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• • Articles et blablas - Page 205

  • Les histoires caribéennes de Samy Thiébault

    Navigant sur des eaux à la fois jazz et world, le jazz du saxophoniste Samy Thiébault est d’une poésie sans fin, pour reprendre l’un des titres de son dernier album Carribeau Stories (Poesia Sin Fin). Il faut dire que le musicien est né en Côte d’Ivoire d’un père français et d’une mère marocaine (Tanger la Negra peut d’ailleurs s’écouter comme un bel hommage à ces origines maghrébines), avant de revenir en métropole et d’intégrer en 2004 le Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris. Voilà qui fait de ce jazzman un artiste élargissant ses influences par-delà les frontières, et cette fois du côté des Caraïbes.

    Samy Thiébault s’est entouré d’un groupe propre à donner une identité world à cet opus attachant : le percussionniste Inor Sotolongo, le batteur Arnaud Dolmen, le bassiste Felipe Cabrera, les guitaristes Hugo Lippi et Ralph Lavital, soit deux Cubains, un Guadeloupéen, un Français et un Anglais.

    Dès le premier morceau, Santiera, nous voilà parti à l’autre bout de l’Atlantique dans ce qui est un voyage tout aussi gracieux et tonique qu’émouvant puisqu’il évoque la construction douloureuse des Amériques avec ces voyageurs mis au ban – esclaves noirs, indiens annihilés ou Européens migrants poussés par la misère. C’est cette souffrance qui forme le terreau d’une musique puissante et colorée (Les Mangeurs d’Étoiles).

    Une texture mystérieuse et sombre à son jazz virtuose et élégant

    Le jazz de ces histoires caribéennes va chercher ses influences dans les rythmes de la culture créole, à l’exemple du calypso de Calypsotopia, s’habillant de carnaval et de joie. Puerto Rican Folk Song c’est l’île de Puerto Rico revisitée, nous entraînant d’un claquement de doigt dans un club de jazz latino au cœur du New York des seventies. L’envoûtant titre Pajarillo Verde est, lui, tiré d’une valse vénézuélienne tandis que Presagio a des airs de João Gilberto, dans un morceau qui semble faire le va et vient entre le Brésil, l’Amérique centrale et le jazz occidental. Influence des Caraïbes encore avec Let the Freedom Reign, influencé autant par Count Ossie que Charlie Mingus. Dans ce titre, Samy Thiébault donne une texture mystérieuse et sombre à son jazz virtuose et élégant, comme si de belles succubes caribéennes à la peau cuivrée venaient nous entraîner dans des danses lascives.

    Aida clôture en douceur et en sensualité ces histoires caribéennes et voyageuses, comme un hommage et une consolation à ces Caraïbes construites par des voyages sans retour.

    Samy Thiébault, Caribbean Stories, Gaya Music Production, 2018
    http://www.samythiebault.com
    https://www.facebook.com/samythiebault
    En concert du 18 au 23 août à Pompignan (82)
    Du 9 au 11 septembre au Duc des Lombards, Paris

    Voir aussi : "Katchéscope"

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  • Boule à facettes

    L’insolente fraîcheur de Boule tient sans doute à cette capacité à proposer dans un album à la production soignée un ensemble de titres moins légers et je m’en foutiste que ne le laisse deviner la pochette. Il est vrai que cette moumoute rousse et ce regard d’acier n’a rien pour laisser deviner que se cache derrière Appareil Volant Imitant l’Oiseau Naturel (en acronyme : A.V.I.O.N.) un album attachant, non dénué de tendresse, avec une série de portraits autobiographiques (Bicéphale). L’écriture est d’une sensibilité à fleur de peau, et souvent avec un mélange de détachement et de sarcasme : "Je prends ma retraite avant l’heure / Inutile de gesticuler / Tu peux me traiter de branleur / Va t e faire enculer / Par un ours polaire" (Ours polaire).

    Derrière la nonchalance de Boule, se cache cette noirceur poétique qui est l’ADN d’Appareil Volant Imitant L'Oiseau Naturel. Boule – Cédrik Boulard dans l’état civil – navigue sur des eaux mouvementées, à mi chemin entre Brigitte Fontaine (Ours Polaire) et William Sheller (Avion, en duo avec Jeanne Rochette), avec ce charmant zozotement en plus. Un musicien aux multiples facettes.

