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Tarzan par Russ Manning
Dans l’histoire de la bande dessinée, Tarzan, devenu également dans les années 30 un mythe du cinéma grâce à Johnny Weissmuller, est une véritable icône, souvent imitée mais jamais égalée, même si son aura a faibli ces dernières années. Cela dit, une question pertinente peut être posée : qui a jamais lu une des nombreuses aventures de Tarzan en bande dessinée ?
Les éditions Graph Zeppelin proposent de revenir aux sources mêmes de l’homme-singe, grâce à la réédition de l’intégrale de ses récits en comic-strips (Edgar Rice Burroughs & Russ Manning, Tarzan, l’Intégrale, Volume 4 : 1974-1979, éd. Graph Zeppelin). Ce quatrième et somptueux volume propose les exploits de Tarzan et de son fils Korak par le scénariste et dessinateur Russ Manning, chargé de faire revivre de 1974 à 1979 le héros créé par Burroughs, décédé il y a tout juste 40 ans.
Il faut lire la préface de Henry H. Franke III pour se rendre compte du défi qu’a demandé la création de strips quotidiens, à quoi se sont ajoutées pour le dessinateur des planches dominicales pour une autre saga légendaire, Star Wars. "[Aucun] autre strip d’aventures n’a suscité autant d’attention et de respect que mes strips de Tarzan ; sans parler des revenus de leurs réimpressions, qu’en a tirées ERB Inc… Aucun autre strip américain d’aventures n’a autant été réimprimé, sans parler de la fréquence à laquelle cela s’est fait, que Tarzan", a commenté Manning à la fin de sa vie. En vérité, son œuvre reste très lié à la créature de E.R. Burroughs. Décédé en 1981, Russ Manning aura travaillé en tout 12 ans sur Tarzan, jusqu’à la dernière histoire, singulièrement plus légère que les précédentes : Tarzan et les jeux d’Ibizzia. "Tout au long de sa carrière artistique, peu importent les hauts et les bas, Manning fut fasciné par le héros de la jungle créé par Edgar Rice Burroughs – le sang de Tarzan coulait dans les veines de Manning", écrit encore le préfacier.
Ce quatrième et dernier volume de l’intégrale Tarzan propose neuf histoires qui peuvent être lues en continu, tel un véritable feuilleton populaire, ponctué de rebondissements incessants (à l’exemple du récit nerveux, Tarzan et la révolution de la jungle). Parce qu’il fallait ne pas perdre en route les lecteurs de l'époque, les aventures de Tarzan, de Jane et de de Korak ont moins été conçues comme des histoires séparées (si l’on excepte toutefois la première aventure, intrigante, Tarzan retourne à Castra Sanguinarius), que comme un récit unique se déployant librement au gré de l’imagination de Manning.
Pin-ups glamours catapultées au cœur de la jungle
Héros légendaire et intemporel, Tarzan n’en est pas moins, dans ce volume, un personnage inscrit dans une période précise, celle du milieu des années 70, avec des préoccupations et des messages modernes pour l’époque. Dans Tarzan dans la Vallée des Brumes, l’homme-singe est confronté à une mystérieuse brume lumineuse "qui modifie [les] cerveaux… Les instincts s’effacent..." Un sérieux problème environnemental en quelque sorte... Nkima, la sémillante jeune femme qui lui en parle, tient des propos typiques de ces années beatniks et peace and love : "Bientôt, la brume lumineuse rayonnera sur le monde. Alors, les soldats et tout ce qu’ils représentent seront aussi obsolètes que les dinosaures !" Dans Tarzan et les émigrants, le récit sur fond d’affrontements entre autochtones et colons délivre un message environnemental, voire pacifiste – mais non teinté de racisme : "Ces fermiers sont des hommes rudes et bornés. Ils sont persuadés d’être dans leur droit pour préserver leurs récoltes ! Ce sera très difficile de les convaincre qu’ils sont dans l’erreur !" Il est encore question d'écologie dans Tarzan et les émigrants.
Pour Tarzan et les insectes géants d’Opar, Manning propose une histoire trépidante qui mêle aventure, tensions sociales, fantastique et même science-fiction. Science-fiction encore avec Tarzan et la lune morte de Pellucidar, qui est un récit largement inspiré de Jules Verne, avec un voyage au centre de la terre peuplé de créatures extraordinaires ("Hommes-troglodytes de Lohar… Horribs montés sur de grands lézards… Guerriers montés sur de puissants mammouths… Tout cela sous le commandement de Von Horst et Jen-qua Reyna de Sari, juchés sur un Dinosaure !").
Stylistiquement, Russ Manning respecte les canons d’Edgar Rice Burroughs, grâce à son coup de crayon précis et son sens du cadrage. Une place importante est également donnée aux héroïnes, souvent des pin-ups glamours catapultées au cœur de la jungle : elles s’appellent Luz (Tarzan et la Vallée des brumes), Lela (Korak et le lac sacré de Krackao), la reine Lâ ou la sauvageonne Nettle (Tarzan et les insectes géants d’Opar). Les féministes hurleront en découvrant ces représentations d’une autre époque : les femmes – à l’exception notoire de Jane – sont souvent représentées comme des personnages naïfs et falots, comme l’exprime la bouillante, courageuse et sexy Reyna : "Tu m’as dit que, dans ton étrange contrée, les hommes et les femmes jouent à des jeux excitants dans le noir !… Je savais que ça arriverait… Que Je serai assez bête pour être aussi douce et idiote… Que les autres filles…"
Dans cette série d’histoires, il convient de s’arrêter sur la toute première, qui est sans doute la plus originale. Dans Tarzan retourne à Castra Sanguinarius, Russ Manning transporte malicieusement le roi de la jungle au cœur de l’empire romain. Le lecteur peut être surpris, tout comme Gino, un compagnon de Tarzan qui vient comme lui du XXe siècle : "J’y crois pas ! Il y a forcément une caméra cachée quelque part ! On tourne un film, n’est-ce pas ?!… Mais ils n’ont pas le droit de nous garder captifs. C’est interdit par la loi !" Tarzan se sortira bien entendu de ce piège spatio-temporel. Comme d’habitude.
Edgar Rice Burroughs & Russ Manning, Tarzan, l’Intégrale,
Volume 4 : 1974-1979, éd. Graph Zeppelin, 2020, 296 p.
https://www.facebook.com/GraphZeppelin
http://tarzan.org
Voir aussi : "L’expérience Jimi Hendrix en concept album"
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