablé.

    Le titre Tribal Coffee donne au jazz des Glass Museum un air de tango sombre et mystérieux où se mêlent électronique, claviers et instruments acoustiques.

    Wu s'aventure dans un autre univers éthérée et zen. Cette fois c'est sans doute du côté de Steve Reich et de Philip Glass que l'on peut voir l'influence d'un titre semblant puiser ses influences dans le courant répétitif américain. Tout aussi zen est Electric Silence : dans ce jazz mélodique, les sons électroniques sont injectés à grands coups de vagues intenses.

    Glass Museum choisit de repousser les frontières du jazz : Waves lorgne du côté de la pop et du rock progressif à la Mike Oldfield.

    Cette musique naturaliste, rythmée et aux mélodies soignées est une vraie belle découverte, que vous soyez amateur de jazz ou non. Et si j'étais metteur en scène, j'engagerais tout de suite les Glass Museum pour faire la BO de mon prochain film.

    Glass Museum, Deux, EP, JauneOrange / [PIAS], 2018
    http://jauneorange.be/bandfr/57

    Voir aussi : "Cinquante nuances de spleen"