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  • Un lointain air de Jules Verne

    Voilà un étonnant roman, comme venu d’un autre siècle, plus précisément du XIXe siècle ou des premières années du XXe. Avec Heureux qui, comme Hannibal, paru aux éditions Arthaud, Dominique Lanni nous entraîne sur les pas d’un personnage qui nous est finalement assez familier.

    Il s’appelle Walter Sinclair et peut se targuer, à l’instar de Phileas Fogg, d’une brillante naissance et fréquente un de ces nombreux clubs londoniens qui ont d’ailleurs droit à un savoureux passage.

    En mai 1905, lors d’un discours enflammé, ce jeune, passionné et érudit aristocrate parie pouvoir refaire le voyage d’Hannibal Barca qui a rallié, lui et son armée, l’Italie, avec ses éléphants en 218 av. J.-C. Cette aventure, Walter Sinclair propose de la refaire plus de deux millénaires plus tard, afin de prouver qu’elle était possible. Mais avec quels moyens et quels soutiens ? Le jeune Anglais n’est soutenu ni par son père ni par ses pairs et, manque de chance, il se fait détrousser au moment où il commence son voyage.

    C’est alors qu’il tombe sur Plaisant. Ce domestique français est au service d’un maître au titre et patronyme célèbre, le Baron de Münchhausen. Ce dernier se propose d’aider Sinclair dans ce projet un peu dingue. 

    Le vrai héros est le Baron de Münchhausen

    La vraie invention de Dominique Lanni n’est ni Walter Sinclair, sorte de clone de Phileas Fogg, ni Plaisant, autre Passepartout, plus peureux et geignard – il faut dire qu’il est Français – que le domestique malin et courageux du Tour du monde en quatre-vingts jours. En réalité, le héros de son roman est le Baron de Münchhausen, lointain descendant de l’authentique officier allemand, rendu célèbre grâce au roman aventureux et fantastique de Rudolf Erich Raspe. Histoires dans l’histoire à l’exemple des romans gigognes qui faisaient florès au XVIIIe siècle (On pense à Jean Potocki et à son Manuscrit trouvé à Saragosse), l’aristocrate allemand conte d'ailleurs quelques unes des aventures de son célèbre aïeul, ajoutant du fantastique à l’aventure déjà incroyable des trois extravagants voyageurs du début du XXe siècle.

    Celle qui attend Walter Sinclair et ses sbires dans le vrai monde ? Un périple à travers l’Europe avec tous les moyens de locomotion possibles et imaginables pour l’époque : sur terre en train, sur mer par bateau, dans les airs par Montgolfière, avant de démarrer en Espagne leur expérience à vocation historique grâce à trois éléphants chipés au Roi d’Espagne lui-même. Entre-temps, nos héros auront côtoyé un pilote d’aéronef mal nommé Parfait, des courtisans madrilènes, un roi dépassé, des aubergistes plus ou moins scrupuleux et des brigands de grand chemin. Le voyage se termine en Italie, mais non sans un dénouement qui pourrait bien laisser augurer une suite, tout aussi fantastique.

    Vrai roman d’aventure, le Heureux qui, comme Hannibal de Dominique Lanni se veut également un  hommage et une déclaration d’amour les classiques de la littérature que furent les livres de Jules Verne – bien sûr – mais aussi Les Aventures fantastiques du baron Münchhausen, Don Quichotte, Le Manuscrit trouvé à Saragosse… jusqu’à 2001 L’Odyssée de l’Espace d’Arthur C. Clarke.  

    Dominique Lanni, Heureux qui, comme Hannibal, éd. Arthaud, 2020, 448 p.
    https://www.arthaud.fr/heureux-qui-comme-hannibal/9782081484986
    https://www.facebook.com/dominique.lanni.7/?locale=fr_FR

    Voir aussi : "Carlin d’écrivain"

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  • Harpe et Basson au rooftop

    Avec l’album Harp and Bassoon "On the Roof", c’est une plongée dans une tradition musicale multimillénaire qui nous est proposée, en même temps qu’un ensemble de créations contemporaines de la compositrice israélienne Anna Segal. Cet enregistrement propose ainsi le premier enregistrement mondial du Concerto Judaica pour harpe et basson.

