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  • Le temps des noyaux

    Je parlais il y a quelques jours de Marie Cherrier, chanteuse et artiste talentueuse, suivie par des fidèles inconditionnels (voir cet article). Plusieurs internautes ont réagi à cet article et spécifiquement à l'une des plus belles créations de Marie Cherrier, la chanson Le Temps des Noyaux.

    Ce bouleversant hommage aux soldats anonymes de la première guerre mondiale - dont nous commémorons en ce moment le centenaire - a été mis en image dans un somptueux clip en noir et blanc, avec une nouvelle version musicale (vidéo ci-dessous).      

  • Voilà Marie

    Puisque l'on est entre nous, je dois vous avouer que Marie Cherrier fait partie depuis longtemps des auteurs dont je voulais parler sur ce blog. Elle est ce genre d'artiste qui vous accompagne des années durant, offrant une présence rassurante et revivifiante. Voilà donc cet article, voilà Marie, alors que sort en ce moment son quatrième album studio, L'Aventure

    Comment pourrait-on ne pas l'aimer, elle, son opiniâtreté à creuser son sillon artistique, son sens de l'écriture, ses saynètes (Le Curé, 7ème Ciel ou Café noir), ses mélodies et ses interprétations sensibles ?  La chanteuse poursuit son petit bonhomme de chemin, suivie par un public de fidèles, sans nier la difficulté à imposer son choix artistique  : "La poésie est à la rue, tant mieux. Que la télé d’aujourd’hui la boude est un certificat de noblesse. Dans ce camp je n’y suis ni par dépit, ni par calcul c’est sûr…, mais pour l’honneur" écrit-elle dans "Ils sont drôles eux",  un billet paru sur son site. 

    C'est loin des majors de disques, des télé-crochets, des impératifs commerciaux et de la facilité que Marie Cherrier travaille avec justesse ses textes et ses musiques, avec un style bohème (la parenté avec Zaz n'est pas absurde) et une voix assez proche de celle de Vanessa Paradis. Dans son premier disque, Ni Vue Ni Connue (2004), l'univers de Marie Cherrier était déjà là, tout entier : liberté revendiquée, orchestration acoustique, chansons denses, voix délicate.   

    S'il n'y avait qu'un album pour découvrir cette chanteuse originaire du Loir-et-Cher, je conseillerais son concert capté à La Cigale en 2008 (Live à La Cigale). On y retrouve les titres les plus représentatifs de Marie Cherrier : 7ème Ciel, La Funambule, Les Baleines, Le Curé, Marchand d'froufrous, Tourterelle, Les Pattes du Loup et surtout Le Temps des Noyaux. Ce titre sur les horreurs de la première guerre mondiale n'a pas été pour rien dans la notoriété de Marie Cherrier : "Alors là-d'ssus j'rejoint Prévert / L'temps des cerises ce que ça vaut / Quand la chair est tombée par terre / Démerde-toi avec les moineaux / Ces dames ont un chemin qui mène / A la mort pour les clafoutis / Imagine le tronche des gamelles / Gare aux quenottes, plantez les p'tits."

    Texte d'une incroyable puissance poétique, mélodie entêtante et voix posée avec justesse ont concouru à la reconnaissance d'une toute jeune artiste par le public, comme par ses pairs (que ce soit Francis Cabrel, Juliette Gréco ou Hubert-Félix Thiéphaine). Dans l'album Alors Quoi ?, son deuxième disque, un autre titre se distingue : Ben Alors Quoi ? Cette fois, la chanteuse fait un hommage autant qu'un portrait à charge de Renaud : " Je t'regrette le chanteur énervant / Bon, t'as le droit d'plus être énervé..." Un autre titre se dégage de cet opus, Pas d'ma Faute, une confession autobiographique sur une jeune femme revendiquant sa simplicité et sa vie ordinaire : "Je n'serai jamais le sujet d'une / Biographie et j'le regrette, / Je n'ai pas eu mauvaise fortune / dans le passé, faut qu'j'vive avec / Sûr que je manque d'intérêt / puisque je n'suis pas orpheline, / Puisque j'n'ai pas été trouvée / étant petite dans les épines..."

    En 2013, c'est épaulé par Michael Désir, un batteur expérimenté (il a travaillé avec Ayo ou Kéziah Jones) que Marie Cherrier propose un nouvel album, Billie, Billie n'étant autre que son double : "Voilà Billie avec ses grenades / Ses barricades / Ses injures au Monde entier / Mais Billie la haine en rade / V'là la paillarde / Amoureuse à ce qu'il paraît..."). Je dois avouer que j'ai été moins enthousiaste pour ce nouveau  enregistrement : plus enlevé et puisant dans des styles variés (rock, folk, coupé-décalé, pop, country, etc.) il me semble ne pas refléter exactement l'originalité de l'auteure, sauf lorsque cette dernière revient à des titres plus acoustiques. Ainsi, T'es Où ? n'est pas sans rappeler son apostrophe à Renaud, même si cette fois la chanteuse en appelle plus généralement au retour de la révolte et de l'engagement ("T'es où ? Parce que là, ça va pas. / Des Fantômes me hantent la Tête / Des Gandhi, Colucci, / Des poètes/ Des bandits honnêtes / Qui sauvaient la vie...")  

