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  • Cécile Chaminade et ses amies

    Louis-Victor Bak nous avait fait découvrir Cécile Chaminade (1857-1944) dans un très bel album Debussy-Chaminade. La compositrice, une célébrité à son époque mais que l’on a oubliée par la suite – son sexe n’y était pas pour rien  ! – est remise à l’honneur avec plusieurs consœurs de son époque : Marguerite Canal (1890-1978), Pauline Viardot (1821-1910), Claude Arrieu (1903-1990), Clémence de Grandval (1828-1907), Louise Farrenc (1804-1875) et Joséphine Boulay (1869-1925).

    Yasuko Suzuki et Honoré Béjin proposent une sélection d’œuvres représentatives de leur musique de chambre. Il s’agit pour la plupart de transcriptions pour flûte et piano, à l’exception de la Sonatine de Claude Arrieu qui a été originellement écrite pour ces deux instruments.

    Ce répertoire rare et parfois inédit nous replonge dans une musique française pleine de nostalgie et que la flûte de Yasuko Suzuki vient transcender. La Sonate pour violon et piano – ici, pour flûte et piano – nous fait découvrir une Marguerite Canal largement nourrie des influences de Debussy : la transparence de l’Andantino, le parfum orientalisant du mouvement Sourd et haletant et le néoromantisme de l’Adagio expressivo riche d’une belle ligne mélodique et de l’Allegro con bravura.

    Autre adaptation d’un opus au départ pour violon et piano, la Sonatine de Pauline Viardot. La courte pièce transcrite par Yasuko Suzuki ravit par sa légèreté et son insouciance. Nous sommes en présence d’une très belle pièce dont le mouvement unique est découpé en trois parties vive-lente-vive. Pauline Viardot puise autant son inspiration dans les compositeurs romantiques du XIXe siècle que dans des mouvements folkloriques et les danses traditionnelles.   

    Une célébrité à son époque mais que l’on a oubliée par la suite – son sexe n’y était pas pour rien !

    La Sonatine de Claude Arrieu a été, comme nous le disions, composée pour flûte et piano au lendemain de la seconde guerre mondiale. Nous sommes dans une facture néo-classique typique des années 30. La compositrice a choisi une forme tout aussi classique, vive-lente-vive (Allegro, Andantino et Presto). Il semble que le morceau balance entre classicisme et modernité. Il y a une grande simplicité dans ces trois mouvements brefs, inférieurs à 3 minutes et dans lesquelles s’écoutent les influences, notamment, de Debussy et de Ravel.

    Autre musicienne à l’honneur, Clémence de Grandval. Cette femme a particulièrement lutté contre les préjugés. Cantatrice et compositrice, elle s’est faite remarquer dans l’opéra mais aussi dans la musique sacrée. La Valse mélancolique proposé dans cet enregistrement était au départ destiné à la flûte et à la harpe. D’où la légèreté et la transparence du jeu fluide d’Honoré Béjin. À noter que, de son vivant, Clémence de Grandval a reçu le Prix Chartier pour sa musique de chambre. Très musique française, cette jolie valse est l’un des rares et convaincants exemples de sa maîtrise qui a fait dire à Saint-Saëns que ses mélodies "seraient certainement célèbres si leur auteur n'avait le tort, irrémédiable auprès de bien des gens, d'être femme". Injustice, encore.

    Louise Farrenc, née sous Napoléon Ier est la compositrice la plus ancienne de ce programme. Connue pour ses talents de pédagogue et de professeure, elle a, tout comme sa consœur Clémence de Grandval, était récompensée par un Prix Chartier pour sa musique de chambre. On trouve dans l’opus de Yasuko Suzuki et Honoré Béjin ses Variations concertantes sur un air suisse op. 20 d’un beau classicisme, déjà préromantique. Une vraie découverte interprété par une Yasuko Suzuki tout en délicatesse et en espièglerie.

    Deux courtes pièces viennent conclure cet album. Le premier, une Romance sans paroles, titre cher aux Schumann, nous vient de Joséphine Boulay. Aveugle dès son plus jeune âge, la musicienne née à la fin du XIXe siècle trouve très rapidement sa voie dans la musique. Élève de César Franck grâce à qui elle devient une organiste réputée, elle devient professeure au Conservatoire de Paris. Compositrice, elle s’inscrit parfaitement dans ce mouvement de musique française porté par césar Franck, Jules Massenet ou Gabriel Fauré qui ont été ses maîtres. Yasuko Suzuki et Honoré Béjin proposent sa Romance sans paroles néoromantique, mélancolique et non sans modernité. On se laisse porter par cette pièce dans laquelle la passion est teintée de profonde tristesse.  

