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Mieux vaut tard que jamais : Lilie Mae toque discrètement à nos oreilles grâce à son premier album sorti il y a un an pile (Other Girls for That).
Mais qu’est-ce qui fait la singularité de cette artiste quasi inconnue en France ? Sans doute qu’elle s’approprie la country, un genre injustement boudé et moqué par le public français, à l’oreille musicale pourtant infaillible – non, je déconne…
Bref, Lillie Mae, découverte par Jack White en personne, s’impose par son choix de trousser des titres mêlant country et pop folk avec une rare sensibilité (Wash Me Clean, You’ve Got Other Girls for That).
À l’instar de Ben Harper, ses pairs ne s’y sont pas trompés qui ont fait de Lillie Mae une de ces nouvelles voix américaines à suivre.
Au public français de se débarrasser de ses préjugés pour craquer sur cette chanteuse pop-rock country, à la voix et au physique fragile et irrésistible.
"Ressusciter n’est pas une mince affaire", cette phrase qui a donné le titre à la BD de Fiamma Luzzati (éd. Florent Massot), est cité par Violette, l’une des protagonistes de ces Petites et grandes histoires du Covid-19. Cette productrice de télé à la vie trépidante, et se croyant invulnérable, revient sur sa contamination par le Covid-19 et sur son hospitalisation, jusqu’aux portes de la mort. Une vraie résurrection comme elle le dit elle-même après coup, mais une résurrection douloureuse.
Évidemment, seulement deux mois après la fin du Grand Confinement en France, il était impossible à Fiamma Luzzati de cerner tous les aspects de cette période marquante. Pour autant, l’auteure en saisit l’essentiel, avec ce caractère d’urgence jusque dans le coup de crayon.
La vie, la maladie et la mort. Tel est le cœur de ces huit chapitres, qui sont autant des tranches de vie autour du Grand Confinement : la guerre contre la maladie ("«Il faudrait dire la vérité » : une étudiante en médecine face au Covid"), la peur, la manière de vivre le confinement, les méfiances réciproques entre les politiques et les citoyens, les séparations, les enfants ("Qui a peur du grand méchant virus ? Les enfants parlent du Covid-19"), les guerres de couples ("Le coronavirus tue le couple : comment s'immuniser"), les traumatismes, le deuil ("Covid-19 : mourir seul, rester seul - Le deuil impossible") le déni, la colère, le combat ou le fatalisme d’un combat perdu d’avance.
En mandarin, "crise" se traduit aussi par "opportunité"
On ne peut être que reconnaissant à Fiamma Luzzati d’avoir évité à la fois le pathos et l’angélisme dans ces chroniques qui sont autant de témoignages plus vrais que nature. On s’arrêtera par exemple sur ces planches consacrées à la crise sanitaire en Italie, lorsque la péninsule transalpine faisait figure de banc d’essai de tout ce qui s’est passé en Europe les semaines suivantes ( "Covid-19 en Italie : Une réanimatrice témoigne du cœur de la tourmente"). Un personnage rappelle aussi au passage qu’en mandarin, "crise" se traduit aussi par "opportunité." Toujours en Italie, c’est cette fois de déconfinement dont il est question dans le tout dernier chapitre ("Syndrome de Stockholm : Le bonheur de rester confiné à Rome"). Fiamma Luzzati met en scène une conversation entre trois Italiennes se plaignant qu’une de leur amie a choisi de rester chez elle. La situation leur permet de réfléchir sur les conséquences du confinement et surtout du déconfinement : "On assiste à un autre phénomène inédit avec le déconfinement : beaucoup de gens refusent de revenir à la vie d’avant… On finit par aimer sa geôle et ses geôliers."
Un autre chapitre attirera sans doute l’attention : celui consacré à un sujet à ma connaissance jamais abordé : celui de l’autisme durant la crise sanitaire ("Si je craque tout le monde craque : l’autisme et le Covid"). Il est question d’Alima, une lycéenne qui se promène avec sa sœur autiste alors que ses parents sont tombés malades. Une poignante tranche de vie autour d’une jeune femme courageuse, se battant pour ne pas craquer.
