En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.
Bla Bla Blog fait une pause dans ses chroniques pour quelques jours, à l'occasion des fêtes.
Bientôt, vous retrouverez sur ce site de nouvelles chroniques. Nous parlerons livres, musiques (Schubert sera à la fête, comme du reste Kloé Lang et Falling for Frankie que nous découvrirons) mais aussi théâtre, bandes dessinées des plus épicées et une interview par une artiste engagée, radicale et passionnante...
Mais le début de l'année sera aussi l'occasion de faire le bilan de l'année passée. En attendant, passez de bonnes fêtes.
Tenez-vous informés de nos derniers blablas en vous abonnant gratuitement à notre newsletter.
Voilà un livre, sorti en 2020, qui devrait bientôt faire parler de lui. La Dictatrice de Diane Ducret (parue chez Flammarion) devrait en effet être adaptée pour la télévision grâce à Disney. Ce sera évidemment l’occasion de redécouvrir cet étonnant roman venue d’une auteure belge, philosophe, essayiste (Femmes de dictateur, La chair interdite), chroniqueuse et journaliste. Une brillante plume, donc, qui se met cette fois au service d’un roman des plus originaux.
L’héroïne, devenue anti-héroïne au fil des pages, est Aurore Henri, femme idéaliste, pasionaria et révoltée par une alliance de chefs d’État populistes européens. Le 8 novembre 2023 (le roman a été écrit il y a déjà plusieurs années, donc il s’agit bien de l'anticipation), les 27 décident de démanteler l’Union Européenne. Révoltée, Aurore lance un pavé contre un de ces nationalistes lors d’une réunion à Munich.
La jeune femme est arrêtée puis emprisonnée pour plusieurs années. Loin de la faire taire, cet isolement la place au centre de toutes les attentions. À sa sortie de prison, elle est adulée par les citoyens européens et approchée par de puissantes personnalités des affaires. En quelques années, après une période de crise intense sur le continent, elle devient chancelière, bien décidée à amener le paradis et le bonheur en Europe. Mais un lourd secret sur sa naissance la menace.
Répétition de l’histoire
Roman d’anticipation s’étalant sur les quinze prochaines années, La Dictatrice devient très vite à la fois une dystopie sur les menaces pesant sur notre Union qu’un véritable conte moral autour du pouvoir, du bonheur imposé, de la faiblesse humaine, du féminisme, de la violence et de la répétition de l’histoire. "Les dirigeants de ce monde reproduisent les mêmes erreurs, les mêmes mensonges, les mêmes affaires que les médias répètent en boucle".
Oui, répétition. Munich en 23. Une chancelière. "AH", les initiales d’Aurore Henri ressemblant à celles d’un sinistre dictateur allemand. Les références au nazisme et à la seconde guerre mondiale sont légion : la crise économique, l’enfermement d’Aurore après un coup d’état manqué en Bavière, l’appui d’industriels, les relations complexes avec la Russie, les camps, la garde des SS2, puis une guerre mondiale inéluctable qui se termine en mai 45… 2045.
Conteuse morale autant que romancière, Diane Ducret fait de cette femme victime, écorchée vive autant qu’impitoyable une dictatrice comme il y a eu des centaines de dictateurs dans notre histoire. Le féminisme est l’un des discours d’Aurore Henri, vite remplacé par la surveillance générale, les arrestations et une cheffe forcément aimée.
Tout cela est terrible, d’autant plus que l’écriture est aussi clinique que la protagoniste principale, dont la seule faille vient de sa naissance controversée. Reste à voir comment cet étonnant roman va être porté à l’écran. On a hâte.
C’est par hasard que je suis tombé sur cette étonnante et somptueuse BD sortie l’an dernier aux éditions Albin Michel. Serge Lehman au texte et Yann Legendre au dessin proposaient Vega, un de ces albums dont chaque page – que dis-je ? Chaque vignette – semble être un authentique tableau.
Mais parlons avant tout de l’histoire. Vega débute en 2060 à Djarkata. Sur une terre dominée par la technologie - une technologie qui a d’ailleurs épuisé les ressources de la terre - la scientifique Ann Vega quitte son mari Rio et leur petite fille Dewi pour partir en mission. Sur l’île de Java, elle et son équipe viennent de découvrir le dernier orang-outan encore vivant. Au même moment, des terroristes s’attaquent à l’immeuble où se trouvent Rio et Dewi.