    Quelle audace ! Une œuvre contemporaine est en soi une gageure, mais alors que dire lorsque sont mis à l’honneur la harpe et surtout le basson – instrument injustement incompris, sinon mal aimé… Anna Segal fait surtout bien plus que cela. Elle s’appuie sur la longue tradition culturelle et musicale juive pour proposer de réconcilier des univers que l’on dirait a priori irréconciliables.

    L’auditeur saluera la densité comme la richesse de ce concerto, mené par l’orchestre Israel Strings Ensemble dirigé par Doron Salomon. Anna Segal a composé une œuvre faisant un large pont entre sons immémoriaux venant de ce côté de la Méditerranée et inventions musicales à base de ruptures de rythmes et de musique atonale. L’Orient est l’univers où baigne ce concerto éminemment moderne mais refusant de tourner le dos au passé. Que l’on écoute les lignes orientales de harpe au milieu de concerto – en un seul mouvement – pour s’en rendre compte. Il y a aussi de la joie, de la vie et de l’allant dans l’opus de la compositrice israélienne, dont le tour de force de mettre le basson en vedette n’est pas le moindre de ses coups de force. 

    Chants revivifiés

    À côté du Concerto Judaica, l’auditeur découvrira des créations contemporaines plus courtes, s’inspirant elles aussi largement des traditions juives. La délicatesse et la sensualité de "Désir" sont évidents dans ce qui peut s’apparenter à un vrai chant d’amour mélodieux.

    Les neuf chansons qui suivent sont inspirées de la tradition biblique. Il s’agit d’une "Mosaïque biblique pour Basson et Harpe" comme l’annonce l’album. Au mystérieux "Samson et les Renards", vient répondre des lectures musicales des personnages de Jaël (Livre des Juges), Jonas ("Jonas et la baleine"), "Yudan le prêtre", Déborah (Livre des Juges), "Les Lions" (Daniel), sans oublier "L’Arche de Noé". Anna Segal. La composition de la musicienne fait la part belle aux inspirations et aux couleurs orientales ("Yudan le prêtre"). La modernité et même l’humour ("Jonas et la baleine") viennent se mettre au service de chants revivifiés.

    Ce n’est pas à proprement parlé du sacré dont il s’agit ici, en dépit des thèmes adoptés par la compositrice, mais bien de chants profanes multimillénaires inspirés de la Bible, et qu’Anna Segal, en se basant sur des thèmes hébraïques traditionnels, parvient à rendre modernes.

    Avec le chant consacré à l’Arche de Noé, Anna Segal prend le parti d’un titre court et à la facture contemporaine. Deux autres chants sont à signaler : "Les oiseaux" et "Amen pour toujours". Le premier est court d’un peu plus d’une minute, se joue d’une mélodie entêtante, avant de se terminer par quelques percussions. Le second se déploie avec mélancolie. La fin, douce et pleine d’espoir, se laisse deviner, appuyée par la harpe de Rachel Talitman et le basson de Mavroudes Troullos.

    Trois chansons viennent clôturer cet enregistrement passionnant et d’une grande volupté. Ce sont des airs folkloriques ("La caravane, "Le Pardon – Prière" et le délicat "Chanson d'amour yéménite") qu’Anna Segal revisite en réconciliant, de nouveau, traditions musicales ancestrales et inventions sonores contemporaines.

    Du très, très bel ouvrage.

    Anna Segal, Harp and Bassoon "On the Roof", Rachel Talitman (harpe) et Mavroudes Troullos (basson), Israel Strings Ensemble dirigé par Doron Salomon, Harpe & Co, 2023
    https://www.prestomusic.com/classical/products/9541289--harp-and-bassoon-on-the-roof-music-by-anna-segal
    https://annasegal.musicaneo.com

    Voir aussi : "Rui Lopes, le basson peut lui dire merci"

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  • Folles, bizarres, normaux et autres monstres

    Le passionnant triptyque de Minetarô Mochizuki, Tokyo Kaido, sorti en 2017 au Lézard Noir, est une plongée dans le bizarre et dans ce qui fait la normalité et l’anormalité. Et tout cela, sous forme d’un manga impressionnant de justesse, de finesse et de sensibilité.

