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  • Séries à gogo

    Voilà un hors-série estival qui devrait intéresser pas mal de passionnés de séries télé. Bien entendu, tout le monde ou presque connaît les séries mythiques Breaking Bad, Soprano, Game of Thrones ou, plus loin de nous, Le Prisonnier, La Quatrième Dimension ou Chapeau Melon et Bottes de Cuir. Mais qui a déjà entendu parler de John from Cincinnati (une saison, 2007), la version britannique de House of Cards (une seule saison, 1990) ou encore la comédie satirique Grosse Pointe, supprimée en pleine gloire en 2001, après seulement 17 épisodes ?

    Première propose cet été, dans un hors-série qui ravira les sériephiles – souvent amnésiques – et qui nous rappelle que ce genre très en vogue n’est pas né avec HBO. D’ailleurs, un chapitre ("Old Cool") est consacré à quelques-uns de ces authentiques monuments historiques qui peuvent avoir le goût d’une madeleine de Proust : Automan créé par Glen A. Larson (1983-1984), la série anglaise d’épouvante Thriller (six saisons entre 1973 et 1976) ou Sapphire & Steel (six saisons entre 1979 et 1982), autre création britannique avec Joanna Lumley (une des "madame bottes de cuir") et David McCallul et véritable précurseur de Stranger Things.

    Un certain Steven Spielberg

    Les rédacteurs de Première parviennent à dénicher d’authentiques joyaux autant que des pièces rares de futurs grands réalisateurs et showrunners. Ainsi, durant les trois saisons de Night Gallery (1969-1973), Rod Sterling, le créateur de Twilight Zone, parvient à faire signer un certain Steven Spielberg , 22 ans en 1969. Ce sera Eyes, un épisode avec Joan Crawford. Au début des années 2000, c’est dans Los Angeles : Division Homicide que Michael Mann s’essayait à la série télé. En 2000, l’ancien journaliste David Simon ne sortait de terre qu’une seule saison de The Corner. Une fin sèche mais qui allait annoncer son chef d’œuvre The Wire (Sur Écoute).

    La France fait figure de parent pauvre – à juste titre. Au contraire de la Grande-Bretagne qui a droit à un chapitre consacré ("Ils sont fous ces Anglais"), peu de séries trouvent grâce aux yeux de nos spécialistes : Noires sont les Galaxies (une seule saison en 1981), Au-delà des Murs (une saison franco-belge en 2015) et l’étonnante série autofictionnelle Inside Jamel Comedy Club, créé par Blanche Gardin et Fabrice Éboué en 2009 (une seule saison là aussi). Première a droit à une interview de ces deux artistes surdoué·es qui reviennent sur la genèse et la fabrication étonnante de ce format d’un autre genre.

    J’oubliais une dernière chose importante : le hors-série Première explique comment voir chacune de ses séries, histoire de ne pas sortir complètement frustrés et de se souvenir que dans la vie d’une série seuls les diffuseurs ont droit de vie et de mort sur les plus géniales de ces créations audiovisuelles.

    "Les 100 meilleures séries que vous n’avez pas vues,"
    in Première, hors-série, juillet-août 2018
    http://www.premiere.fr

    Voir aussi :
    "C’est pas de la télé, c’est HBO
    "Une chose venue d’un autre temps"

  • Sortie en 4K Ultra HD de Voyage au Bout de l’Enfer

    L’illustration en couverture de cette chronique parlera à beaucoup de personnes d’entre vous. Elle reprend en dessin une scène culte du film non moins légendaire de Michael Cimino, Voyage au Bout de l’Enfer, datant de 1979. Après une ressorti en salle cette semaine, il sera disponible le 21 août 2018 dans une version restaurée en 4K Ultra HD.

    Lauréat de cinq Oscars® en 1979, dont celui de Meilleur film, Meilleur réalisateur et Meilleur acteur dans un second rôle pour Christopher Walken, Voyage au Bout de l’enfer est largement reconnu comme l’un des grands chefs-d’œuvre du cinéma et renferme quelques-unes des scènes les plus mémorables de l’histoire du 7e art.

    Lorsque Michael (Robert De Niro), Steven (John Savage) et Nick (Christopher Walken) sont capturés par les Viêt-Congs, ils sont forcés de jouer à la roulette russe par leurs cruels geôliers, qui parient sur leur survie.

