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  • Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère

    essai,philosophie,barry loewer,3 minutes,confrérie,michel foucault,essai,philosophie,pierre riviereEn juin 1835, Pierre Rivière, fils d’un paysan normand, assassine à coups de serpe sa propre mère, enceinte, sa sœur ainsi qu’un de ses jeunes frères. Condamné à mort, le meurtrier âgé de 18 ans est condamné à mort. Par grâce royale, sa peine est commuée en réclusion criminelle à perpétuité. Moins de cinq ans plus tard, Pierre Rivière se suicide en prison.

    Ce parricide – considéré à l’époque comme le crime le plus terrible qui soit – intéresse les gazettes locales mais n’a pas de retentissement particulier (les parricides sont nombreux et les Français sont plus intéressés par une autre affaire : une tentative d’attentat contre le roi Louis-Philippe par Fieschi). Si Michel Foucault et une équipe de scientifiques s’intéressent dans les années 1970 à cette affaire c’est qu’elle est exceptionnelle par la documentation disponible. Mais surtout parce que le meurtrier lui-même, Pierre Rivière a laissé un mémoire de grande qualité pour expliquer son geste.

    Le titre de l’étude collective dirigée par Foucault porte d’ailleurs pour titre l’incipit de ce mémoire : Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère. Ce livre passionnant, et qui vaut bien des polars, est divisé en deux parties principales : un dossier brut présentant des documents bruts (procès-verbaux, études médicales de l’époque, rapports, lettres officiels, fac-similés, un plan, etc.) et un recueil de sept articles (ou notes), dont une écrite par Michel Foucault lui-même (il signe également la préface générale). Au milieu de ces deux parties, une pièce maîtresse est reproduite : le mémoire in extenso de Pierre Rivière.

    Le lecteur constate, troublé, que celui que l’on présentait comme fou, fait preuve d’une rare clairvoyance pour expliquer en détail ce qui l’a conduit à un tel crime.Les notes explicatives éclairent à la fois le contexte historique du crime (une époque troublée, marquée par les guerres et la mort – on sort tout juste de la Révolution française et les guerres napoléoniennes), le contexte social aliénant (la paysannerie toujours enchaînée malgré la fin de l’Ancien Régime), la personnalité de Pierre Rivière, plus complexe qu'il n'y paraît, les atermoiements de la Justice (pourquoi les circonstances atténuantes n’ont pas été retenues durant le procès ?), les luttes d’influence – voire de pouvoir – entre justice et médecine ou encore la question de la folie de Pierre Rivière. Cet essai historique est exemplaire en ce que, partant d’un fait divers hélas banal, il décortique ses tenants et ses aboutissants, comme un archéologue le ferait sur un chantier de fouilles.      

    Michel Foucault, Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère...
    Un cas de parricide au XIXe siècle, éd. Gallimard, coll Folio, 421 p.

    https://confrerie2010.canalblog.com/archives/2013/02/12/26400277.html
    https://www.folio-lesite.fr/catalogue/moi-pierre-riviere-ayant-egorge-ma-mere-ma-soeur-et-mon-frere/9782070328284 

    Voir aussi : "La philosophie dans le boudoir"

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  • Insensé

    On est bien d’accord. Sailor et Lula, le film de David Lynch, palme d’or à Cannes en 1990 a quelque peu vieilli. Cependant, quel plaisir de trouver Nicolas Cage sans doute dans son plus beau rôle, celui d’un ex-taulard retrouvant sa petite amie Lula après un violent coup de sang. Quant à Laura Dern, presque au début de sa carrière, elle incarnait une réincarnation trash de Juliette avec un sex-appeal incroyable.

    Sailor retrouve Lula après avoir poignardé un homme qui avait insulté sa petite amie. Ils se retrouvent plus amoureux que jamais, mais avec Marietta la mère de la jeune fille désireuse de l’éloigner du voyou – pour lequel elle a d’ailleurs eu un béguin. Voilà donc nos deux tourtereaux décidés à fuir la prison domestique de Lula. Marietta lance un tueur à ses trousses pour se débarrasser de Sailor. La route que prend le couple s’avère dangereuse et le voyage est rythmé par des rencontres singulières, pour ne pas dire dangereuses.

