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À travers "La croisée des chemins", Matthieu Suprin nous offre un regard intimiste et élégant sur les peuples d'Asie. Cette exposition retrace ses pérégrinations en Birmanie, au Cambodge et au Laos.
Un parcours fait de rencontres souvent éphémères, parfois insolites, toujours authentiques.
"Ces images sont un hommage aux hommes et aux femmes qui se sont ouverts à moi, m'ont montré leur visage et fait découvrir un peu de leur vie, avec pudeur, fierté et simplicité. Un acte de vérité et de sincérité qui définit leur beauté."
En 2005 et 2006, le dessinateur et peintre Alex Varenne a accordé une série d’entretiens à Luc Duthil. Ces entretiens ont été retranscrits dans l’ouvrage richement illustré, Alex Varenne, Itinéraire d’un Libertin : une belle entrée en matière pour qui veut découvrir une figure influente de la bande dessinée érotique, mais également un peintre attachant.
Alex Varenne, personnage atypique et passionnant, a laissé sa patte reconnaissable entre toutes dans un genre peu connu, quand il n'est pas – injustement – dénigré : la bande dessinée érotique, un paradoxe à notre époque où la pornographie est accessible partout avec l’Internet !
Alex Varenne excelle dans ces planches au noir et blanc élégant, dans ses dessins aux traits précis, dans ses visages délicats et dans les corps féminins soignés et mis en valeur. Le corps féminin reste plus que jamais le sujet principal d’Alex Varenne, y compris dans ses peintures les plus récentes, bientôt exposées à Paris à la galerie Art En Transe Gallery (Paris 3e). L’auteur d’Ardeur ou de de la série Erma Jaguar magnifie les femmes avec un sens du détail et de la mise en scène qu’il travaille sans laisser la place au hasard : l’artiste explique qu’il photographie ses modèles dans toutes les positions avant de se mettre au crayon et de les coucher sur papier.
Dans Itinéraire d’un Libertin, Alex Varenne n’omet rien de sa carrière, dont il parle avec passion et avec une rare franchise.
À ses débuts, le futur auteur de La Molécule du Désir est un professeur pour qui la bande dessinée est une activité peu lucrative, en raison notamment de la frilosité des éditeurs. Lorsqu’il entame le premier album de sa série Ardeur, c’est en collaboration avec son frère Daniel Varenne. La collaboration fructueuse donne naissance à un des chefs d’œuvre de la bande dessinée, avant que le scénariste engagé et le dessinateur, qui excelle déjà dans des dessins expressifs (mais aussi des scènes érotiques imposées pour les besoins du récit), ne se brouillent. C’est comme libéré qu’Alex Varenne trouve sa voie dans la bande dessinée érotique, encouragé notamment par Georges Wolinski, avec un passage notable à Charlie Mensuel.
Dans cette confession sans langue de bois, Alex Varenne parle abondamment des femmes qu’il admire, aime et reproduit sans retenue. Il ne cache pas non plus la portée autofictionnelle – pour ne pas dire autobiographique – de ses réalisations. Fantasmes, pulsions, contes, détournements : Alex Varenne explore le sexe sous toutes ses latitudes, en n’établissant, dit-il, qu’une barrière : celle de la morbidité. Ce qui n’empêche pas l’artiste d’avoir traité malicieusement de sujets comme le SM, le bondage ou la nécrophilie !
Intelligemment, le livre d’entretien dépasse le simple portrait d’un dessinateur capital, à la fois libre et libertin. Luc Duthil met également son travail artistique dans la perspective de ses influences : ses confrères de la BD érotique (Milo Manara ou Guido Crepax en premier lieu), mais aussi les peintres américains contemporains du pop art – Roy Liechtenstein, ajouterons ceux qui ont pu admirer ses toiles. Amoureux de l’Asie, Alex Varenne ne cache pas non plus son intérêt pour les estampes japonaises ou pour les mangas. À ce sujet, le livre d’entretiens rappelle qu’Alex Varenne a été sollicité pour proposer aux lecteurs nippons deux ouvrages aux éditions Kodansha – un projet qui fera, hélas, long feu.
Alex Varenne ne manque pas non plus de s’arrêter sur ses albums les plus emblématiques (que Bla Bla Blog abordera d’ailleurs dans les prochaines semaines) : Ardeur,Carré noir sur dames blanches, Angoisse et Colère, Erma Jaguar, Les Larmes du Sexe, Amours fous, Gully Traver ou Yumi - La Molécule du Désir (déjà chroniqué dans cet article : "Le Viagra, en plus efficace et plus drôle").
Sans abandonner la bande dessinée érotique, Alex Varenne s’affirme également dans la peinture, un domaine dans lequel le créateur d’Erma Jaguar excelle : ses thèmes favoris – la femme et l’érotisme – sont déclinés dans des toiles aux aplats colorés, aux personnages saisissants et aux scènes strip-art tour à tour réalistes, oniriques ou mystérieuses. Les femmes de Varenne, "femmes de papier" devenues "femmes de toile", sont peintes amoureusement, sans concession, et parfois avec humour : femmes d’extrême-orient ou de Paris (que le peintre et dessinateur connaît bien), prostituées de nulle part et d’ailleurs, madonnes déshabillées inspirées de la Renaissance, héroïnes fatales, inconnues ordinaires surprises dans l’intimité, dominatrices ou BCBG des quartiers huppées.
On n’ôtera pas à Alex Varenne son combat d’une vie : grâce à la bande dessinée mais aussi la peinture, ce libertin ne nous parle-t-il pas de la liberté, pour toutes les femmes, d’aimer ?