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Les Concerts de Poche, créés par la pianiste Gisèle Magnan, débarquent aujourd’hui dans le Loiret, à Bonny-sur-Loire. L’association est reconnue d’utilité publique et labellisée "La France s’engage".
Après la longue période de crise sanitaire et de contraintes, les Concerts de Poche mettent les bouchées doubles cet automne. Les Concerts de Poche viennent de lancer leur toute nouvelle saison sous le signe du renouveau et de la jeunesse.
En région Centre-Val de Loire, c’est à Bonny-sur-Loire qu’aura lieu ce vendredi 15 octobre un premier concert consacré à Schubert et Mozart. Ce sont de jeunes talents qui sont mis à l’honneur : le harpiste Sylvain Blassel sera accompagné par le Quatuor Mirages, la violoniste Laetitia Amblard, le violoniste Constant Clermont, l’altiste Pierre-Pascal Jean, la violoncelliste Clémence Mesbout et le contrebassiste Yann Dubost.
C’est une formation inédite qui se formera à l’occasion de ce concert, avec un répertoire consacré à Mozart et Schubert.
Annika and The Forest nous vient de Suède, mais en réalité, en dépit de son titre – Même la nuit – et du choix de l’anglais, c’est un album français à bien des égards qu’elle nous propose en ce mois d’octobre.
Pour son troisième opus, Annika and The Forest s’est entourée de ses musiciennes attitrées Édith Fambuena (guitares, claviers) et Zoé Hochberg (programmations, batterie), partis la rejoindre à Göteborg en Suède pour l’enregistrement.
Annika and The Forest s’oppose à la nuit, pour reprendre le succès d’Alain Bahung, avec un album pop-rock à fois enthousiaste, rythmé, coloré et bourré de références. Celle qui saute aux oreilles est d’abord la pop des années 80. Avec "Empty Space", "Pretence" ou "Untrue", nous sommes plongés dans des eighties assumées jusqu’au bout du synthé.
Il y a de la précision et un indéniable savoir-faire dans cette manière de recycler des sons du dernier millénaire. L’auditeur pourra apprécier ainsi "My Lockness" dans la manière qu’a Annika and The Forest d’utiliser les machines au service d’une poésie musicale pleine de spleen.
Élégance et sophistication
"Thinking Crazy" fait preuve d’une élégance et une d’une sophistication indéniable, avec une Annika qui semble marcher sur les pas d’Annie Lennox. Le single a été co-réalisé et arrangé par Maxime Delpierre. La vidéo évoque la difficulté à apprendre à vivre avec soi-même et ses multiples facettes, mais surtout apprendre à en être fière. Un pari fou ?
La musicienne suédoise sait aussi s’affranchir des synthétiseurs et des ordinateurs, du moins les dépasser, en apportant tout autant sa sensibilité que l’art du contre-pied. C’est le cas de "Simon Says", une ballade servie par une voix cristalline, ou encore l’épuré "You And Me".
Parlons aussi du morceau qui donne son nom à l’album : "Même la nuit", plus électro que pop. Annika and The Forrest fait le choix du talk-over pour ce qui peut se lire comme est un hymne à la nuit, avec une rythmique à la fois tribale et sophistiquée.
Avec "Sometimes", la musicienne fait un saut dans les années 90 avec un titre rock aux sonorités brutes et sèches – noisy et lo-fi pour le dire autrement.
Dans la forêt musicale que constitue cet album mystérieux, sauvage et bourré d’influences, Annika and The Forrest parvient à s’aventurer sur des terres pop et rock, sans abandonner son propre univers, avec élégance, finesse et intelligence.
"Joe le Taxi", évidemment vous connaissez. C’est à ce classique que s’est attaquée non sans courage Juli Chan, à peine plus âgée que notre Vanessa Paradis à l’époque de ce tube, en 1987, il y a donc 34 ans, déjà.
Cette fois, c’est à un monument de la pop française que s’est attaquée la musicienne, preuve que le tube de Vanessa Paradis, composée par Étienne Roda-Gil et Franck Langolff a magnifiquement traversé les frontières.
Juli Chan propose une reprise électro pop – et en français, s’il vous plaît – de "Joe le Taxi". Une version capable d’électriser quelques dancefloors ici et ailleurs. Du beau travail, sans prétention et léger comme une bulle de savon.
Les séries, on le sait, sont l’une des grandes révolutions culturelles de ces vingt dernières années. C’est donc fort logiquement que l'elles peuvent être d’un intérêt considérable lorsqu’il s’agit d’étudier leur impact dans la société.
