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• • Articles et blablas - Page 19

  • La Pléiade avec Outre Mesure

    La Pléiade en musique, le double album proposé par la Compagnie Outre Mesure a la particularité d’être autant une compilation de musiques Renaissance, un aperçu littéraire de cette époque – Du Bellay Ronsard ou Tyard – qu’un projet de recherche musicale.

    Voilà un singulier programme artistique, passionnant tout autant que revigorant intellectuellement. Il donne à voir et surtout écouter une période – le XVIe siècle – au cours de laquelle la langue française s’est définitivement imposée dans notre pays. Le livret de l’album rappelle qu’en 1539 l’Ordonnance de Villers-Cotterêts entérine un usage du XIIIe siècle. Le français s’impose officiellement dans les actes officielles et se normalise.

    Dans cette mouvance, un cercle littéraire s’attaque à la défense et à l’illustration du français. C’est La Pléiade, entrée pour toujours dans l’histoire. Ses membres se nomment Joachim du Bellay (1522-1560), qui tient une place importante dans l’opus, Pierre de Ronsard dont nous fêtons cette année les 500 ans (1524-1580), mais aussi Pontus de Tyard (1521-1582), Jean Bastier de la Péruse (1529-1554), Guillaume des Austels (1529-1580), Étienne Jodelle (1532-1573), Jean-Antoine de Baïf (1532-1589), puis Rémy Belleau (1528-1577), Jacques Peletier du Mans (1517-1582) et Jean Dorat (1508-1588).

    L’album de la Compagnie Outre Mesure propose un choix de textes, parfois très connus ("Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage" de Du Bellay, "Quand vous serez bien vieille" ou "Mignonne allon voir si la rose" (sic) de Ronsard), parfois des découvertes de Jean-Antoine de Baïf ("O roze reine des fleurs"), de Pontus de Tyard ("Mon œil aux traits de ta beauté") ou de Jodelle ("Je me trouve et me pers, je m’assure et m’effroye").

    Si le récitatif est régulièrement utilisé, c’est sous forme de déclamation respectant la prononciation archaïque jusqu’aux roulements de "r" ("Quand à ceulx, qui ne voudroient recevoir ce genre d’escripre" de Du Bellay, "Recherche qui voudra cet Amour qui domine" de Jodelle, "O Roy, Le grand moteur du tout" de Jean Dorat ou "Comme on voit sur la branche" de Ronsard). L’auditeur trouvera, bien entendu, des adaptations musicales, sous forme de polyphonies que l’on redécouvre. C’est Claude Le Jeune et la polyphonie d’"O roze reine des fleurs" ou "Une puce j’ay dedans l’oreille helas", polyphonie de Fabrice-Marin Caietain d’après un texte de Jean-Antoine de Baïf.

    Une vraie jolie découverte à enseigner dans les écoles de France et de Navarre

    L’auditeur sera frappé par la modernité autant que l’inventivité humoristique de "Dame de beauté positive" de Pontus de Tyard. Une vraie belle découverte à enseigner dans les écoles de France et de Navarre. Pour le reste, nous voilà dans une époque ancienne, dans cette Renaissance souvent fantasmée et derrière laquelle on devine les lointains échos du Moyen Âge ("Sur un luth").

    La polyphonie domine en Occident l’histoire musicale depuis le IXe siècle. Durant ce siècle de la Pléiade, elle vit ses derniers instants de gloire. L’adaptation chorale de "Rozette pour un temps d’absence" (Philippe Desportes) en est un brillant exemple, tout comme l’élégant "Cigne je suis de candeur" composé par Claude Le Jeune sur un texte de Jean-Antoine de Baïf. Il convient cependant de préciser que la Compagnie Outre Mesure a confié à plusieurs contemporains actuels le soin de mettre en musique plusieurs mélodies, que ce soit "O pucelle plus tendre" de Ronsard ou cette "Rozette…" dont la polyphonie en quatre parties a été adaptée par Marc Busnel. Ce dernier restitue avec talent et profondeur les mélodies de Pierre Certon pour le poème de Du Bellay "En ce moys delicieux".  Il est encore à l’œuvre dans la polyphonie "L’amour qui me tourmente", poème écrit par Jean-Antoine de Baïf, sur des airs de Fabrice-Martin Caietain. Citons encore le "Chant des nymphes de la Seine" et "Comme la Corne argentine" de Remy Belleau. Parlons encore de cette délicate et consolante pavane de Jean-Paul Paladin sur un poème de Du Bellay, "A son luth".