    Contes de fées

    Quelques jours après la mort de David Lynch, sa Palme d’Or cannoise est sans nul doute à découvrir et redécouvrir. Eraserhead avait frappé par son aspect foutraque et surréaliste. Elephant man avait ensuite conquis la planète grâce à ce formidable joyau autour de la monstruosité et de l’humanisme.

    Ici, nous sommes dans une revisite de Roméo et Juliette avec l’art de Lynch : poésie, surréalisme, références à l’Amérique contemporaine (le road-movie, Elvis Presley, Marlon Brando et sa fameuse veste en peau de serpent et le polar moderne). Mais comme David Lynch n’est un réalisateur à part, il s’approprie des mythes du conte de fées : la méchante belle-mère, la sorcière ou le monstre – habituel dans son cinéma.

    Dans Sailor et Lula, récit halluciné d’un road-movie dangereux, tous les sens sont en éveil. La love story contemporaine se déguste comme un long clip coloré, musical nerveux et sensuel. Laura Dern jouait là sans doute son meilleur rôle.  

    Sailor et Lula, comédie dramatique américaine de David Lynch, avec Nicolas Cage, Laura Dern, Diane Ladd, Willem Dafoe et Isabella Rossellini, 1990, 124 mn, Potemkine, DVD
    https://store.potemkine.fr/dvd/5050582795257-sailor-et-lula-lynch-david
    http://www.aboutlynch.com
    https://www.davidlynchfoundation.org

    Voir aussi : "Tête effaçable"

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  • Tête effaçable

    Quelques jours après le décès de David Lynch, l’un des grands noms du cinéma indépendant mondial, intéressons-nous à son premier long-métrage, Eraserhead, film culte, encore décrié, incompris pour beaucoup, pour ne pas dire détesté, adulés par d’autres.

    David Lynch a une vingtaine d’années lorsqu’il se lance dans ce projet, après quelques courts-métrages. Surnommé Labyrinth Man, son scénario reçoit la bénédiction de l'American Film Institute (AFI) de Los Angeles pour commencer le tournage. Il durera plusieurs années en raison de problèmes financiers. Lynch a tourné son film à Philadelphie où il a vécu une partie de sa vie.

    Contre toute attente, le film sorti en 1977 est un succès commercial, s’attirant des louanges pour son aspect foutraque, surréaliste et horrifique ("Je l’ai vu !" voit-on imprimer sur des tee-shirts portés par les fans qui sont allés le découvrir). Lorsque Lynch sort son deuxième film Elephant Man, triomphe critique et commercial, Eraserhead ressort, confirmant son statut de film culte.

    Dans une zone industrielle, de retour dans son appartement, Henri Spencer, reconnaissable à sa coiffure défiant les lois de la nature, apprend de sa voisine de pallier qu’il est invité à dîner par la famille de sa petite amie. Une invitation qui le surprend car Henri et Mary étaient séparés. Lors du dîner, à la fois grotesque et inquiétant (un poulet servi reprend vie, le père de Mary tient des propos et des attitudes incohérentes alors que la mère de la jeune fille entreprend l’invité), Henry apprend qu’il est le père d’un enfant prématuré, en réalité un monstre difforme. 

    "Je l’ai vu !"

    Bientôt, Henry doit s’occuper du bébé, un être vivant ressemblant plus à un alien qu’à un humain. À bout de nerf et incapable de supporter les cris de son enfant, Mary part. Seul et paumé, Henry trouve son réconfort dans le radiateur de son propre appartement où une artiste se produit dans un cabaret. La suite d’Eraserhead est constituée d’événements aussi surréalistes que perturbants : un rêve de décapitation, le cerveau d’Henry transformée en crayon à effacer, une voisine de pallier le quittant à son tour pour un autre homme après une relation éphémère avec Henry et finalement la mort du bébé.

    On comprend que la sortie d’Eraserhead a été un choc visuel dès sa sortie. Encore aujourd’hui, il ne laisse pas indifférent. La grammaire cinématographique lynchienne prend toute sa mesure et sa démesure dans le film le plus underground de sa carrière – c’est dire ! Ce long-métrage relativement court (85 minutes) visite les thèmes du rêve et du cauchemar mais se veut aussi un conte sur la parentalité – le cinéaste est à l’époque tout jeune papa d’une fille au pied déformé. Le spectateur y verra aussi un tableau sombre de la société contemporaine. 

