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• • Articles et blablas - Page 129

  • Un seul être vous manque

    Pieces of a woman de Kornél Mundruczó. Voilà un film coup de poing qui commence par une scène tout aussi choc : l’accouchement de Martha (Vanessa Kirby) dans son appartement de Boston, filmé avec réalisme et dans la durée (plus de 20 minutes).

    Son compagnon Sean (Shia LaBeouf) est là, tout comme une sage-femme venue pour mettre au monde le bébé du couple. Mais cet accouchement à la maison, voulu par les deux parents, ne se passe pas comme prévu. Tout d’abord, la sage-femme qui était prévue a été remplacée au pied levé par une collègue, Eva (Molly Parker). Ensuite et surtout, le bébé finit par sortir, mais des complications surviennent rapidement, et l’enfant décède. C’est le début d’une descente aux enfers sur le couple.

    Le réalisateur Kornél Mundruczó, mais aussi les interprètes, portés par l'actrice principale Vanessa Kirby, réalise une prouesse avec le plan-séquence de l’accouchement de plus de 20 minutes. Pénible, angoissant, vu à hauteur d’homme, rarement un film d’aura montré d’aussi prêt une naissance. Et, ici, une naissance qui se termine par un drame, catalyseur du récit.

    Une prouesse avec le plan-séquence de l’accouchement

    Car après cette scène, vient le temps de la douleur, du deuil impossible, des déchirements au sein du couple (la prestation de Shia LaBeouf démontre qu’il est un des très grands acteurs américains), mais aussi l’incompréhension des proches, les conseils de ceux qui vous veulent du bien ("Tourne la page!", dit la mère de Martha, jouée par Ellen Burstyn, lors d’un repas de famille lourd de tensions et de non-dits) et finalement d’un procès qui apparaît finalement dérisoire si on le compare au drame intime et indicible.

    Finalement, la seule question qui se pose est : Martha va-t-elle pouvoir se reconstruire, et si oui, comment ? La réponse est dans ce superbe long-métrage qui a déjà valu à Vanessa Kirby le prix d’interprétation féminine à la Mostra de Venise et une nomination aux Oscars – qu’elle risquerait bien d’obtenir cette année.

    Pieces of a woman, produit par Martin Scorcese, est un film majeur sur un sujet hautement sensible, avec des interprètes bouleversants, portés par la formidable bande originale d'Howard Shore.

    Pieces of a woman, drame canadien de Kornél Mundruczó, scénario de Kata Wéber, avec Vanessa Kirby, Shia LaBeouf et Ellen Burstyn, 2020, 128 mn, Netflix
    https://www.netflix.com/fr/title/81128745

    Voir aussi : "Oh les filles, oh les filles"

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  • Hypersensible, Cat Loris

    Cat Loris avance masquée avec nonchalance et une fausse légèreté dans Hypersensible, un album à la fois coloré, poétique et mutin, non sans ces vagues de spleen qui viennent ponctuer un album très personnel.

    La chanteuse se dévoile en hypersensible, comme elle le chante dans la chanson qui porte ce tire. Sur un air de flamenco, cette "princesse au petit pois" parle de son passé de souffre-douleur, "un punching-ball pour salauds". Inacceptable, bien entendu, dit-elle encore : "Marre de faire le dos rond, je veux plus qu’on me martyrise".

    Cat Loris est bien décidée à revendiquer son "droit d’être heureuse". Pour "Monsieur L’escale", c’est à un ex qu’elle s’adresse, un "mec-pansement" qui a décidé de ne pas s’embarrasser et "a mis les voiles".  La conclusion de la jeune femme rejetée est cruelle et lucide : "Tu chialais sur ton pauvre sort / Tu m’as émue / J’ai tout fait pour te donner tort / Tu m’as bien eue."