La littérature post-covid a sûrement de beaux gestes à vivre. Avant que nous soyons submergés par la littérature post-covid-19, la BD de Fiamma Luzzati se démarque comme une œuvre à la fois fraîche, sincère et frappant en plein cœur.
Fiamma Luzzati, Ressusciter n’est pas une mince affaire, Petites et grandes histoires du Covid-19 éd. Florent Massot, 2020 https://www.lemonde.fr/blog/lavventura
Dans une rythmique pop et jazz, et chanté en mina, un dialecte qui vient du sud de ce pays africain, Amen Viana chante Brother. Ce titre à l’enthousiasme communicatif nous parle de l’amour fraternel capable de soulever bien des montagnes.
Originaire du Togo, Amen Viana monte rapidement les échelons de la scène musicale ouest-africaine, avant de traverser la Méditerranée pour s'établir en France. Sa virtuosité à la guitare rappelle celle de Jimi Hendrix, son énergie rock celle de Living Colour, et il se taille rapidement une réputation dans de nombreux événements internationaux où il est invité à jouer aux côtés d'artistes comme Black-Eyed Peas, Angélique Kidjo, Indila, Cheick Tidiane Seck, Tony Allen.
Brother est un extrait de The Afrocanalyst, nouvel album en préparation.
Il s’agit au préalable de définir ce que peut être cette publication des éditions Saint-Simon, L’œuvre sans auteur.
Évidemment, le livre de Florian Henckel von Donnersmarck renvoie au film du même nom, sorti il y a deux ans, et dont il est le réalisateur (on lui devait auparavant La Vie des Autres, archi récompensé). Une adaptation donc, et par Florian Henckel von Donnersmarck lui-même, qui a signé le scénario du long-métrage.
Scénario, roman, adaptation : en vérité, nous avons affaire ici à un objet littéraire hybride, qui échappe à la sécheresse du genre scénaristique, tout en adoptant son efficacité et la force des dialogues. Le lecteur, qui n’a pas vu le film (ou du moins les films, puisque le long-métrage allemand était en deux parties), trouvera dans la version écrite de L’œuvre sans auteur ce qui s’en rapproche le plus.
Mais il existe également une autre particularité dans L’œuvre sans auteur qui rend le roman, mais aussi le film, remarquable. En fin de livre, dans l’entretien que Florian Henckel von Donnersmarck a accordé au journaliste Thomas Schultze, l’écrivain, scénariste et cinéaste explique la genèse de cette œuvre qui est indissociable de la vie du peintre Gerhardt Richter, même si son nom n’est jamais cité. Henckel von Donnersmarck raconte que l’idée de raconter le début de sa carrière, commencée en RDA quelques années après la fin de la seconde guerre mondiale, n’a été rendue possible par Richter qu’à condition que les noms des personnages soient changés et que les tableaux du peintre ne soient pas utilisés. Le cinéaste précise que pour le tournage de son long-métrage, ce sont d’autres toiles qui ont été spécialement utilisées, grâce à des élèves de Richter lui-même.
Scénario, roman, adaptation : en vérité, nous avons affaire ici à un objet littéraire hybride
"Un récit inspiré de personnages réels", est-il précisé dans le roman publié par les éditions Saint-Simon. Kurt Barnety est Gerhardt Richter, l’une des plus grandes figures de la peinture du XXe et du XXIe siècle. Elizabeth May est Marianne Schönfelder, sa tante internée puis exécutée comme malade mentale pendant le IIIe Reich. Carl Seeband est Heinrich Eufinger, gynécologue, chirurgien, membre de la SS et impliqué dans le programme d’euthanasie à grande échelle mis en place par le régime nazi. Il deviendra plus tard le beau-père de Richter, après le mariage de ce dernier avec sa fille Elizabeth ou Ellie (Ema Eufinger dans la vie réelle).
Voilà pour les protagonistes de cette histoire allemande, dans lequel les grandes tragédies du XXe siècle, les traumatismes de la seconde guerre mondiale, les histoires familiales et l’art se percutent de plein fouet.
