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Les Cramés de la Bobine présentent à l'Alticiné de Montargis le film Riddle of Fire. Il sera visible du 15 au 21 mai 2024. Soirée débat le mardi 21 mai à 20 heures 30.
Il était une fois un trio d’enfants cherchant à craquer le code parental de leur nouvelle console et aussi la parfaite recette de la blueberry pie, une secte de braconniers qui ne cessent de se chicaner, une petite fille qui a des dons elfiques… Un premier long métrage dont le budget est aussi lilliputien que sont géantes sa sophistication formelle et sa liberté épique. Comme si, dans une forêt enchantée du Wyoming, Tom Sawyer, le Club des cinq et les Goonies s’étaient donné rendez-vous pour faire un jeu de plateau autour d’un feu de camp.
Avec À Nue (paru aux éditions Metro Bulles et Dodo), Nathalie Mottier nous offre, en images, un témoignage en même temps qu’une vraie aventure humaine sur un drame que vivent des millions de femmes. Voilà un récit qui entend apporter une pierre en plus à une maladie longtemps laissée à l’ombre.
Or, À nue à deux particularités essentielles. La première est qu’il s’agit d’une BD, dont le scénario et le dessin sont l’œuvre de la malade elle-même – Nathalie Mottier. La seconde est dans l’histoire elle-même qui étonnera le lecteur. Évidemment, nous n’en dirons pas plus afin de laisser le suspense aux futurs lecteurs et lectrices.
Un message pour la construction de soi et sa vie
Nathalie est une jeune femme bien de son époque. Parisienne, mariée et mère de deux enfants issus d’un premier mariage, elle voit sa vie trépidante être soudainement arrêtée par une petite grosseur sous un sein. La suite est rythmée par les rendez-vous médicaux, les examens, les mammographies et une évidence cruelle : elle est atteinte d’un cancer du sein. "Cette annonce me sidère, m’écrase, m’agresse brutalement. Je suis paralysée par l’effroi, par l’horreur qui me tombe dessus".
Comment raconter – en images qui plus est – l’histoire d’une maladie qui vient vous heurter de plein fouet ? Nathalie Mottier, tout en économie de moyens, grâce à ses dessins épurées et ses couleurs pastels propose une BD vivante, touchante et qui est aussi un message pour la construction de soi et sa vie.
Un chef d’œuvre par semaine pendant une année. C’est le pari que s’est donné un grand-père à sa petite fille pour lui faire découvrir quelques unes des créations les plus marquantes de l’histoire de l’art. Tel est l’objet du best-seller surprise de ce début d’année, Les Yeux de Mona de Thomas Schlesser, paru chez Albin Michel.
Le vieil homme y voit d’autant plus une urgence que l’enfant est atteinte d’un syndrome qui risque de lui faire perdre totalement la vue du jour au lendemain. Aussi, entre chaque rendez-vous médical de l’enfant, Mona et Henry se retrouvent à arpenter des galeries afin que la jeune fille capte cette beauté du monde et qu’elle ne l’oublie jamais, même lorsqu’elle sera aveugle. Cela tombe bien : tous les deux vivent à Paris. Henry invite naturellement Mona à l'accompagner dans les musées du Louvre, d’Orsay et du Centre Pompidou.
Pour chacune des 52 semaines, il choisit une œuvre, de manière chronologique, de Botticelli à Pierre Soulages, en passant par Léonard de Vinci, Nicolas Poussin, Manet ou Picasso. Le rendez-vous hebdomadaire devient un moments d’autant plus sacré que les parents de Mona ne sont pas au courant de ce secret.
Un livre qui entend vulgariser les beaux-arts
Complètement inconnu du grand public, l’écrivain et historien de l’art Thomas Schlesser s’est révélé grâce à Mona et à un livre qui entend vulgariser les beaux-arts. Son roman a déjà été traduit dans le monde entier et on ne serait pas surpris de le voir un jour adapté pour le cinéma ou la télévision.
Malin, Thomas Schlesser part d’un drame familial – la maladie inéluctable d’une petite fille, mais il y a aussi les difficultés professionnelles de son père – pour imaginer un voyage dans quelques unes des plus belles galeries de musée. La construction est simple : après un prologue, chaque chapitre s’intéresse à un tableau, une sculpture, voire une performance (Louise Bourgeois, Marina Abramovic).