    Hypersensible c’est ça : un album personnel, avec sa part d’obscurité,  qui parle de rupture, de la difficulté de vivre à deux, de ruptures ("Mon cœur, parle-moi"), d’incompréhensions ("Ça le fait marrer") et de concessions. « Tes mots sont des canons / Ta bouche est un dragon… Tu n’avais pas compris comment marchait ma vie" ("Lâcher prise"). Comment rompre, se demande encore la musicienne ? Elle a peut-être une idée là-dessus : "Je ne t’aime pas… Je vais t’aider à me détester" ("Oublie​-​moi").

    Cat Loris n’hésite pas à se mettre à nu, à l’instar de "J'ai les boules" ("Y a des jours j’en ai marre de faire le tapin") ou de "Calamitas" qui est, sur un rythme de samba, le portrait d’une fille aussi tête-en-l’air, glandeuse et poisseuse que charmante, attendrissante et craquante : "Miss catastrophe qu’il m’a appelée / Pour une chanteuse c’est bien trouvé." Pas facile à vivre tout de même, avoue-t-elle : "Je fais que des conneries… Qui c’est qui m’a maraboutée !"

    "Je fais que des conneries… Qui c’est qui m’a maraboutée !"

    Et l’amour dans tout ça ?" s’interroge Cat Loris dans ce titre là aussi enjoué que personnel. La musicienne exprime un sentiment largement partagé : l’envie de tout larguer - travail, mec, parents, et même son chien… Le gros ras-le-bol, quoi, avec les conséquences que l’on devine : "J’ai fait une connerie / C’était mon mari / Résultat même ma mère me fait ma gueule."

    Fil rouge de cet album, la passion et l’amour sont déclinés, même s’ils riment souvent avec frustration, mélancolie et soif d’aimer ("Cerf-volant"). Le titre plus sombre "Bonheur éphémère" traite de la vanité du sentiment amoureux et du départ inéluctable. Cat Loris le chante ainsi : "Notre amour est-il  fait pour durer ? / Je vais semer comme le Petit Poucet / Des moments phares impossibles à oublier". "C’est bien beau tout ça, mais il est où l’amour dans tout ça / L’amour avec un grand A ?" Elle conclue ainsi : "Le bonheur sans nuage / Dès qu’il est en cage / S’envole aussitôt / En fumée."

    Deux titres se détachent dans cet album. Tout d’abord, "Mauvais présage". C’est le récit plein de spleen d’un disparu, un musicien des rues : "J’espère que quelque part tu continues de jouer", chante Cat Loris, sur une orchestration épurée – piano et voix.

    Il y a ensuite "L'ombre". Dans ce "polar infini", chanson riche d’images poétiques et fortes, Cat Loris parle d’un sujet maintes fois traité : l’Occupation et la Résistance, porté par des soldats de l'"ombres", des gens ordinaires et héroïques, "des êtres humbles" : "Je suis le pays des remords / Des damnés / Moi qui suit l’ombre… C’est parfois les plus grands artistes / Qui se cachent dans les coulisses." "L'ombre" est le rappel d’un passé pas si ancien autant qu’un hommage : "Je tiens souvent dans mes bras gris / De vrais héros des êtres humbles / Comme les Justes pour qui c’est simple / D’avoir pour nous risqués leur vie / Dans un passé de Résistance / Combien de parachutés en France furent des héros, pour l’histoire".

    L’album se termine sur un titre enjoué et espièglerie "Reste dormir avec moi" sur un air de charleston et de cabaret. Irrésistible. Comme une petite fille qui réclame de ne pas dormir seule.

    Pour cet album, Cat Loris a reçu le premier Prix du tremplin des Nuitées Vagabondes et le Prix Claude Lemesle.

    Cat Loris, Hypersensible, 2020
    https://www.catloris.com
    https://www.facebook.com/catherine.lacroix.963

    Voir aussi : "Le Manureva de Marc Fichel"

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  • "Assez de bla bla" #1 : Khatia Buniatishvili

    Découvrez la première chronique de « Assez de Bla Bla », diffusée sur la radio C2L. Cette première pastille est consacrée à la pianiste Khatia Buniatishvili.

