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Haro sur Onfray
Une chose est sûre. Mattieu Lavagna et Michel Onfray ne passerons pas leurs vacances ensemble, comme aurait dit un journaliste sportif. Depuis le temps que le philosophe Michel Onfray truste les plateaux télé et propose sa "bonne parole", il fallait bien que quelques voix discordantes vienne susciter la polémique. C’est le cas avec cette Libre réponse à Michel Onfray proposé par les éditions Artège.
Ce n’est pas un mais plusieurs ouvrages qui intéressent le philosophe et théologien Matthieu Lavagna : Traité d’Athéologie (2005), Décadence, Vie et Mort du Christianisme (2017) et Anima (2023). Le tort de Michel Onfray ? Affirmer que Jésus n’a jamais existé, ni plus ni moins, et que sa vie n’est jamais qu’un mythe. C’est la "thèse mythiste", très ancienne, pour ne pas dire datée. Dès la préface, Matthieu Lavagna cogne, et dur : "Ce qui frappe dans la théorie d’Onfray, condensé de clichés éculés et de raccourcis simplificateurs, s’appuyant sur une bibliographie périmée, vieille d’au moins un siècle, c’est la méconnaissance profonde de l’exégèse moderne". Voilà qui est dit. La conclusion n’est pas moins virulente : Michel Onfray, tout engagé qu’il est pour la laïcité et l’athéisme, "ne maîtrise absolument pas les sujets qu'il aborde".
Les pieds dans le tapis
L’essai est composée en deux parties, la première, de loin la plus convaincante, tire à boulet rouge sur un philosophe qui semble avoir pris certaines libertés avec l’historiographie. Reprenant point par point les sources et surtout les affirmations du philosophe hypermédiatisé, Matthieu Lavagna remet l’église au milieu du village ! Oui, Jésus a bien vécu en Palestine, il y près de deux mille ans, et l’on sait même assez précisément ses dates de décès et de mort, ce qui est plutôt rare pour un personnage de cette période. Mieux, il est l’un des rares personnages antiques aussi bien documenté, et pas seulement par les sources chrétiennes, plus orientées, il est vrai. Flavius Josèphe, Tacite, Suétone ou Pline le Jeune, qu’on ne peut pas taxer de franchement disciples de Jésus, le mentionnent.
De longs passages sont consacrés aux écrits du Nouveau Testament dont l’orientation n’empêchent pas le sérieux, avec plusieurs auteurs différents ayant écrit peu de temps après la mort de Jésus. Matthieu Lavagna s’appuie sur des auteurs spécialisés, parfois non-croyants, et sur des recherches scientifiques, à l’instar de fouilles archéologiques.
La deuxième partie du livre, tout aussi intéressante, quoique plus polémique, s’intéresse à l’Église catholique, en tant qu’institution. Michel Onfray l’avait couvert de toutes les opprobres (Inquisition, manipulation des opinions, génocide indien après la découverte des Amériques, antisémitisme, silence pendant la Shoah). Matthieu Lavagna répond point pour point à ces accusations.
Non, le christianisme n’est pas misogyne, non la sexualité chrétienne n’est pas "névrosée" ou non les millions d’Indiens morts après le XVe siècle n’ont pas été dû à une évangélisation violente de l’Église de l’époque. Une section est consacrée aux conciles et aux canons, un sujet où Michel Onfray, moins théologien que philosophe, semble s’être largement pris les pieds dans le tapis. On retiendra aussi et surtout de longues pages sur l’Église pendant la seconde guerre mondiale et la Shoah, un sujet toujours brûlant mais au sujet duquel Matthieu Lavagna semble avoir une opinion bien arrêtée.
Essai enlevé, passionnant et remettant les pendules à l’heure, cette Libre réponse à Michel Onfray risque bien, justement, ne pas rester sans réponse par l’intéressé lui-même. La parole est à l’accusé.
Matthieu Lavagna, Libre réponse à Michel Onfray, éd. Artège, 2024, 264 p.
https://www.editionsartege.fr/product/130943/libre-reponse-a-michel-onfray
https://www.facebook.com/matthieu.lavagna.14
Voir aussi : "Jésus, l'inconnu le plus célèbre du monde"
"Comics Nietzsche"
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