    Le dernier morceau nous vient de Cécile Chaminade. Il est vrai que l’album est placé sous son auspice. La pièce est relativement courte – un peu moins de cinq minutes. Les Sylvains op. 60A a été au départ composé pour violon et piano. Cela devient un opus pour flûte et piano. Compositrice prolifique (plus de 400 œuvres à son actif), elle se distingue par son style néo-romantique qui a fait son succès lors de ses tournées internationales, même si elle est morte oubliée. On découvre ou redécouvre une artiste attachante, mélodieuse et d’une grande finesse. La flûte y ajoute un magnifique accent onirique.  

    Cécile Chaminade et ses amies et consœurs trouvent dans cet album de quoi faire résonner plus d’une âme. Yasuko Suzuki et Honoré Béjin peuvent en être fiers.

    De Grandval, Canal et Chaminade, L’âme résonnante, Hommage aux compositrices françaises,
    Yasuko Suzuki (flûte) et Honoré Béjin (piano), Indésens Calliope Records, 2024

    https://indesenscalliope.com
    https://www.bs-artist.com/pages/communication

    https://www.yasukosuzuki.com/html/profile_fr.html

    Voir aussi : "Bak et la Belle Époque "
    "Pierre Boulez, le maître au marteau et à la baguette"

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  • Livralbum

    C’est avec un concept album et un livre que Nicolas Fraissinet revient. Son projet musical Joie sauvage se décline en 13 chansons et 13 chapitres de son livre éponyme (éd. Trytons). Chacun de ces chapitres porte le nom des pistes de l’opus et commence avec les paroles de la chanson qui lui correspond. Le musicien et auteur parle d’un "livre de promenade", parfait pour des déambulations poétiques et mentales avec sa bande-son.

    Une sacrée idée, audacieuse et intelligente qui permet de décliner sinon d’approfondir les thèmes de l’artiste franco-suisse. Dans Soleils, l’envie de partir et d’aventure chantée dans l’album devient une soif d’absolus (Chants anciens), de rencontres et d’amour (La demande, C’est comme si…), sans oublier la recherche du sacré (Calydra).

    Grâce un joli titre en forme de calembours poétique – Lierre encore Nicolas Fraissinet se fait combatif dans un pop-rock parlant d’un amour persistant… avec difficulté. Mais ne désespérons pas, ajoute l’auteur dans le recueil Joie sauvage car, en dépit des coups que l’on se donne (Carnivore), la résistance fait partie de notre ADN (Résistantes) tout comme l’espoir d’un autre ailleurs (Urbex) et de lendemains qui chantent... peut-être (La jeune pousse, Après toi).

    Avec le morceau L’Homme Vert, Nicolas Fraissinet se fait onirique. Les sentiments humains se matérialisent dans la nature et dans les forêts (Cantilènes, Les rois couronnés). Le Cerf-paon, superbe poème puissamment évocateur d’un homme aux bois de cerf, est repris sous la forme du visuel gothique du concept-album. Dans le livre, l’auteur explique les "raisons du choix de cette image" : "Est-ce un humain portant des bois de cerf ? / Est-ce un animal portant un manteau ?"  Dans l’autre texte Toujours près de toi, il fait de cet animal anthropomorphique "une figure emblématique de la mythologie européenne" et explique la raison pour laquelle il en a fait son animal totem.

    Dans le morceau Hiver, l’artiste ne fait pas du froid de cette saison quelque chose de triste mais au contraire un moment de repli et d’intimité avec l’être aimé. Sa poésie évoque la blancheur superbe (Opalines, Fleurs blanches), le silence apaisant, l’immobilité (En suspens) et le goût des agrumes de Noël (Mandarines givrées). Hiver encore avec Amours polaires. Si l’enfer est associé au feu et à la chaleur extrême, le paradis ne serait-il pas en hiver ? Nicolas Fraissinet admire les icebergs majestueux (Iceberg). Dans ce chapitre, c’est bien le bonheur, la beauté et l’amour qui sont au cœur de ses propos sur les frimas hivernaux (Il y aura, Je t’aime, Nuages).

