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Dans ce court et magnifique roman japonais, Nobu, le narrateur, responsable d’une école du soir, reçoit la visite d’un ancien élève de son père.
Cette visite lui est autant douloureuse qu’intrigante puisque ce dernier s’est suicidé des années plus tôt après avoir indirectement provoqué la mort d’un de ses anciens étudiants.
De lourds secrets vont se dévoiler, sous le signe des libellules ("tonbo" en japonais).
Écriture épurée et raffinée, portraits soignés de personnages, sens de la narration : une belle réussite pour ce roman admirable que je vous conseille vivement !
C’est une création majestueuse qui nous est proposée, via la pianiste Caroline Fauchet. Yves Levêque la dirige, ainsi que l'Orchestre Colonne, pour son Concerto en do mineur, surnommé "Ariana". Cette œuvre, enregistrée en création mondiale en novembre 2022 à la Salle Colonne, a remporté les premiers prix aux concours internationaux "World Classical Music Awards", "World Grand Prix Music Contest", "Royale Music Compétition", "Royal Sound Music Compétition", "Franz Schubert International Music Compétition" et le "World Online Music Competition". N’en jetez plus ! Voilà qui est en tout cas un indice que nous avons à faire à une œuvre contemporaine qui a toutes les chances de rester dans les annales. Ajoutons aussi qu’au départ de ce concerto, il y a une série télévisée pour lequel Yves Levêque avait composé en 2019 un court générique.
Ariana s’inscrit dans une veine néo-romantique, marchant avec audace sur les pas de Rachmaninov. Le premier mouvement "Allegro molto moderato" est d’une puissance incroyable, servie par le jeu virtuose de Caroline Fauchet. Le souffle slave est indéniable dans ce qui s’apparente au portrait musical d’une Ariana rêvée. Est-elle russe, slave, orientale ou française ? L’auditeur pourra s’en faire son idée.
On s’attendait pour cette création néo-classique à un deuxième mouvement adagio ? On l’a.
On s’attendait pour cette création néo-classique à un deuxième mouvement adagio ? On l’a, et c’est même un "Adagio Sostenudo". Ce mouvement s’étire avec grâce et une suavité toute mélancolique, servi par une pianiste décidément au diapason. Les cordes vibrent comme jamais, comme aux grandes heures compositeurs russes romantiques. C’est une respiration aux teintes orientales que nous propose Yves Levêque et l’Orchestre Colonne.
Un "Allegro Scherzando" vient compléter le concerto pour piano. Très "musique française" – on pense à Ravel et Saint-Saëns – Yves Levêque propose une partie comme apaisée, mais non sans couleurs. Le piano de Caroline Fauchet se fait plus subtile encore. L’œuvre devient également ici contemporaine, avec ces rythmes mystérieux, et presque primaires. L’auditeur notera par ailleurs l’équilibre dans la composition de cet allegro tout aussi puissant que le premier mouvement. Les cordes font là aussi merveille, sans que jamais le piano de Caroline Fauchet s’efface ou ne soit au contraire écrasé par l’ensemble Colonne. Il prend même le lead dans la toute dernière partie du mouvement, avec une grâce mêlée de joie de vivre et de lyrisme, concluant avec conviction ce que le compositeur nomme "une fresque musicale tonale".
C’est une œuvre classique qui vient compléter l’album, comme pour rappeler l’une des influences d’Yves Levêque. Honneur donc à César Franck, avec une œuvre tardive, son Prélude, Choral et Fugue composé en 1884 et que Caroline Fauchet, de nouveau, interprète avec passion. Le premier Prélude Moderato se déploie sur une délicate ligne mélodique romantique. Le Prélude est suivi d’un Choral à la solennité évidente, pour ne pas dire au mysticisme. Le style classique français est à l’honneur dans ce sens de l’équilibre et de la retenue. La surprise vient sans doute pour l’auditeur de la Fugue. César Franck suit ici les pas de Jean-Sébastien Bach, tout en y ajoutant sa modernité et les derniers échos du mouvement romantique. Vraiment éclatant.
