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Pour ce nouvel ouvrage, Paul Pariente, qui ne dédaigne jamais le risque, choisit cette fois d’allier cuisine et poésie traditionnelle, grâce à la collaboration de Rose Poullot-Robin.
Cuisine en Poésie, qui a été préfacé par Georges Blanc, propose douze recettes de Paul Pariente que Rose Poullot-Robin illustre en vers. Pourquoi poésie et cuisine font si bon ménage ? Les auteurs le précisent grâce à deux courtes présentations se faisant écho l’une et l’autre : une histoire synthétique de la cuisine et une autre sur la poésie : "Voici aujourd’hui la poésie associée à des recettes de cuisine. Chaque poème les mets en valeur, profitez de ce moment unique pour apprécier l’œuvre du cuisinier mais aussi l’œuvre du poète !"
Voilà qui est "judicieux", pour reprendre un mot de Georges Blanc, le chef étoilé de Vonnas. Et il est vrai que l’alliance entre les recettes de Paul Pariente (la tarte aux quatre saveurs du pays viganais, la blanquette de veau à l’ancienne, le feuilleté cévenol, le petit sablé du Vigan, le gratin du docteur Brochet, la tarte à la brandade de morue et au foie gras, la truite en papillote "André Chamson", la pomme reinette en baluchon, les artichauts à la gantoise, l’escalope des camisards, la tourte de poulet de Bresse façon "Rose Poullot-Robin" et l’étonnant lapin rôti à la sauce à la réglisse) trouvent un écho à travers les textes d’une poétesse et femme de lettres qui a su mettre des mots sur les saveurs d’un chef, un chef qui a choisi de prendre des chemins de traverse pour faire partager sa passion : "La joie illumine le visage gracieux / De ces chefs où le temps a perdu sa victoire, / Où la cuisine est pour eux un hymne à la gloire, / Créant une œuvre d’art aux subtiles couleurs, / Mêlant à son bouquet la beauté et la flaveur."
Peut-être est-ce là, comme l’écrit Rose Poullot-Robin, "la recette d’une bonne journée."
C’est l’une des très grandes femmes de lettres du XXe siècle – à l’égal d’une Colette, selon Montherlant – mais dont la renommée peine à s’imposer. Marie Noël est oubliée, et c’est injuste. Il faut dire aussi que cette auteure bourguignonne (comme Colette, d’ailleurs), n’aura jamais bougé d’Auxerre et a cultivé une forme de discrétion tout au long de sa vie ("Et quand tu m’écouterais, / Quand tu suivrais à mesure / Tous mes gestes, tous mes pas, / Par le trou de la serrure… / Tu ne me connaîtrais pas"), discrétion qui lui a survécu, hélas.
Il est temps sans doute, de découvrir ou, pourquoi pas, de redécouvrir Marie Noël (1883-1967), récompensée en son temps de prestigieux prix (Académie Française, Société des gens de lettres ou Société des Poètes). Le Chant des Jours que publient les éditions Desclée de Brouwer, et dont le titre renvoie à ses Chansons, est une manière d’entrée en douceur dans une œuvre à la tonalité incomparable, tour à tour sombre, lumineuse, désespérée et aux éclats de lumière incroyables.
La romancière et essayiste Colette Nys-Mazure a compilé dans cet ouvrage une sélection de textes, toujours très brefs, pour rendre Marie Noël accessible au plus grand nombre : "Quoi de mieux qu’un livre de poche lu par bribes dans le métro, l’avion, à la pause-café ou dans un lit d’hôpital, glissé sous l’oreiller à la place du téléphone ?"
Le Chant des Jours c’est 365 jours avec Marie Noël, donc. Chaque mois de l’année correspond à une thématique abordée : la difficulté de se connaître soi-même, l’amour espéré et redouté, le repli et l’envol, la détresse et la confiance, la nature, les exigences de la création, le chez-soi, la solitude, le temps et la croyance. Une sorte d’almanach, donc, qui n’est pas sans rappeler cet autre : Almanach pour une jeune fille triste (2011, posthume).
Le choix éditorial a été de proposer des textes extraits de poèmes s’étalant sur plusieurs jours, à l’instar de Ronde : "Mon père me veut marier, / Sauvons-nous, sauvons-nous par les bois et la plaine, / Mon père me veut marier, / Petit oiseau, tout vif te laisseras-tu lier ?" (7-12 juillet).