Marie Potvain, doctorante chercheuse en Santé Publique, travaille actuellement sur les séries (Netflix, Amazon ou Disney+) et leur usage potentiel pour la promotion de la santé sexuelle des jeunes. Cette étude a pour but de promouvoir une éducation aux sexualités plus inclusive, plus ancrée dans les centres d'intérêts des jeunes. L’un des objectifs est de développer de nouveaux outils de promotion de la santé.
Pour ce faire, la chercheuse de l’Inserm est à la recherche de jeunes volontaires ayant entre 11 et 24 ans pour participer à des entretiens. Pendant 1 heure 30 à 2 heures environ, les personnes intéressées peuvent parler de ce qu’ils aiment, de ce qu’ils regardent sur les écrans et de leurs expériences avec les séries et comment les séries parlent d'amour, de sexualité et de genre. Tel est l'objet de ces entretiens qui prennent la forme d'une discussion informelle. Aucun prérequis n'est nécessaire à part regarder des séries.
Les personnes intéressées (âgées de 11 à 24 ans) peuvent contacter Marie Potvain. La participation se fait sur la base du volontariat. Chacun peut se retirer de l'étude à tout moment.
Pour avoir l’explication du titre des chroniques de Lola Lafon, Le Loup, l’épée et les Étoiles (éd. Le 1, L’Aube), il faut aller au texte éponyme qui donne son nom au livre.
L’auteure fait référence à un piège utilisé par les habitants de l’Arctique pour tuer des loups. Une épée couverte de sang est enterrée dans la glace. L’animal commence à lécher la lame apparente et s’y coupe. Trop affamé, il ne se rendre compte que c’est son propre sang qu’il finit par lècher, jusqu’à perdre connaissance et mourir. La bête est ainsi victime de son propre aveuglement ainsi que dans son appétence, tout comme nous pouvons l’être avec les réseaux sociaux : "Facebook promet la satiété, quand on ne sait pas de quoi on a faim", argumente Lola Lafon qui fait de ce court texte une dénonciation des pièges algorithmiques.
À l’exemple de ce texte, publié en juin 2019 dans Le 1, le recueil que propose la romancière et musicienne est un ensemble de chroniques sur notre société contemporaine, mais aussi sur la fragilité ("Éloge de la fragilité"), sur les agressions sexuelles (le poignant "La traversée") ou sur la famille de l'auteure ("Le courage de ma grand-mère"). Lola Lafon se fait aussi chroniqueuse engagée et virulente lorsqu’elle parle de l’exploitation sociale et économique dans les milieux intellectuels ("Le jeu de la marchande") et sur les renoncements de la gauche contemporaine face aux injustices ("Fini de pleurnicher").
Aucun algorithme n’a prévu de se mettre à la place de nos étoiles égarées
Deux portraits de femmes complètent ce court recueil, deux hommages aussi. Celui d’une des nombreuses oubliées de notre histoire, Émilie Lamotte, fondatrice d’une colonie libertaire et éducatrice à Saint-Germain-en-Laye au début du XXe siècle ("Le combat d’Émilie") et un hommage à la célèbre danseuse Sylvie Guillem ("Lettre à Sylvie").
Le Loup, l’épée et les Étoiles fait figure d’instantané passionnant lorsqu’il aborde la beauté et le courage de la liberté ("Un souvenir d’audace ?") ou bien lorsqu’il propose une réflexion sur le Grand Confinement de 2020 ("Le rien et l’immensité").
Dans notre monde soumis à l’appétit de loups de toute sorte, la voix de Lola Lafon est précieuse. Chacun et chacune doit se ressaisir et se battre pour les vraies valeurs de l'humanité, dit-elle encore, ce qui pourrait être le cœur de son message : "Aucun algorithme n’a prévu de se mettre à la place de nos étoiles égarées, la place est libre, elle est à nous".
Il y a des œuvres qui, dès leur sortie, semblent hors du temps. Elles font figure d’objets artistiques indéfinissables, exigeants et déstabilisants. Le Cheval de Turin, le dernier film du réalisateur Béla Tarr (en tout cas, selon lui qui a décidé d’abandonner la mise en scène) peut être défini comme tel. Le long-métrage est sorti il y a 10 ans mais il mérite bien d’être redécouvert. Rappelons aussi que le film avait à l’époque obtenu l’Ours d’argent au Festival de Berlin, provoquant aussi bien des louanges que des critiques sévères pour son aridité.