    Merci à Pascal Weber pour ce super travail !

    Pour aller plus loin dans cette chronique, rendez-vous également sur ce lien vers cette incroyable version de La Javanaise.

    "Assez de bla bla", les capsules de Bla Bla Blog
    http://www.c2l-radio.fr/-Entre-Loire-Loing-le-magazine-du-Gatinais-135-.html

    https://www.facebook.com/entreLoireetLoing

    Voir aussi : "En suivant le fil de Khatia Buniatishvili"

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  • Le cinéma pour les nuls

    Voilà un livre qui intéressera aussi bien les amateurs de films que les professionnels du cinéma, qui liront l’ouvrage de Tim Grierson, C’est comme ça qu’on fait un Film (éd. Eyrolles), comme un résumé des techniques cinématographiques.

    L’ouvrage a été conçu intelligemment, avec 5 grandes sections : le jeu d’acteurs, la réalisation, l’éclairage et les prises de vue, le montage et le scénario. On peut bien sûr débatte sur la place de chacune de ces parties : sans doute aurait-il été plus pertinent de parler du scénario en premier et traiter du montage en dernier.

    Ce bémol mis à part, Tim Grierson fait preuve d’une solide pédagogie et d’une grande qualité de synthèse pour présenter les fondamentaux du cinéma et permettre de comprendre la manière dont un film est conçu. Cette grammaire est conçue comme une "collection de tutoriels", comme le dit l’auteur. Pour cela, l’auteur s’intéresse aux spécificités de tel ou tel métier. Par exemple, dans la section consacrée au  jeu d’acteurs, Tim Grierson traite de la méthode de l’acteur, de l’improvisation, des répétitions, du monologue, de la motivation et du jeu d’amateurs.

    Le "narrateur peu fiable"

    Pour chaque "tutoriel", une page de texte explicative est suivi de trois exemples de films, avec à chaque fois une caractéristique ou un "ingrédient". Ainsi, lorsque l’auteur traite du scénario et de la voix off, il fait un focus sur la narration romanesque (avec l’exemple de Barry Lyndon de Stanley Kubrick), de la communication directe (Les Affranchis de Martin Scorsese) et du "narrateur peu fiable" (The Informant! de Steven Soderbergh).

    Le choix des films utilisés pour l’ouvrage a été fait avec soin. Le lecteur y trouvera aussi bien des superproductions (Wonder Woman de Patty Jenkins, la saga Star Wars ou Matrix de Lana et Lilly Wachowski) que des films avant-gardistes (La dernière séance de Peter Bodganovich, L’Avventura de Michelangelo Antonioni ou Le Cheval de Turin de Béla Tarr), ou encore de grands classique (Le Voleur de Bicyclette de Vittorio de Sica, La Nuit du Chasseur de Charles Laughton ou La Passion de Jeanne d’Arc de Carl Theodor Dreyer).

    Évidemment, des réalisateurs aussi importants que Steven Spielberg,  Francis Ford Coppola, Jacques Tati, Kathryn Bigelow, Sofia Coppola ou Claire Denis sont présents dans cet ouvrage passionnant, qui peut aussi se lire comme un "avant-goût de l’étendue et du potentiel du cinéma".

    Une belle entrée en matière donc. 

    Tim Grierson, C’est comme ça qu’on fait un Film, éd. Eyrolles, 2021, 192 p.
    https://www.editions-eyrolles.com
    https://timgrierson.blogspot.com

    Voir aussi : "Les films que vous ne verrez jamais"

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  • Assez de bla bla

    Vous retrouverez très vite mes chroniques en live, proposées par la radio C2L et l'émission "Entre Loire et Loing".

    Première capsule : une chronique sur la pianiste Khatia Buniatishvili et sa reprise de "La Javanaise" de Serge Gainsbourg.

    C'est à écouter et à voir très bientôt.