L’humour et l’autodérision ("Je ris… Je me moque un peu de moi") est présent, sans pour autant que Marie Noël ne doute que l’écriture est ce qui la fait avancer, avec toujours le regard d’une femme croyante, pieuse (un procès en béatification est d’ailleurs en cours), mais d’une grande humilité.
Le regard noëlien d’une femme rejetée, rappel d’un amour de jeunesse déçu
Cette grande solitaire ("Il se fait tard. Personne ne viendra plus maintenant…") se confie via des textes denses, qui chantent le dépouillement, les autres ou la nature, autant que le malheur, le désespoir ou la mort, "entre révolte et acquiescement", comme le souligne Colette Nys-Mazure. Et avec toujours une importance laissée au sacré et à la foi. Les passages choisis pour les premiers jours de février renvoient ainsi au Cantique des Cantiques ("Mon bien-aimé descend la colline fleurie / De blé noir, / Très lentement par les champs pâles… C’est le soir"), mais cette fois avec le regard noëlien d’une femme rejetée, rappel d’un amour de jeunesse déçu ("Mon bien-aimé passa, voilé de rêverie, / L’âme ailleurs, / Sans rien me dire hélas ! Sans me voir, et j’en meurs"). L’amour apparaît chez elle comme un Souverain Bien inaccessible, et en tout cas pour lequel elle ne semble pas être destiné ("Dans l’Amour, si grand, si grand, / Je me perdrai toute / Comme un agnelet / Dans un bois sans route").
Cet amour inaccessible et finalement cette solitude qui l’a pesée toute sa vie ("J’ai tellement besoin d’un ami que je l’invente"), on le doit sans nul doute à une éducation rigide, tiraillée entre un père philosophe, agnostique et dur ("- Va prier le soleil pour que mon champ prospère. / C’est ta dot qui mûrit dans nos blés. / Oui, mon père") et une famille pétrie dans une culture catholique extrêmement rigide ("Sommes-nous au couvent ?" demande-t-elle avec une ironie mordante) : une éducation qui est pour beaucoup dans le parcours personnel et artistique de Marie Noël ("Famille d’autrefois en province, composée de gens qui retombent – les femmes surtout – indéfiniment les uns sur les autres"). L’auteure parle également d’une des grandes déchirures de sa vie : la mort prématurée de son jeune frère Eugène en 1904 ("Sœur, la chanson d’amour que tu savais naguère, / Celle où passe un oiseau, chante-la… / Oui, mon frère" fait-elle dire à cet enfant qu'elle ne cessera jamais de pleurer).
Artistiquement, le lecteur trouvera dans Le Chant des Jours des textes consacrés à son travail littéraire. Marie Noël l'appréhende comme une artisane à la recherche de la phrase parfaite, sans fioriture ("Ce que tu as dit en dix mots, tâche de le dire en sept. En trois si tu peux") mais aussi comme une poétesse en recherche perpétuelle ("Je voudrais retrouver le pays natal de ma poésie, le nid perdu de ma chanson").
Femme de lettres importante, mais aussi croyante tourmentée, Marie Noël résume elle-même ce qui pourrait définir son œuvre : "J’ai toujours pensé que pour découvrir dans un poète la source subconsciente de sa Poésie, il n’était que de noter les mots qui reviennent le plus fréquemment, les plus involontairement dans son incantation. Chez moi j’ai trouvé : chemin, noir, perdu, pâle, seul…" Il est à cet égard frappant que ce ne sont pas des termes ayant trait à la religion ou à Dieu qu'elle choisit. Profondément croyante, Marie Noël n’en retira finalement que peu de réconfort : "Dieu n’est pas un lieu tranquille," écrit-elle pleine d'amertume dans un texte que le lecteur trouvera singulièrement à la date du 25 décembre.
Je vous invite à un voyage dans les Caraïbes avec l’album virevoltant et irrésistible Circo Circo du groupe ¿Who’s The Cuban?
Mais qui sont au juste ces Cubains – ou plutôt ces franco-cubain ? Ce dernier terme serait en effet plus approprié. ¿Who’s The Cuban? est le retour sous un autre nom du combo Son Del Salón qui a donné plus de 500 concerts et produit trois albums. Les six musiciens reviennent sur scène pour ce nouvel opus, réalisé par Lucien Zerrad qui a choisi de revisiter à sa manière la musique cubaine.