    Un artiste schopenhauerien

    À l’instar de Welcome in Hippopotamie, en featuring Lucrèce Sassella, le joyeux bazar de Boule ne saurait occulter la construction littéraire d’un poète à la Souchon (La lierre et la ronce). De même, Livreur de méthane est l’autoportrait en creux d’un homme en perdition dans une société en mal de grand air, de générosité et de paix : "Ce que tu aimes c’est bouffer des pizzas / En tripotant ton iPhone à la con" (Les pizzas).

    Voilà qui fait de boule un artiste schopenhauerien, même s’il exprime absurdité et cynisme avec la légèreté d’une samba (Je prends le temps), de l’easy listening (Tout le temps) et le plus souvent de l’humour décalé (Livreur de méthane).

    Il faut surtout écouter Franckie, singulier portrait d’un copain d’adolescence perdu de vue, une sorte de Jojo brelien à l’époque des Trente Piteuses. Et l’on se prend à rêver que Boule et ce Frankie puissent se revoir. Oui, on l’espère vraiment.

    Boule, Appareil Volant Imitant L'Oiseau Naturel, Cholbiz / L'Autre Distribution, 2019
    http://sitedeboule.com
    http://www.appareil-volant.fr

    Voir aussi : "Féloche, l’alchimiste musical"

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  • Aux voleurs !

    la casa de papel,histoire et fiction,braquage,voleurs,patty hearst,syndrome de stockholm,émile buisson,chauffeurs de la drôme,cartouchealberto spaggiari,james mac laine,william plunkettVoilà, une excellente idée qui nous vient du magazine Histoire & Fiction : proposer à l’occasion de la saison 3 de Case de Papel un hors-série spécial sur les grands braqueurs et voleurs de l’histoire.

    Stéphanie Guillaume, la rédactrice en chef de la revue, rappelle qu’avec cette série espagnole, Netflix a réussi à faire du traditionnel braquage de banques une épopée passionnante qui ne s’est pas essoufflée, n’en déplaise aux mauvaises langues.

    L’occasion était trop bonne pour la revue opportunément nommée Histoire & Fiction, de proposer une série d’articles et d’études sur ces voleurs, réels ou fictifs, ayant jalonné notre histoire comme notre imaginaire.

    Bien entendu, dans ce hors-série, plusieurs coups de projecteurs sont donnés sur la série espagnole, dont la première diffusion au printemps 2017 sur la chaîne Antenna 3 n’a été que le début d’un séisme télévisuel. Quelques ingrédients peuvent expliquer ce succès : une thématique classique (un braquage de banque), des références fictionnelles (Quentin Tarantino, Point Break ou L'Ultime razzia de Stanley Kubrick) voire historique (une arrestation méconnue à Grenoble en 2014), des inventions scénaristiques marquantes (la méthode très originale employée par des voleurs et ces fameux masques de Dali), le message engagé des créateurs (avec une saison 2 prenant une tournure plus sociale) sans oublier des personnages charismatiques (les femmes de Casa de Papel ou la figure du mystérieux Professeur).

    "Tonton Mimile"

    Voilà pour la fiction, assez bien développée, mais que le lecteur ne devra lire qu’après visionnage des trois saisons, de peur d’être spoilé. Le volet historique s’attache, lui, à rappeler les principaux voleurs et assassins ayant écumé les campagnes. Il y a Cartouche, le "Robin des Bois du XVIIIe siècle", mais dont la figure mythique ne cesse d’être remise en cause ("un malfrat particulièrement dangereux"). Christophe Belser rappelle le parcours moins connu en France des bandits de grand chemin James Mac Laine et William Plunkett, un duo entré d’autant plus dans la légende que le premier a été exécuté non sans qu’une chanson soit créée en son honneur, tandis que le second a fui vraisemblablement en Amérique à partir des années 1750.

    Quelques faits divers sinistres sont rappelés par les auteurs de Histoire & Fiction : les chauffeurs de la Drôme durant la France de la Belle Époque (par Philippe Grandcoing), le braqueur Émile Buisson, dit "Tonton Mimile", ennemi public numéro 1 à la Libération ou Alberto Spaggiari, l’auteur du "casse du siècle" à Nice en juillet 1976 (deux histoires rocambolesques relatées par Jean-François Miniac). Un dernier article, passionnant et ahurissant, revient sur le fameux syndrome de Stockholm, avec l’exemple éloquent du kidnapping de Patty Hearst (v. illustration), la petite-fille de William Randolph Hearst.