La barre était haute. Et même doublement haute. Presque vingt ans après l’adaptation par Tim Burton de Charlie et la Chocolaterie, le chef d’œuvre de Roald Dahl, on se demandait ce que donnerait ce Wonka, le préquel laissant tomber le jeune Charlie pour préférer se concentrer sur le chocolatier génial autant que doux-dingue.
Le film commence par l’arrivée dans une ville imaginaire, à mi-chemin entre Paris et Londres, du jeune Wonka, bien destiné à faire fortune grâce à ses recettes inouïes de chocolat et quelques souverains en poche dont il est vite "libéré" dès ses premiers pas sur le vieux continent. Qu’importe : il se donne vingt-quatre heures pour damer le pion à trois hommes d’affaires influents qui ont mis la main sur le marché du chocolat grâce à un trust bien sûr illégal.
Le challenge du jeune homme s’avère d’autant plus coriace qu’une aubergiste le retient prisonnier suite à une malencontreuse signature sur un contrat. Noodle, une jeune fille captive comme lui, s’allie avec Wonka pour qu’il se libère autant qu’il parvienne à réaliser son rêve.
Un Wonka brillant, virevoltant, rêveur, enthousiaste, en un mot génial
Tim Burton avait déjà mis la barre très haut, avec son Charlie et la Chocolaterie et un Wonka incroyable interprété par Johnny Depp. Qu’allait donner ce préquel ? Paul King a trouvé avec la jeune star Timothée Chalamet un Wonka brillant, virevoltant, rêveur, enthousiaste, en un mot génial – comme le chocolatier lui-même.
La magie est à chaque coin de rue dans ce film d’une poésie incroyable. Magie des recettes du chocolatier. Magie de la boutique qu’il ouvre, même si les choses ne vont pas se passer comme il veut. Nous sommes dans une histoire mêlant l’histoire d’une ambition, la recherche de l’amour maternelle, la lutte contre le mal (avec mention spéciale aux escrocs Scrubitt et Bleacher) et bien sûr beaucoup de chocolat, dans des recettes évidemment infaisables.
Tout cela est coloré par de la musique, des danses et des scènes féeriques, à l’instar de la fuite du zoo, qui promet de rester dans les annales.
Un Wonka brillant qui parvient même à concurrencer, voire dépasser, le film de Tim Burton.
Wonka, film fantastique américain de Paul King, avec Timothée Chalamet, Calah Lane, Hugh Grant, Keegan-Michael Key et Paterson Joseph, 2023, 116 mn
C’est aussi bien le clip que la chanson qui attirent l’œil dans le nouveau titre de Lucie Valentine, Il y a la mer. Il s’agit du premier de son EP prévu pour 2024, avec un clip tourné à la Côte d'Opale.
La chanteuse belge Lucie Valentine y parle des moments de douleur, de grande solitude, du sentiment d’oppression et de la mer, élément puissant mais aussi vivifiant : "Il y a la mer quand le temps de l’amour est éphémère / Il y a la mer quand la maladie dégénère".
"Ce premier morceau d'un nouveau cycle symbolise pour moi un désir infini de renaissance après les tempêtes de la vie, un recommencement perpétuel au rythme du va et vient des vagues à l'âme" confie l’artiste. Bouleversant.
Les Cramés de la Bobine présentent à l'Alticiné de Montargis le film La Zone d’intérêt. Il sera visible du 15 au 20 février 2024. Soirée débat le lundi 20 février à 20h30.
Le commandant d’Auschwitz, Rudolf Höss, et sa femme Hedwig s’efforcent de construire une vie de rêve pour leur famille dans une maison avec jardin à côté du camp.
Le couple : cette "grande aventure de notre temps". Comment penser la vie à deux ? Comment y faire face ? Le couple est-il un concept daté dans notre société hyperconnectée et parfois perdue en raison de sollicitations et d’injonctions à l’épanouissement de soi sans les autres et sans l’autre.