Pour chaque œuvre, l’auteur fait un descriptif factuel, avant de laisser les deux personnages, Henry et sa petite-fille, échanger. Au fur et à mesure des jours et des semaines, Mona parvient à acquérir une finesse d’analyse qui laisse le vieil homme interloqué. Le roman se termine par un épilogue qui vient donner une fin étonnante à cette année pas tout à fait comme les autres. Et pour un roman bienvenu et tout aussi singulier.
De Richard Strauss, on connaît surtout ses opéras Salomé, Elektra ou Le Chevalier à la Rose, sans oublier bien sûr l’incroyable Ainsi parlait Zarathoustra dont tout le monde connaît au moins l’ouverture. C’est cependant un peu trop oublié que le compositeur, que l’on peut qualifier de dernier classique et dernier romantique du XXe siècle, est aussi l’auteur de musiques de chambre.
Dans son dernier enregistrement du Trio Arnold, joué en novembre 2023 au Théâtre de Coumommiers, proposé par b•records, on retrouve une œuvre de jeunesse, le Quatuor pour piano et cordes en ut mineur opus 13, datant de 1864 et les Métamorphoses TrV 290, achevées en avril 1945. Ces Métamorphoses sont proposées ici dans dans l’arrangement de Rudof Leopold pour septuor à cordes.
Richard Strauss a tout juste vingt ans lorsqu’il écrit ce quatuor. Le romantisme continue de rythmer la musique allemande et européenne. Richard Wagner s’est éteint un an plus tôt mais son influence demeure intacte. Dans le même temps, le jeune Richard Strauss est en train de prendre la relève et de devenir une figure montante du mouvement avant le big-bang de la Seconde École de Vienne, celle d’Arnold Schönberg, Alban Berg et Anton Webern.
Quel contraste entre le Quatuor pour pianos et cordes des jeunes années de Strauss et ces Métamorphoses tardives !
Mais restons dans le romantisme pur jus de Strauss. Le Quatuor pour pianos et cordes opus 13 est l’œuvre d’un compositeur jeune, et surdoué. L’"Allegro" se développe avec fraîcheur et vivacité. On pourrait même dire une certaine insouciance. Sans doute Strauss retrouvait-il le plaisir de l’intimité de la musique de chambre, après, coup sur coup, son concerto pour cor et orchestre (1883) et sa Symphonie en fa mineur (1884) ? Sans doute. Mais il y a aussi ce plaisir évident d’imposer une certaine modernité, à l’instar du "Scherzo : Presto", virevoltant et mené tambour battant.
L’auditeur sera sans doute conquis par l’"Andante" à la belle délicatesse. Le quatuor se termine avec un "Finale Vivace", plus grave, plus sombre mais tout aussi élégant et dense. Strauss construut ici un vrai univers musical aux multiples arabesques.
Quel contraste entre le Quatuor pour pianos et cordes des jeunes années de Strauss et ces Métamorphoses tardives ! L’œuvre a été terminée en avril 1945, alors que l’Allemagne nazie est en train d’agoniser – le sinistre dictateur allemand n’en a plus que pour quelques semaines. Pour cette commande du chef d’orchestre et mécène suisse Paul Sacher, On sent l’octogénaire marqué par les événements des années 40, par quelques compromissions artistiques par les nazis avant d’être victime des procédures de dénazification à partir de 1945.
C’est un musicien sombre et pessimiste qui fait de cette œuvre tardive une preuve de son attachement au classicisme et au romantisme, déjà dépassés par les inventions audacieuses de la musique contemporaine. L’envoûtement est assuré dans ce septuor en un seul mouvement de presque trente minutes qui nous parle aussi de la fin d’un monde. Nous sommes en 1945. Quatre ans plus tard, Richard Strauss disparaît.
Richard Strauss, Quatuor pour pianos et cordes & Métamorphoses, Trio Arnold, La Belle Saison Live, b•records, 2024 Collection Schumann, Œuvres avec Instruments à vent, L’Estran Live, b•records, 2024 https://www.b-records.fr
Voici la dernière partie de la trilogie culte de Murakami, 1Q84, une trilogie en passe de devenir sans doute un grand classique d'ici peu. On retrouve les personnages centraux d'Aomamé et Tengo dans le monde déstabilisant et dangereux de 1Q84. Un troisième protagoniste - une troisième voix, dirions-nous - prend une place importante : Ushikawa.
