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Quelques jours après la mort du pianiste Chick Corea, il paraît judicieux de se plonger ou replonger dans le jeu magnétique d’un géant du jazz.
C’est aussi l’occasion de découvrir la série des Tiny Desk Concert. Le principe ? La chaîne NPR Music propose sur Youtube des lives, des documentaires et des concerts au sein même de ses locaux.
Parmi ces artistes s’étant prêté au jeu de ces Tiny Desk Concert, il y a le regretté Chick Corea, dans un enregistrement acoustique avec le xylophoniste Gary Burton : moment de magie assuré.
Laure Izabel vient de ressortir son roman Caladrius aux éditions Juno. C’est un en quelque sorte un grand retour pour son personnage principal, Gwenvaël June, après une première vie aux éditions L’ivre-book.
Parler de "renaissance" est du reste le terme approprié pour un récit à la fois sombre, gothique, tourmenté et rythmé par l’érotisme et le fantastique.
Gwenvaël, brillant écrivain et spécialiste des mythes et légendes, est convié à animer dans sa ville du Havre une conférence sur ce sujet, dans une université où il a été lui-même étudiant. C’est une parenthèse qui s’offre à lui alors que ce quasi quadra voit arriver la mort à grands pas, en raison du Sida qu’il a contracté, lui et son compagnon Yannou, bien plus mal en point que lui ("Combien de temps au juste ? Un mois, deux, six… un an, quelques semaines, jours ?"). C’est aussi l’occasion de revenir sur ses jeunes années et sur ses tourments ("Impossible d’être aimé. Peu à peu, le lionceau devint un jeune lion condamné à avoir mal, à faire le mal, se faire mal…").
Alors qu’il traîne sa morgue en attendant sa conférence, il croise un étrange étudiant, Ulric, à la beauté du diable. L’apparition le foudroie sur place : "Est-ce un ange, un Dieu ? Un être si plein de mansuétude qu’il en irradie l’âme ?"
Bedroom trip
Pour Gwenvaël, l’attirance et le rejet se disputent en lui, face à ce garçon attirant mais aux intentions sourdes et qui ne vont pas tarder à se dévoiler. L’attirance est sulfureuse mais aussi dangereuse : "Je sais que ce n’est pas de l’amour. Enfin, je crois. Non, c’est certain. Pas de coup de foudre, rien qui ressemblerait à du relationnel intime. " Par ailleurs, il y a Yannou, avec qui il a le devoir de rester jusqu’au bout.
La maladie est dépeinte avec cruauté, voire crudité. L’auteure en profite pour entrer dans l’intérieur qu’on imagine bobo d’un couple, rythmé par les protocoles thérapeutiques, les soins infirmiers mais aussi la présence réconfortante des parents de Yannou.
Déchiré entre son compagnon atteint par le sarcome de Kaposi et cet Ulric éclatant de santé et d’envies, Gwenvaël est entre la mort et la vie. À moins qu’il n’aie pas à choisir, et doive se laisse guider jusqu’à un "bedroom trip" de 72 heures au Normandy de Fécamp. Au bout de ce voyage, l’écrivain souffrant pourrait bien connaître non seulement des réponses à ses questions mais aussi des révélations qu’il ne soupçonnait pas.
Dans ce roman tendu, à la fois sensuel et sombre, Laure Izabel entraîne le lecteur dans une intrigue aux lourds et terribles secrets. Les dernières pages éclairent le titre de ce roman au terme d’une ballade mystérieuse battue par le vent de la vie, malgré tout.
Voilà une scène troublante que nous propose cette semaine L’Œil du frigo. Notre chroniqueur nous fait découvrir Le Sourire de Mona Lisa, avec Julia Roberts dans le rôle titre. Une Julia Roberts diablement attirée par un frigo, plus vivant que jamais.
Voici un film fascinant, Julia Roberts apporte la connaissance artistique aux jeunes filles de bonnes familles pour qu'elles puissent se marier avec une tête bien faite. Donc cours de maintien et de tenue, de cuisine, au programme... Mais la dame n'est pas une jeune enseignante comme les autres et un vent de folie va flotter autour de son personnage et du groupe de jeunes filles américaines qui se destinent à la vie en couple.