    L’expérience de la captivité les marque physiquement et mentalement, et lorsque Michael retourne à Saïgon pour honorer la vieille promesse faite à un de ses amis, il fait une découverte aussi terrible qu’inattendue.

    À noter également les extraordinaires performances de Meryl Streep dans le rôle de la femme dont Michael et Nick tombent amoureux, et de John Cazale (Le Parrain, Un après-midi de chien) dans celui de Stan, leur ami fragile et instable.

    Les amoureux du cinéma se précipiteront sur le coffret édité par StudioCanal et Carlotta Films comprenant le film en 4K Ultra UD, le film en Blu-Ray, des suppléments en Blu-Ray avec des interviews du critique David Thomson, de Michael Cimino, de Mickey Rourke, du directeur de la photographie Vilmos Zsigmond et de John Savage, sans oublier un choix de scènes coupées. Le coffret sera complété de la bande originale du film en CD, d’un livret de 64 pages sur la genèse d’un des plus grands films de l’histoire du cinéma et du script original du film, The Man who came to play.

    Un vrai événement pour cinéphile sur un brillant plaidoyer contre les guerres.

    Michael Cimino, Voyage au Bout de l’Enfer, avec Robert De Niro,
    Christopher Walken, Meryl Streep et John Cazale
    En salle depuis le 25 juillet
    StudioCanal / Carlotta Films, en 4K Ultra HD, Blu-Ray, avec la BO en CD,
    3H04, 1979, réédition le 21 août 2018
    http://www.studiocanal.com

  • Une nouvelle nuit à Rome avec toi

    Il y a quelques mois, nous parlions ici-même des deux premiers tomes d’Une Nuit à Rome : l’histoire d’une promesse un peu folle que deux jeunes gens se sont faite durant leur vingtième anniversaire, à savoir passer une nuit à Rome le jour de leur quarante ans. Le deuxième tome se terminait par un épilogue à la fois amer et ouvert.

    Jim a choisi de poursuivre un nouveau cycle en mettant en scène nos deux personnages principaux, Raphaël et Marie, dans la capitale italienne. Là encore, il est question d’une nuit à Rome le jour de leur anniversaire. Cette fois, c’est un Raphaël, beaucoup plus extraverti et moins tourmenté que lors des deux premiers tomes, qui invite son amie d’enfance à le rejoindre. La belle brune résistera-t-elle à ce rendez-vous ?

    À Bla Bla Blog, on adore Jim, le scénariste autant que le dessinateur, pour ses histoires d’amour modernes et d’une grande élégance. Le lecteur suivra avec passion la nouvelle rencontre entre Raphaël et Marie et attendra avec impatience la suite de ce nouveau rendez-vous à travers le temps et l'espace. Un quatrième tome viendra bientôt clôturer ce deuxième cycle.

    Jim, Une Nuit à Rome, livre 3, éd. Bamboo, 2018, 100 p.
    http://jimtehy.blogspot.com

    Voir aussi : "On s’était dit rendez-vous dans vingt ans"
    "Rendez-vous jeudi prochain, même lieu, même heure
    "La débandade"

     

  • Deo gratias pour Bernadette

    Ça va se passer dans pile un an et ce sera (pour l’instant) exclusivement à Lourdes, à l’Espace Robert Hossein. Le sujet ? Bernadette Soubirous – bien entendu. Le projet ? Un musical de Grégoire pour la musique et de Lionel Florence et Patrice Guirao pour les paroles. La mise en scène sera assurée par Serge Denoncourt.

    Bernadette de Lourdes est est le récit des célèbres apparitions de la Vierge Marie à Bernadette Soubirous, adolescente de 14 ans à l’époque des faits. C’est à l’aide des comptes rendus officiels qu’il est possible de reconstituer l’aventure de cette jeune fille et d’en faire un spectacle touchant et fédérateur.

