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C’est une retrouvaille que propose Bla Bla Blog. Celle avec Sarah Mikovski. Et on a bien fait d’attendre.
La chanteuse est de retour avec "Le pôle nord", un single arrangé par David Donatien (l'arrangeur de Yael Naim). La qualité de ce nouveau titre saute aux oreilles de l’auditeur qui y écoutera avec émotion le récit d’un amour disparu.
Dans le clip, Sarah Mikovski plonge "dans les périlleuses glaces du remords". Cette fin du monde sentimentale, chantée sans pathos et avec une voix veloutée et délicate, vient singulièrement en résonance avec des considérations planétaires et universelles.
On gardera longtemps en mémoire les mots interprétés par Sarah Mikovski sur cet immense regret amoureux : "À quoi bon vivre en ce monde / Sans personne à mes côtés / Je n’ai pas eu la sagesse de te garder / Je n’ai pas eu la faiblesse de t’oublier".
L’Espagne propose en ce moment sur Netflix un étonnant thriller,Les Lignes courbes de Dieu, nommé, de l’autre côté des Pyrénées, pour les Goyas – l’équivalent des Césars – notamment dans les catégories "meilleur scénario adapté" et "meilleure actrice".
Alice Gould rejoint un impressionnant hôpital psychiatrique pour y être internée. Il s’agit en réalité d’une mystification, car Alice est une détective privée chargée d’enquêter sur le meurtre d’un patient de cet asile. Bientôt, voilà Alice au milieu de fous et de folles (ces fameuses "lignes courbes de Dieu", comme le dit poétiquement le titre), à la recherche d’explications sur la mort de Damian, un étrange détenu.
Elle ne peut compter sur personne, pas même sur le personnel médical et son inquiétant directeur.
Il faut aussi souligner l’arrière-plan historique, qui a évidemment tout son sens
Une détective enquêtant dans un asile psychiatrique. Voilà qui fait inévitablement penser au chef-d'œuvre de Martin Scorcese, Shutter Island. La comparaison s’arrête (presque) là. Bárbara Lennie enfile le costume de détective privée, en prenant toute une palette de jeux : enquêtrice pugnace, victime innocente, femme fatale, (fausse) folle parmi les fous. D’ailleurs, la question se pose : et si Alice était réellement malade ?
Outre l’intrigue, parmi les intérêts du film il faut souligner la réalisation soignée, les cadrages impeccables, les moments fluides de la caméra, les reconstitutions (costumes, coiffures, voitures, accessoires), mais aussi les effets visuels – que l’on pense à la série de flash-back, avec une Alice dédoublée, voire détriplée.
Il faut aussi souligner l’arrière-plan historique, qui a évidemment tout son sens. Nous sommes en 1979, quelques années après la mort du dictateur Franco. L’Espagne fait sa mue pour devenir une démocratie et une monarchie républicaine. Comme si la folie des quarante ans du Franquisme se reflétait sur ces zinzins de l’hôpital psychiatrique.
Au terme du visionnage du film, on ne peut qu’inviter le spectateur à se rendre sur Internet (par exemple, ici) afin de découvrir les multiples interprétations et commentaires sur ce film diablement malin. Ici comme ailleurs, rien n’est simple.
L’album consacré à la Salomé de Florent Schmitt est précédé d’une autre œuvre, Loïe, de Fabien Touchard, un hommage à la danseuse et chorégraphe américaine Loïe Fuller, dont la modernité et le travail sur les voiles lui a permis d’incarner une Salomé légendaire dans l’œuvre de Florent Schmitt.
Commençons donc par parler de cette Loïe, une œuvre de 2021 pour flûte et électroacoustique. Dans cette création de musique contemporaine, une place importante est laissée au silence ("Prologue") et aux vibrations mêlant le son acoustique de la flûte, comme venu des âges lointains et des percussions. Dans le deuxième mouvement de Loïe, modernité, classicisme et archaïsme se mêlent dans des élans tour à tour primaires, malheriens, avec une énergie brute semblant venir d’une chamane habitée. Le mouvement renvoie l'auditeur aux inventions sonores d'Igor Stravinski dans L'Oiseau de feu. Assurément, Fabien Touchard est un nom qu'il faudra retenir.