    Le paradis ne serait-il pas en hiver ?

    Abattoirs et son chapitre associé se veulent plus sombres. C'est là que l'opus bascule vraiment vers la noirceur. L’auteur y parle de l’environnement, de l’élevage industriel (Abattoirs, Â-ni-M-al-E) ou de la chasse (Lettre au "chasseur-loisir"). Le Cerf-paon refait son apparition, comme le rappel du sens du sacré bafoué (Le trophée) et de la nature blessée (Animal), avec le rappel d’un certain Pythagore, philosophe et mathématicien du VIe s. av. JC ("Tant que les hommes continueront à détruire sans pitié les êtres vivants des règnes inférieurs, ils ne connaîtront ni la santé ni la paix. Tant qu'ils massacreront les animaux, ils s'entretueront. En effet, qui sème le meurtre et la douleur ne peut récolter la joie et l'amour").

    L’Aspic est au cœur d’un chapitre. Il représente le mystère, les combats mais aussi les aspirations profondes d’un animal souvent rejeté (Boire ton corps, Ma dérive). Des aspirations également de l’artiste.

    La poésie de Nicolas Fraissinet frappe par sa puissance d’évocation et sa qualité d’écriture, tant littéraire que musicale (La votive). Le chapitre éponyme est largement concentré au pouvoir des mots et des scansions (Carpe Diem, Rai Mantra). Sans oublier le singulier texte À l’envers, à découvrir grâce au livre.

    Phénix s’écoute comme une confession ("Combien de refuges ai-je traversés sans / Que personne ne vienne m'y trouver ?"). Le chanteur ne s’en montre pas moins combatif qu’il décline en texte écrit dans le poème Sagittaire, "un appel au départ" ou en parlant de son "feu sacré" qui couve en lui (Sol Invictus). Il s’identifie au Marginal et fait de la mythique Sorcière comme son double féminin.

    Dans Loups, Nicolas Fraissinet rêve de "vie sauvage" (les textes Sauvages et Adjectifs). Jean de la Fontaine est convié à cette éloge de la nature (Le loup et le chien) et finalement à celle du loup (À pas de loup), avec fierté car, comme il le chante, "Combien d’entre vous / Auraient pu vivre comme nous / Combien d’entre vous / Auraient survécu / À ces coups ?"

    L’espoir de liberté et de bonheur n’est pas pour autant absent, en dépit des menaces : "Dehors un jour pour moi / La porte s’ouvrira" (le superbe morceau Dehors). Nicolas Fraissinet pleure l’étau qui le serre (L’ombre étroite) comme sa Zoolitude ("Ô liberté douce amère / Répondras-tu à mon appel ?"). Mais, écrit-il, "Viendra le jour / Où tout se révélera" (Viendra le jour) et viendra finalement La délivrance, ce "sentiment qui nous vient tôt le matin".

    L’artiste et poète se fait menaçant mais surtout contemplatif dans le titre et chapitre La grande vague. Il attend de peupler son arche de belles âmes (Mon Arche), admire Les oiseaux ou le ciel orageux (L’orage). Dans un monde menaçant et menacé, Nicolas Fraissinet se voit en nouveau Noé en partance pour l’aventure afin de fuir le déluge dans son arche, son Refuge.

    Alliances vient conclure ce concept album-livre avec un appel désespéré. Contre la fin du monde qu’il voit venir (Minuit moins trois), l’auteur invite chacun à être proche de la nature (Abeille, Totem, Animalité). Après Pythagore, c’est un autre intellectuel antique qui est chanté, Plutarque, qui parlait de "l’intelligence des animaux" (Plutarque avait raison).

    On termine la lecture et l’écoute de ce projet musical avec la sensation d’avoir voyagé dans un univers plus que poétique, fantasmagorique. 

    Nicolas Fraissinet, Joie Sauvage, Trytons / Inouïe Distribution, 2025
    Nicolas Fraissinet, Joie sauvage, éd. Trytons, 2024, 174 p.
    https://www.fraissinet.net
    https://www.facebook.com/Nicolas.Fraissinet
    https://www.instagram.com/nicolas.fraissinet

    Voir aussi : "Pour une dame brune"

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