    En 2015, voilà Marie avec un nouvel album, L'Aventure, distribué loin des grands réseaux, avec passion mais non sans cet esprit de révolte : "Ils sont drôles eux… Mais enfin plus personne ne sait ce qu’est la lutte dans ce foutu métier ? Ils me disent de faire des reprises, qu’y a plus de subventions pour la chanson… Que le marché a changé…

    Sinon, nous rassure-t-elle, tout va bien pour elle, merci ; et pour nous aussi, du coup. 

    Marie Cherrier, L'Aventure, 2015
    http://mariecherrier.com


    Tout sur un plateau 03/04/15 Troisième Partie par tvtours

  • George RR Martin sur un Trône

    La série Le Trône de Fer (Game of Throne) poursuit son triomphe sur les petits écrans – et aussi sur Internet – suscitant articles, gloses, critiques (bonnes et moins bonnes) en nombre, et notamment sur ce site. Dernièrement, c’est une scène particulièrement violente (et considérée comme gratuite) qui a suscité une levée de boucliers de nombreux fans. Rappelons que Le Trône de Fer est avant tout une saga littéraire de George RR Martin, toujours en cours d’écriture (voir ici la critique du premier volume de ce cycle).

    Le blog Fantasy à la Carte propose une biographie brillante et pertinente de cet auteur de fantasy, un genre considéré encore avec un certain dédain, si ce n’est un certain snobisme. George Raymond Richard Martin est parvenu à dépasser John Ronald Reuel Tolkien (l’auteur du Seigneur des Anneaux) dans la notoriété. Le créateur du Trône de Fer peut se targuer d'être devenu en quelques années une figure majeure de la fantasy. 

    Retour sur la carrière de ce "roi littéraire", grâce au site Fantasy à la Carte :

    De son nom complet, George Raymond Richard Martin est un auteur américain renommé pour ses écrits de science-fiction et de fantasy. Né en 1948 dans le New Jersey, il a grandi dans une famille modeste. Au lycée, il découvre les comics et se met à écrire des fanfiction (des récits écrits par des fans dont le but est de continuer ou de modifier l’histoire d’un roman, d’une série…). En 1965, il obtient même un prix pour l’une de ses nouvelles. Son diplôme de journaliste en poche, il retourne dans sa ville natale en 1971 en pensant y décrocher un emploi. Il n’en trouvera point mais cette année-là, il se découvre un certain talent d’écrivain. Cependant, il faudra attendre 1979 pour qu’il se consacre pleinement à son art. Les premières années, il écrit essentiellement des romans et des nouvelles de science-fiction. Il reçoit de nombreux prix comme en 1980, sa nouvelle Les Roses des Sables remporte trois distinctions : le prix Hugo, le prix Locus et le prix Nebula. Une jolie consécration pour un auteur à succès en devenir. Plus tard, G.R.R. Martin s’essaie à l’horreur avec ses romans : Riverdream en 1982 ou Armageddon Rag en 1983. Au milieu des années 1980, commence pour lui un travail de scénariste pour la télévision. Ainsi, il est l’auteur de séries télévisées comme La Cinquième Dimension ou La Belle et la Bête. Parallèlement à cette activité professionnelle, il se lance dans la rédaction d’une anthologie de nouvelles et de romans de science-fiction, Wild Cards, mettant en scène des super-héros.

    C’est au début des années 1990, qu’il a l’idée d’écrire un cycle de fantasy, A Song of Ice and Fire, traduit en français par Le Trône de Fer

    La suite ici…

     

  • Est-il raisonnable de croire en Dieu ?

    café philo,montargis,religion,loiretLe café philosophique de Montargis proposera sa prochaine séance le vendredi 22 mai 2015, à partir de 19 heures, à la Brasserie du centre commercial de la Chaussée, à Montargis. 

    C'est un sujet polémique qui va occuper les participants: "Est-il raisonnable de croire en Dieu ?"