    "Assez de bla bla", les capsules de Bla Bla Blog
    http://www.c2l-radio.fr/-Entre-Loire-Loing-le-magazine-du-Gatinais-135-.html

    https://www.facebook.com/entreLoireetLoing

    Voir aussi : "En suivant le fil de Khatia Buniatishvili"

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  • La Route 66 des échecs 

    Le succès de la série de Netflix Le Jeu de la Dame a non seulement mis à l’honneur les échecs mais aussi donné un sacré éclairage à ce jeu – ou sport (choisissez le mot qui vous conviendra).

    C’est dans ce contexte qu’est sorti en début d’année la revue trimestrielle Route 64, "ainsi dénommée en hommage à la mythique Route 66 et aux 64 cases du jeu d’échecs", comme l’explique l’éditorial. Le numéro 1 est toujours en vente, par abonnement. Voilà qui devrait ravir les joueurs francophones, réguliers ou profanes, qui ne trouvaient plus de magazine dédié à leur passion.

    Revue née en Vendée, à La Roche-sur-Yon, Route 64 a été conçu comme un magazine hétéroclite, décortiquant tous les aspects de l’univers échiquéens.

    Le menu du 1er numéro de janvier-avril 2021 mérite que l’on s’y arrête. Un premier dossier s’arrête sur les plateformes web dédiées aux échecs (Chess24, Chess.com ou Blitzstream). Elles sont en pleine guerre pour la conquête de nouveaux territoires (l'internet) mais aussi un nouveau public. Un focus particulier est fait sur un tournoi qui fait polémique, PogChamps : "la “Ferme Célébrités’’, le fond du trou de la téléréalité trash !", s’indigne le Maître International Stefan Löffler. Pour autant, force est de constater que "les échecs s’exportent parfaitement en ligne". D’ailleurs, est-il encore dit, "ces derniers mois, le confinement lié à la crise sanitaire a participé à l’essor des échecs en ligne en France et dans le monde."

    Autre enquête, aussi pointue qu’étonnante : celle sur le chessboxing, une singulière épreuve sportive mêlant boxe et échecs. La pratique reste encore confidentielle (400 pratiquants en France), même si elle a été mise sur les fonds-baptismaux rien moins que grâce à Enki Bilal. L’auteur de BD avait été le premier à imaginer ce sport en 1991, pour son album Froid Équateur.

    Le chessboxing, une singulière épreuve sportive mêlant boxe et échecs

    Outre une explication du classement Elo, le magazine spécialisé s’offre une interview de Bernard Werber, joueur amateur mais passionné qui raconte, entre autres, la partie qu’il a joué contre le maître Anatoly Karpov. Le rapport entre la littérature et ce jeu millénaire ? "La construction d’un roman est très échiquéenne, si on regarde bien", confie l'écrivain, non sans malice.

    Un autre dossier est consacré aux passionné·e·s d’échecs qui en ont fait leur métier. Une niche, certes, mais une réalité qui touche environ 1 000 personnes en France – joueurs professionnels, arbitres, animateurs ou consultants pour des sites web spécialisés.

    Dans un pays comme le nôtre, complètement converti aux mangas, Route 64 présente la bande dessinée Blitz. "Deux tomes de Blitz sont déjà parus, le troisième est prévu en février 2021", explique l'un des auteurs. Ce manga, dont l’intrigue tourne autour du fameux plateaux aux 64 cases, a été créé par Cédric Biscay, co-scénarisé par Tsukasa Mori et mis en image par le mangaka Daitarô Nishihara. Blitz raconte la manière dont Tom, un jeune collégien, décide de conquérir une jeune fille, Harmony, grâce aux échecs. L’objectif, dit Cédric Biscay, est "de sortir 3 tomes en une année, il va être respecté, et nous comptons sortir au moins 5 mangas sur Blitz, ce qui permettrait d’ensuite créer une saison d’animation." Une belle ambition, et un projet soutenu par Garry Kasparov.

    Plus réservée aux spécialistes, une table ronde est consacrée à la figure du champion du monde des échecs. Quel est l’avenir des échecs professionnels dans les prochaines années ? Outre la Chine et l’Inde, Jérôme Maufras estime que "sans préjuger du futur, on peut supposer que l’Afrique qui va devenir un géant démographique, va produire des champions d’échecs."