    Disons-le. Ce double-album est une vraie expérience musicale issue d’un véritable laboratoire artistique qu’est l’ensemble de la compagnie vendéenne Outre Mesure. Une véritable magie opère lorsque la polyphonie prend vie, à l’instar des délicieux "Puis que les yeux qui tout mon bon heur portent" de Jean-Bastier de La Péruse ou "Si vous regardez madame" de Du Bellay – encore lui. L’auditeur sera sans doute frappé par cette chanson à l’étonnante modernité qu’est "Puis qu’il vous plaist de moy estre servie" sur un poème de Jacques Peletier. Elle a été mise en musique par le compositeur Renaissance Dominique Phinot. Une contemporain nous apprend qu’en 1560, il a été brûlé en place publique pour homosexualité. On sera tout autant touché par la polyphonie a capella "Souspirs ardens".

    Le morceau le plus long de l’opus est l’impressionnante et lyrique "Déploration du bel Adonis" de Mellin de Saint-Gelais composée d’une déclamation, d’une mélodie recueillie par Jehan Chardavoine et d’une polyphonie d’Adrian Le Roy.

    Le double album se termine par le charmant, archaïque et attirant "Je veux aimer quoy qu’on en veuille dire", dont on pourra lire un message féministe avant l’heure.  

    Le dernier mot de cette chronique sera pour Joachim Du Bellay : "J’ay toujours estimé la poësie comme ung somptueux banquet". Alors, bonne écoute… et bonne ripaille.  

    La Pléiade en musique & autres Voix de Ville, Compagnie Outre Mesure, Label COM, 2024
    https://www.compagnie-outre-mesure.com

    Voir aussi : "1, 2, 3 Leïla !" 
    "Éternelle et musicale Norvège"
    "Fauré 2024"

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  • 1, 2, 3 Leïla !

    On retrouve Leïla Huissoud avec bonheur, telle une copine ou une petite sœur, avec sa sensibilité, ses blessures mais aussi une joie de vivre teintée de mélancolie.

    La maladresse, son dernier opus, écrit et composé après la crise sanitaire, est un voyage intime d’une musicienne attachante et lucide sur les difficultés du métier d'artiste. En parlant de voyage, l’auditeur sera cueilli dès le début de l’album avec le périple en train qu’est "Avant Nantes". On imagine Leïla Huissoud en passagère d’un TER en direction de la Loire-Atlantique. C’est avec tendresse que la musicienne slame sur ses voisins et voisines dont elle imagine la vie et le quotidien : "Les collégiens, les salariés, les lycéens, les habitués quotidiens du train… Les Bouchers, des médecins, des techniciens spécialisés, des gens biens qui vont au travail. C’est un beau début de journée".

    Si un seul terme convient le mieux à Leïla Huissoud c’est bien celui d’humaniste. La chanteuse le prouve avec la tendre et triste "Lettre aux paumés". Elle offre un  hommage aux gens de peu, aussi discrets que pudiques dans leur malheur : "Quand ils s’offrent c’est à la nuit / Ils ont lâché la rancœur / Leur douceur ne vient pas du joli / Mais de béances à l’intérieur".

    Avec "Jolies frangines", un titre de son précédent album Auguste, Leïla Huissoud avait prouvé qu’elle était une chroniqueuse incroyable de l’enfance. Elle le prouve encore avec "L’ascenseur" et, mieux, avec le diptyque que forment "Soleil 1, 2, 3…" et "1, 2, 3 Soleil !" Ce jeu des cours de récréation est un joli fil conducteur pour parler d’amour, de séduction, d’attachement et d’espérance ("Soleil 1, 2, 3…"). Est-ce une bonne idée que de tomber amoureux, se demande-t-elle ? N’est-ce pas risquer de souffrir ? "1, 2, 3 Soleil !" y répond par une déclaration enlevée jazzy : "Si vous saviez comme je vous aime quand je mets mes lunettes de sans-gêne / On dira que je vous surveille / 1, 2, 3 Soleil ! / Messieurs, dans mes bras !" Décidément, les jeux de l’amour et du hasard restent un sujet éternel d’inspiration.  