La sortie de ce troisième opus a pu décevoir certains lecteurs ; cela n'a pas été mon cas. Certes, ce dernier volet est plus introspectif, avec moins de rebondissements que le livre 2, qui allait tambour battant ; certes, toutes les réponses ne sont pas données, un choix sans aucun doute de Murakami d'entretenir le mystère de cette œuvre complexe. Il reste que ce Livre 3 est riche de révélations, de symboles forts (sur la place du père, sur l'enfance et sur la transmission, notamment), de coups de théâtre et de moments poignants.
Il est impossible de rester insensible aux dernières pages de cette trilogie particulièrement riche (et qui mériterait sans doute d'être relue plusieurs fois). On referme en tout cas ce dernier volume de 1Q84 avec le regret de devoir abandonner Aomamé et Tengo.
C’est une période olympique oubliée. Celle du début du XXe siècle, précisément à Amsterdam, lors des JO de 1928. Le sport n’avait pas encore ce caractère professionnel, mercantile et politique. Les sportifs étaient des passionnés, des gens ordinaires, parfois géniaux, et surtout pas médiatisés.
À telle enseigne que l’on a oublié un de ces champions, El Ouafi Boughéra. Originaire d’Algérie, qui était à l’époque une colonie française, il travaille comme manœuvre chez Renault, à Boulogne-Billancourt. C’est cette histoire que nous raconte Nicolas Debon dans sa bande dessinée Marathon, (éd. Dargaud). Une histoire faite de sueur, de souffrances… et de vent.
Une histoire faite de sueur, de souffrances… et de vent
Il y a peu de textes dans ce très bel album sorti en 2021 et que Bla Bla Blog choisit de chroniquer en ce moment, à quelques mois des JO de Paris.
Près d’un siècle après l’événement olympique qui se déroulait en Europe, aux Pays-Bas, le lecteur sera fasciné par l’ambiance que transcrit Nicolas Debon. Il fait le choix de la couleur sépia et du quasi muet pour parler de ces jeux des Années Folles. Folle d’ailleurs comme cette journée maussade du 5 août 1928. Il ne faisait pas beau à Amsterdam et le vent se mêlait à la pluie, faisant de ce marathon un véritable enfer. Or, contre toute attente, c’est un sportif inconnu né dans un pays chaud qui va damner le pion aux grands favoris américains, anglais et finnois ("Les Finlandais Volants").
Pour en savoir plus sur cette histoire incroyable et sur la suite de cette victoire franco-algérienne, il faut se reporter au bref cahier en fin de page. 30 ans plus tard, un autre athlète algérien entrait dans la légende, et cette fois dans la gloire. Il se nommait Alain Mimoun.
C’est une excellente idée que d’avoir choisi une création de Philippe Caza, dessinateur culte des années 70 (Les Humanoïdes Associés, Métal Hurlant). pour illustrer l’album de Leo Courbot, Passion At A Distance. Voilà un album rock et sidérale ("Dark *Matter") comme venu d’un autre temps, celui du psychédélisme en vogue dans les années 70 et au début des années 80 ("Multiverse").
De la guitare, un rythme incroyable, de l’efficacité et une voix à la Prince ouvrent l’opus, avec le titre "The Girl with the celestial soul" qui va comme un gant avec le visuel de l’album. Nous parlions rock. Parlons aussi de ce son soul dont Léo Courbot s’empare avec bonheur ("Geodesic »).
Le musicien belge, après un premier album remarqué (Vatic Vintage, révélation Jazz Magazine 2021), surprend son monde et propose sans doute l’album le plus cool et le plus frais que l’on ait entendu depuis longtemps, et cette fois sans esbroufe : guitares, batterie, claviers, la voix irrésistible de Leo Courbot, et un vrai univers – dans tous les sens du terme ("Geodesi", "Electron Clouds", "Multiverse").
L’influence de Prince saute aux oreille
Répétons-le : l’influence de Prince saute aux oreilles, à l’instar du titre court et efficace "The Quantum Quake", interprété en featuring avec Pat Dorcean. Rock funk encore avec "Imaginary Niumber (feat. Oliver Green Lake).