    Le trimestriel est riche de rencontres. Il y a celle du Grand Maître français Fabien Libiszewski et surtout un long entretien avec Maxime "Rikiki" Lagarde, champion de France en titre, "personnage timide dans la vie, mais redoutablement féroce et agressif dans le jeu". Un champion qui ne mâche pas non plus ses mots lorsqu’il parle du développement de ce jeu dans notre pays : "la FFE [Fédération Française des Échecs] ne fait aucun effort pour les jeunes de notre niveau, il y a même eu cette année une baisse des primes avec l’équipe de France".

    Le lecteur pourra également trouver un an article sur un maître-verrier installé sur la côte vendéenne, Wilfried Allyn, le seul artisan français à fabriquer des pièces d’échecs en verre. Il s'arrêtera également  sur ces parties jouées en plein air, et même les pieds dans l’eau. Signalons aussi qu'un portfolio de créations graphiques d’Adèle Fugère est proposé dans le trimestriel, tout comme une incontournable page d’histoire sur le Café de La Régence, Temple parisien des échecs durant deux siècles.

    Et, évidemment, Route 64 ne pouvait pas ne pas évoquer la série de Netflix, Le Jeu de la Dame. Le magazine fait le focus sur cette magistrale création télé à travers un article sur la défaite. Tout un programme. 

    Route 64, janvier-avril 2021, 128 pages, 25 €
    59, rue des Robretières, 85000 La  Roche-sur-Yon
    https://www.route64-lemag.fr

    Voir aussi : "D’échecs en échecs"
    "Machines : 1 – Humains : 0"

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  • Le léger problème du chômage

    Bande dessinée et enquête, l’ouvrage de Benoît Collombat et Damien Cuvillier, Le Choix du Chômage (éd. Futuropolis), est beaucoup plus passionnant et attrayant que ne le laisse deviner le titre mais aussi la couverture.

    On sait que l’économie fait partie de ces domaines à la fois boudés par le public français et assez peu vulgarisé. Tout porte à croire que cette pseudo-science traitant aussi bien des monnaies que la vie des entreprises ou la circulation de l’argent soit à la fois tabou et forcément réservée à des spécialistes qui feraient tout pour la rendre imbitable. Les plus cyniques pourraient ajouter que, ce faisant, les économistes prendraient bien soin de nous cacher des réalités peu reluisantes. Admettons.

    Voilà pourquoi il faut absolument lire la bande dessinée de Benoît Collombat et Damien Cuvillier, qui entend balayer près de 50 ans de choix économiques qui ont fait du chômage, sinon un domaine mineur, du moins "une variable d’ajustement" au service d’enjeux libéraux.

    "Libéralisme" : voilà le mot qui est au centre de la bande dessinée Le Choix du Chômage.

    Les auteurs proposent au lecteur une immersion dans leur travail d’investigation, constitué pour l’essentiel d’entretiens avec d’anciens ministres, des hauts fonctionnaires en exercice ou non,  des mandarins du libéralisme et des spécialistes en économie, droit du travail, juristes ou chercheurs en sciences sociales.

    Le terme de vulgarisation n’a rarement aussi bien convenu à un ouvrage, une bande dessinée de surcroît, qui nous entraîne dans les arcanes du pouvoir politique et économique. Ce qui est au cœur du récit est bien le libéralisme – pour ne pas dire l’ultralibéralisme – qui s’est d’autant plus imposé dans les pays européens ces 30 dernières années, dont la France, que le continent a vu trois alignements de planètes favorables à son essor : l’influence des néolibéraux américains et anglais portés respectivement par Reagan et Thatcher, la Chute du Mur de Berlin et une crise économique dont le salut pouvait venir d’un libéralisme assumé jusqu’à des choix les plus extrêmes.