Mais de quoi parle Le cheval de Turin, dont le titre lui-même peut étonner ?
Une voix off commence par raconter l’histoire de ce fameux cheval que croisa le philosophe Friedrich Nietzsche à Turin. Nous sommes en 1889 et l’auteur d’Ainsi parlait Zarathoustra est témoin d’une scène entre un paysan tentant de faire avancer son cheval qui refuse d’obéir. Furieux, le maître fait pleuvoir sur sa bête des coups de cravache, sous l’œil interloqué de badauds, dont Nietzsche. Ulcéré par la scène, le philosophe se précipite vers le cheval, lui entoure l’encolure et l’embrasse dans un geste de consolation. De retour chez lui, bouleversé par ce qu’il vient de voir, il commence à délirer. Débute pour le penseur une période de 11 années de démence qui se terminent avec sa mort. La voix off précise que ses derniers mots pour sa mère furent ceux-ci : "Mutter, ich bin dumm". La traduction française peut être lue à double sens : "Mère, je suis bête". La voix off conclut sa présentation en précisant qu’on ne sait pas ce qui est arrivé à ce fameux cheval de Turin.
Le film du cinéaste hongrois entend a priori suivre l’histoire cet animal. La scène d’ouverture est d’ailleurs celle du retour d'un cheval au bercail, mené par son maître. Ils rejoignent une bicoque dans un paysage désertique battu par les vents et où vit légalement la fille de du conducteur. La suite du film raconte six jours dans la vie de ces trois personnages : le vieil homme, la jeune femme et leur cheval. Interviendront également un étrange visiteur prophétique et aussi, quoique plus brièvement, un groupe de tziganes.
Chaque plan est bâti comme un tableau à l’esthétisme soigné
Pas de trace de Nietzsche donc, si ce n’est par allusions allégoriques, que ce soit avec la mort de Dieu (les références religieuses sont bien présentes), le ton prophétique du film ou encore cet éternel retour, lorsque le vieil homme et la fille tentent de partir de leur maison avant d’y revenir.
Le cheval de Turin s’attache à six jours de ce couple taiseux et de leur cheval. Six jours à la portée bien entendu symbolique et derrière laquelle on pourra voir dans ce film aride une "anti-Genèse" : un couple isolé dans une terre non pas paradisiaque mais infernale (un arbre fantomatique et une campagne balayée par les vents) et un animal qui n’est pas un serpent diabolique mais un cheval paisible, innocent et tourmenté ("Tu ne vas nulle part", lui dit la jeune femme), celui qu’aurait pu défendre Nietzsche à Turin avant de sombrer dans une folie de plusieurs années.
Voilà qui donne à ce film un caractère allégorique. Sur une musique néoclassique, sombre et lancinante de Mihály Vig et servi par la photographie en noir et blanc somptueuse de Fred Kelemen, Béla Tarr fait le choix courageux de la longueur et de la lenteur. Chaque plan est bâti comme un tableau à l’esthétisme soigné, mais aussi académique et froid selon les détracteurs.
Des scènes sont comme figées, tournées dans la durée, mais non sans ellipses, telle la toute dernière séquence. Le spectateur assiste, pendant les 2H30 du film à des moments quotidiens et ordinaires : la jeune femme s’occupant du cheval dans l’écurie, aidant le père à s’habiller, préparant le repas ou allant au puits. Il y a aussi le lent et somptueux travelling du début avec le vieil homme dans sa carriole. Les moments contemplatifs sont également nombreux.
La caméra s’attarde sur de petits gestes : le poêle que l’on charge, les vêtements que l’on range ou une bible que l’on lit. Au bout d’une heure, un dialogue singulier a lieu entre le vieil homme et un mystérieux visiteur, dans une ambiance tout aussi lugubre, filmée avec une économie de moyen autant qu’un travail esthétique remarquable dans les cadrages et la lumière. Dans ce quasi monologue, le spectateur a la clé du film, Béla Tarr y dévoilant son message apocalyptique et nihiliste.
Le visionnage du Cheval de Turin est ardu, certes, mais sa découverte ou redécouverte est importante, le dernier film du réalisateur hongrois pouvant figurer, selon ses plus ardents défenseurs, parmi les œuvres les plus importantes de ces 10 dernières années. Rien que ça.
