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On est bien d’accord. Sailor et Lula, le film de David Lynch, palme d’or à Cannes en 1990 a quelque peu vieilli. Cependant, quel plaisir de trouver Nicolas Cage sans doute dans son plus beau rôle, celui d’un ex-taulard retrouvant sa petite amie Lula après un violent coup de sang. Quant à Laura Dern, presque au début de sa carrière, elle incarnait une réincarnation trash de Juliette avec un sex-appeal incroyable.
Sailor retrouve Lula après avoir poignardé un homme qui avait insulté sa petite amie. Ils se retrouvent plus amoureux que jamais, mais avec Marietta la mère de la jeune fille désireuse de l’éloigner du voyou – pour lequel elle a d’ailleurs eu un béguin. Voilà donc nos deux tourtereaux décidés à fuir la prison domestique de Lula. Marietta lance un tueur à ses trousses pour se débarrasser de Sailor. La route que prend le couple s’avère dangereuse et le voyage est rythmé par des rencontres singulières, pour ne pas dire dangereuses.
Contes de fées
Quelques jours après la mort de David Lynch, sa Palme d’Or cannoise est sans nul doute à découvrir et redécouvrir. Eraserhead avait frappé par son aspect foutraque et surréaliste. Elephant man avait ensuite conquis la planète grâce à ce formidable joyau autour de la monstruosité et de l’humanisme.
Ici, nous sommes dans une revisite de Roméo et Juliette avec l’art de Lynch : poésie, surréalisme, références à l’Amérique contemporaine (le road-movie, Elvis Presley, Marlon Brando et sa fameuse veste en peau de serpent et le polar moderne). Mais comme David Lynch n’est un réalisateur à part, il s’approprie des mythes du conte de fées : la méchante belle-mère, la sorcière ou le monstre – habituel dans son cinéma.
Dans Sailor et Lula, récit halluciné d’un road-movie dangereux, tous les sens sont en éveil. La love story contemporaine se déguste comme un long clip coloré, musical nerveux et sensuel. Laura Dern jouait là sans doute son meilleur rôle.
Quelques jours après le décès de David Lynch, l’un des grands noms du cinéma indépendant mondial, intéressons-nous à son premier long-métrage, Eraserhead, film culte, encore décrié, incompris pour beaucoup, pour ne pas dire détesté, adulés par d’autres.
David Lynch a une vingtaine d’années lorsqu’il se lance dans ce projet, après quelques courts-métrages. Surnommé Labyrinth Man, son scénario reçoit la bénédiction de l'American Film Institute (AFI) de Los Angeles pour commencer le tournage. Il durera plusieurs années en raison de problèmes financiers. Lynch a tourné son film à Philadelphie où il a vécu une partie de sa vie.
Contre toute attente, le film sorti en 1977 est un succès commercial, s’attirant des louanges pour son aspect foutraque, surréaliste et horrifique ("Je l’ai vu !" voit-on imprimer sur des tee-shirts portés par les fans qui sont allés le découvrir). Lorsque Lynch sort son deuxième film Elephant Man, triomphe critique et commercial, Eraserhead ressort, confirmant son statut de film culte.
Dans une zone industrielle, de retour dans son appartement, Henri Spencer, reconnaissable à sa coiffure défiant les lois de la nature, apprend de sa voisine de pallier qu’il est invité à dîner par la famille de sa petite amie. Une invitation qui le surprend car Henri et Mary étaient séparés. Lors du dîner, à la fois grotesque et inquiétant (un poulet servi reprend vie, le père de Mary tient des propos et des attitudes incohérentes alors que la mère de la jeune fille entreprend l’invité), Henry apprend qu’il est le père d’un enfant prématuré, en réalité un monstre difforme.
"Je l’ai vu !"
Bientôt, Henry doit s’occuper du bébé, un être vivant ressemblant plus à un alien qu’à un humain. À bout de nerf et incapable de supporter les cris de son enfant, Mary part. Seul et paumé, Henry trouve son réconfort dans le radiateur de son propre appartement où une artiste se produit dans un cabaret. La suite d’Eraserhead est constituée d’événements aussi surréalistes que perturbants : un rêve de décapitation, le cerveau d’Henry transformée en crayon à effacer, une voisine de pallier le quittant à son tour pour un autre homme après une relation éphémère avec Henry et finalement la mort du bébé.