    Dans la clinique Christiana, le Professeur Tamaki s’occupe de suivre des enfants et des adolescents souffrant de troubles psychologiques. Et il a fort à faire. Il y a Hashi, 19 ans, dont un grave accident de voiture lui a occasionné des dommages qui l’empêchent de pouvoir mentir. Hana, de deux ans son aînée, ne peut réfréner des masturbations et des orgasmes qui peuvent venir n’importe où et n’importe quand. Le cerveau de Mari, six ans, ne lui permet pas de reconnaître d’autres humains, si bien qu’elle est persuadée de vivre seule et isolée dans le monde. Enfin, Hideo, dix ans, pense être dotée de super pouvoirs, ce qui n’est pas sans lui causer problème.

    Tous ces malades vivent dans la clinique protégée de Christiana. Mais, un jour, le Professeur Tamaki disparaît.

    Tokyo Kaido a des allures de fable

    Normaux et anormaux se croisent dans ce triple album envoûtant, passionnant et non sans mystères. Mais justement, qui est normal et qui ne l’est pas ? Le jeune homme incapable de dire autre chose que la vérité ? La jeune fille se réfugiant dans un monde où elle serait seule sur terre ? Ou alors ce professeur réputé prenant la poudre d’escampette du jour au lendemain ? Et que dire du vigile Nihongi, faux dur et vrai demeuré aux tenues improbables ?

    Tokyo Kaido a des allures de fable lorsqu’il se permet de longues tergiversations dans le monde imagé de Hashi, avec ce monstre-enfant pourchassé et protégé uniquement par sa mère, dévastée par le deuil de son fils.

    On suit les pérégrinations de ces gosses paumés (parce que) malades, à la recherche d’un médecin qui a choisi, en quelque sorte, la voie de l’anormalité. 

    Minetarô Mochizuki, Tokyo Kaido, 3 vol., éd. Le Lézard Noir, 2017, 216 p., 232 p. et 308 p.
    https://lezardnoir.com/produit/manga/tokyo-kaido

    Voir aussi : "Ce que l’on fait et ce que l’on est"

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  • Le ciel rouge

    Les Cramés de la  Bobine présentent à l'Alticiné de Montargis le film Le Ciel rouge. Il sera visible du 23 au 28 novembre 2023. Soirée débat le mardi 28 novembre à 20H30.

    Une petite maison de vacances au bord de la mer Baltique. Les journées sont chaudes et il n’a pas plu depuis des semaines. Quatre jeunes gens se réunissent, des amis anciens et nouveaux. Les forêts desséchées qui les entourent commencent à s’enflammer, tout comme leurs émotions. Le bonheur, la luxure et l’amour, mais aussi les jalousies, les rancœurs et les tensions. Pendant ce temps, les forêts brûlent. Et très vite, les flammes sont là.

    Le ciel rouge, drame allemand de Christian Petzold
    avec Thomas Schubert, Paula Beer et Langston Uibel, 2013, 102 mn
    Titre original : Roter Himmele
    https://www.cramesdelabobine.org/spip.php?rubrique1383

    Voir aussi : "Déserts"

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  • Âme franco-suisse

    Sur des rythmes mystérieux et lancinants, Sophie Darly, une de ces très jolies découvertes pop de cet automne, débute son nouvel album, en anglais, Show Down Fast, par un titre à la fois pop et soul, appuyé par un orchestre d’une belle densité. "Living The Dream" est autant une confession qu’une une invitation à vivre de ses rêves : "Here I go, my world has fallen / My world has fallen down / Here I come, out of the boredom / Somewhere out of sight / I will plant everything of seed / Of Love, live and joy".

    La Franco-suisse prend à bras le corps des influences du sud américain – blues, folk et rock – pour bâtir un troisième opus convaincant. L’élégance et le timbre de Sophie Darly font d'ailleurs merveille dans le morceau blues "Miracle".

    La musicienne s’épanouit dans un répertoire de songs au large éventail. Elle opte pour la pop très nineties dans le délicat, poétique et touchant "J&A" aux fort bienvenues ruptures de rythme. Pop encore avec le très réussi et terrible "The Trap" qui parle d’amour et de ces pervers narcissiques, tellement doués pour tendre leurs pièges sentimentaux.