Quelques années plus tard, dans un Chicago hyper pollué, Ann Vega étudie cet orang-outan qu’elle a ramené d’Indonésie. Mais ce travail de recherche déplaît en haut lieu.
Arche de Noé spatiale, amour entre une humaine et un singe, luttes terroristes, deuil impossible, poésie et métaphysique
Vega peut être apparenté au cyberpunk (sombre, anticipation dystopique, part importance accordée aux technologies et à la robotique), tout en faisant le choix d’un graphisme des plus alléchants. Chaque planche est conçue avec le plus grand soin. On peut saluer Yann Legendre pour son travail sur le noir, les ombres mais aussi les couleurs, avec un grand sens du détail.
La scientifique Ann Vega est l’héroïne forte mais aussi blessée d’une histoire qui nous parle d’environnement, d’éthique mais aussi du salut (ou non) de la science. Une science souvent insaisissable, à l’image de la découverte des notes de Rio par son épouse ("C’est de la physique quantique… Et je n’y ai jamais compris grand-chose"). L’aventure mêlant arche de Noé spatiale, amour entre une humaine et un singe, luttes terroristes, deuil impossible, poésie et métaphysique devient aussi un conte fantastique. Tout à fait fascinant. Et à découvrir si ce n'est pas déjà fait.
Tiens, cela faisait longtemps qu’on n’avait pas parlé de David Foenkinos, à l'honneur dans notre hors-série. Un auteur formidable, populaire, parmi les locomotives de la littérature française, et qui nous a proposé l’an dernier son dernier petit bijou, Numéro Deux (Gallimard).
Un titre bien énigmatique. Qui est ce fameux second ? Pour avoir la réponse, il faut revenir 25 ans en arrière, lorsque le phénomène de la littérature mondiale, Harry Potter, est sur le point d’être porté à l’écran. David Foenkinos en profite pour évoquer la genèse puis le déclenchement d’un raz-de-marée inédit autour de JK Rowling, l’auteure de l’histoire du petit sorcier. Lorsque le premier tome sort, Martin Hill est un garçon de 10 ans, fils unique d’un couple franco-anglais sur le point de se séparer. Sa mère, Jeanne, retourne à Paris. Martin vit avec son père, artiste contrarié et accessoiriste sur les plateaux de cinéma.
Un jour, ce dernier l’emmène avec lui au travail. Un producteur remarque Martin et lui propose de faire un essai de casting pour le rôle d’Harry Potter. Martin et son père acceptent. Les essais sont encourageants mais, finalement, c’est Daniel Radcliffe qui est choisi. Raté pour le jeune Hill. C’est aussi le début d’un long, très long calvaire.
Un long, très long calvaire
On est touché par cette histoire de perdant, assommé par un échec et qui n’arrive pas à s’en remettre, le succès de la saga d’Harry Potter lui renvoyant à chaque instant à ce qu’il aurait pu être : un acteur adulé. L’histoire du petit sorcier et ses adaptations filmées sont de tels triomphes qu’ils renvoient continuellement son échec au garçon arrivé deuxième au casting. "Il lui serait dorénavant impossible d'échapper à ce qu'il avait raté. Ce fameux droit à l'oubli que l'on évoque pour les criminels, il ne pouvait pas s'en prévaloir. Pire, on aurait dit que le pays entier soufflait sur les braises de son échec."
Il faut bien préciser que David Foenkinos a entièrement imaginé l’histoire de ce garçon qui a failli être Harry Potter et qui ne s’en est jamais remis. Pour autant, l’auteur français raconte qu’il a bien existé, d’après ce qu’il a lu, un candidat recalé pour ce rôle. Il ne lui restait plus qu’à imaginer son histoire.
Numéro Deux se déroule entre Londres et Paris, sur environ 25 ans. Le lecteur suit l’histoire d’un jeune garçon très vite frappé par le malheur, comme si des Détraqueurs s’étaient vengés sur lui, faute de pouvoir se rabattre sur l’élève de Poudlard. À la découverte du roman, on devinera tout aussi bien qui endosse le rôle de Voldemort. Évidemment, impossible d’en dire plus.
Des moments assez inoubliables nous trotteront longtemps dans la tête : les castings de Martin, la visite du "Poudlard" polonais ou encore la dernière partie au Ritz de Paris.
Numéro Deux mérite d’être qualifié de bon cru de Foenkinos. C'est aussi un hommage à tous ces "deuxièmes", ces oubliés et perdants qui ne le sont pas vraiment.
Les Cramés de la Bobine présentent à l'Alticiné de Montargis le film Lost Country. Il sera visible du 21 au 26 décembre 2023. Soirée débat le mardi 19 décembre à 20h30.