Le Cheval de Turin (A Torinói ló), drame hongrois, français, allemand, suisse et américain de Béla Tarr, avec János Derzsi, Erika Bók et Mihály Kormos, 2011, 146 mn, noir et blanc, en DVD et Blu-Ray, Blaq Out https://www.dulacdistribution.com/film/le-cheval-de-turin/55
Il ne faut pas que l’on s’y trompe. Derrière sa facture noire (que ce soit la pochette, les thèmes et jusqu’aux morceaux "Noir" ou "Peine de mort"), L’Ère du Verseau est un majestueux et coloré album. Un vrai hymne à la vie, à la liberté et à l’amour ("Je t’aime encore"). Yelle prouve ainsi, à l’instar du peintre Pierre Soulages que le noir peut être une vraie couleur lumineuse.
Yelle ouvre avec cet opus uneère importante dans sa carrière. Qu'on le sache aussi : l'artiste bretonne est plus connue à l’étranger qu’en France, avec des tournées mondiales qu'elle" évoque dans "Interpassion" ou dans "Mon beau chagrin" : "Il est sept heures du matin / À l'aéroport de Mexico / Nous avons joué hier, enfin tout à l'heure / Et nous jouerons ce soir à Miami / Puis Orlando, puis Atlanta / Et ainsi de suite, jusqu'à San Diego… / On arrive / On vient vous voir / On sait que c'est vous / Qui nous déplacez".
Yelle, chanteuse à l’aura grandissante, fait le choix de chansons mixés à un électro-pop inventif ("Vue d’en face") et elle sait surprendre à chaque titre : rythmes sophistiqués ("Émancipense", "Karaté", "OMG!!!"), voix tendue ("J’veux un chien") ou bien veloutée ("Roméo"), apports de sons orientaux (le formidable "Menu du jour"), humour ("Ici et maintenant"), sans compter le travail sur des textes ramassés et d’une efficacité redoutable (l’immanquable et le désormais célèbre "Noir").
Yelle semble avoir écrit et chanté son album comme un tout à la fois cohérent et parsemé de contre-pieds et de surprises : le dansant et drôle "Karaté" ("Comment t'es sur le tatami quand t'es pas caché, quand t'as pas d'amis") côtoie une balade amoureuse amère ("Je t’aime encore"), quand la musicienne ne se fait pas chanteuse engagée et féministe : c’est "Émancipense", mot-valise en forme d’hymne à la liberté ("Aime en silence / Ce que tu penses / Émancipense / Ce que tu danses").
Yelle semble avoir écrit et chanté son album comme un tout à la fois cohérent et parsemé de contre-pieds et de surprises
Oui, Yelle brouille les pistes grâce à sa spontanéité et de sa folle inventivité. À cet égard, "Menu du jour", l’un des meilleurs morceaux de l’opus, surprend par son audace musicale autant que textuelle ("Dispensez-moi de tous ces bras / Le long des corps, je ne les vois pas / Délicatesse contre mes fesses / Empresse-moi de tes dix doigts"). Plus étonnant encore, dans "Vue d’en face" la Briochine se glisse dans la peau d’une jeune femme désœuvrée ("Je m'ennuie dans mon salon") et pour qui l’aventure commence en face, chez les voisins qu’elle observe en catimini et en toute illégalité ("Comme elle est belle vue d'en face / On voit les gens qui s'enlacent / Je me suis perdue dans vos intimités / C'est tous les jours que je suis intimidée / Autour de moi tout s'efface / J'ai oublié mes ennuis"). Pas besoin d’invitations, chante Yelle avec un mélange d’aplomb et de candeur : " Je tourne en rond et je me noie dans vos vies / Moi dans le noir je m'efface".
L’auditeur trouvera singulièrement dans le morceau phare de l’opus, "Noir", le titre le plus rythmé, le plus joyeux et même le plus coloré de L’Ère du Verseau. Il n’y a qu’à écouter le début du morceau : "Elle, sourire jusqu'aux oreilles / Même quand rien ne va plus / On la dit sympathique / Rien, jamais aucun problème / Même quand tout ne va plus / Elle est belle, elle est chic / Résolution en millions de couleurs / Rayon de soleil et bonne humeur". Un morceau à écouter en plein volume si vous avez l’âme grise.
C’est encore de vie, d’amour et de générosité dont il est question dans le mal nommé "Peine de mort" : "On abolit la peine de mort / On n'abolit pas les couleurs / T'as voulu planter le décor / J'ai voulu calmer ta douleur".