On comprend que la sortie d’Eraserhead a été un choc visuel dès sa sortie. Encore aujourd’hui, il ne laisse pas indifférent. La grammaire cinématographique lynchienne prend toute sa mesure et sa démesure dans le film le plus underground de sa carrière – c’est dire ! Ce long-métrage relativement court (85 minutes) visite les thèmes du rêve et du cauchemar mais se veut aussi un conte sur la parentalité – le cinéaste est à l’époque tout jeune papa d’une fille au pied déformé. Le spectateur y verra aussi un tableau sombre de la société contemporaine.
Que l’on aime ou que l’on n’aime pas, l’histoire a parlé : Eraserhead, film surréaliste et psychanalytique est un monument du cinéma. Il fait aujourd’hui partie des œuvres sélectionnées par le National Film Registry de la bibliothèque du Congrès des États-Unis en raison de son intérêt culturel, historique ou esthétique.
Chaque nouvel album de Clara Luciani est un événement, et ce depuis cette merveille inusable qu’était Sainte Victoire. Nous étions en 2018. Depuis, Clara Luciani est devenue une artiste sur laquelle il faut compter. Archidouée, influente et dotée d’une grâce comme personne, elle vient de sortir son troisième opus, Mon sang. Le livret de l’opus est illustré de dessins souvent symboliques : une alliance, une carte de tarot percée d’une rose, un arbuste au tronc noueux, un mouchoir brodé des initiales CL, un ticket de métro ou une tresse.
Moins dansant que Cœur mais tout aussi personnel que Sainte Victoire, l’artiste chante ici la vie, remuante, compliquée, chiante mais aussi passionnante : "Elle est quand même un peu chienne / Cette vie terrienne / Mais on l’aimera jusqu’à la fin" dit-elle avec une conviction intacte dans Cette vie qui ouvre l’opus.
Ces derniers mois, Clara Luciani n’a jamais caché à ses fans ses changements personnels, à commencer par la naissance de sa fille qu’elle a eue avec Alex Kapranos, le leader de Franz Ferdinand. Elle s’enthousiasme d’être mère dans le touchant Tout pour moi : "T'es d'la dynamite dans mon calme plat / Avant toi, je n'existais presque pas". Dans le titre Mon sang, ce sont les liens familiaux et la transmission qui intéressent la musicienne, avec le poids de cette généalogie : "Mon sang, leur sang, ton sang / Tu le sens déjà, mon enfant / Au chaud de ton berceau". Des liens du sang, il en est encore question dans Ma mère, un touchant morceau en forme de réconciliation et d’hommage à celle qui lui a donné la vie : "Ah, de mère en fille et de fil en aiguille / On se repent, on se reprise / Finalement, je t'ai comprise". Devenue à son tour mère, Clara Luciani s’adresse à sa fille dans Roule : "Roule, va partout / Et va plus loin que moi / Roule, cœur en boule / Vers ton premier émoi".
Plus grave, Romance parle de départ et de la mort inéluctable. Comment, dans ce cas, trouver le moindre réconfort ? La réponse de la chanteuse de Martigues est d’une rare élégance stoïque : "Quand tout le monde s'en va à la fin / On apprend à être son ami / On se prend la main, on s'adoucit".
Élégance stoïque
Le style de Clara Luciani est intact. Le travail sur les lignes mélodies est tout aussi irrésistible que dans ses deux premiers albums (le joli et touchant Interlude). La chanson française se pare d’une belle pop – on aimerait dire même dire brit-pop, à l’instar de Forget Me Not, son duo pop-folk avec Rufus Wainwright. Citons aussi le morceau Allez, formidable hymne aux rêves à réaliser et à l’avenir à construire, même s’ils peuvent décevoir ("Les rêves, c'est beau mais ça tient pas chaud / Et je m'endors dans mon manteau / J'y crois quand même, j'y crois si fort").