    Que l’on aime ou que l’on n’aime pas, l’histoire a parlé : Eraserhead, film surréaliste et psychanalytique est un monument du cinéma. Il fait aujourd’hui partie des œuvres sélectionnées par le National Film Registry de la bibliothèque du Congrès des États-Unis en raison de son intérêt culturel, historique ou esthétique. 

    Eraserhead, fantastique américain de David Lynch, avec Jack Nance, Charlotte Stewart, Allen Joseph, Jeanne Bates, Judith Anna Roberts, Laurel Near, Jack Fisk, Jean Lange, Thomas Coulson, Jennifer Lynch, Potemkine, 1977, 85 mn
    https://store.potemkine.fr/dvd/3545020045282-eraserhead-david-lynch
    http://www.aboutlynch.com
    https://www.davidlynchfoundation.org

    Voir aussi : "Le retour de Laura Palmer"

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  • Sang pour sang Clara Luciani

    Chaque nouvel album de Clara Luciani est un événement, et ce depuis cette merveille inusable qu’était Sainte Victoire. Nous étions en 2018. Depuis, Clara Luciani est devenue une artiste sur laquelle il faut compter. Archidouée, influente et dotée d’une grâce comme personne, elle vient de sortir son troisième opus, Mon sang. Le livret de l’opus est illustré de dessins souvent symboliques : une alliance, une carte de tarot percée d’une rose, un arbuste au tronc noueux, un mouchoir brodé des initiales CL, un ticket de métro ou une tresse.

    Moins dansant que Cœur mais tout aussi personnel que Sainte Victoire, l’artiste chante ici la vie, remuante, compliquée, chiante mais aussi passionnante : "Elle est quand même un peu chienne / Cette vie terrienne / Mais on l’aimera jusqu’à la fin" dit-elle avec une conviction intacte dans Cette vie qui ouvre l’opus.

    Ces derniers mois, Clara Luciani n’a jamais caché à ses fans ses changements personnels, à commencer par la naissance de sa fille qu’elle a eue avec Alex Kapranos, le leader de Franz Ferdinand. Elle s’enthousiasme d’être mère dans le touchant Tout pour moi : "T'es d'la dynamite dans mon calme plat / Avant toi, je n'existais presque pas". Dans le titre Mon sang, ce sont les liens familiaux et la transmission qui intéressent la musicienne, avec le poids de cette généalogie : "Mon sang, leur sang, ton sang / Tu le sens déjà, mon enfant / Au chaud de ton berceau". Des liens du sang, il en est encore question dans Ma mère, un touchant morceau en forme de réconciliation et d’hommage à celle qui lui a donné la vie : "Ah, de mère en fille et de fil en aiguille / On se repent, on se reprise / Finalement, je t'ai comprise". Devenue à son tour mère, Clara Luciani s’adresse à sa fille dans Roule : "Roule, va partout / Et va plus loin que moi / Roule, cœur en boule / Vers ton premier émoi".

    Plus grave, Romance parle de départ et de la mort inéluctable. Comment, dans ce cas, trouver le moindre réconfort ? La réponse de la chanteuse de Martigues est d’une rare élégance stoïque : "Quand tout le monde s'en va à la fin / On apprend à être son ami / On se prend la main, on s'adoucit".

    Élégance stoïque

    Le style de Clara Luciani est intact. Le travail sur les lignes mélodies est tout aussi irrésistible que dans ses deux premiers albums (le joli et touchant Interlude). La chanson française se pare d’une belle pop – on aimerait dire même dire brit-pop, à l’instar de Forget Me Not, son duo pop-folk avec Rufus Wainwright. Citons aussi le morceau Allez, formidable hymne aux rêves à réaliser et à l’avenir à construire, même s’ils peuvent décevoir ("Les rêves, c'est beau mais ça tient pas chaud / Et je m'endors dans mon manteau / J'y crois quand même, j'y crois si fort").

    L’auditeur ou l’auditrice sera certainement sensible au joli titre qu’est Chagrin d’ami. La chanteuse aborde le sentiment de perte d’une amitié – une vraie. "Je me suis peut-être trompée sur toi", avoue-t-elle. Elle constate que les chagrins d’amis restent une douleur profonde : "On les chante moins souvent, pourtant / Chagrin d'amis laisse, laisse d'un goût de rien / On perd un frère et le monde s'éteint / Et perdre un frère, c'est perdre du sang". De là à regretter ces amitiés ? Non.

