Livre ••• Roman ••• Adler Olsen, Miséricorde
Maman, je te hais, maman je t’aime
Roman polyphonique, Ainsi naissent les Mamans d’Amélia Matar (éd. Eyrolles) suit trois personnages féminins en alternant les points de vue, donnant à ce récit personnel et familial un rythme qui tient en haleine le lecteur.
Il y a d’abord Valentine de Barnay, une enfant de la bonne bourgeoisie parisienne, élevée sans amour par une mère dont "la cruauté (…) tissa une cote épaisse contre les vicissitudes de la vie", majore de promotion à HEC, brillantissime, ambitieuse, froide et mariée avec un homme mais sans passion ("Notre couple ne fut plus qu’une entente tacite, une alliance stratégique"). La deuxième protagoniste est sa fille Alice, élevée sans plus d’amour, mais qui porte en elle une intelligence folle, de l’humour à revendre mais aussi un immense besoin de tendresse que viendra lui apporter le troisième personnage de ce récit familial, Fatima Ayouch.
Élevée dans une famille marocaine qui lui souhaite une réussite sociale et professionnelle, Fatima a choisi d’être éducatrice de jeunes enfants. Et c’est ainsi qu’elle devient la nounou d’Alice, dans le milieu bourgeois de Valentine, sa mère. Entre les trois, un fragile équilibre s’installe, jusqu’à une sortie au musée, qui va avoir des conséquences inattendues.
"C’est bien simple, je hais les hommes, surtout le mien." Voilà qui est dit.
L’amour, la haine, la famille. Voilà une histoire vieille comme le monde et qu’Amélia Matar raconte sous l’angle de trois personnages qui vivent dans leur propre univers. C’est aussi la confrontation de deux mondes : Valentine, la bourgeoise de bonne famille et Fatima, la banlieusarde fille d’immigrée. Il s’agit d’une lutte des classes entre ces deux femmes, l’une étant la patronne de l’autre.
Une autre fracture affleure : Valentine de Barnay, la manageuse impitoyable, a la sensation d’avoir travaillé et de s’être battue plus que n’importe qui – et surtout plus que n’importe quel homme – pour arriver à sa position envieuse. Elle en vient à poser le dilemme de la maternité et du féminisme : "Dès qu’une femme devient mère, elle se laisse absorber tout entière pour sa progéniture et c’en est fini de sa carrière… Les femmes doivent veiller à ne pas laisser les hommes occuper tout l’espace." Valentine émet également, plus expéditive encore : "C’est bien simple, je hais les hommes, surtout le mien." Voilà qui est dit.
Au milieu de cette bataille, il y a une enfant, Alice. Le lecteur est attendri de lire ses mots, qui expriment la douleur de ne pas être aimée et bien aimée : "J’ai peur. — De quoi ? — De ne pas y arriver. — De ne pas arriver à quoi ? — À vivre."
Ainsi naissent les mamans , brillamment écrit est le récit de trois personnages féminins dans l’incommunicabilité, voire la cruauté, mais qui arriveront finalement à faire un bout de chemin ensemble.
Amélia Matar, Ainsi naissent les Mamans, éd. Eyrolles, 208 p., 2022
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Voir aussi : "Les cygnes du crime"
"Les mots croisés, c’est sexy"
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