    À l’aide de documents authentiques, les auteurs de ce musical ont reconstitué les rencontres entre Marie-Bernarde, pour l'état-civil, et les personnes qui ont été des témoins privilégiés de ce fait religieux autant que sociétal : le commissaire Jacomet, l’abbé Peyramale, le procureur impérial de Lourdes, Vital Dutour, Louis Veilleux, Mgr Laurence ou les sœurs Tardhivail. Suivant son récit, le spectateur sera transporté du commissariat à la grotte au cachot familial, en passant par le presbytère. C’est avec les mots de Bernadette que se déroule le fil de cette histoire singulière : les relations avec sa famille, sa rencontre avec Marie, sa lutte calme et humble pour défendre son récit auprès des adultes sceptiques.

    L’histoire d’une adolescente comme les autres qui devra tenter d’expliquer une expérience unique et troublante.

    Bernadette de Lourdes, musical de Grégoire,
    sur des paroles de Lionel Florence et Patrice Guirao,
    mise en scène de Serge Denoncourt,
    avec Eyma, Sarah Caillibot, David Ban, Christophe Héraut et Gregory Deck,
    à l’Espace Robert Hossein, Lourdes, à partir du 1er juillet 2019
    https://www.bernadettedelourdes.fr

  • Marseille a fait son cinéma pour la 29ème fois

    La vingt-neuvième édition du Festival International de Cinéma de Marseille (FID) s’est clôturée le 16 juillet dernier. C’est l’occasion de faire le point sur ce rendez-vous devenu incontournable – et pas seulement pour la seule cité phocéenne – et qui avait pour invitée d’honneur Isabelle Huppert. Cette année, 150 films, représentant pas moins de 37 pays sur 5 continents, étaient présentés.

    Le FID, est un festival aux prix nombreux (Grand Prix de la Compétition Internationale, Grand Prix de la Compétition Française, Prix Georges de Beauregard International, Prix Georges de Beauregard National, Prix Premier, Prix du Centre national des arts plastiques, Prix de la Fondation Culturelle Meta, Prix Institut Français de la Critique Internationale en ligne, Prix du Groupement National des Cinémas de Recherche, Prix Renaud Victor, Prix Marseille Espérance, Prix des Lycéens et Prix Air France du public) et s’essaimant aux quatre coins de la ville (le Mucem, la Villa Méditerranée, plusieurs cinémas de la ville, le Théâtre Silvain, la Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur, les mairies des 1er et 7e arrondissements, la Chambre de Commerce et d’Industrie Marseille Provence et plusieurs des salles d’exposition). Un festival exigeant, ouvert et qui n’oublie pas sa vocation à être un moment de rencontres, d’échanges et de formations, via par exemple le programme FIDCampus, les masterclasses (Isabelle Huppert, bien sûr, mais aussi le cinéaste Wang Bing) ou le FID : Art.

    Arrêtons-nous sur deux récompenses de ce FID.

    Deux films récompensés par le Prix Institut français de la critique en ligne

    Le Prix Institut français de la critique en ligne a récompensé le film Porte sans Clef de Pascale Bodet. Une mention spéciale a été attribuée à Derrière nos Yeux de Anton Bialas. Pour la cinquième année consécutive, le Prix Institut français de la critique en ligne dote un film français de la Sélection Officielle des 3 compétitions du FID. Il a été décerné cette année, par un jury international de trois critiques de cinéma en ligne, Nanako Tsukidate, journaliste pour la revue japonaise Nobody Magazine, Frédéric Jaeger, critique et fondateur de la Woche der Kritik à Berlin et Giovanni Marchini Camia, critique et rédacteur fondateur de Fireflies.

    Les deux films primés ont été projetés en avant-première mondiale. 

    Porte sans Clef de Pascale Bodet (réalisatrice, actrice et critique de cinéma) pose le décor d’un appartement parisien, décor de notre temps et de fragments de vies, lieu de circulation de la parole : Une femme héberge quelques amis, mais ne leur confie pas les clefs de son appartement. Sa fenêtre donne sur un camp de migrants. Ses amis vont, viennent.
    Derrière nos yeux d’Anton Bialas, un premier film, fait se succéder les portraits de trois solitaires vivant à la marge, de l’âge adulte en passant par l’adolescence jusqu’à un état semi-enfantin ; un sans-abri performeur, un peintre rêveur et un jeune aveugle vivant dans la forêt.