Les Clés de l'Intelligence amoureuse de Florentine d'Aulnois Wang est devenu un best-seller depuis sa sortie en 2018. Les éditions Larousse proposent, en ce début d’année, une édition augmentée pour celles et ceux qui seraient sortis à côté de cet essai prenant parfois à contre-pied les idées toutes faites sur le couple, qu’il soit hétéro ou non.
Trois parties constitue cet essai qui propose aussi, dans sa dernières section, des "principes" et des "rituels". L’auteure invite le lecteur à se munir d’un crayon pendant la lecture de son ouvrage pour faire quelques exercices afin d’y voir plus clair dans sa situation de couple.
Le livre de Florentine d'Aulnois Wang est salutaire, dans la mesure où il pointe le profond désarroi que l’on peut ressentir dans un monde libre et hyperconnecté, avec des injonctions venus de toute part, des écrans omniprésents, "un monde qui prône l’épanouissement personnel", des couples qui ne sont plus créés selon des contingences extérieures mais par amour, et en même temps l’absence de transmissions, de règles ou d’écoles. "Bravement, tous et chacun, nous avançons, composons, inventons, improvisons. C’est joyeux, délicieux, libre et créatif… mais cela manque parfois de repères, de fil rouge, de recul". Or, comme en témoigne la thérapeute, lorsque les couples viennent la consulter, beaucoup de temps ont été perdus et parfois il est même trop tard.
Psycatrices
Florentine d'Aulnois Wang se réjouit de voir que notre liberté de vivre à deux, avec qui nous voulons, est une chance. Une chance qui ne doit cependant pas faire oublier qu’il existe des obstacles : "Nous avons été bernés par les légendes populaires ! Le conte ou le film s’arrête lorsque le héros et l’héroïne se retrouvent enfin (…), nous laissant entendre que les épreuves sont terminées une fois le couple créé. Intox magistrale : elles ne font que continuer, mais à deux, et parfois l’un contre l’autre…"
ne première vérité, centrale, fondamentale et bienvenue, met à mal un préconçu : Il faudrait "« travailler sur soi-même » avant de tomber amoureux". Faux ! s’insurge la spécialiste : "C’est la double peine". Le couple apparaît au contraire comme une belle et formidable aventure, souvent compliquée, dans lequel le mal-être souvent venu de l’enfance (le néologisme "psycatrices" revient plusieurs fois dans le livre) peut trouver grâce au regard de l’autre de l’apaisement, voire un début de guérison.
En parlant du couple, c’est aussi à l’individu, à ses souffrances et à ses "psycatrices" que l’autrice s’intéresse. Grâce aux apports de la science mais aussi à son expérience, Florentine d'Aulnois Wang identifie les obstacles à une vie sereine : l’incompréhension, le poids de l’enfance, les non-dits, qu’ils soient conscients ou non, la vie quotidienne usante, le doute et le déficit en intention. Et si nous attendions tout de l’autre sans chercher à apporter ?
La jalousie, le ou la partenaire toxique ou le polyamour forment des parenthèses à une partie fondamentale : celle des saisons du couple, de la période romantique des débuts à celle des crises, inévitable et qui constitue une vraie "aventure"… à deux. "Ils se marièrent et eurent… beaucoup de crises !" Comment y faire face ? Sans doute grâce à ce concept qu’est "l’intelligence amoureuse". "Le pacte de l’Intelligence Amoureuse est de savoir que les vagues arriveront et de décider de ne se lâcher sous aucun prétexte (ou de se rattraper aussi vite que possible)".
Un classique de la science-fiction. Billy Pellerin, opticien et ancien soldat américain survivant des bombardements de Dresde, passe pour un doux illuminé aux yeux de tous.