    Dans Courage, c’est sur elle-même que chante Clara Luciani. "Ce qu’il faut du courage / pour tenir bon", déplore-t-elle. Porter "sa maison", ses émotions et ses chansons, "ça fait lourd, ça fait trop". L’artiste se dévoile dans toute sa fragilité mais aussi ses épreuves quotidiennes, regrettant aussi de ne pas être aidée : "Pourquoi tu ne sais pas / Prendre un peu de poids ?" fait-elle encore.

    À l’écoute de l’opus, c’est une Clara Luciani apaisée qui apparaît en filigrane. "On est seule avec soi" chante-t-elle dans le morceau pop-rock Seule. Pour autant, constate-t-elle, "Plus j'avance, plus je deviens mon amie / Je l'aime bien, finalement, ma compagnie / Moi et moi avons nos petites habitudes / Qui occupent nos déserts de solitude".

    Lumineuse, la musicienne ne cache pas non plus ses moments de désabusement, y compris lorsqu’ils se parent des plus jolies mélodies et d’orchestrations soignées. Pour le faussement léger Tant pis, Clara Luciani constate son impossibilité d’aider. "On ne m’y prendra plus", déplore-t-elle. "Tant pis / Je te laisse ici même si ça me brise / Y a rien d'plus que j'puisse faire pour toi". La porte reste ouverte et la main tendue malgré tout : "Et si l'envie te prenait / De me rejoindre de l'autre côté / De choisir la vie pour de bon / Avec c'qu'elle a de mauvais / N'hésite jamais / Et ne perds pas de temps / Aux âmes blessées, je pardonne facilement". On n’en attendait pas moins d’elle.   

    Clara Luciani, Mon sang, Romance Musique, 2024
    https://www.facebook.com/claralucianimusique
    https://claraluciani.store

    Voir aussi : "On ne meurt pas d’amour"
    "Clara Luciani, La Femme libérée"

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  • Les Feux sauvages

    Les Cramés de la  Bobine présentent à l'Alticiné de Montargis le film Les Feux sauvages. Il sera visible du 12 au 18 février 2025. Soirée débat à l’Alticiné le mardi 18 février 2025 à 20H30.

    Liban, 1982. Pour respecter la promesse faite à un vieil ami, Georges se rend à Beyrouth pour un projet aussi utopique que risqué : mettre en scène Antigone afin de voler un moment de paix au cœur d’un conflit fratricide. Les personnages seront interprétés par des acteurs venant des différents camps politiques et religieux.

    Perdu dans une ville et un conflit qu’il ne connaît pas, Georges est guidé par Marwan.

    Mais la reprise des combats remet bientôt tout en question, et Georges, qui tombe amoureux d’Imane, va devoir faire face à la réalité de la guerre.

    Les Feux sauvages, drame chinois de Jia Zhangke
    avec Zhao Tao, Zhubin Li, Jianlin Pan, 2025, 111 mn

    Titre original : Feng Liu Yi Dai
    https://www.cramesdelabobine.org/spip.php?rubrique1521
    https://www.advitamdistribution.com/films/les-feux-sauvages

    Voir aussi : "Le quatrième mur"

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  • À Beethoven, l’humanité reconnaissante

    Peu connu mais archidoué, virtuose et romantique (son look sur la pochette d’album finit de nous convaincre), le pianiste Nikolay Khozyainov revient cet année avec un nouvel opus, Monument to Beethoven (Rondeau Production). Pourquoi, d’ailleurs, cette expression ? Il faut revenir aux années 1830-1840, soit quelques années après la mort du compositeur allemand. Franz Liszt entreprend de rendre hommage à son illustre aîné en faisant bâtir une statue à Bonn. Robert Schumann, Félix Mendelssohn et bien entendu Liszt sont sollicités pour composer des œuvres directement inspirés du répertoire de Beethoven, et en particulier de l’Allegretto de sa Symphonie n°7.