    Le Festival International de Cinéma de Marseille est un espace et un moment de cinéma hors du commun. Moins bling-bling que son aîné à Cannes mais tout aussi exigeant, le FID entend être une pépinière de nouveaux talents et un lieu d’échanges et de dialogue entre cultures. La 30e édition en 2019 promet déjà.

    Festival International de Cinéma de Marseille, du 10 au 16 juillet 2018
    https://fidmarseille.org

  • Valentina, Martina, Sara, Maria, Eva et les autres

    robin bouchet,roman,romeL’amour est une aventure et une énigme. C’est ainsi que pourrait se résumer en quelques mots la démarche de Robin Bouchet pour son premier roman, Valentina (et autres prénoms en -a), paru chez Hugues Facorat éditions.

    Pierre Noret, le narrateur, un jeune homme désargenté et surtout paumé, choisit de changer d’air à Rome, autant pour fuir quelques jours la vie parisienne à pas cher (il est logé par une bonne copine qui a accepté de l’héberger) que pour vérifier la "théorie selon laquelle les Italiennes étaient des femmes magnifiques." Voilà donc notre Français déambulant parfois dans les lieux touristiques de la capitale italienne et traînant surtout dans des bars romains. Un soir, il croise une jeune femme "stupéfiante et envoûtante, l’idéal féminin." Il hésite à l’aborder ("J’étais paralysé de terreur devant tant de beauté") et est à deux doigts de l’inviter à prendre un verre. Il la recroise le lendemain dans le même bar, puis la perd de vue. Il parvient cependant à trouver son prénom – Valentina – et à transmettre son numéro de téléphone à des amies. Mais Pierre est mû par une obsession qui constituera le cœur de son périple italien. Il doit revoir Valentina : "Je devais la retrouver pour pouvoir être certain de ce que je ressentais… J’avais l’impression d’être pris au piège." La recherche de ce grand amour conduit le narrateur jusqu’à Naples et à Pompéi, à la recherche de cette femme et lui permettant aussi d'en rencontrer d'autres.

    Polar américain à la Raymond Chandler

    Sur une intrigue aussi tenue, Robin Bouchet, malin et trempé d’un solide humour, a choisi de raconter cette histoire à la manière d’un polar américain à la Raymond Chandler. Rien ne manque : un narrateur désabusé et caustique, des jolies poupées, de l’alcool, du tabac, des lieux interlopes, et sans oublier une machine à écrire Remington, utilisée par l’auteur pour écrire son récit dans une jolie mise en abîme. Par contre, ce n’est pas le jazz qui est choisi en guise de BO mais du rock : AC/DC (Hell Ain't a Bad Place to Be), Led Zeppelin (Over The Hills And Far Away), Queens of the Stone Age (You Think I Ain't Worth a Dollar, But I Feel Like a Millionaire), The Doors (Break On Through To the Other Side), Warren Zevon (Life'll Kill Ya) ou Pink Floyd (GoodBye Blue Sky et Coming Back to Life).

    Ce roman grinçant, mélancolique et traversé par des éclairs lumineux, se termine par une fin singulière : l’insaisissable Valentina se révélera sous des traits inattendus, après un voyage italien en forme de un fiasco sentimental. Peut-être l’auteur a-t-il d'ailleurs eu cette citation de Charles Bukowski en écrivant son roman : "J’ai regardé le garçon. Il avait les larmes aux yeux. Tremblait de tous ses membres. Il était amoureux, le pauvre diable."

    Robin Bouchet, Valentina (et autres prénoms en -a),
    éd. Hugues Facorat, 2018, 128 p.

    Page Facebook de Robin Bouchet

    Voir aussi : "Ivre de vers et d’alcool"

    "On s’était dit rendez-vous dans vingt ans"

    "Dans les archives de Philippe Manœuvre"

    © Julia Tasca

  • Pourquoi Ghern mérite (lui aussi) ses deux étoiles

    Ghern vient de sortir son nouvel EP, Fortune, et comme il ne fait jamais comme les autres c'est un six titres que nous offre le chanteur : un six coups, en quelque sorte, qui frappe droit au but. Fortune, mini album ou maxi EP – comme on veut – a l'apparence des œuvres atypiques, comme l'illustre la pochette : le visage en noir et blanc du musicien, auteur, compositeur et interprète, est mangé par deux ballons de baudruche, bleu et jaune, éclatés et abandonnés là. L' illustration décalée annonce la couleur d'un premier opus moins grinçant que poétique. Le titre, d’ailleurs, Fortune, n’est ni plus ni moins que le rappel des vers du romantique oublié Casimir Delavigne : "Ô toi que l'univers adore, Ô toi que maudit l'univers, Fortune" (Les Messéniennes, 1824).