    Les voleurs ont toujours été une source inépuisable comme le rappelle La Casa de Papel. À la lecture du magazine Histoire & Fiction, on comprend aisément pourquoi.

    Histoire & Fiction, hors-série spécial La Casa de Papel, août-septembre-octobre 2019
    La Casa de Papel, série dramatique d’Álex Pina
    avec Úrsula Corberó, Álvaro Morte et Itziar Ituño, saison 3, Espagne, 2019, Netflix

    https://www.netflix.com/fr/title/80192098

    Voir aussi : "Chants songs"

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  • Dante, voyage au bout de l'enfer

    john freccero,dante,divine comédie,virgile,béatrice,boèce,platon,aristote,saint augustin,thomas d’aquin,clément d’alexandrie,philon d’alexandrie,homère,théologieQue nous reste-t-il à apprendre de Dante et de la Divine Comédie, cette œuvre phare de la littérature italienne, sinon mondiale ? Depuis sa parution au XIVe siècle, tout ou presque a été dit et commenté au sujet du récit poétique de Dante Alighieri, relatant son périple dans l’au-delà, guidé d’abord par Virgile, en partant de l’enfer ("Lasciate ogne speranza, voi ch'intrate", "Laissez toute espérance, vous qui entrez"), jusqu’au purgatoire, puis au paradis où l’attend Béatrice, la femme qu’il a aimé depuis son enfance, qu’il a perdu et à qui il vouera le reste de son œuvre.

    John Freccero, universitaire américain spécialiste de Dante, a écrit une série d’articles sur la Divine Comédie, et ce sont ces articles qui ont été compilés pour former cet essai très impressionnant, Dante, une poétique de la conversion (éd. Desclée de Brouwer). D’abord publié en 1986 aux États-Unis, l’étude de John Freccero arrive enfin en France. Assez logiquement, les textes ont été classés non par date de leur publication, mais en suivant l’ordre du poème, en 17 chapitres, de l’enfer au paradis. Voilà qui donne à l’ensemble une belle cohérence en même temps qu’une solide rigueur scientifique.

    Voyage imaginaire, sinon terrifiant vers l’au-delà, la Divine Comédie est étudiée grâce à l’universitaire émérite sous l’angle d’un voyage intérieur "vers la vérité", en somme une quête à la fois religieuse et poétique qui permet au lecteur de 2019 de se replacer dans le contexte de l’homme de lettres du XIVe siècle que fut Dante nourri aussi bien de sources antiques que chrétiennes qui font sens ici : "Le pèlerin doit luter pour parvenir dans la caverne, où Platon suppose que commence ce voyage."

    "Le voyage de la Divine Comédie commence par une conversion" commente John Freccero au sujet des premiers chants de l’Enfer. S’appuyant sur Platon (Timée), Aristote, s. Augustin, Clément d’Alexandrie, Philon d’Alexandrie ou Jean l’Évangéliste, l’universitaire américain montre toute la portée allégorique de ce voyage du corps qui est aussi celui de l’âme. Avec une rare érudition, John Freccero fait se répondre "cosmos aristotélicien", théories du désir chez Platon et Aristote, réflexions sur les péchés chrétiens et propos sur la chute originelle pour parler de ces limbes que doit traverser le pèlerin.

    Roman autobiographique

    Assez singulièrement pour un tel ouvrage, John Freccero parle de la Divine Comédie comme d’un "roman autobiographique". Dante, pèlerin de l’au-delà, entame un voyage imaginaire, une épopée homérique au sens premier du terme (chapitre 8), qui est aussi celui d’un homme nourri aux sources religieuses du Moyen Âge. Ce périple surnaturel – parlons aussi de "conversion" – suit un mouvement circulaire que le chercheur américain développe avec précision dans le chapitre 4 de l’essai, avec toujours une somme impressionnante de références littéraires : Boèce, Platon, s. Thomas d’Aquin, Aristote ou Virgile, le guide de Dante jusqu’aux portes du paradis. Ces références font d’autant plus sens que John Freccero parle de l’importance de l’itinéraire intellectuel, artistique et poétique – dit autrement, pour reprendre Virgile, de "l’analogie entre la créativité divine et l’industrie humaine".