    Accompagnée de sa seule guitare, Leïla Huissoud fait de "Mon spectacle s’appelle…" se veut une confession sur la difficulté de se livrer au public et d’être l’objet d’une critique : "En haut de la bio, on lit ‘grosse merde’ ou ‘la moisie’, j’hésite encore". Introspective, l’ex-candidate de The Voice (nous sommes en 2014) revendique sa liberté et sa force de caractère : "Mon credo c’est d’en faire le moins / L’errance c’est un beau chemin". 

    La qualité d’écriture de Leïla Huissoud est non seulement évidente mais en plus insolente

    La qualité d’écriture de Leïla Huissoud est non seulement évidente mais en plus insolente. Il faut bien écouter ses paroles, à l’instar de "La ligue des justiciers", avec Théo Bonneville en featuring, le touchant portrait d’un homme heureux, libre, léger ("Ouais j’me sens bien"), mais aussi hymne à l’amitié et au bonheur.  

    L’auditeur sera sans nul doute touché par l’un des meilleurs titres de l’opus, "À tes amours". Ce morceau a été écrit comme une adresse à toutes ces femmes, ces "demoiselles, ces amantes, ces amours et ces chagrins",  qui ont changé à jamais l’homme qu’elles ont aimé - d'un amour certes éphémère. "Derrière un grand homme, il y a ces drames et ils ressemblent à vos prénoms" chante-t-elle. Nostalgie ? Non, plutôt un hommage aux histoires d’amour passées qui forment, construisent et rendent meilleur. "Si vous saviez comme il est beau à se cramponner à demain". Merci qui ? Voilà qui rend les ruptures moins douloureuses.

    À l’instar de PR2B et sa superbe "Lettre à P." (Rayons Gamma), la jeune chanteuse propose une jolie déclaration à son père ("Lettre au père") avec piano et voix. Au milieu de la chanson, elle lui lance une invitation à remonter la pente et reprendre le chemin de la vie ("Mais bordel qu’est-ce que ça fait mal de voir son héros s’effondrer / Putain, papa, tu peux tomber / Putain, papa tu sais être con et même des fois t’as pas raison / Merci de nous avoir tout tombé… / Allez, le daron, c’est pas trop tard".

    Il est encore question d’enfance dans "Chanson éducation" dans lequel la musicienne dit merci à ses professeurs, en dépit de son caractère brouillon et de son talent artistique que des enseignants et enseignantes ont su voir. Mais il est aussi question de ces autres professeurs, ces "éducateurs par l'impudeur", qu'ils s'appellent Ferré, Brassens ou leprest. Et là, la magie opère. En quelques mots, Leïla Huissoud parvient à travers un portrait d’elle-même, elle, l’artiste attachante, la "chianteuse", comme elle s'est surnommée elle-même : "Éducation par l’impudeur / Et pas plus balèze qu’un loser / je reprendrais bien un petit bout de cœur / Inadaptée, inarrêtable, indispensable, incapable / Habilement abîmée / Violemment  emportée par les vents détournés / Par les tourments des gens."

    Leïla Huissoud chante pour ces autres femmes, ses sœurs, celles qui semblent être "une déception déguisée en fille" et dont la maison devient, hélas, un refuge ("Déguisée en fille"). Dans une langue poétique, dense et toujours subtile, l’artiste parle de ces femmes invisibles, mises de côté, alors qu’elles devraient avoir accès à leur place, aux mouvements, à la liberté et sans être la cible de clichés (fragilité, hystérie, folie). Bref, à la violence.

    "La maladresse", qui donne son titre à l’opus, est une confession sous forme de slam. Le désenchantement est là. Leïla Huissoud s’y dévoile sans fard. C’est le morceau d’une jeune femme parlant de son "intérieur de carcasse, une colocation sans terrasse". Qu’est-ce qu’un artiste, s’interroge la chanteuse ? Comment se construire face au public ? Comment recevoir ce qu’il offre ? Comment aimer sans maladresse ? Leïla Huissoud se livre avec une lucidité d’autant plus désarmante lorsque sa voix fragile se brise. "Je me suis pas calmée / Je me suis juste cramée".  

    Et si l’on disait que La maladresse s’écoute comme un album de consolation ? Un opus qui se termine par "Les chansons tristes" qui ne le sont finalement jamais complètement. La chanson : un sujet qui est un grand classique de la chanson française, justement. Voilà qui pose d’emblée Leïla Huissoud comme une des grandes artistes de la scène actuelle. 