Restons au XXe siècle avec l’œuvre principale de cet album, la pièce La Tragédie de Salomé, opus 50, de Florent Schmitt, composée en 1907 et pour laquelle Loïe Fuller a dansé sur scène, au service de ce rôle des plus sulfureux. On a quelque peu oublié ce compositeur, figure pourtant importante de la musique classique du XXe siècle, à l'instar de Fauré, Ravel ou Saint-Saëns.
La délicatesse et les mouvements soyeux et élégants éclatent dans ce drame muet en deux actes et sept tableaux mettant en musique un épisode du Nouveau Testament. Le travail mélodique apparaît presque comme un pied-de-nez et un défi, alors que les premières années du XXe siècle voyaient la musique s'ébrouer et revisiter ses fondamentaux (Schoenberg, Satie et – nous en parlions – Stravinski).
Salomé fait se rencontrer la séduction et le sexe avec la peur et la mort
Après un "Prélude" à la longueur singulière (plus de neuf minutes), le deuxième tableau fait le choix de l'expressivité. On imagine aisément les danseurs et danseuses – et en premier lieu Salomé/Loïe Fuller – évoluer sur scène. Le terme de musique de ballet prend tout son sens, d'autant plus qu'elle est servie par un orchestre - Les Apaches!- dirigé avec fraîcheur et nuance par Julien Masmondet.
Parler d'accent orientalisant n'est pas absurde si l'on parle d'une œuvre se déroulant autour du bassin méditerranéen et moyen-oriental. Rappelons que l'œuvre date des premières années du XXe siècle, à une époque où le colonialisme était triomphant. Florent Schmitt n'oublie pas ces respirations bienvenues ("Troisième tableau", les quatre préludes, "Les enchantements de la mer") entre des morceaux de bravoure non dénuées de sensualité ("Danse des perles"). Quelle autre personne légendaire n'est aussi attaché à la chorégraphie que, précisément, Salomé ? C'est là que le compositeur français se montre le plus inspiré, à dessein. Fidèle à l’histoire légendaire, Florent Schmitt égraine les danses comme la fatale Salomé dans son strip-tease diabolique : à la romantique "Danse des perles", succède une luxuriante et orientalisante "Danse du paon", une "Danse du serpent" tentatrice à souhait (rappelons que nous sommes dans un épisode biblique) et une "Danse de l’acier" mêlant sensualité, mystère et puissance.
Floerent Schmitt a fait le choix singulier d’attendre la fin de son œuvre – le "Chant d’Aïea" – pour faire intervenir la voix humaine, envoûtante et surnaturelle mélopée d’un peu plus de deux minutes. L’air est interprété par la soprano Sandrine Buendia dans cet enregistrement capté au Théâtre de l’Athénée-Louis-Jouvet en décembre 2021.
La Tragédie de Salomé se termine par les deux dernières danses, la "Danse des Éclairs" et la "Danse de l’Effroi", moins sensuelles que glaçantes et mortifères. Salomé fait se rencontrer la séduction et le sexe avec la peur et la mort pour cette mise en musique et en ballet d'un personnage secondaire de la Bible devenu un mythe.
Les Arcanes de la Maison Fleury mérite de figurer parmi les sagas de bande dessinée les plus étonnantes, les plus envoûtantes et les plus épicées de ces dernières années. Les éditions Tabou proposent une adaptation française de cette BD érotico-policière venue tout droit d'Italie. Gabriele Di Caro en est l'auteur pour le scénario et le dessin.
Nous sommes à Londres au XIXe siècle, sous le règne de Victoria. La capitale anglaise est encore traumatisée par les crimes de Jack L’Éventreur lorsque survient une série de meurtres tout aussi atroces et perverses, et dont les victimes sont - là encore - des femmes. Le commissaire Barnes, secondé par l'inspecteur Reid, sont chargés de l'enquête. L'identité d'une victime les conduit au cœur d'une maison close tenue par Madame Fleury.
L'établissement est renommé. Les femmes qui y logent se prostituent pour la bonne société. Une pensionnaire sort du lot. Elle se nomme Pearl et est étrangement isolée et "préservée". Elle intéresse le commissaire Pearl car elle a visiblement bien connu l'une des victimes du tueur en série. L'enquête commence alors que le bordel de Madame Fleury continue cahin-caha son commerce sulfureux. Entre en jeu un photographe qui propose un singulier marché à la tenancière, mais aussi à Pearl : faire des photos érotiques de celle-ci.