    La raison, faculté de discerner le vrai du faux et le bien du mal (selon Descartes) est souvent opposée à la croyance, cette dernière étant aveugle lorsque la ratio exige des preuves. Pourtant, croire en Dieu n'est sûrement pas irrationnel. Croire c'est avoir foi, avoir confiance dans une explication exhaustive, une vérité révélée. Faut-il pour autant concéder le caractère raisonnable de la foi en Dieu. Dans quelle mesure croire permet-il, voire fait-il le bonheur? La quête de sens autorise-t-elle tous les moyens ?  Autant de questions et d'autres sur lesquelles vous pourrez vous pencher. Pour ce prochain café philo, Claire et Bruno seront accompagnés de Marie Tellier et de Katharina Kim, élèves de terminale littéraire du lycée Saint-François de Sales.

    La participation sera libre et gratuite.

    http://cafephilosophique-montargis.hautetfort.com

     

  • Ça caille les belettes

    poésie,marie de quatrebarbesEt si, au lieu de pavés, on s'intéressait à ces petits livres que l'on peut dévorer en moins d'une heure ? Et pourquoi pas un recueil de poésie ? Celui que je viens de découvrir fait partie de ces petites merveilles que l'on risque de ne pas oublier de sitôt. 

    Le troisième ouvrage de Marie de Quatrebarbes, La Vie moins une Minute, déringardise un genre littéraire par les thèmes comme par le langage utilisé. Trois parties composent ce recueil : "Ça caille les belettes", "Looping" et "Sinon violette". Il est question dans ces textes en prose de la vie dans ce qu'elle a de plus fragile et de plus vivifiante : "C'est beau parce que c'est déchirant / c'est peu parce que c'est déchirant", comme on peut le lire.  

    Des personnages historiques (le Marquis de Sade) ou de contes de fée ("Bonjour Barbe bleue, comment vous dire ?") sont appelés à la rescousse pour parler des peurs enfantines qui nous paralysent comme de la rencontre de l'amour, d'un homme, la création d'un couple dans ce qu'il a de plus fragile et de plus éphémère : "L'amour n'est pas une transaction / on ne fait pas monter les enchères".

    Dans la partie intitulée "Ça caille les belettes", les fulgurances oniriques percutent de plein fouet ces petites choses quotidiennes : la vie de tous les jours, le ménage, les magasins, l'enfance blessée, les questions a priori simples qui nous taraudent tous ("Comment faire pour vivre le moment présent ?... / Comment faire pour vivre sans l'amour de sa vie ? / Comment faire pour vivre ?..."), des questions répétées ad nauseam dans les revues féminines et que l'auteur recycle avec un mélange d'ironie et d'amertume.  

    Marie de Quatrebarbes est dans la fragilité permanente dans "Looping", une partie où l'enfance est omniprésente, construite et déconstruite par bribes, à coup de sensations, de souvenirs, d'images, de fulgurances surréalistes, sans oublier un langage d'une grande liberté : anglicismes, jurons, phrases suspendues ("My name is sheat and you suck / toutes les saveurs sont bonnes à prendre / toutes les saveurs du restaurant italien / vraiment que du bon" ou "Putain de merde / ça décapite cette histoire de bisous-bisous"). La vie est au bout de ce voyage intérieur et littéraire, comme le montre le dernier texte de cette partie : "Dans la cuisine, les poils courts / il passe tout seul l'aspirateur / est-ce que tu porteras mon nom ?").

    Dans la troisième partie, "Sinon violette", il est toujours question de vie, bien sûr, mais aussi d'amour et de sexe ("Le monde est sexe si j'avais su") . Mais ici, pas de mièvrerie comme la poésie peut souvent nous en offrir. L'auteure nous parle de souvenirs, de peurs enfantines (encore), de Ph neutres (sic), de sensations ("Elle, allongée sur la baquette arrière / en nage"), mais aussi de ces corps mis à contribution : "Tout se rassemble autour du membre / ça s'étire hors de moi comme un filet de bave / foutre un peu délétère..."). 

    Dans ce recueil, c'est un voyage au bout de la vie que nous offre Marie de Quatrebarbes, une jeune auteure au talent exceptionnel et qui n'a pas fini de faire parler d'elle. C'était bien ? C'était bon, on s'est régalé, merci.            

    Marie de Quatrebarbes, La Vie moins une Minute, éd. LansKine, 2014
    Editions LansKine


    Ambassadeur de la Jeune Création : Marie de Quatrebarbes par culture-gouv

  • Zhou, en avant la révolution !

    Dans l'histoire de la Chine moderne, Zhou Enlai occupe une place à part. Sa carrière de révolutionnaire puis d'homme d'État (il a été premier ministre de 1949 à sa mort en 1976) est indissociable de Mao Zedong, dont il fut à la fois à la fois l'allié et l'adversaire.