Karl est un artiste jeune et très doué lorsqu’il commence à Dresde un cursus dans les beaux-arts. Nous sommes à la fin des années 40 et l’Allemagne est scindée en deux pays : la RFA occidentale et la RDA communiste, où le peintre prometteur doit s’adapter à l’académisme et au réalisme soviétique. Quelques années plus tôt, sa tante Elizabeth lui faisait découvrir l’art moderne (dit "dégénéré"), avant d’être internée et tuée en raison de sa schizophrénie. À Dresde, Kurt rencontre une jeune femme dont il tombe amoureux. Elle s’appelle Elizabeth, elle aussi, et elle est la fille de Carl Seeband, l’un des responsables du programme qui a envoyé à la mort des centaines de milliers de malades mentaux. Mais ça, Kurt l’ignore. Par amour pour Ellie, il se fond bon gréé mal gréé dans cette famille au lourd passé. Et lorsque son beau-père décide de quitter la RDA pour la RFA en raison d’une enquête soviétique sur les anciens criminels de guerre nazis, Kurt le suit pour ne pas quitter Elizabeth. Il arrive dans un nouveau pays et doit trouver sa voie artistique.
Ce passionnant itinéraire personnel autant qu’artistique est aussi une histoire d’amour se heurtant aux souffrances du passé. Grâce au choix littéraire de Florian Henckel von Donnersmarck, L’œuvre sans auteur se lit d’une traite et a l’immense intérêt de pousser à découvrir l’œuvre de Gerhardt Richter. L’un des plus grand peintres vivants, sans aucun doute.
Bon, je pense qu’on sera tous d’accord pour dire que Frenchy, le dernier album de Thomas Dutronc, s’empare d’un concept imparable, pour ne pas dire archi rebattu : réadapter des grands classiques du répertoire français, mais aussi quelques standards américains. Il le fait dans une facture jazz,y largement inspirée par Django Reinhardt, d’ailleurs présent dans une reprise de deux titres : Minor Swing et Nuages (All For You).
La vie en rose, C’est si bon, Les feuilles mortes, La mer : rien que de plus classique pour le chanteur à la guitare, qui s’offre en plus le luxe de bénéficier de brillantissimes featurings : Diana Krall, Iggy Pop (C’est si bon), Billy Gibbons des ZZ Top (La vie en rose), Jeff Goldblum (La belle vie), mais aussi la chanteuse coréenne Youn Sun Nah (Playground Love), la jazz woman Stacey Kent (Un homme et une femme) et la révélation américaine Haley Reinhart (Ne me quitte pas).
Frenchy est l’album à succès de ces dernières semaines, bien que les mauvaises langues accuseront Thomas Dutronc de prendre un minimum de risque avec des tubes d’Edith, Piaf, de Charles Trenet ou d'Yves Montand.
De véritables redécouvertes
Mais c’est un peu oublier que ces adaptations font figure de véritables redécouvertes, y compris pour le public français. Alors, certes, le C’est si bon chanté par Diana Krall et un Iggy Pop a une saveur délicieusement surannée mais aussi diablement glamour, alors que La vie en rose ne surprend guère l’auditeur. Par contre, entendre (ou réentendre) le Petite fleur de Sidney Bechet ravira beaucoup d’entre nous, tant le morceau semble sortir d’un quasi oubli.
Mais Thomas Dutronc propose aussi de vraies petites surprises : les Français connaissent par cœur le Ne me quitte pas de Jacques Brel, mais beaucoup moins la version américaine, If You Go Away, rendue célèbre par Neil Diamond. Il redécouvrira avec le même plaisir la version de La belle vie de Sacha Distel (The Good Life), mais aussi Autumn Leaves – les fameuses Feuilles mortes de Jacques prévert. Moins surprenant, Comme d’habitude est ici proposée dans l’adaptation américaine de Paul Anka (le célébrissime et bouleversant My Way, que l’on est en droit de largement préférer à son original français).
Et au milieu de cet album, dont le plaisir d’écoute est irrésistible, on découvrira un joyau inattendu : Get Lucky, vieux de seulement 7 ans – pour ainsi dire, le "bébé" de cet opus. Mettre les Daft Punk au même niveau que les Piaf, Brel ou Francis Lai, il fallait oser ! Et le petit Frenchy l’a fait.