L’auditeur ou l’auditrice sera certainement sensible au joli titre qu’est Chagrin d’ami. La chanteuse aborde le sentiment de perte d’une amitié – une vraie. "Je me suis peut-être trompée sur toi", avoue-t-elle. Elle constate que les chagrins d’amis restent une douleur profonde : "On les chante moins souvent, pourtant / Chagrin d'amis laisse, laisse d'un goût de rien / On perd un frère et le monde s'éteint / Et perdre un frère, c'est perdre du sang". De là à regretter ces amitiés ? Non.
Dans Courage, c’est sur elle-même que chante Clara Luciani. "Ce qu’il faut du courage / pour tenir bon", déplore-t-elle. Porter "sa maison", ses émotions et ses chansons, "ça fait lourd, ça fait trop". L’artiste se dévoile dans toute sa fragilité mais aussi ses épreuves quotidiennes, regrettant aussi de ne pas être aidée : "Pourquoi tu ne sais pas / Prendre un peu de poids ?" fait-elle encore.
À l’écoute de l’opus, c’est une Clara Luciani apaisée qui apparaît en filigrane. "On est seule avec soi" chante-t-elle dans le morceau pop-rock Seule. Pour autant, constate-t-elle, "Plus j'avance, plus je deviens mon amie / Je l'aime bien, finalement, ma compagnie / Moi et moi avons nos petites habitudes / Qui occupent nos déserts de solitude".
Lumineuse, la musicienne ne cache pas non plus ses moments de désabusement, y compris lorsqu’ils se parent des plus jolies mélodies et d’orchestrations soignées. Pour le faussement léger Tant pis, Clara Luciani constate son impossibilité d’aider. "On ne m’y prendra plus", déplore-t-elle. "Tant pis / Je te laisse ici même si ça me brise / Y a rien d'plus que j'puisse faire pour toi". La porte reste ouverte et la main tendue malgré tout : "Et si l'envie te prenait / De me rejoindre de l'autre côté / De choisir la vie pour de bon / Avec c'qu'elle a de mauvais / N'hésite jamais / Et ne perds pas de temps / Aux âmes blessées, je pardonne facilement". On n’en attendait pas moins d’elle.
Les Cramés de la Bobine présentent à l'Alticiné de Montargis le film Les Feux sauvages. Il sera visible du 12 au 18 février 2025. Soirée débat à l’Alticiné le mardi 18 février 2025 à 20H30.
Liban, 1982. Pour respecter la promesse faite à un vieil ami, Georges se rend à Beyrouth pour un projet aussi utopique que risqué : mettre en scène Antigone afin de voler un moment de paix au cœur d’un conflit fratricide. Les personnages seront interprétés par des acteurs venant des différents camps politiques et religieux.
Perdu dans une ville et un conflit qu’il ne connaît pas, Georges est guidé par Marwan.
Mais la reprise des combats remet bientôt tout en question, et Georges, qui tombe amoureux d’Imane, va devoir faire face à la réalité de la guerre.
Peu connu mais archidoué, virtuose et romantique (son look sur la pochette d’album finit de nous convaincre), le pianiste Nikolay Khozyainov revient cet année avec un nouvel opus, Monument to Beethoven (Rondeau Production). Pourquoi, d’ailleurs, cette expression ? Il faut revenir aux années 1830-1840, soit quelques années après la mort du compositeur allemand. Franz Liszt entreprend de rendre hommage à son illustre aîné en faisant bâtir une statue à Bonn. Robert Schumann, Félix Mendelssohn et bien entendu Liszt sont sollicités pour composer des œuvres directement inspirés du répertoire de Beethoven, et en particulier de l’Allegretto de sa Symphonie n°7.
Ce sont ces morceaux créés ad hoc que Nikolay Khozyainov a choisit d’enregistrer, en commençant par l’Allegretto originel, ici transcrit au piano par Liszt. C’est à un Everest que s’attaque le pianiste, dont la virtuosité n’écrase jamais la puissance dramatique ni la densité. Les respirations sont les bienvenues et viennent insuffler ce souffle que l’on appellera plus tard romantisme. Beethoven a fait de cette marche funèbre un mouvement allegretto, comme pour se jouer de la mort et donner à ce deuxième mouvement le pouvoir de la vie. Nikolay Khozyainov la rend dans un mélange d’ardeur, de passion et de gravité.