    Ce sont ces morceaux créés ad hoc que Nikolay Khozyainov a choisit d’enregistrer, en commençant par l’Allegretto originel, ici transcrit au piano par Liszt. C’est à un Everest que s’attaque le pianiste, dont la virtuosité n’écrase jamais la puissance dramatique ni la densité. Les respirations sont les bienvenues et viennent insuffler ce souffle que l’on appellera plus tard romantisme. Beethoven a fait de cette marche funèbre un mouvement allegretto, comme pour se jouer de la mort et donner à ce deuxième mouvement le pouvoir de la vie. Nikolay Khozyainov la rend dans un mélange d’ardeur, de passion et de gravité.

    Suit Robert Schumann avec ses Études en forme de variations sur un thème de Beethoven. 15 variations, rarement de plus d’une minute 30, s’approprient le thème principal de l’Allegretto de la 7e de Beethoven en variant les tempos, du Moderato au Prestissimo, en passant par le Passionato.

    Nikolay Khozyainov s’empare de cette œuvre rare de Schumann en prouvant le panel de son jeu, y compris des variations les plus sombres (Ohne Titel n°5) ou les plus techniques (Presto n°6). Schumann fait œuvre d’une grande liberté dans son appropriation du thème original (A11. Legato teneramente), ne s’empêchant pas des revisites franchement épatantes (B4. Ohne Titel) et transformant la marche funèbres en chants populaires (B5. Cantando), voire d’une singulière modernité (B7. Ohne Titel). Ces études se terminent de la plus belle des manière, avec la variation la plus longue de l’opus, tout en pudeur et en légèreté. Bref, un bel hommage à Beethoven. 

    Un bel hommage à Beethoven

    Plus courtes, les Variations sérieuses de Felix Mendelssohn Bartholdy prennent à la fois plus de liberté et plus de gravité avec l’Allegretto de Beethoven. Le Thema et les Variations balancent entre la luxuriance et romantisme fou.

    Beethoven est de retour avec une transcription par Liszt du lied An die ferne Geliebte ("À ma bien aimée"). L’histoire retient qu’il s’agit du premier cycle de lieder de l’histoire de la musique. Il est difficile de rester insensible à ce court morceau dont le pianiste rend toute la profondeur et toute la justesse sentimentale.

    La Fantaisie, op. 17 de Robert Schumann a ceci de particulier qu’elle fait partie des œuvres majeures du compositeur allemand. Cet opus autonome, en trois parties, n’a figuré que tardivement dans le programme hommage à Beethoven – en réalité les deux derniers mouvements – pour la souscription destinée à la construction de son monument à Bonn. La Fantaisie est au départ une déclaration à Clara Wieck, future Clara Schumann. Nikolay Khozyainov s’en empare avec délectation. Il y a du Beethoven dans la puissance évocatrice du 2e mouvement et la richesse de l’opus devient un envol du romantisme dans le dernier mouvement.

    Nikolay Khozyainov ne pouvait terminer ce Monument à Beethoven autrement que par une création, car il est lui-même compositeur. Avec son morceau Petals of Piece. Son hommage au compositeur allemand est aussi un chant de paix que lui avait commandé l’ONU en novembre 2022. dans cette œuvre contemporaine et post-romantique, c’est avec gravité que l’instrumentiste russe lance ses "Pétales de la Paix". Plus que jamais d’actualité pour cet artiste résolument engagé pour le pacifisme. 

    Nikolay Khozyainov, Monument à Beethoven, Rondeau Production, 2024
    https://www.nikolaykhozyainov.com
    https://www.rondeau.de

    Voir aussi : "Beethoven, Intégrale, Première"

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  • Plus jamais tu me pourriras 

    Epona, que l’on découvre ici, vient de Belgique et montre un sacré caractère.

    Après un premier EP, Help I'm fine!, c’est en français que la jeune chanteuse entend bien faire bouger la scène belge, décidément riche et incontournable.

    Dans Peine pour toi, sur un son pop-rock, Epona parle de trahison, s’inspirant de sa vie et d’une rencontre avec un homme au cours d’une mauvaise expérience professionnelle. Le clip a d’ailleurs été tourné dans des bureaux. "J’ai de la peine pour toi / Beaucoup de peine / Que tu mentes à tous ces gens / Que tu mentes en négligeant / Que tu mentes aussi conséquemment", chante-t-elle.

    On craque déjà sur la moue de cette artiste qui ne s’en laisse pas conter et qui choisit la résilience plutôt que l’abattement : "Une vengeance, je savoure / Fini, c'est fini / Plus jamais tu me pourris / Avec tes escroqueries".