    Leïla Huissoud, La maladresse, French Flair, 2024
    https://www.leilahuissoud.com
    https://www.facebook.com/LeilaHuissoudofficiel
    https://www.frenchflairmusic.com/product-page/le%C3%AFla-huissoud-la-maladresse
    https://www.youtube.com/watch?v=fVHwatwxrJw
    https://tinyurl.com/4arx9h7v

    Voir aussi : "Comme un ouragan"
    "Une certaine PR2B"

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  • Le Veil homme et l’enfant 

    Les Cramés de la  Bobine présentent à l'Alticiné de Montargis le film Le Veil homme et l’enfant. Il sera visible du 24 au 30 juillet 2024.

    Gunnar, un vieil agriculteur, est exproprié de sa ferme. Il laisse tout derrière lui et part s’installer en ville où il va se lier d’affection avec un livreur de journaux de 10 ans, quelque peu délaissé par ses parents. Cette rencontre bouleversera à jamais leurs vies.

    Le Veil homme et l’enfant, drame islandais de Ninna Pálmadóttir
    Avec Thröstur Leó Gunnarsson, Hermann Samúelsson, Anna Gunndís Guðmundsdóttir
    Scénario : Ninna Pálmadóttir
    Titre original : Einvera
    https://www.cramesdelabobine.org/spip.php?rubrique1466
    https://jour2fete.com/film/le-vieil-homme-et-lenfant 

    Voir aussi : "Laissez-moi"

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  • Positive attitude

    On aime le titre du premier single de Florence Béa, Une Floraison.

    "Cette chanson est pour tout ceux qui en ont assez de la violence de notre société et qui rêvent de plus de douceur et d'empathie". L’artiste ne pouvait pas être plus explicite. De la chanson positive, donc, servie par une musique puisant largement dans le répertoire Disney.

    On ne peut pas enlever la maîtrise vocale de Florence Béa. Et dire qu’il s’agit de son premier single. Prometteur ! 

    Florence Béa, Une floraison, 2024
    https://www.florencebea.fr
    https://www.facebook.com/profile.php?id=61560014545363&locale=fr_FR
    https://www.instagram.com/florence__bea
    https://www.tiktok.com/@florence__bea

    Voir aussi : "LaureM, invin-sensible"

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  • 100 ans de planches de Deauville en timbres

    Deauville est mis à l’honneur en timbres. Ce mois de juillet, La Poste émet en effet un timbre sur les célèbres planches de Deauville à l’occasion de leur centenaire.

    Le 6 juillet 1924, les Planches de Deauville et les bains pompéiens furent inaugurés, marquant le début d’une ère d’élégance et de charme balnéaire pour la ville de Deauville. À l’occasion du centenaire de ce lieu emblématique, devenu légendaire, cet évènement historique est commémoré avec fierté. Cet anniversaire, placé sous le signe de l’émotion et du charme intemporel, retrace l’histoire de cette promenade de bord de mer élégante, romantique, populaire et unique au monde.

    Depuis leur création, les Planches de Deauville ont attiré des millions de visiteurs, anonymes, personnalités et artistes internationaux, devenant ainsi une promenade mythique. Inspirées par les ponts-promenades des paquebots, elles ont été conçues par l’architecte Charles Adda (1873-1938) et sont inscrites au titre des monuments historiques. Cette réalisation imprégnée d’orientalisme et d’Art déco, est une promenade en bois bordée de 250 cabines, chacune séparée par des lices ajourées portant les noms d’acteurs et de réalisateurs honorés depuis 1987 lors du Festival du Cinéma Américain de Deauville.

    Un voyage à travers le temps

    Cet anniversaire, riche en événements culturels, sportifs et récréatifs, offre à tous les publics un voyage à travers le temps. De mai à août 2024, la ville de Deauville invite tous les amateurs d’histoire, de culture et d’art à se joindre aux festivités et à découvrir les trésors cachés et les moments marquants qui ont façonné l’identité des Planches. Les visiteurs seront également conviés à explorer ce lieu emblématique à travers une expérience immersive de réalité virtuelle.