    Sophie Darly séduit par sa manière de revisiter la soul et le blues, avec la fougue de l’Européenne qu’elle est


    Mine de rien, Sophie Darly séduit par sa manière de revisiter la soul et le blues, avec la fougue de l’Européenne qu’elle est. Que l’on pense au vibrant "Love with A Twist", enrichi et colorée par une orchestration jazz – et le saxophone incroyable de Pierre Pédron. L’artiste y parle d’amour et des difficultés de la vie à deux, possible uniquement avec des compromis et, justement, d’une danse à deux – qu’elle soit valse ou twist.

    Sophie Darly est aussi capable de jolies tergiversations, à l’instar de "Monster B",  où son talent de chrooneuses fait merveille dans ce titre faussement léger.      

    Pour "Frozen Love", la chanteuse démarre par un piano-voix moins sombre que mélancolique. L’album se termine avec le délicat et touchant "In The Silence Of The Night". Une bonne manière de clôturer un opus à la fois sincère, vivant et au solide tempérament. Toute l'âme du sud, quoi... Pardon, de la soul.

    Sophie Darly, Show Down Fast, Broz Records label/ L’Autre Distribution, 2023
    Sophie Darly en concert le 19 janvier 2024 au Studio de l’Ermitage à Paris
    Et au Grand Studio du Conservatoire du 14ème, le 26 avril 2024, en hommage aux femmes compositrices
    https://sophiedarlymusic.com
    https://www.facebook.com/sophiedarlymusic
    https://www.instagram.com/sophiedarly

    Voir aussi : "Brune et chauffée à blanc"

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  • Une chanson contre la maltraitance

    Pour la Journée Internationale des Droits de l'Enfant, ce 20 novembre, l'association "Les maltraitances, moi j'en parle !" sort le clip et la chanson “Maltraitances, c'est fini !"

    Le sujet de la maltraitance faite aux enfants est, hélas, toujours d’actualité. Les chiffres de l’ONPE font froid dans le dos : 1 enfant meurt tous les 4 jours d’infanticide, 1 tous les 7 jours de violences au sein de sa famille. 70% des enfants subissent des violences éducatives ordinaires, 800 000 enfants seraient victimes de harcèlement scolaire et 60% des enfants maltraités n’en parlent à personne (ONPE juillet 2022 et IFOP 2023).

    Autant dire que l’on peut saluer l’initiative de l’association "Les maltraitances, moi j'en parle !" qui lance cet automne cette chanson inédite écrite et composée par les élèves de 6ème et la classe musique du collège Les Nénuphars de Bréval (78). Cette initiative humanitaire autant qu’artistique a été rendue possible grâce à la collaboration de la marraine de l’association, la chanteuse Emma Daumas, et avec le soutien de Charlotte Caubel, secrétaire d’État chargée de l'Enfance.

    Les maltraitances, moi j'en parle !
    Association nationale loi 1901 reconnue d'intérêt général
    www.les-maltraitances-moijenparle.fr
    https://www.facebook.com/profile.php?id=100057579123847
    https://youtu.be/zM202sUm6NM

    Voir aussi : "Les maltraitances, nous aussi on en parle"
    "Mal aimés"

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  • Beautés volées

    mara lee,roman,suède,confrérieMoi aussi j’ai succombé à la littérature scandinave, toujours très en vogue.

    Ce roman suédois, n’est pas à proprement parler un polar même s’il a sa dose de noirceur (et combien !). L’histoire suit quatre jeunes femmes, toutes belles. Il y a Léa, la galeriste ambitieuse, Laura, l’écrivain paumée, Mia, l’ancienne danseuse et Iris alias Siri, la photographe brillante et cynique. Les trois premières ont pour point commun d’avoir été manipulées par la quatrième. Une vengeance perverse à souhait se trame contre cette dernière.

    Dans un style magnifique et audacieux, l’auteur suit une galerie de personnages entre la Suède et Paris sur une période s’étalant entre le milieu des années 80 et 2006. L’intérêt de ce livre réside moins dans la narration de cette vengeance que dans le parcours croisé de ces femmes, détruites et humiliées à un moment ou à un autre par une autre femme. 

    Mara Lee, Beautés volées, éd. Albin Michel, 2010, 491 p.
    http://confrerie2010.canalblog.com/archives/2011/05/18/21168670.html

    Voir aussi : "Comment devenir un brillant écrivain…"

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