Dans cette scène de frigo absolument fabuleuse, tout le message du film y est résumé. Dans son logement d'enseignante, en co-location avec les autres professeures, sa co-locataire lui fait visiter les chambres et les us et coutumes de la cuisine. Lorsqu'elle arrive près du frigo, une notion plus charnelle plus érotique se susurre entre les plans. Elle ouvre la porte pour en faire découvrir un frigo très bien rangé, par étagère, où rien ne dépasse. Il est évident que cette représentation est celle de la société, et qu'en tant que nouveau professeur, elle ne devra pas dépasser les bornes. Elle lui collera aussi une étiquette pour être sûre qu'elle soit dans la bonne case.
Mais c 'est quand cette jeune enseignante se met à genou devant le frigo, comme elle pourrait le faire devant son amant, voire son amante, que toute la tension charnelle, hors-cadre, prend tout son sens. Elle entre par le cadre du haut et descend jusqu'en bas, puis tourne la tête vers les hanches de sa belle alors que les étagères en fond marquent toute la morale de la société. Il y a un jeu avec le frigo, froid, rangé et le corps, le visage de l'actrice. Mais si cela ne suffisait pas, comme s'il fallait insister sur cette ambiguïté, cette attirance physique que la société réprime (décrit par une autre enseignante), la belle enseignante, pulpeuse et charnelle se relève, laissant le frigo à ses pieds. Elle entre dans le cadre par le bas cette fois ci, elle surgit de la norme et crève l'écran. Elle s'approche de Julia rentre dans son cercle d'intimité, pour lui déclarer tout son "amitié". Elle en est même tellement troublée qu'elle en enlève ses lunettes, pour mieux voir son amante qui baisse légèrement les yeux devant autant d'intimité.
La scène est forte, voluptueuse, charnelle, érotique et se développera tout au long du film. Le frigo est en contrepoint, là pour les apparences. Un frigo bien rangé pour montrer que tout va bien et où personne ne dépasse la bonne morale. Et puis le surgissement de pulsions qui crève le cadre pour s’adonner à des pulsions plus érotique, s'émancipe du frigo pour accéder à la liberté. On sait ce que va être le film, là il suffit juste de savourer.
Un petit conseil frigoristique si quelqu'un s'agenouille devant son frigo pour vous expliquer à quel point tout est à sa place, pensez immédiatement qu'un feu couve sous ce rangement si froid et linéaire. ( Pas encore sûr que ça marche pour l'inverse). Evidemment je ne vous raconterai pas comment se sont terminées les soirées où l'on a ouvert un frigo devant moi... Cela fait froid dans le dos rien que d'en parler. Mais pour revenir au film, la révolution culturelle est toujours près de la loupiote foi d'Œil du Frigo.
ODF
Le Sourire de Mona Lisa, drame américain de Mike Newell avec Julia Roberts, Kirsten Dunst, Julia Stiles et Maggie Gyllenhaal 2003, 117 mn
Le groupe canadien The Brooks est de retour avec un son nouvel album, Any Day Now, dans lequel les musiciens québécois menés par Alexandre Lapointe prennent un malin plaisir à sortir un opus funk à l’ancienne.
À l’ancienne car l’influence de la musique noire des années 70, et en particulier de James Brown, est assumée avec plaisir par les Brooks ("Drinking", "Never Thought", "So Turned On" ou "Turn Up Thne Sound").
Avec "Zender", nous voilà dans une musique aux fortes influences afro-américaine et seventies digne de figurer dans une BO tarantinienne. Les cuivres étincellent particulièrement dans les dernières mesures de ce titre enlevé.
Derrière le chanteur, trompettiste et tromboniste Alan Prater, les musiciens savent déconstruire et reconstruire leur funk, capable de faire le lien avec le mouvement hérité de la Blaxploitation et des sons actuels plus planants ("Moombean").
Une composition futuriste, comme si Jackie Brown avait été catapultée dans l’espace intersidéral
Avec "Issues" nous voilà carrément dans une composition futuriste, comme si Jackie Brown avait été catapultée dans l’espace intersidéral, avec costume d’astronaute comme il se doit.
Pour "Gameplay", Les Brooks ne se privent pas d’utiliser le potentiel du rock dans un titre funk, groove et bigarré, avec un art consommé de l’improvisation, jusqu’à une partie en fin d’album plus courte, rythmée et électro.