    Le timbre sera vendu en avant-première les vendredi 19 et samedi 20 juillet à Deauville (14), Place Claude Lelouch, le vendredi 19 juillet de 9H30 à 18H et le samedi 20 juillet de 10H à 17H et à Paris, Le Carré d’Encre, de 10H à 19H, 13bis rue des Mathurins, 75009 Paris (Oblitération jusqu’à 17h), puis dans de nombreux bureaux de poste à partir du 22 juillet.

    Timbre "100 ans des planches de Deauville"
    Photographie : Amélie Lefebvre
    Impression : offset – Format du timbre : 30 x 40,85 mm
    Présentation : 15 timbres à la feuille – Tirage : 540 000 exemplaires  
    Valeur faciale : 1,96 € Lettre Internationale
    Mise en page timbre à date : BDSA L’Agence
    https://www.laposte.fr/boutique
    https://www.lecarredencre.fr

    Voir aussi : "Miniature hommage à Agnès Varda"

    © bdsa l’agence – Tous droits réservés
    Ville de Deauville – Photographie Amélie Lefebvre – mise en page BDSA L’Agence

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  • Révoltées, exilées, elles ne plieront plus jamais

    Peu de bandes dessinées françaises ont eu une telle longévité, avec en plus des critiques quasi unanimes, suivies en plus par des millions de lecteurs et lectrices.

    C’est en 1984 – autant dire une éternité – que François Bourgeon sortait aux éditions Glénat le primer tome des Passagers du Vent. La série en compte déjà neuf, parfois en deux parties, sans compter les hors-séries, et risque bien de ne pas se terminer de sitôt.

    Intitulé La Fille sous la Dunette, le premier tome est illustrée par une magnifique couverture, sans doute l’une des plus belles et des plus mythiques de la BD moderne. On y voit Isa, l’héroïne de la saga, agrippée en pleine tempête aux cordes d’un trois-mâts. La jeune femme brune aux yeux d’un bleu profond, fixe l’horizon, habillée tel un simple matelot.

    Nous sommes au début des années 1780. Le monde est encore sous d’anciens régimes mais les têtes commencent à évoluer.

    Une magnifique couverture, sans doute l’une des plus belles de la BD moderne

    Isabeau, c’est Isabeau de Marnaye, une identité d’autant vite oubliée qu’elle a été abandonnée par son père à un couvent avec une de ses amies, Agnès. Bientôt, les enfants sont confondues mais restent néanmoins inséparables. C’est, du reste, sur un trois-mâts que le marin Hoel surprend Isa et son amie. Fasciné, le jeune homme tente de s’approcher d’elles, à ses dépends.

    Commence une série d’aventures qui mènera Isa et ses amis de l’Angleterre aux comptoirs africains, en passant par Nantes et les Antilles.

    Le lecteur sera sans doute décontenancé par le lettrage des bulles et par la richesse de l’intrigue, désarçonnante dans le tome 5. Toutefois, la lecture de cette saga vaut le coup : des héroïnes modernes, des planches rythmées, une intrigue engagée (féminisme, humanisme, colonisation), d’audacieuses prises de risque (sexe, violence, tortures, exécutions).

    Et surtout, de l’Aventure, avec un grand A. 

    François Bourgeon, Les Passagers du Vent, 9 tomes, éd. Casterman, 1979-2022  
    https://www.editions-delcourt.fr/bd/series/serie-les-passagers-du-vent

    Voir aussi : "Un cavalier qui surgit du fond de la nuit"

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  • Dynah, entre acide et acidulé

    Partons à la découverte de Dynah, de son premier album L’eau monte et de sa chanson française teintée d’électro. Le morceau qui donne son nom à l’opus laisse à voir un engagement pour l’environnement autant que les l’évocation des tourments et des questionnements d’une femme et "l’eau trouble des sentiments".

    L’ex du groupe rock Why Elephant propose un album sincère et biographique. "Je ferais le clown dehors / Si je pouvais je lâcherais prise", constate-t-elle dans "La fille à la coquille". Être vraie, ne pas faire semblant. Voilà ce qui motive Dynah, une femme d’aujourd’hui, simple, pas une fille à histoires en somme. Voilà qui rend cette autrice-compositrice-interprète touchante.

    Dans le morceau "Découpée", l’auditeur sera frappé par le son électro-pop mâtiné de sons hip-hop donnant à cette chanson féministe, dénonçant l’utilisation dans les magazines de l’image du corps des femmes artificialisé ("Découpé / Redimensionné / Détouré / Détourné"), une facture hyper moderne. Sans doute le titre le plus pertinent et carrément le meilleur de l’opus.