    Le chômage comme variable d’ajustement, voire épine dans le pied

    Et parmi ces choix, il y a celui du chômage, qu’un certain  François Hollande, pourtant socialiste, théorisait ainsi en 1985 : "Faire le choix des grands équilibres  au risque de sacrifier l’emploi." No comment. Benoît Collombat et Damien Cuvillier décrivent au fur et à mesure de leur ouvrage ce qui a conduit à faire tomber les frontières, permettre une libre-circulation des marchandises (presque) sans contraintes et finalement considérer que l’emploi n’était pas une priorité, voire pouvait être un frein au développement économique.

    Après un survol historique de l’économie mondiale après la seconde guerre mondiale (Plan Marshall, naissance de la CEE, domination du dollar), les auteurs en viennent au cœur du récit contemporain, qui est celui d’une Europe se construisant sur un modèle libéral. Pour appuyer leur théorie, outre la figure de Jean Monnet, c’est Jacques Delors, socialiste lui aussi, qui est épinglé. Les auteurs font d’ailleurs de l’exemple du virage de la rigueur en 1982 un symptôme de choix économiques – avec toujours le chômage comme variable d’ajustement, voire une épine dans le pied qui sera rarement considérée comme prioritaire.

    Précis, rigoureux, impitoyables, mais aussi capables de nuances (le sombre destin de Pierre Bérégovoy en est le plus brillant exemple), les auteurs tirent à boulet rouge sur une Europe qui est devenue résolument libérale. Les exemples ne manquent pas.

    Parsemant la BD de parenthèses de vignettes très imagées ou de planches biographiques, Benoît Collombat et Damien Cuvillier assument leur engagement, tout en inscrivant leur ouvrage dans l’actualité contemporaine, celle des Gilets Jaunes et du Covid. On peut toutefois regretter que la parenthèse socialiste de 1995-2002 soit laissée sous silence, puisque cette fois le gouvernement Jospin avait fait du chômage sa grande priorité, non sans succès. 

    Benoît Collombat et Damien Cuvillier, Le Choix du Chômage, Préface de Ken Loach, éd. Futuropolis, 2021, 288 p.
    https://www.futuropolis.fr/9782754825450/le-choix-du-chomage.html
    https://www.franceinter.fr/personnes/benoit-collombat

    Voir aussi : "Noir coton"

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  • Sara Lugo en élévation

    Pour son nouvel EP, Sara Lugo propose un brillant et élégant mélange d’influences. Une évidence pour la musicienne qui a commencé sa carrière en Allemagne, avant de venir s’installer en France. pop, swing, funk, hip-hop, R&B, reggae ou jazz : rien ne fait peur à cette artiste qui repousse aussi bien les frontières que les genres. Ajoutons que Sara Lugo a remporté en 2013 l’award du British Reggae Industry en 2013 en tant que meilleure artiste féminine internationale.

    "Elevate", le titre qui donne son nom au mini-album revendique une électro pop mâtinée de hip hop. Les chœurs jouent et s’envolent, portés par une voix claire que l’on dirait souriante. Il faut noter que ce morceau fait également l’objet d’un remix.

    "Flowaz", né d'une collaboration avec Blanka, du collectif La Fine Équipe, montre que Sara Lugo est capable de se frotter au jazz : cool et lumineux.

    Preuve que Sara Lugo n’est à être cantonné à un seul genre, cet autre extrait "Energy Of God" souffle sur les braises du funk, sans pour autant mégoter sur le hip-hop et un sens du rythme et du flow indéniables. Funk encore avec "Time" que l’on croirait tout droit sorti d’un vieux vinyle de la fin des années 70 ou d’une BO de Tarantino, période Jackie Brown.

    Arrêtons-nous enfin sur "Free Flow", une formidable pop-électro tout aussi inventive, avec ces nappes de synthétiseurs diaboliques et cette voix sautillante. 

    Sara Lugo, Elevate, Take It Easy Records, 2020
    https://www.facebook.com/sararootslugo

    Voir aussi : "Laura Perrudin en perspective"

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