Un récit où se mêlent sexe et violence, magie et sorcellerie, crimes et utopie, violences masculines et désirs d’émancipations féminines
De multiples rebondissements attendent le lecteur des Arcanes de la Maison Fleury tout au long des trois tomes de la saga : crimes pervers, suspects (trop) évidents, fausses pistes, génies du mal, secrets intimes et paranormal. Gabriele Di Caro déploie un récit aux multiples ficelles sur fond de complots, mais aussi de sexe et d'érotisme.
Le dessin assez classique de Di Caro lui permet d'entrer dans l'intimité de la maison close, sans rien cacher des ébats qui y ont lieu, et sans taire non plus le sordide de ces établissements particulièrement prisés par la bonne société.
L'enquête policière et l'univers victorien renverront au fait divers et au serial killer le plus connu du monde – et aussi le plus mystérieux : Jack L’Éventreur. Mais c'est pour mieux s'en éloigner en proposant un récit où se mêlent sexe et violence, magie et sorcellerie, crimes et utopie, violences masculines et désirs d’émancipations féminines.
Il faut aller jusqu'au troisième tome, sorti en ce début d'année, pour connaître le fin mot de l'histoire, avec deux figures qui sortent du lot : l'étrange et fascinante Pearl et un modeste boulanger muet, à qui l'auteur réserve un destin inattendu.
Gabriele Di Caro, Les Arcanes de la Maison Fleury, tome 1, Le Rossignol, éd. Tabou, 2021, 56 p. Gabriele Di Caro, Les Arcanes de la Maison Fleury, tome 2, Les Coulisses, éd. Tabou, 2022, 56 p. Gabriele Di Caro, Les Arcanes de la Maison Fleury, tome 3, Utopie, éd. Tabou, 2023, 56 p. Traduction de Claire Nyman http://www.tabou-editions.com/fr
L'album mythique Thriller de Michael Jackson fête en ce moment ses quarante ans. Il s’agit de l'album des superlatifs : 66 millions d'exemplaires vendus, 32 fois disque de platine, 37 semaines à la première place du classement du magazine Billboard, sept des neuf chansons de l'album sont sortis en single et sont tous entrés à l’époque dans le Top 10 du Billboard Hot 100N. Et c’est sans compter des clips légendaires : "Beat It", "Billie Jean" et bien entendu "Thriller". Voilà qui méritait largement une réédition pour les 40 ans de la sortie de l'album.
Gros coup de nostalgie avec ce deuxième album solo de Michael Jackson et qui nous rappelle à quel point le "roi de la pop" a su profondément renouveler un genre musical pour lui donner ses lettres de noblesse. Que l’on pense à "Wanna Be Startin' Somethin'" à la pop déjà urbaine et non sans accents de world music. Quant au funk de "Baby Be Mine", il est rehaussé de nouveaux sons venus d’un genre (presque) naissant : l'électronique, également présent dans le moins connu "P.Y.T. (Pretty Young Thing)".
Lorsque la pop est souriante, efficace et pas forcément géniale ("Human Nature" ou le slow "The Lady In My Life"), elle finit tout de même par devenir légendaire lorsque Michael Jackson s'offre le luxe du featuring – à l'époque où le terme n'était pas galvaudé – de l'ex-Beatles, Paul McCartney.
En parlant de featuring mémorable, il fait parler de celui de Vincent Price, la voix d'outre-tombe de "Thriller". La petite histoire et les témoignages post-mortem racontent que le roi de la pop n'était pas trop regardant sur le droit de la propriété intellectuelle et morale et que l'ex-interprète de Dracula s'en trouva fort marri. Mais passons sur cette considération juridique et préférons écouter ce fameux "Thriller", cauchemar en même temps que délice musical. Ce chef-d'œuvre intemporel a été en outre magnifié par un clip de près de quatorze minutes, réalisé par John Landis. Un authentique court-métrage sans effet numérique – nous sommes au début des années 80 – mais sentant les effets spéciaux analogiques dignes des meilleurs films d'horreur et la sueur de danseurs – dont le chanteur en personne – grimés en zombies.