Mais il a surtout le pouvoir d'effectuer des sauts spatio-temporelles et d'avoir été en contact avec les Tralfamadoriens, un peuple extraterrestre. Ses sauts dans le temps font que passé-présent et futur se confondent, rendant la vie humaine et, par là, la guerre, absurdes.
Un roman très original porté par un des maîtres de la contre-culture américaine.
Le Cambodge, le réalisateur Xavier de Lauzanne le connaît bien. Cinq ans après son film Les Pépites, surprenant succès critique et public en 2016, c’est à la danse de ce pays qu’il s’attaque, un art et une tradition que les Khmers Rouges ont voulu faire disparaître dans les années 70, au nom d’une révolution marxiste délirante. Durant cette période sombre, 90 % des artistes furent exécutés.
Dans son film La Beauté du Geste, proposé en avant-première le 12 février au Musée Guimet à Paris, le réalisateur revient sur l’histoire du Ballet Royal khmer. En 1906, le roi Sisowath vient en visite officielle en France, à l’occasion de l’Exposition coloniale de Marseille. C’est l’occasion pour les Français de découvrir les danseuses de ce lointain pays, se produisant pour la première fois hors du Palais Royal de Phnom Penh.
Le Ballet Royal est invité à se produire dans la capitale, où il croise la route d’Auguste Rodin. L’illustre sculpteur est bouleversé à son tour. Il quitte Paris toutes affaires cessantes afin de suivre les danseuses sur le retour vers Marseille. En quelques jours, il va réaliser près de 150 croquis, cherchant fiévreusement à saisir la beauté et la poésie de cette gestuelle si éloignée de la tradition occidentale. La reconnaissance pour cet art khmer est marquante. Dans son spectacle intitulé Métamorphose, la princesse Norodom Buphha Devi, demi-sœur de l’actuel roi du Cambodge et ancienne danseuse étoile, icône des années 60, s’inspire directement des gestes que Rodin a immortalisés dans ses croquis. Une manière pour elle de renouer avec l’Histoire et de retrouver la quintessence du Ballet royal.
L’art, lui, ne doit jamais mourir
Pourtant, cet art ancestral a failli disparaître durant le sombre règne de Pol Pot et le génocide qu’a connu le peuple cambodgien. Voan Savay, maîtresse de ballet pour la création de Métamorphose, est l’une des rares rescapées. "Je n’avais pas peur de la mort, car ma vie vaut peu de chose. Mais l’art, lui, ne doit jamais mourir", témoigne-t-elle, dans le film de Xavier de Lauzanne.
Il n’était pourtant pas dit qu’un tel art disparaisse à jamais. Peu à peu, presque par miracle, le Ballet Royal revit. En 2008, il est inscrit au patrimoine culturel immatériel mondial de l’Unesco. La Beauté du Geste sera d’ailleurs projeté au siège de cette institution à Paris, le 11 mars prochain. Avant sa diffusion en France, le film est sorti en salles au Cambodge, afin d’y asseoir sa légitimité. Il y a rencontré son public, remportant un succès sans précédent pour un documentaire, notamment auprès des jeunes générations. Un plébiscite qui témoigne de la force de cet héritage et de son rôle dans l’œuvre de résilience.
Du domicile de la princesse, où se déroulent les répétitions, aux premières images de la tournée en France et en Suisse, en 2018, Xavier de Lauzanne suit chaque étape de cette quête exigeante au cours de laquelle se manifeste La Beauté du geste. "À l’opposé de la danse classique telle que nous la connaissons, le Ballet royal est une curiosité à nos yeux. Le film se veut un trait d’union entre la culture cambodgienne et occidentale, tout en cherchant à mieux comprendre la dimension universelle de cet art ancestral. Il décrypte ses gestes, dans leur technicité mais aussi leur signification, montrant le lien intime qui s’est noué entre cette gestuelle et l’histoire du pays", explique le réalisateur.
Plus que le récit d’une renaissance, ce documentaire important témoigne d’une identité nationale retrouvée.