Dès les premières notes, nous voilà entraînés dans un tourbillon de rythmes, de cuivres et de voix chaleureuses, nous invitant à un lâchage en règle, avec ou sans alcool.
C’est bien sûr au cœur de Cuba, bien sûr qu’il faut chercher le son de ¿Who’s The Cuban?. Le groupe y a puisé ses influences, non sans y ajouter par touches des influences pop ou rock (Todo lo hice). La musique métissée du groupe (Tukara) est une invitation à la danse et à la rencontre peau contre peau, joue contre joue, son contre son (El circo de la sombra).
Cela n’empêche pas ¿Who’s The Cuban? de proposer des plages mélancoliques (Cómo, Rosana et le sautillant Guagüita), à l’orchestration plus discrète, avec cordes plutôt que cuivres.
Avec Afro-Spleen, nous voilà du côté de l’afro-beat, dans un album dépassant les frontières des Caraïbes, lorgnant largement de ce côté-ci de l’Atlantique. Les Cubains savent puiser jusque dans le jazz, sans pour autant oublier leurs racines cubaines (Teología de Barra).
Dans Circo Circo, l’auditeur s’arrêtera sur les deux titres Domingo 1 et Domingo 2, faisant des ruptures de rythme et de la fausse nonchalance tout le sel et l’épice de ce court diptyque qui nous plonge dans les ruelles de La Havane. L’électronique et des voix féminines introduisent Domingo 2, avant que le morceau ne s’emballe au rythme des percussions créoles.
L’opus des ¿Who’s The Cuban? se termine avec Descarado, un morceau d’une belle densité rythmique, dans laquelle les cuivres tiennent le haut du pavé.
Le rendez-vous radio d’Affaires sensibles, sur France Inter, du lundi au vendredi de 15 heures à 16 heures fait partie des moments qui vont vite vous devenir indispensables. Et si jamais, en raison du travail, des enfants ou de tout autre impératif, vous ne pouvez pas les suivre, je vous invite écouter les podcasts de cette émission sans modération.
Affaires sensibles, présenté et animé par Fabrice Drouelle, à la voix de baryton mélodieuse, est une plongée dans notre histoire commune des cinquante dernières années : grandes affaires, faits divers, scandales, récits politiques ou sociaux, aventures individuelles ou procès retentissants. Pendant une heure, grâce à des archives, des témoignages, des illustrations musicales et un invité en fin d’émission, Fabrice Drouelle dévoile ces histoires tour à tour passionnantes, édifiantes, choquantes, enrichissantes et parfois même réjouissantes (que l’on pense à l’étonnant numéro du 12 août 2019 sur l’année 1975, année érotique s’il en était…).
Depuis l’été 2014, l’auditeur revit ces histoires sensibles, non pas comme des cours d’histoire rébarbatifs ou des récits spectaculaires mais comme d’authentiques enquêtes honnêtes et pertinemment illustrées. Parmi les dernières émissions diffusées – disponibles en podcast donc –, Fabrice Drouelle et son équipe proposent de revenir sur l’affaire Elf et le pillage organisé mis en place de 1989 à 1993 (une rediffusion d’un numéro de 2014), sur le scandaleux procès de Miss et Thiennot et l’histoire d’une erreur judiciaire jamais reconnue, sur l’assassinant retentissant du juge Falcone en Italie ou, de manière plus légère, sur le polyamour, véritable fait de société, traité cette fois sous la forme d’une fiction.
Affaires sensibles sur France Inter prouve que la radio est un puissant et pertinent médiateur de connaissances et d’informations. Affaires sensibles, avec Fabrice Drouelle en est un bel exemple.
Dans le polar sombre et au caractère bien trempé de Sylvain Gillet, Ludivine comme Édith (éd. Thot), ne vous fiez pas trop au titre : en réalité, il est avant tout question d’Édith, une jeune actrice pleine de promesses, retrouvée morte près de Nemours après un tragique accident de voiture. En découvrant ce fait divers dans un journal local, Abel Diaz, bourlingueur et musicien de blues de son État, est d’emblée frappé par le portrait de la victime, qui lui rappelle Lola, son ancien amour, disparue tragiquement dans des circonstances que le lecteur apprendra au cours du roman.