Je suis prêt à parier mon béret que les Américains vont adorer.
Chaque nouveauté de Clara Luciani mérite que l’on s’y attarde.
En attendant un deuxième album, sur lequel l’artiste dit travailler, c’est un clip qui fait le buzz.
La Baie, déjà présent dans Sainte-Victorie, était une adaptation en français de The Bay par le groupe Metronomy. Un titre pop à la fois acidulé et et sensuel. Bref, un morceau qui sent bon les vacances, et que son nouveau clip, réalisé par Charlie Montagut avec Bruno Jésus pour les dessins, illustre à travers un dessin animé coloré et cartoonesque.
De toute beauté, bien sûr : "On est si bien / Sur la baie..."
Frisson réfrigéré garanti pour Hannibal, la suite du Silence des Agneaux. Et évidemment, ce film ne pouvait être abordé par notre chroniqueur deL’Œil du frigo que sous un point de vue culinaire et électroménager... Terrifiant et palpitant.
Clarice Starling, alias Julianne Moore (qui reprend le rôle initialement tenu par Jodie Foster dans Le Silence des Agneaux) va coincer l'infâme Hannibal Lecter qui se prépare une cervelle fraiche.
Elle l'épie dans l’entrebâillement de la porte. Et oui : l'agent est une voyeuse, et on se demande bien ce que peut faire Hannibal devant cette cervelle ouverte.
Le regard passe sur le frigo en arrière plan, car c'est bien lui qui va devenir le personnage principal de la scène. Comme elle n'est pas très douée pour faire une attaque par surprise. Elle se retrouve plaquée contre le frigo, un magnifique appareil vintage de la marque Frigidaire (dont j'ai retrouvé la trace ici). Elle se fait piéger par la porte d'un frigo (apparemment vide) et Hannibal. Le malin brise la poignée de ce dernier. Petite appréhension de ce qui va suivre : il est prêt à tout. Car arracher la poignée de son frigo vintage c'est un acte douloureux mentalement qu'il surpasse avec brio. Mais, mieux encore, embrasser sa belle piégée par un frigo alors qu'il n'a qu'une envie c'est de la dévorer, là on est dans un délire absolu. Une sorte de mise en abîme du frigo sur fond de scène sadomasochiste avec une crinière coincée dans un frigo. Parfois je me demande si les réalisateurs sont bien frais dans leur tête pour imaginer ce genre de scène. Ou alors ils ont dû former un club secret pour créer des scènes toujours plus folles avec un frigo.
Tout y est : nourriture, amour, sexe, peau, regard, frigo et jouissance finale dans l'horreur absolue. Comme si la belle Julianne au sommet de son masochisme éprouvait un inconvenant plaisir à se faire découper la main alors qu'elle est prisonnière d'un frigo de la marque Frigidaire. Sa crinière est déjà au frais, alors on peut y mettre aussi le reste bien découpé en morceaux. Prête à tout elle aussi pour arrêter l'homme qui l'attire et qui la découpe mentalement puis physiquement... On est presque dans du Cronenberg.
Oui j'avoue je me pose cette drôle de question : voulait-il embrasser la belle Julianne ou la porte de son frigo qu'il vient de casser ? La question restera en suspens devant cette scène terriblement à fleur de peau.
A voir sans appétit.
ODF
Hannibal, film d'horreur américain de Ridley Scott avec Anthony Hopkins, Julianne Moore et Giancarlo Giannini, 2001, 131 mn
La crise sanitaire a contraint le café philosophique de Montargis a mettre prématurément fin à ses débats.
Les conditions n’ont pas été réunies ces dernières semaines pour organiser une nouvelle séance.
Qu’à cela ne tienne : les organisateurs donnent déjà rendez-vous pour la prochaine séance, qui sera la première de la saison 12, le vendredi 18 septembre 2020 au Belman (à confirmer). Le débat commencera à 19 heures, et le sujet sera celui qui avait été choisi il y a plusieurs mois par les participants du café philo : "Peut-on réussir sans aucun effort ni aucun talent ?"