"Thriller", cauchemar en même temps que délice musical, magnifié par un clip de près de quatorze minutes
L’autre featuring à évoquer est celui d'Eddie Van Hallen, forcément incroyable avec cette guitare qui a contribué à faire entrer le titre "Beat It" dans la légende du rock. Et ne parlons pas du clip réalisé par Bob Giraldi. Impossible non plus de ne pas parler de "Billie Jean" : à la scansion inimitable, à la mélodie irrésistible et au son toujours entre la justesse et la sophistication. Le clip, tout aussi mémorable, est de Steve Barron.
Les neuf titres du célèbre album, dont l'auditeur redécouvre la profondeur du son et la subtilité des arrangements, sont agrémentées pour cette réédition 2022 du 40e anniversaire de dix titres inédits. De vraies curiosités, plus que des morceaux de bravoure, et qui prouvent que Michael Jackson choisissait avec soin les morceaux qu’il allait dévoiler.
Arrêtons-nous tout de même sur quelques-uns de ces titres, à commencer par "Starlight", une revisite lumineuse du sombre "Thriller". Côté pile et côté face.
Les démos du "roi de la pop" peuvent s’écouter comme les trouvailles d’un créateur dingue jamais repu de recherches musicales et rythmiques, souvent franchement abouties ("Got The Hots"), lorsqu’elles ne sont pas joyeuses et étonnantes ("Behind The Mask"). On est là au cœur des années 80, comme nous le rappellent les slow langoureux et sexy, "Who Do You Know" et "Carrousel".
Maître de la pop, Michael Jackson a su marquer de son empreinte la funk, sur le déclin au début de cette décennie mémorable. C’est ce que nous montrent le nerveux et dansant "Can’t Get Outta The Rain" ou le morceau "Sunset Driver" qui avait largement sa place dans le Thriller définitif. L’auditeur pourra d’ailleurs se demander, à l’écoute du bonus, ce qui a conduit à écarter tel ou tel titre, à l’image du séduisant et amoureux morceau "The Toy".
D’autres morceaux sont restituées "dans leur jus", à l’instar de "What A Lovely Way To Go" ou, à moindre égard, de "She’s Trouble". On n’ose imaginer ce que l’auteur de Thriller aurait fait de ces diamants purs.
La nuit du 12est le film français à retenir pour l’année 2022. L’Académie des Césars ne s’y est pas trompée il y a quelques jours : elle en a fait le grand gagnant avec six Césars, dont celui du meilleur film, du meilleur réalisateur, de la meilleure adaptation, sans compter deux Césars pour respectivement Bouli Lanners (meilleur second rôle) et le formidable Bastien Bouillon (meilleur espoir masculin).
Dans le somptueux paysage de la Vallée de la Maurienne, Clara, une jeune femme sortant d’une soirée entre copines, est agressée à quelques pas de la maison de ses parents. Son corps est retrouvé brûlé. Une enquête commence, menée par Yohan Vivès, de la Police Judiciaire de Grenoble. Les suspects – principalement des ex de la victime – se succèdent, mais l’enquête patine. Qui a supplicié et assassiné Clara ?
Un film magistral qui interroge
Une enquête policière sur un crime, hélas, devenu banal. Sur ce scénario, basé sur un roman et surtout un fait divers authentique, Dominik Moll (Harry, un ami qui vous veut du bien, Seules les bêtes) construit un film magistral qui interroge.
C’est une équipe d’homme qui mène l’enquête, des hommes littéralement bousculés par cette histoire de féminicide. Alors que Yohan et Marceau sont bouleversés – pour des raisons différentes – par la mort violente de cette femme, certains propos renvoient à des idées reçues, pourtant vite balayées ("Elle l’a bien cherché…").
Deux femmes apparaissent dans les vingt dernières minutes, la jeune policière Nadia (Mouna Soualem) et la juge d’instruction (Anouk Grinberg). Elles vont revivifier l’enquête, paradoxalement en ôtant la large part d’affect de ce féminicide. Évidemment, impossible de parler de la conclusion du film, qui aura mené le spectateur et la spectatrice vers un drame indicible et bouleversant.