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Sans-culotte, sans dessins
Depuis les attentats de Charlie-Hebdo, les journaux sont sous le choc et ont réagi à leur manière à l'attentat et aux atteintes aux libertés d'expression. Parmi ces revues, le journal satirique Sans-Culotte 85 a voulu marquer le coup.
Ce "canard vendéen qui ne joue pas les fayots" entend être le poil à gratter d'un Département encore largement influencé par un certain milieu catholique (traditionnel). Pour l'édition de février, un numéro spécial, la rédaction de Sans-culotte 85 a choisi de se nommer "Sans-Calotte 85", en réaction aux attaques islamiques (et religieuses) du mois de janvier. C'est aussi une référence, affirme la rédaction du journal, au fameux hors-série de novembre 2011, Charia-Hebdo. ("Un Charia-Hebdo à la vendéenne"). La Une du Sans-Calotte 85 représente l'évêque Alain Castet, dont la ressemblance avec le sénateur UMP local Bruno Retailleau peut troubler... Quant au titre "Ceci n'est pas un prophète", c'est un clin d'œil appuyé à la célèbre une du numéro 1178 de Charlie Hebdo.
Mais le choix éditorial le plus original de la revue satirique réside dans son traitement de l'attentat de Charlie Hebdo. Comme le rappelle Marie Coq dans un billet, "Il n'y a pas de blasphème qui tienne : personne n'a jamais forcé un musulman à caricaturer son prophète, puisque cela lui est interdit, et y'a (sic) aucun jugement à porter là-dessus." Le Sans-Culotte 85 (ou plutôt "Sans-Calotte 85") s'appuie, comme tout journal satirique qui se respecte, sur de nombreuses caricatures.
Or, ouvrant cette revue, le lecteur sera surpris de n'y trouver aucun des dessins caractéristiques de ce titre : en lieu et place des illustrations, caricatures et personnages croqués, le texte est parsemé de plages blanches, comme si un maquettiste malicieux ou mal intentionné avait décidé de sortir les illustrations de la revue ! Ces espaces vides sont autant de rappels à une liberté d'expression blessée et en danger.
En ayant choisi de sacrifier les caricatures, le Sans-Culotte 85 joue la provocation. Mais cette provocation est assortie d'une jolie pirouette, car ces caricatures manquantes dans la mise en pages sont finalement bien présentes... en fin de magazine, hors contexte, avec seulement les numéros de page indiquant leur emplacement originel. Il ne reste plus au lecteur qu'à se munir d'une paire de ciseaux et d'un tube de colle pour remettre les dessins à leur place dans la revue.
Cette manière forte d'interpeller le public sur l'importance de la liberté d'expression est aussi pour le bloggeur une manière de rappeler que la satire reste une tradition française ancienne qui est prête à vendre chèrement sa peau. Le Sans-Culotte 85 est dans cette droite ligne : "Nous sommes des Sans-Culottes... C'est pour cela que nous ne baissons pas nos pantalons !" est-il proclamé sur leur site Internet.
Sans-Culotte 85, numéro spécial "Sans-Calotte 85", n°82, février 2015, 3 €