Album plus conceptuel qu’il n’y paraît, Any Day Now est articulé autour de deux courtes interludes de respectivement 46 secondes et 1 minute 06 ("Headband" et "Blue Dream").
"The Crown", qui arrive en fin d’opus, propose un funk mâtinée de rythme rap, avec des envolées pleines de chaleur et de virtuosité dans un morceau de près de 7 mn 30. L’auditeur saluera la grande richesse stylistique dans un morceau où se mêlent rap, pop, rock, funk et même jazz – Herbie Hancock faisant partie des influences des Brooks. Un album à découvrir absolumentt.
10 ans avant Rock’n’love, sortait Mille milliards de bisous pour mon chéri, signé sous le pseudo de Lucrèce. Lucrèce avant Arsène K. Et oui ! Mais il s’agissait bien de la même Lucrèce, qui avait 17 ans à l’époque, empêtrée dans une histoire d’amour également. Sauf qu’il ne s’agissait ni d’Alessandro Sullivan, ni d’un groupe de pop-rock, et encore moins de problèmes judiciaires. C’est cependant bien la même Lucrèce, 20 ans plus jeune, dans un roman écrit il y a … 10 ans. La magie de la littérature.
Voilà le pitch de ce roman.
Sous forme de fausses confidences écrites sur un blog, Mille Milliards de Bisous pour mon Chéri raconte une liaison amoureuse entre une adolescente et un homme d'âge mûr. La narratrice, Lucrèce, 17 ans, une "Lolita contemporaine", raconte à la première personne cette idylle avec son langage naturel et vivant. Maniant l'ironie et le sarcasme sans complexe, Lucrèce nous fait entrer dans son propre univers autant que dans celui de la "comédie humaine des adultes". Et, de ce point de vue, elle apprend très vite.
De sa voix cassée et d’une hypersensibilité cristalline, si inhabituelle sur la scène féminine, Eva Marshal propose son nouveau single, "Au Bout du Couloir".
"Hier encore j’ai tangué / Je n’ai même pas vu le coup arrivé / Après je ne sais plus / Je suis un miroir cassé", chante-t-elle. Sur un clip d’un très beau noir et blanc, la chanteuse nous parle du sujet douloureux de la maltraitance par une femme qui croyait avoir trouvé "le prince charmant". La réalité est tout autre : "Je suis vraiment la reine des connes… Je sais que les coups vont pleuvoir."
Pour autant Eva Marchal veut voir l’horizon s’éclaircir, pour elle et pour a fille : "Surtout, qu’elle ne sache pas."
La chanteuse parle ainsi de ce titre qui lui tient particulièrement à cœur : "cette chanson, ce clip, me trottent dans la tête depuis trois ans... Ce qui me terrifie, dans les violences conjugales, c’est le « par amour ». Le « par amour » abject de celui qui donne les coups, mais aussi Le « par amour » sacrificiel de celle qui endure et ne part pas."
"Au Bout du Couloir", qui aborde le thème des violences conjugales et annonce la sortie de son troisième et prochain album, à la rentrée 2021.
C’est à Toulon que l’on trouve la galerie Simona de Simoni, située en face de la Porte d’Italie. Celle qui en est l’initiative est Aliénor de Cellès, dont nous avions déjà parlé sur Bla Bla Blog. Cette artiste passée par le stylisme, la mode et les costumes de scène a choisi la peinture comme terrain d’expérience et de création. Le dernier exemple en date est celui de la galerie qu’elle a fondée au cœur de la Préfecture du Var.
Plus qu’une galerie d’exposition traditionnelle, ce lieu se veut aussi atelier d’artistes, rendez-vous pour les enfants de 6-12 ans désireux de s’inscrire à des stages artistiques, mais aussi concept-store abritant des objets décalés. Aliénor de Cellès y présente bien entendu qjuelques-unes de ses œuvres.
Mais c’est une autre artiste qui a les honneurs du lieu en ce moment. Jusqu’au 15 mars, la galerie Simona de Simoni expose des peintures de Patricia Tozzi-Schmitzer. L’artiste vient en presque voisine présenter ses poétiques, fantasmagoriques et surréalistes scènes de nature.