    Musicalement, Ghern prend des chemins de traverse : une bossanova mélancolique (Sauve qui sauve), une chanson pop que n'aurait pas reniée Benjamin Biolay (En finir avec toi), un titre électro pop (Les rochers), un autre plus rock (Hôtel), une ballade sombre et folk (Calavera) et surtout un slam ambitieux qui porte l'empreinte d'un grand artiste (Je pensais venir de l'espace).

    En vérité, Il y a deux étoiles flamboyantes dans cet EP à découvrir : Je pensais venir de l'espace et En finir avec toi. Deux titres étincelants et inoubliables, bien différents mais tout aussi d'airain.

    Il y a deux étoiles flamboyantes dans cet EP

    Dans le premier, soutenu par de sombres nappes électro et d’un chœur extraterrestre, Ghern voyage dans un espace musical planant et poétique : "Je pensais venir de l’espace / Comme la mer / Comme le sable qui recouvre cette ville en forme d’étoile / J’avais jusqu’à ce jour / Écouté mon cœur d’opale / Mon cœur précieux et dur / Et froid / Comme la lune exaltée / Je suis sorti dès les premiers rayons / J’ai marché le long de cette avenue qu’on a voulu parfaite / Avec ces toutes petites maisons serrées les unes contre les autres / Tout était vide. / Au bout tu m’attendais devant l’ancien casino / Je pensais venir de l’espace." Ghern parle de rencontres magnétiques, de la fortune d’un lien indéfectible et de ce qui peut finalement nous perdre : "Quand je t’ai retrouvé à bout de souffle j’allais me jeter sur toi comme de l’huile sur un feu."

    Puisque les plus belles chansons sont celles qui finissent mal on reçoit comme un uppercut le road-movie musical qu'est le formidable titre pop En finir avec toi. De sa voix triste et usée, Ghern déroule un voyage intérieur plein de souvenirs autour d'une femme qu'il a aimé et qui l'a quitté :"C’est vrai qu’on roule vite / Vite sur la longue route à fond / J’avais baissé les vitres tu t’étais collée à moi / Dépassé les camions / C’était comme battre nos démons / Je m’en suis fait sept à la suite / Alors que tu dormais déjà / On avait pris la fuite / Fuite au beau milieu de l’été / Hors du monde qui s’agite / Et devient fou parfois / T’as mis fort cette chanson / C’était pour fixer l’horizon / Ce vieux tube d'autrefois / Jamais je ne pourrai je crois / en finir avec toi." Il y est question de promesses non-tenues, de la nostalgie pour un amour disparu et, toujours, de ce passé qui ne passe pas.

    Fortune brille de ces deux étoiles, deux joyaux qui méritent que l’on s’arrête sur Ghern – et qu’on le suive.

    Ghern, Fortune, EP, Phonomagic, sorti le 8 juin 2018
    http://www.ghern.com

  • À pleines dents

    Question : quel film de Steven Speilberg, classé comme l’un des 100 meilleurs films de l’histoire du cinéma par l’American Film Institute, le réalisateur américain tenta-t-il de faire retirer, au motif qu’il ne le sentait pas digne d’y figurer ? E.T. l'extra-terrestre ? La Couleur pourpre ? La Liste de Schindler ? Vous n’y êtes pas. Le long-métrage mythique et adulé que Spielberg considère comme une œuvre traumatisante est Jaws, sorti en France sous le titre des Dents de la Mer au cœur de l’été 1975.

    François Grelet signe dans le magazine Première Classics un article solide et bien documenté ("Le jeune homme et la mer") sur ce film qui marqué l’histoire du cinéma, en même temps qu’il a inventé le concept du blockbuster. C’est peu de dire que l’auteur de la saga Indiana Jones n’assume toujours pas un film qui a définitivement lancé le jeune réalisateur sur une voie royale, après Duel (1971) puis le flop de Sugarland Express (1974) : "L’ex wonder-boy a continué malgré tout d’entretenir un rapport quasi traumatique à son premier succès comme s’il avait voulu le rayer de sa mémoire."