Voilà donc notre guitariste lancé sur les routes du Gâtinais, en héros et justicier – presque – solitaire pour mener sa propre contre-enquête tambour-battant. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’Abel se montre bien plus pugnace, malin et surtout féroce que la maréchaussée qui n’a pas cru bon de plus creuser ce banal accident de la route.
Le détective non-assermenté découvre très vite que la voiture qu’occupait l’actrice appartenait à l’oncle d’une certaine Ludivine Cérandec, une autre comédienne qui l’a remplacée séance tenante dans une pièce de théâtre.
Voilà qui rend le fait divers bien moins clair que ce banal accident de la route. De fil en aiguille, Abel Diaz s’intéresse au petit monde du cinéma et de la télévision, et en particulier au tournage d’un film dans lequel pourraient bien se trouver le ou les responsables de la mort d’une jeune actrice qui ne cherchait qu’à réaliser ses rêves.
Comédiens en galère, metteurs en scène plombés de suffisance, célébrités devant plus à leur naissance qu’à leurs talents
Comédien, réalisateur et scénariste, Sylvain Gillet est à l’aise dans un milieu qu’il n’hésite pas à démystifier : acteurs et actrices en galère, metteurs en scène plombés de suffisance, célébrités devant plus à leur naissance qu’à leurs talents, producteurs ou agents peu regardants. Cela donne un polar vif, rugueux mais aussi engagé, lorsque par exemple l’auteur parle de ces apprenties actrices aussi peu considérées qu’Édith, sorte de victime expiatoire : "Qu’il est dur de gagner sa croûte comme comédienne. Qu’est-ce qu’il faut ramer. Surtout quand on n’a qu’un radeau pourri pour avancer sur la mer de l’espoir, alors que d’autres, comme Léo Seydur, naviguent en hors-bord à doubles moteurs de 500 chevaux… Bien sûr, c’est un peu le cas de tous les demandeurs d’emploi. Mais l’intermittent du spectacle, se dit Abel, doit certainement se coltiner une dose de baratin supérieure à celle du chômeur de base."
Pour son premier roman, Sylvain Gillet choisit la veine du polar noir et social à la Jean-Claude Izzo, mais où l’humour à la Frédéric Dard est omniprésent. L’auteur se fait boxeur lorsqu’il décrit au lecteur la descente aux enfers d’Édith : "Mais ce n’est pas possible. Tout ne peut pas se terminer ainsi. Elle aussi, elle a droit à sa petite part de bonheur." Il sait tout autant se montrer drôle et roublard lorsqu’il suit l’enquête échevelée du guitariste de blues : "Aussi se décide-t-il à rejoindre le bar de son pote Mickey. Et qu’est-ce qu’on boit chez Mickey ? Une mousse, bien sûr."
Dans Ludivine comme Édith, Sylvain Gillet fonce toute bribe abattue dans un polar plus que convaincant. Et le lecteur gardera encore en mémoire les images de cette petite actrice violée, démolie et détruite en plein vol après une nuit infernale : "Elle restera à jamais toute seule. Personne n’applaudit sa sortie de scène. Plus d’air, plus de cri."
L'édition 2019 du Festival "42 Heures pour un Court" se prépare.
Cela se passera à Montargis, du vendredi 8 novembre à 18H au dimanche 11 novembre, avec, à 15H, la projection des courts-métrages réalisés pendant ces 42 heures, et à 20H la remise des prix par le jury.
Le principe de ce concours ciné est d"une simplicité évangélique : - 4 contraintes à respecter - 8 minutes pour raconter une histoire - 42 heures pour écrire, tourner et monter un court-métrage
Les vidéastes confirmés ou amateurs, entre amis ou entre collègues, invités à participer au 13e triathlon vidéo de Montargis qui aura lieu du 8 au 10 novembre 2019.
Pour commencer, un petit mot sur le titre mystérieux du dernier EP du duo belge The Joy of Missing Out : Run SOFA se veut un hymne à la passion du jeu-vidéo, pratique plus sociale qu’on ne veuille bien le dire lorsqu’il est prétexte aux retrouvailles de deux cousins (Ask My Cousin) devant une partie de Red Dead Redemption, de Fortnite ou de FIFA.
Assumant ce concept artistique, le groupe a été jusqu’à proposer ni plus ni moins qu’un jeu-vidéo pour accompagner les titres de Run SOFA. Le jeu permet de se plonger dans l’univers de The Joy Of Missing Out, mais aussi de découvrir la musique dans une version alternative qui rappelle l’insouciance de l’enfance, lorsque l’on jouait sur la Sega Megadrive de sa grande cousine.