L’Ère du Verseau est un album optimiste, libératoire et cathartique d’une jeune femme qui se cherchait, comme elle le chante dans "Un million" : "Un million de vies cachées / dans mon angle mort / À l'abri je sors, je m'ignorais." N’est-ce pas un message adressé à celles et ceux en mal de vivre et de bonheur ? "J'attends le moment / Le moment où ça casse / Ici et maintenant / Mais pour l'instant ça passe" ("Ici et maintenant").
Aucun doute : Yelle entre indubitablement dans une nouvelle ère. Il sera maintenant difficile à la scène française de faire sans elle.
S’il y a un seul élément justifiant que l’on s’intéresse à Shadowplay c’est avant tout l’époque et l’année (1946) et la ville (Berlin) où se déroule ce polar (très) noir. Après l’excellentissime Babylon Berlin de l’entre-deux-guerres, Shadowplay fait un focus sur la ville allemande, mais cette fois quelques mois après la chute du nazisme et la fin de la seconde guerre mondiale.
Cette période est si peu connue qu’il semble qu’un voile pudique ait été jetée sur la courte période qui a marqué l’Allemagne en voie de dénazification – une "épuration" comme on l’a théorisé de ce côté-ci du Rhin. Berlin est coupée en quatre par les vainqueurs de la guerre, les États-Unis, l’URSS, la Grande-Bretagne mais aussi – curieux revers de l’histoire – la France.
L’Allemagne est le grand vaincu de la guerre : les nazis sont morts ou alors en fuite et la population a été saignée, spécialement du côté masculin, à telle enseigne que dans la série Shadowplay, l’unité de police que rejoint le policier américain Max McLaughlin (Taylor Kitsch) est dirigée et occupée majoritairement par des femmes. La tâche est évidemment ardue pour ces fonctionnaires catapultées là. Dès centaines de milliers de crimes sont commis chaque année dans l’ex et future puissance allemande et la pauvreté est à son maximum dans ce qui n’est qu’une ville en ruine.
Voilà pour le tableau. Un tableau incroyable où règnent mafias, luttes politico-militaires entre anciens alliés, petits et grands larcins, meurtres et impunités à tous les étages. L’Allemagne vaincue est plus qu’humiliée : punie, déchirée et réduite à l’état de non-nation et de chaos.
L’Allemagne punie et réduite à l’état de non-nation et de chaos
Max McLaughlin débarque de son Amérique natale après une enfance difficile et marquée par un crime familial, il vient officiellement aider la policière Elsie Garten (Nina Hoss) à organiser une unité de police allemande digne de ce nom. L'officier et ses agents n’ont que des barreaux de chaise en guise d’armes, avec une ancienne banque leur servant de commissariat de police. En réalité, Max est surtout à Berlin pour aller sur la piste de son frère qui a disparu à la fin de la guerre. Alors qu’un mafieux "recrute" des femmes désespérées et isolées pour ses affaires (prostitution, chantages et crimes en tout genre), un tueur en série s’attaque à d’anciens nazis et les tue au terme de longues agonies.
Shadowplay est une série historico-policière sur plusieurs niveaux : l’histoire personnelle de Max, d’abord, à la recherche de son frère. Disons que c’est l’aspect le moins intéressante de cette histoire, jusqu’à ce que les deux frères, nommés Max et Moritz – comme les deux personnages d’un classique de la littérature pour enfants – ne s’affrontent sur le terrain de la dénazification. Il y a également l’enquête autour du redoutable l’Engelmacher, le sinistre docteur Hermann Gladow (Sebastian Koch) et de son armée féminine que rejoint dès le premier épisode la troublante Karin Mann (Mala Emde). À cela s’ajoute une intrigue autour d’Elsie et de son mari prisonnier dans les geôles soviétiques.
Les personnages féminins sont au cœur d’une intrigue à double voire triple détente. Berlin repose sur elles, tout comme le crime comme le suggère la structure mafieuse du docteur Gladow. Nous ne serions pas tout à fait complet si on oubliait le personnage équivoque de Tom Franklin joué par Michael C. Hall (Dexter). Quant à, Tuppence Middleton, elle joue Claire Franklin, son épouse dans la série : une autre femme trouble, énième profiteuse autant que victime d’une guerre qui n’était pas encore froide.
Shadowplay, série franco-germano-canadienne de Måns Mårlind, avec Taylor Kitsch, Michael C. Hall, Logan Marshall-Green, Nina Hoss, Tuppence Middleton et Sebastian Koch, Saison 1, 2021 https://www.canalplus.com/series/shadowplay