    Il est encore question de féminisme et des femmes cette fois inspirante, dans "Reste encore". Le deuil, l’absence et le manque marquent une artiste dont la fragilité affleure dans chaque titre de l’album. C’est encore à cœur ouvert que Dynah se livre sans fard et sans illusion dans le sobre et délicat piano-voix "Toute petite" : "Mais je suis toute petite / Toute petite / Rien du tout / Minuscule / Une virgule / Un caillou". De là à s’en plaindre, sûrement pas : "Pas si mal d’être petite / Si je peux me cacher dans ton cou" !

    Pas une fille à histoires

    Dynah revendique une nouvelle fois sa sensibilité, son hypersensibilité et sa douceur dans le délicieux et acidulé titre "La douceur". Dynah, là encore, assume sa douceur ("Il n’y a rien de meilleur"). Paradoxalement, c’est une vraie arme pour se rendre "invincible" et résister à ceux qui voudraient que l’on s’endurcisse. La douceur doit prendre sa "revanche" assène-t-elle. Voilà qui est dit et bien dit.

    Dans "Fous à lier", à la facture eighties, la musicienne propose la folie comme moyen de renouer avec l’être aimé et de lier ou relier ses "pages volantes" avant qu’elles ne se perdent, voire de les écrire. "Ça fait mille et une nuits qu’on ne rêve plus… qu’on ne danse plus", déplore-t-elle. Dynah refuse le repli sur soi. Revenir vers l’autre, oui, mais avec la folie comme remède.

    Il est question d’amour encore avec "Ton nom". Dynah chante l’obsession d’un simple nom, telle une "incantation", une évidence quoi. "Je fais tourner ton nom dans le silence / Je fais tourner ton nom comme un non-sens". Plus qu’une déclaration d’amour, cette chanson sonne comme une prière païenne, vaudou et obsessionnelle.

    L’eau monte s’écoute comme le panorama personnel d’une musicienne confiant mine de rien ses états d’âmes tout comme ses souvenirs personnels, à l’instar de "Nouvelle" sur le débarquement en classe d’une "nouvelle meuf", fascinante et perdue qui "vient d’arriver". Un vrai coup de cœur que ce titre jouant à merveille avec le texte, l’interprétation et des sons électro-rock.  

    Dans "Pas encore l’heure", Dynah parle de ses derniers moments de sommeil et d’un lever impossible. Pas impatiente de retrouver le monde et les autres visages, elle pose la question d’être dans le monde ("Je gagne du temps / Je fais semblant / D’avoir encore des plans / Pas encore l’heure / Pas encore / Je me rendors").  

    L’opus se termine avec le titre "Sel", aliment à la fois simple et complexe. Complexe comme cette femme et artiste : "Je me morcelle souvent comme ça / je me m’ensorcelle souvent comme ça". Ensorcelant en effet, comme cet album à la douceur acidulée.

    Dynah, L’eau monte, Musigamy, 2024
    https://www.dynah.fr
    https://www.facebook.com/Dynah.fr
    https://www.instagram.com/dynah_dy_nah

    Voir aussi : "Nosonic, plus qu’assez bien"

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  • Marie Ythier, sans l’ombre d’un doute

    C’est avec un violoncelle riche, endiablé et passionné que Marie Ythier propose une sélection de créations contemporaines signées de jeunes compositeurs : Matteo Gualandi (né en 1995), Augustin Brand (né en 1994) et Bastien David (né en 1990, le plus "âgé" donc).

    Le violoncelle en partage, paru chez b•records, est un ensemble d’instants de communions et d’échanges passionnants avec l’Orchestre national Auvergne-Rhône-Alpes, l’ensemble Sillages et Arne Deforce, violoncelliste familier de compositeurs aussi complexes et déroutants que Iannis Xenakis, Richard Barrett ou John Cage. Voilà qui situe d’emblée l’univers proposé dans l’opus.

    La musique contemporaine mérite largement qu’on parle d’elle, elle qui secoue régulièrement le cocotier des musiques académiques et traditionnelles pour amener les sons dans ses derniers retranchements. Cela donne, à plus d’un égard, la couleur et la densité de l’album imaginé et mené par Marie Ythier.