Serbie, 1996, dans le feu des manifestations étudiantes contre le régime de Milošević. Déchiré entre ses convictions et l’amour qu’il porte à sa mère, porte-parole du gouvernement, Stefan, 15 ans, mène sa propre révolution.
"Le Pic De Tout", titre qui ouvre l’album éponyme du duo Muet annonce la couleur : noir. Ou plutôt gris, avec toutes ses nuances, souvent des plus sombres. Ce premier morceau, aux vagues électroniques, fait de l’écriture poétique une arme pour parler de catastrophe environnementale et de l’impuissance des gens de peu à vivre dans l’espoir – voire à vivre tout court. L’originalité du propos – certes pas nouveau – est l’intrusion de l’anticipation et de la SF, certes tout aussi pertinente que pas franchement plus réjouissante : "Des fusées s’échappent de la terre / Emportant quelques milliardaires / Vers des horizons stellaires". Et que restent-ils à celles et ceux qui restent ? "du vide".
On retiendra le travail sur le texte dans cet album engagé. "Mille mots" dénonce les flux d’informations, les discours bavards, les mensonges se multipliant et la vitesse en continu. Les sons électros servent un album paradoxalement très humain : on souffre, on "tombe", on "flanche" ("Électrochoc"). Et si l’on se libérait ? Et si l’on allait "dessous les choses" ? Là "où puisent tous les poètes / Dort ce que l’on garde / Toutes les choses muettes" ? ("Dessous les choses").
L’auditeur sera sans doute plus subjugué encore par "Ailleurs", un titre qui fait le choix de la sobriété, de la mélancolie, de l’amour et de l’espoir : "Ailleurs te retrouverais-je ?" Tout aussi poétique, "Les sirènes" nous propose une aventure à la fois romanesque et mythologique – une promenade vaine ? "J’ai trop rêvé / Tu n’existais pas en vrai / Je t’ai trop rêvé". Parlons encore mythologie avec "Le colosse", "Titan dégénéré / Titan entêté… / Oubliant que ses talons d’Achille / Étaient faits d’argile". Un morceau eighties aux visions frappantes et qui fait également sens dans notre monde contemporain.
La grande surprise de l’album vient de la reprise du classique de Claude Nougaro, "Le cinéma"
La grande surprise du premier album de Muet, un duo formé de Colin Vincent (ex leader du groupe Volin) et de Maxime Rouayroux, vient de la reprise du classique de Claude Nougaro, "Le cinéma". Les musiciens et adaptateurs ont fait le choix de sons synthétiques et d’une rythmique urbaine. Cela donne un titre que l’on redécouvre, à la fois mystérieux, planant et lascif : "Sur l'écran noir de mes nuits blanches / Moi je me fais du cinéma / Sans pognon et sans caméra / Bardot peut partir en vacances / Ma vedette c'est toujours toi".
Le duo séduit par sa manière de rendre à cet album sombre de sublimes éclats de lumière, à l’instar du généreux "Devant" ("La foudre est tombée trop souvent / Sur ce chemin tu es partie devant / C’est l’exil qui te tend la main / Sauras-tu retrouver le chemin / Qui te ramènera / Chez toi ?") ou le subjuguant et – presque – instrumental "Thilda" ("Viens là / Thilda / Parle-moi").
Avec ce premier projet de Muet, on se dit que décidément le noir est une couleur, et même sans doute la plus belle de toutes.
C’est une plongée haute en couleur dans le Montmartre des années 30 que nous offre le célèbre écrivain américain. Un Montmartre bien loin des clichés habituels d’un Montmartre romanesque et romantique.
Dans ce court récit (ou roman ?), en deux parties, les deux personnages principaux, Joey (Henry Miller ?) et Carl font l’apprentissage d’une vie de Bohême qui n’a rien de romantique. Ici, le Paris est gris, ses habitants louches pour ne pas dire glauques et les Parisiennes fréquentées ne sont le plus souvent que des prostituées plus ou moins occasionnelles.
Les artistes ne créent pas, peu ou mal et la nourriture vient souvent à manquer. Joey et Carl passent finalement le plus clair de leur temps à rechercher des filles pour la nuit ou à s’en débarrasser…
Miller nous plonge dans cet univers avec un talent incomparable et sans fioritures. C’est excessif et sulfureux comme l’était sans doute cette vie à Montmartre dans la première moitié du XXe siècle. À lire, vraiment !