    Il est vrai que le tournage des Dents de la Mer a été en soi une aventure infernale, commencée dans les couloirs d’une maison de production, la Zanuck/Brown Company, tout juste auréolée du succès de L’Arnaque (avec Robert Redford et Paul Newman) et qui mise en 1974 sur un certain Steven Spielberg, mais dont la sortie de Sugerland Express n’a pas eu le succès escompté, loin s'en faut. Or, voilà qu’un roman atterrit dans les bureaux des producteurs : Jaws (Mâchoires) de Peter Benchley. Les droits ont été achetés mais le film s’avère "infaisable" (nous sommes à des lieues des effets spéciaux d’aujourd’hui).

    Pour Speilberg, ce challenge est excitant et bientôt le roman donne naissance à un premier scénario. La réécriture sera intensive, nous apprend François Grelet, avec plusieurs plumes s’acharnant à donner vie au requin tueur, malgré un roman qualifié de "sombre merde mal écrite" d’après Robert Shaw en personne, celui-là même qui endossera finalement le rôle de Quint, le chasseur de requins. Quelques noms étaient pressentis pour tenir le rôle du shérif Brody – Charlton Heston et Robert Duvall – mais c’est finalement Roy Scheider qui sera choisi.

    "Sombre merde mal écrite"

    Impossible de parler du tournage de Jaws sans s’arrêter sur le requin, qui sera l’un des personnages principaux de l’histoire. Comment montrer de la manière la plus réaliste la bête, alors que les effets numériques n’existent pas à l’époque ? Ramener un authentique squale de sept mètres dans les eaux américaines ? Filmer un animal depuis une cage minuscule avec un cascadeur de moins d’un mètre cinquante ? (sic) Spielberg choisit finalement les effets spéciaux et la construction d’un requin mécanique construit Bob Mattey, le concepteur du Nautilus pour le 20 000 Lieues sous les Mers de Richard Fleischer (1954). Un engin qui coûtera 600 000 dollars et qui ne fonctionnera qu’épisodiquement.

    François Grelet décrit un tournage cauchemardesque sur l’île de Martha’s Vineyard, au sud de Boston : entre les régates estivales qui gênent les prises de vue, les critiques de Richard Dreyfuss pour un réalisateur encore novice de 25 ans, un budget qui a triplé, un tournage interminable et surtout les dysfonctionnements à répétition de "Bruce", le surnom du capricieux requin.

    Jaws ne sera un film catastrophe que s’il ne rapporte pas d’argent, se lamente Spielberg au moment de la sortie du film. Sauf que les idées géniales du réalisateur, les astuces scénaristiques du film mais aussi la musique du film, avec  les deux notes de musique les plus terrifiantes de l'histoire du cinéma, vont faire des Dents de la Mer un triomphe hors du commun : 250 millions de dollars aux Etats-Unis et 450 millions dans le monde. Du jamais vu. Ce pur film de divertissement parviendra jusqu’aux Oscars, mais sans décrocher toutefois la récompense du meilleur film (attribué cette année-là à 1976 : Vol au-dessus d'un nid de coucou de Miloš Forman). Spielberg concourt la même année que Stanley Kubrick et son Barry Lyndon.

    Après avoir lu ce focus sur Jaws, il ne reste plus qu’à voir et revoir l’histoire de l’animal le plus célèbre de l’histoire du cinéma, mis en image par Spielberg et en musique par John Williams. Ta ta… Ta ta... Ta ta ta ta ta ta ta...

    François Grelet, "Le jeune homme et la mer", in Première Classics, juillet-septembre 2018
    Steven Spielbert, Les Dents de la Mer, avec Roy Scheider, Robert Shaw, Richard Dreyfuss, Lorraine Gary et Murray Hamilton, Universal Pictures France, 1975, 2004, DVD, 120 mn

    Voir aussi : "Les deux notes de musique les plus terrifiantes de l'histoire, au Grand Rex"