"Cantique des Quantiques", en featuring avec Stéphane Galland, est le titre phare de l’opus. Leo Courbot abandonne l’anglais pour un morceau en français, une belle déclaration d’amour commençant par ce vers à la fois poétique et sans ambiguïté : "Je vise l'intégrale, le cantique des quantiques… physique." L’univers, l’espace, l’éternité et la physique sont convoqués au service de l’amour, du désir et de l’attraction : "Et même ailleurs elle sera là / Comme si elle avait traversé / D'autres univers à tours de bras / Et nous pourrons nous embrasser".
Le psychédélique "Wormholes", qui conclue Passion At A Distance, nous fait dire que coule dans les veines de Leo Courbot tout autant le sang du "kid de Minneapolis" que celui de David Bowie – période berlinoise. À découvrir pour en juger de toute pièce.
Attention, choc musical avec cet album consacré au Te Deum de Jean-Baptiste Lully. L’enregistrement que nous propose le Château de Versailles, dans sa collection des Grands Motets, commence par la plus singulière des manières, avec une œuvre d’un presque inconnu, Jacques Danican Philidor (1657-1708) et sa puissante Marche de timballes, avant une (très) courte Marche Royalle de son frère André Danican Philidor, dit "L’aîné" (1652-1730).
Avec cette entrée en matière, nous voilà à plein dans la cour du Roi Soleil. Idéal pour ouvrir l’un le fameux Te Deum de Jean-Baptiste Lully (1637-1687), né Giovanni Battista Lulli. Stéphane Fuget et son ensemble baroque Les Épopées prend à bras le corps cette œuvre composée en 1686 pour le baptême de Louis, le fils aîné du souverain français. La première exécution a lieu le 9 septembre 1677 à Fontainebleau.
Il faut se laisser imprégner par les vagues orchestrales et les chœurs ( les Pages et les Chantres du Centre de musique baroque de Versailles) pour entrer à la cour du Roi Soleil. C’est là que la musique baroque a connu sa plus étonnante manifestation. Elle a su, grâce notamment à Lully, important surintendant de la Musique de la Chambre du roi, allier luxuriance, magnificence et retenue, souvent dans un objectif politique – disons-le – ce qui a sans doute contribué à la rendre moins visible – ou plutôt moins audible – dans les siècles suivants. On doit au Château de Versailles de rendre hommage à Lully qui fut au XVIIe siècle sans doute l’un des plus grands compositeurs de son temps.
La petite et la grande histoire racontent que ce Te Deum fut tragique pour Lully
Stéphane Fuget et son ensemble des Épopées mettent en valeur l’essence de ce Te Deum, œuvre sacrée autant que profane, avec sa part de pompe (le "Te deum" à l’ouverture) mais aussi de spiritualité ("Pleni sunt caeli et terra", "Quos pretioso sanguine redemisti"). Il y a aussi ces moments de respirations ("Te ergo quaesumus", "Dignare Domine die isto"). Les chroniqueurs de l’époque racontent que le roi fut si ravi de cette œuvre qu’il exigea de "l’entendre plus d’une fois".
La petite et la grande histoire racontent que ce Te Deum fut tragique pour Lully. Il choisit de le remonter en septembre 1687 pour retrouver les bonnes grâces du roi, agacé par les mœurs dissolues du compositeur. Hélas, lors du concert, c’est en dirigeant ses musiciens et chanteurs que Lully se blesse gravement à l’aide de sa lourde canne. La gangrène gagne rapidement son pied et Lully décède quelques semaines plus tôt.
Le motet Exaudiat te Dominus de Lully suit habituellement son Te Deum, et c’est tout naturellement qu’on le retrouve dans cet enregistrement du Château de Versailles. Il a été composé en 1687 pour le roi – bien évidemment – à l’occasion d’une bonne nouvelle : la santé recouvrée du souverain après de sérieux pépins de santé.
Il est vrai que l’allégresse est le terme qui caractérise le mieux l’ouverture du motet, en forme d’action de grâce : "Exaudiat te Dominus in die tribulationis". L’orchestre et les chœurs dirigés par Stéphane Fuget ne sont pas en reste. A l’instar du te Deum, moments d’exaltations et recueillement ("Domine, salvum fac regem") ponctuent régulièrement cette œuvre vraiment attachante. Que l’on pense au bref, délicieux et enlevé "Laetabimur in salutari tuo" ou à l’enflammé "Hi in curribus, et hi in equis". Avec en prime une action de grâce ("Gloria Patri et Filio"). Louis XIV et Lully le valaient bien, sans doute.
Et dire que tout s’est terminé avec une vilaine et stupide gangrène au pied !