    Gao Wenqian, historien et dissident chinois, offre une biographie passionnante qui aide à comprendre la longévité et aussi la postérité d'une figure emblématique qui a indubitablement changé le cours de son pays. Cet essai bien documenté (l'auteur a eu accès aux archives du parti communiste chinois) décrit les premières années d'un jeune révolutionnaire marxiste (né en 1898), promis rapidement aux plus hautes destinées de son pays et de son parti.  Le livre passe (trop) rapidement sur les guerres civiles mettant aux prises Nationalistes de Tchang Kaï-chek et communistes pour s'intéresser surtout aux premières décennies de la Chine communiste, à partir de 1949.  

    Il convient sans doute de s'arrêter sur le titre de ce livre. Zhou Enlai, L'Ombre de Mao est une traduction très critiquable de la version originale, Zhou Enlai The Last Perfect Revolutionary : voir dans celui qui fut à l'origine de la visite de Richard Nixon en Chine un pantin aux ordres d'un dictateur obnubilé jusqu'à la folie par la révolution communiste serait oublier que Zhou Enlai, loin d'être un complice aveugle du Grand Timonier, a su louvoyer habilement pour échapper à toutes les purges du parti communistes : un exploit ! Mieux, ses talents politiques, son sens tactique et ses qualités de diplomate ont su le rendre indispensable au point de n'avoir jamais été délogé de son poste de premier ministre.

    Cela ne dédouane pas Zhou d'erreurs et aussi de complicités, alors qu'à partir de 1966 la Chine est plongée dans la folie de la Révolution Culturelle, attisée par Jiang Qing, l'épouse de Mao, et la fameuse "Bande des Quatre". Trois hommes politiques personnifient les luttes politiques sanglantes  de cette période : Liu Shaoqi, Président chinois de 1959 à 1968 et adversaire sérieux du Grand Timonier, qui n'échappera pas à la purge au sein du parti communiste ; Lin Biao, le dauphin désigné de Mao avant que ce dernier ne décide de l'éliminer et ne provoque indirectement sa fuite – et sa mort – en avion (1971) ; et Deng Xiaoping, le brillant maoïste des débuts, devenu paria en pleine Révolution culturelle puis revenu en grâce au plus sommet de l'État, grâce notamment à la protection de Zhou Enlai. L’essai s’arrête longuement sur les luttes intestines autour de ces trois hommes, qui se sont soldées, pour les deux premiers en tout cas, par des fins tragiques. À chaque fois, Zhou Enlai était aux premières loges de ces guerres politiques.              

    Ce dernier, homme complexe, cultivé, posé, intelligent et imprégné de culture confucéenne, a navigué avec habileté dans un pays troublé, alors que Mao manipulait anciens compagnons d'armes, maréchaux devenus héros nationaux,  militants gauchistes illuminés, ministres et politiques sceptiques ou tentés par une modernisation de leur pays. Cette modernisation que beaucoup jugeaient inéluctables, Zhou Enlai la guida d'ailleurs discrètement avant que Deng Xiaping ne la mette en application avec vigueur à partir du milieu des années 70. 

    Gao Wenqian ne cache pas la face sombre du personnage : obsédé par l'idée de "vieillir avec grâce", le premier ministre chinois (devenu si populaire qu'après son décès de millions de Chinois lui rendirent spontanément hommage – au grand dam de Mao) a accompagné le Grand Timonier dans la sanglante Révolution culturelle, une guerre civile qui ne porte pas ce nom. La responsabilité de Zhou est évidente mais aussi complexe et sujette à débats : certains ont pu dire que sans lui, cette Révolution culturelle aurait été plus sanglante mais aussi moins longue. 

    Finalement, le triomphe de Zhou Enlai peut se lire dans les dernières années de sa vie : la visite du Président Nixon en Chine tout d'abord, qui sort la Chine de son isolement. Mais aussi son dernier combat politique contre Mao qui, jusqu'au bout, a cherché à déstabiliser et à "purger" son allié et adversaire, si différent de lui ! Mao ne survivra d'ailleurs pas longtemps à celui dont il ne pouvait se passer et qui gérait habilement le pays : les deux hommes disparaissent en 1976, à huit mois d'écart.

    Gao Wenqian résume ainsi la carrière de celui qui verra sa vision triompher après sa mort et avec l'accession de Deng Xiaoping au sommet de l'État chinois : "Pendant de longues années, Zhou, en disciple docile de Mao Zedong, n’avait jamais voulu manifester la moindre opposition. En ce sens, il collabora à la mise en place d’un régime totalitaire dont il devint l’une des victimes. Pourtant, du point de vue de l’héritage historique, son action l’a emportée sur celle de Mao." Cet héritage n’est ni plus ni moins que la Chine d’aujourd’hui.  

    Gao Wenqian, Zhou Enlai, L'Ombre de Mao, éd. Perrin, 2010
    Funérailles de Zhou Enlai, janvier 1976
    The Story of Zho Enlai, drame historique, 2013

    Voir aussi la série d'articles sur ce site, "Montargis la Chinoise"