    "Après mon premier EP, nourri des récits des femmes autour de moi, j’ai ressenti le besoin d’aller plus loin. L’envie de porter la voix de celles qui ont vécu des situations difficiles reste forte, mais je suis maintenant prête à parler de moi, de ce que j’ai vécu, et surtout de ce que ça m'a appris", se confie Epona.

    Une nouvelle artiste à suivre absolument pour ses prochaines aventures musicales.

    Epona, Peine pour toi, 2025
    https://www.facebook.com/3p0na
    https://www.instagram.com/3p0na

    Voir aussi : "Julia Jean-Baptise pour l’éternité"
    "Brol d’elle"

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  • Vanessa Philippe : Vérité, poésie et autodérision

    Bla Bla Blog suit la carrière de Vanessa Philippe depuis la sortie de son formidable album Soudain les oiseaux. La chanteuse à l’univers à la fois grave et poétique, mais non sans humour, a accepté de répondre en exclusivité aux questions de Bla Bla Blog

    Bla Bla Blog – Bonjour Vanessa. Tu fais partie des voix singulières de la chanson française. Peux-tu nous parler en quelques mots de ton parcours ? Et d’abord la musique a-t-elle toujours été une évidence pour toi ?
    Vanessa Philippe – Bonjour. J'ai grandi au Cameroun où j'ai commencé à écrire très tôt. J’ai toujours fait de la danse, je voulais être danseuse contemporaine. Après mes études à Marseille et à Montréal j'ai suivi des formations en écoles de danse professionnelle à Paris. J’ai proposé mes poèmes par hasard à un compositeur qui en manquait, il les a trouvé très personnels et m’a suggéré de les chanter moi-même. C’était une évidence pour moi dès la première chanson ! Sans compositeur après deux premiers albums, je me suis mise à écrire mes textes à la guitare, en mélodies. J’ai commencé en anglais, en co-composition avec Naïm Amor (Calexico) pour mon troisième album, puis j'ai continué toute seule en français. L'envie de me filmer, de monter et réaliser mes propres clips est arrivée à la même période, pour me réapproprier des chansons qui m’avaient échappé pendant l'enregistrement en studio. J’ai pensé aussi la mise en scène de mes pochettes en séance photo par rapport aux clips. Au final les contraintes que j’ai pu rencontrer dans mon parcours artistique m’ont porté vers plus de créativité et d’imagination. 

    BBB – Quel⸱le⸱s artistes t’ont influencée 
    VP – Pour L’amour c’est chiant  j’étais inspirée par Elli & Jacno, Lili Drop, Taxi Girl, auxquels je me suis particulièrement intéressée suite à des articles qui comparaient l’esprit de mon album Soudain les oiseaux à ces références des années 80. 

    BBB –  En 2022, ton album Soudain les oiseaux a marqué les esprits avec son mélange de gravité et de légèreté dans sa facture. C’est un opus très personnel et marquant dans ta carrière. ? Peux-tu nous en parler 
    VP – L’album Soudain les oiseaux est un hommage à ma grande sœur décédée en 2019. C’est le premier album que j’ai entièrement composé seule. Dans la continuité de mon album précédent À l’abri du vent, j’ai proposé à Pascal Parisot de le réaliser. Je souhaitais un album joyeux, rythmé, pour contraster avec la gravité des textes. La légèreté se trouve dans les arrangements électro pop et les clips que j’ai imaginé comme des tableaux surréalistes, avec un poisson rouge qui m’inspirait la joie de vivre et qui était aussi sur ma pochette. Maurice Renoma m’a d’ailleurs contacté pour une collaboration artistique autour de ce poisson. Du coup j’ai réalisé le clip Trop de larmes en écho à son exposition Mythologies du poisson rouge, puis j’ai fait un concert à l’Appart Renoma, où ont été projeté mes clips. J’avais aussi mis une tête de poisson à mon musicien, que j’ai gardé ensuite pour mon set à la JIMI Festival de Marne.