En intitulant son exposition "L'(autre) origine du monde", l’artiste ne fait pas seulement référence au célèbre et sulfureux tableau de Gustave Courbet. Elle entend aussi placer le végétal au cœur de notre univers. Non sans référence aux religions anciennes centrées sur les déesses de la féminité, l’arbre s’humanise en s’arrondissant dans des danses lascives et joyeuses. Ces "arbres-femmes", tout en courbes et en floraisons, se déhanchent sur un décor uni et pastel. L’œil du spectateur caresse ces saules, peupliers et autres arbres fruitiers, transformés par l’artiste en autant de danseuses symbolisant une nature vivifiante, sensuelle et revigorante.
L’exposition de Patricia Tozzi-Schmitzer est à voir à Toulon à la galerie Simona de Simoni jusqu’au 15 mars.
Voilà un long-métrage qui vous a sans doute échappé, alors qu’il est sans doute l’un des meilleurs de l’année 2019 et qui peut se targuer d’être l’un des très grands films sur la mafia. Le traître de Marco Bellocchio, avec Pierfrancesco Favino dans le rôle de Tommaso Buscetta, le repenti le plus célèbre de l’histoire, a été injustement oublié lors du Festival de Cannes, même s’il a été primé à de multiples reprises.
Nous sommes en 1980 en Sicile, au cours d’une fête somptueuse qui entend marquer la réconciliation de plusieurs clans de Cosa Nostra. Une nuit des dupes en réalité, car c’est une guerre mafieuse qui se prépare. Sentant le danger, le criminel et malfrat Tommaso Buscetta choisit de partir au Brésil pour continuer ses affaires plus ou moins louches. Il emmène avec lui sa famille, hormis ses deux fils aînés, et réussit, contre toute attente, à devenir une personnalité publique reconnue. Alors qu’il apprend qu’une guerre entre clans s’est déclenchée en Sicile et que ses deux fils restés au pays ont été assassinés, c’est un autre coup dur qui s’abat sur lui : la police brésilienne s’intéresse à ses affaires, le torture puis l’extrade vers l'Italie.
Le juge Falcone l’attend. Le "Monsieur Mains Propres" a décidé de s’attaquer à Cosa Nostra et Tommaso Buscetta, par sa connaissance du Milieu, peut lui donner de précieuses informations. Le mafioso refuse d’abord, arguant qu’il n’est pas un repenti, mais il change d'avis sur les conseils de sa femme et finit par tout avouer et tout déballer : des noms, des crimes, le fonctionnement de la mafia sicilienne toute puissante. C’est le point de départ du Maxi-Procès de Palerme ("le procès du siècle", une expression qui a rarement porté aussi bien son nom) qui envoie en cellule près de 350 criminels.
Ce suspect se cousant la bouche pour protester contre son procès
Le traître suit le parcours d’un homme hors-norme, singulièrement mort de sa belle mort en 2000. Tout en suivant le parcours tumultueux de Tommaso Buscetta (avec notamment les scènes spectaculaires et féroces au Brésil), Marco Bellocchio tourne avec une précision géniale les réunions des clans mafieux comme les arcanes du Maxi-Procès de 1986-1987. On devient spectateur privilégié de scènes spectaculaires et surréalistes, à l’exemple de ce suspect se cousant la bouche pour protester contre son inculpation. Le réalisateur italien passe très rapidement la période américaine de Buscetta. Il fait l'impasse par exemple de l’affaire de la Pizza Connection qui condamne là encore plusieurs centaines de mafiosi au cours des années 80. C’est en réalité l'Italie qui intéresse le cinéaste, qui se fait aussi procureur lorsqu’est traité un autre procès, celui de Giulio Andreotti, dont les liens avec la mafia n’ont jamais été prouvés.
Le film regorge d’autres moments clés : l’attentat du juge Falcone filmé au plus près comme jamais sans doute, la réaction des clans à la nouvelle de sa mort, les relations entre Buscetta et sa femme Cristina (formidable Maria Fernanda Cândido) et bien entendu les face-à-face entre le repenti et Falcone.
Pour le rôle de Tommaso Buscetta, Pierfrancesco Favino réalise un tour de force grâce à une interprétation tendue et tout en subtilité. Tour à tour cruel, rongé par le doute, simple, arrogant ou tout simplement anti-héros magnifique, l’acteur italien porte cet extraordinaire film sur ses seules épaules. Pour son interprétation d’un traître aux yeux de Cosa Nostra, l’acteur a été récompensé à plusieurs reprises, tout comme d’ailleurs le réalisateur.