    Grâce à elle, le violoncelle s’impose comme un instrument soliste à part entière, chose relativement rare comme le souligne la musicienne dans la présentation de l’album. Fotografie rarissime di angeli de Matteo Gualandi, une commande la Fondation Royaumont, s’apparente à une suite, un genre musical tombé en désuétude mais revigoré ici grâce à des sons tour à tour primaires ("La fille, le feu"), minimalistes et méditatifs ("La chute d’Icare") ou s’inspirant du baroque ("Chanson de l’oiseau dans la lumière").

    Il est encore question de baroque dans la quatrième partie "Toccata", savant mélange de sons renvoyant à Bach autant qu’aux trouvailles musicales du XXe siècle. La "Passacaille", le plus long mouvement de cette œuvre de Matteo Gualandi, a une facture à la fois archaïque et contemporaine. Marie Ythier prend à bras le corps ce morceau dans lequel les silences et les suspensions prennent autant de valeur que les notes, jusqu’aux dernières mesures déchirantes.

    Comme "des nuées d’oiseaux"

    Le deuxième compositeur qui a les honneurs de ce passionnant album est Augustin Braud. De l’un, l’autre est une œuvre concertante pour violoncelle et ensemble. Nous sommes là dans une création audacieuse, pleinement contemporaine, dans laquelle s’installe un ensemble de dialogues sauvages entre l’instrument soliste de Marie Ythier et l’ensemble Sillages dirigé par Gonzalo Bustos. Ajoutons que c’est l’Ensemble Sillage qui a lui-même commandé cette œuvre au compositeur. La nature semble être au cœur de ce que la musicienne appelle un "concerto grosso". Mais il s’agirait d’un concerto grosso de notre époque, audacieux, moderne, tourmenté mais aussi singulièrement primaire. Comme "des nuées d’oiseaux" ajoute Marie Ythier. Mais des nuées comme folles et perdues dans un ciel menaçant. Bouleversant.

    En 2022, Le Printemps des Arts de Monaco a commandé à Bastien David L’Ombre d’un doute, une œuvre pour deux violoncelles et orchestre. Pour cet enregistrement public à l’abbaye de Royaumont en septembre 2023, Marie Ythier était accompagnée du violoncelliste Arne Deforce et de l’Orchestre national Auvergne-Rhône-Alpes dirigé par Thomas Zehetmair.

    C’est par une pluie de notes ravageuses que commence cette création contemporaine dans laquelle Marie Ythier a trouvé son alter ego en la personne d’Arne Deforce, jamais plus à l’aise que lorsqu’il met à rude épreuve son violoncelle à la recherche d'inattendus. Et de l’inattendu, il y en a dans ces plus de quinze minutes d’un concerto au service de sonorités puissantes et de rythmes singuliers. Il semble que l’Orchestre national Auvergne-Rhône-Alpes a trouvé ses adversaires avec les violoncelles de Marie Ythier et Arne Deforce.

    Puissance, gravité, sombres dangers et attentes inquiétantes sont exprimés dans des passages qui n’ont rien d’improvisés. Les coups d’archers se succèdent dans une œuvre pleinement inscrite dans le XXIe siècle. L’auditeur pourra y lire l’influence de la musique concrète, celle du courant répétitif américain dans des passages minimalistes mais aussi, dans une certaine mesure, l’apport de l’électro dans des vagues sonores presque spectrales. Marie Ythier et Arne Deforce, armés de leur violoncelle, s’y livrent comme jamais, habités par cette œuvre incroyable s’élevant jusqu’à des sommets, telle une nuée… d’insectes – et non plus d’oiseaux.     

    Marie Ythier, Le Violoncelle en partage, Marie Ythier (violoncelle), Arne Deforce (violoncelle), Orchestre national Auvergne-Rhône-Alpes dirigé par Thomas Zehetmair, Ensemble Sillages dirigé par Gonzalo Bustos, b•records, 2024
    https://www.b-records.fr/marie-ythier-le-violoncelle-en-partage
    https://www.marie-ythier.com
    https://www.facebook.com/marieythiercellist/?locale=fr_FR
    https://www.arnedeforce.com
    https://onauvergne.com
    https://www.ensemblesillages.com
    https://www.bastiendavid.com
    https://augustinbraud.com
    https://www.matteogualandi.com

    Voir aussi : "Schumann et la petite bande des Fouchenneret"

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