    BBB – L’an dernier, ton dernier album, L’amour c’est chiant, marquait ton retour, avec des titres moins sombres et où tu t’interroges sur l’amour. L’amour c’est vraiment "chiant", comme tu le chantes ?
    VP – Tout dépend de quel amour il s’agit… Je trouve que l’amour c’est le coeur de la vie. Mais même s’il y a toujours des hauts et des bas, quand il nous emprisonne et qu’il est toxique, c’est franchement chiant. J’aborde également l'amour filial avec Jeanne, ma grand-mère qui en a beaucoup souffert. Je me suis interrogée sur l’amour dans tous mes albums, avec des textes faussement naïfs inspirés de mes émotions personnelles. L’amour c’est chiant est un peu plus direct. C’est la vérité crue en poésie et avec autodérision comme l’illustrent les pochettes du single L’amour c’est chiant ou de l’album avec l‘emprise de la main sur la tête et le double profil sur un fond de jeu Pac-Man. Là aussi je voulais des contrastes, un album coloré, avec des drums, des arrangements très électro-pop sur lesquels on aurait envie de danser. J’ai proposé à l’artiste franco mexicaine Alba de le réaliser.

    "L'amour, quand il nous emprisonne et qu’il est toxique, c’est franchement chiant !"

    BBB – Impossible de parler dans ta carrière sans évoquer tes clips, multi- récompensés. Autrice, compositrice, chanteuse et aussi réalisatrice, avec succès. Peux-tu nous parler de ton travail artistique sur tes clips. Les réaliser toi-même a-t-il été une évidence ? Comment travailles-tu d'ailleurs sur tes clips ? 
    VP – Réaliser mes propres clips me permet de développer mon univers. J’improvise devant ma caméra, souvent dans mon salon, avec une simple idée de départ qui peut aussi bien être un vêtement, un accessoire ou un mouvement chorégraphique. Je ne prévois presque rien, je filme à l’aveugle et j’utilise ensuite les rushs comme de la matière pour créer. Quand je suis au montage mes images font sens et c’est là que je m’amuse le plus, surtout quand je trouve un fil conducteur comme le poisson rouge ou Pac-Man. J’aime bien réaliser des trilogies qui reprennent le visuel pochette. Le clip est aussi une façon de me rapprocher du public quand en tant qu’artiste indépendante, faire de la scène n’est pas si simple. Certains ont été programmés sur MTV et je les présente régulièrement dans des Festivals Internationaux pour qu’ils soient vus et diffusés dans des espaces différents.

    BBB – Quels sont tes projets ? Un futur album ? D’autres clips ? Des concerts ? Des collaborations ? 
    VP – Je prépare un nouveau clip que j’ai tourné ce lundi pour le titre Clair de lune de l’album L’amour c’est chiant. J’ai aussi repris ma guitare pour écrire d’autres chansons, je pense à un futur album. Je me laisse porter par l’envie, les rencontres et l’intuition, y compris pour la scène que je n’oublie pas même si on m’y voit très peu en ce moment.

    BBB – Une dernière question pour nos lecteurs et lectrices. Quels sont tes derniers coups de cœur ? Aurais-tu un livre, un film, une série et de la musique – pop, chanson, classique ou pop- ? rock – à nous conseiller ?
    VP – J’ai beaucoup aimé Deux moi de Cédric Klapisch. J’ai eu un coup de cœur pour Aki Kaurismaki et particulièrement pour le film Au loin s’en vont les nuages que je trouve très poétique et très juste. Le choix de la BO, la présence de groupes de musiques récurrents en font vraiment une œuvre particulière. Et j’ai adoré Arcane, une série à voir absolument, pour la BO, le graphisme et l’histoire ! Sinon en ce moment je lis Résister à la culpabilisation, le dernier livre de Mona Chollet. Beauté fatale qu’elle avait écrit il y a quelques années m’a inspiré une chanson et un clip du même titre dans l’album L’amour c’est chiant. Incontournable aussi En studio avec les Beatles qui m’a accompagnée pendant l’écriture de mon album Soudain les oiseaux et que je relis ! 

    Bla Bla Blog – Merci, Vanessa.
    VP – Merci

    Vanessa Philippe, L’amour c’est chiant, Le Poisson Spatial / Modulor, 2024
    https://www.vanessaphilippe.com
    https://www.facebook.com/vanessaphilippemusic
    https://www.instagram.com/vansphi

    Voir aussi : "Il faut qu’on avance"
    "Loulia : Trouver du réconfort dans la musique que je fais"

     

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