L’électro-rock du duo formé par Antoine et Julien se veut sans concession : nerveux et sombre (Weird) ou aux rythmiques rap (Ask My Cousin), comme un trip-hop à la Tricky qui aurait été revisité par nos deux Belges subversifs.
Cet EP sonne comme un ensemble homogène, même lorsqu’il puise dans des sons industriels (27) ou lorsque les sons se télescopent, à l'instar de Not A Song. Là, les riffs de guitares saturées très punk-rock, les voix fatiguées et l’électronique sont poussés jusqu'à leurs derniers retranchements.
Le titre The New Us est tout en recherche lui aussi. L’électro-rap est sous méthamphétamine et le duo belge ne s'embarrasse pas de circonvolutions : ils semblent avancer en terrain miné dans une musique industrielle nineties, avant un atterrissage presque en douceur avec A Smilar At Ur Face. Ce dernier morceau se veut presque apaisé, comme après une nuit sous acide, ou derrière la console. Ou les deux, comme on voudra.
Évidemment, faire une chronique sur une pièce de théâtre écrite c’est ne voir qu’un revers d’une médaille : parler d’un texte sans pouvoir évoquer la mise en scène et l’interprétation.
Come back incognito d’Yves Caussiol, cette "histoire […] plaisante, cocasse, grinçante et pleine d’humour", comme le dit Michel Le Royer de la Comédie française, a été adapté sur planche à Paris au Théâtre Montmartre Galabru. Mais puisqu’une pièce de théâtre est d’abord un texte écrit avant d’être joué, intéressons-nous à cette fable d’Yves Caussiol.
Dans un village normand, un ancien interne arrive comme le messie pour s’installer dans un cabinet et remplacer un médecin sur le point de partir à la retraite : cela tombe bien car ce nouveau confrère est précisément le messie ! Jésus s’ennuie en effet et veut revoir les hommes malgré les (mauvais) souvenirs dont il garde de son séjour sur terre : "En bas, au moins, il y a de l’action, des guerres. Ici, je ne sers plus à rien, je m’ennuie."
Réincarné en jeune médecin, sous le nom d’Issa, Jésus découvre la vie d’un cabinet en plein désert médical. Comme abandonné au milieu d’une population de pauvres hères : une secrétaire acariâtre, un agriculteur paralysé – que Jésus, bien entendu, refait marcher – un maréchal-ferrant passablement "vicieux", un enseignant usé, une prostituée et deux agricultrices.
Une comédie à la fois joyeuse et grinçante
Aussi perdu que ces habitants, Jésus se débat pour exercer une médecine plus ou moins orthodoxe, et aux méthodes qui, pour le moins, ne laissent personne indifférent. Mais il a surtout cette capacité de discuter et d’écouter avec bienveillance, en dépit de l'incompréhension manifeste entre le Christ et des humains dans ce trou normand... Grâce à Issa/Jésus, les habitants en ressortent bouleversés : "Ah Seigneur ! Vous m’avez exaucé en m’envoyant ce remplaçant. Mes patients seront entre de bonnes mains, je pourrai enfin me reposer", dit son vieux prédécesseur dans un des monologues du dernier acte. Le Fils de Dieu en sortira lui aussi changé, avec d’autres projets pour ces frères humains.
Il fallait une sacrée audace pour oser proposer une œuvre autour d’une divinité descendant sur terre. Yves Caussiol le fait dans une comédie à la fois joyeuse et grinçante. L’auteur choisit pour décor un lieu qu’il connaît bien : un cabinet au cœur d’un désert médical, lui qui a été dentiste dans le civil avant d’entamer une seconde carrière dans le théâtre, d’abord comme acteur puis comme auteur avec cette première pièce.
Pour Come back incognito, Yves Caussiol choisit la farce et la fable pour parler de conditions humaines. Les calembours, des jeux de mots ou des quiproquos parsèment une pièce dans laquelle les hommes et les femmes sont des pantins, des clowns ou des caricatures mais aussi des êtres de chair et de sang tour à tour perdus , grossiers, déprimés, misérables ou encore plein d’espoir.
Il ne reste plus au lecteur que de découvrir ou redécouvrir cette pièce sur scène.