Suit Robert Schumann avec ses Études en forme de variations sur un thème de Beethoven. 15 variations, rarement de plus d’une minute 30, s’approprient le thème principal de l’Allegretto de la 7e de Beethoven en variant les tempos, du Moderato au Prestissimo, en passant par le Passionato.
Nikolay Khozyainov s’empare de cette œuvre rare de Schumann en prouvant le panel de son jeu, y compris des variations les plus sombres (Ohne Titel n°5) ou les plus techniques (Presto n°6). Schumann fait œuvre d’une grande liberté dans son appropriation du thème original (A11. Legato teneramente), ne s’empêchant pas des revisites franchement épatantes (B4. Ohne Titel) et transformant la marche funèbres en chants populaires (B5. Cantando), voire d’une singulière modernité (B7. Ohne Titel). Ces études se terminent de la plus belle des manière, avec la variation la plus longue de l’opus, tout en pudeur et en légèreté. Bref, un bel hommage à Beethoven.
Un bel hommage à Beethoven
Plus courtes, les Variations sérieuses de Felix Mendelssohn Bartholdy prennent à la fois plus de liberté et plus de gravité avec l’Allegretto de Beethoven. Le Thema et les Variations balancent entre la luxuriance et romantisme fou.
Beethoven est de retour avec une transcription par Liszt du lied An die ferne Geliebte ("À ma bien aimée"). L’histoire retient qu’il s’agit du premier cycle de lieder de l’histoire de la musique. Il est difficile de rester insensible à ce court morceau dont le pianiste rend toute la profondeur et toute la justesse sentimentale.
La Fantaisie, op. 17 de Robert Schumann a ceci de particulier qu’elle fait partie des œuvres majeures du compositeur allemand. Cet opus autonome, en trois parties, n’a figuré que tardivement dans le programme hommage à Beethoven – en réalité les deux derniers mouvements – pour la souscription destinée à la construction de son monument à Bonn. La Fantaisie est au départ une déclaration à Clara Wieck, future Clara Schumann. Nikolay Khozyainov s’en empare avec délectation. Il y a du Beethoven dans la puissance évocatrice du 2e mouvement et la richesse de l’opus devient un envol du romantisme dans le dernier mouvement.
Nikolay Khozyainov ne pouvait terminer ce Monument à Beethoven autrement que par une création, car il est lui-même compositeur. Avec son morceau Petals of Piece. Son hommage au compositeur allemand est aussi un chant de paix que lui avait commandé l’ONU en novembre 2022. dans cette œuvre contemporaine et post-romantique, c’est avec gravité que l’instrumentiste russe lance ses "Pétales de la Paix". Plus que jamais d’actualité pour cet artiste résolument engagé pour le pacifisme.
Epona, que l’on découvre ici, vient de Belgique et montre un sacré caractère.
Après un premier EP, Help I'm fine!, c’est en français que la jeune chanteuse entend bien faire bouger la scène belge, décidément riche et incontournable.
Dans Peine pour toi, sur un son pop-rock, Epona parle de trahison, s’inspirant de sa vie et d’une rencontre avec un homme au cours d’une mauvaise expérience professionnelle. Le clip a d’ailleurs été tourné dans des bureaux. "J’ai de la peine pour toi / Beaucoup de peine / Que tu mentes à tous ces gens / Que tu mentes en négligeant / Que tu mentes aussi conséquemment", chante-t-elle.
On craque déjà sur la moue de cette artiste qui ne s’en laisse pas conter et qui choisit la résilience plutôt que l’abattement : "Une vengeance, je savoure / Fini, c'est fini / Plus jamais tu me pourris / Avec tes escroqueries".
"Après mon premier EP, nourri des récits des femmes autour de moi, j’ai ressenti le besoin d’aller plus loin. L’envie de porter la voix de celles qui ont vécu des situations difficiles reste forte, mais je suis maintenant prête à parler de moi, de ce que j’ai vécu, et surtout de ce que ça m'a appris", se confie Epona.
Une nouvelle artiste à suivre absolument pour ses prochaines aventures musicales.