    Finalement quel est le but du voyage de Dante ? Certainement "une sorte de Mont de Parnasse" répond l’universitaire, qui développe assez longuement la célèbre citation de l’entrée aux enfers. Pour ardue que soit l’exégèse de John Freccero, elle permet au moins d’éclairer l’explication du terme de "Comédie" (Commedia), à mettre en corrélation, si l’on veut, avec cette ironie dont parle l’auteur : "l’enfer [comme] imitation du réel."

    L’expérience personnelle de l’auteur ("roman autobiographique") est bien entendu au cœur de la Divine Comédie, notamment dans le chant de la méduse (Enfer, chant IX), qui est aussi un chant d’amour pour Béatrice : "le mot « Amour » est donc le lien qui unit le ciel à la terre et le poète à son auditoire, contenant en lui-même la substance du poème". "La regénération du pèlerin", qui passera par le purgatoire avant d’atteindre le paradis, est aussi une construction poétique indissociable de la recherche mystique. John Freccero parle de "maturité poétique atteinte par Dante" lorsqu’il écrit son chef d’œuvre. Un chef d’œuvre à la fois mystique, poétique et littéraire dans lequel le voyage vers l’au-delà est aussi celui, allégorique, de la poésie, de la métaphysique, du conte philosophique et de la recherche artistique : "L’histoire du pèlerin conduit au moment où il acquiert le statut de conteur, de sorte que l’histoire que raconte la Divine Comédie est en partie l’histoire de la façon dont cette histoire a été écrite." Avec, pour muse, son amour de toujours, Béatrice.

    John Freccero, Dante, une poétique de la conversion
    éd. Desclée de Brouwer, CNL, 546 p., 2019

    https://www.editionsddb.fr/auteur/fiche/54102-john-freccero

    Voir aussi : "Death is not the end"

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  • Toutânkhamon, de l’obscurité à la lumière

    Il y a un peu moins de cent ans de cela, après plusieurs campagnes égyptiennes infructueuses à la recherche de la tombe du pharaon Toutânkhamon (v. 1340 av. JC - 1326 av. JC), l’archéologue Howard Carter convainc le richissime mécène Lord Carnarvon de financer une dernière prospection dans un périmètre qu’il estime n’avoir été jamais fouillé. Son intuition est la bonne puisque le 4 novembre 1922, une première marche est découverte puis dégagée. Elle donne accès à une tombe jamais visitée : celle de Toutânkhamon, fils d’Akhenaton, onzième pharaon de la XVIIIe dynastie. Son court règne est tombée dans l’oubli depuis que Toutânkhamon a été frappé d’une damnatio memoriae prononcée par ses successeurs. Son nom a disparu de la liste des pharaons, ce qui va paradoxalement assurer sa postérité. En tombant sur une sépulture quasi intacte car oubliée des pilleurs, Toutânkhamon passe des ténèbres à la lumière.

    Rarement le terme de "trésor" n’a paru aussi bien indiqué pour une telle découverte. Les organisateurs de l’exposition de La Villette ont véritablement travaillé la mise en scène pour proposer un ensemble d’espaces destinés à rendre toute la richesse, la splendeur et l’attrait historique de cette sépulture. Comme le dit Tarel El Awady, commissaire de l’exposition, "[En 1922], les scientifiques et les universitaires furent étonnés à la fois par l’importance du trésor de Toutânkhamon, mais également par la quantité d’information qu’il recelait, et qui permit une compréhension plus profonde de l’histoire de l’Égypte ancienne. Mais la découverte du tombeau de Toutânkhamon permit surtout de réfuter la croyance solidement installée chez les égyptologues de l’époque selon laquelle « tout avait déjà été découvert dans la Vallée des Rois. »"

    Une découverte presque miraculeuse et entrée dans la légende

    150 objets remarquables, tant pour leur valeur artistique que pour leur apports historiques et scientifiques, sont présentés : le cercueil miniature canope à l’effigie de Toutânkhamon en or, verre coloré et cornaline (mais sans la momie du prestigieux souverain !), la spectaculaire statue de Ka à taille réelle et à l’effigie du pharaon, le lit funéraire en bois doré, une magnifique statue en bois et feuille d’or représentant le roi coiffé de la couronne blanche, des mains incrustées d’or tenant la crosse et le fléau, un somptueux pectoral en or, argent, cornaline, turquoise et lapis-lazuli ou un étonnant modèle de barque solaire en bois. Une statue du dieu Amon protégeant Toutânkhamon, prêtée par Le Louvre, est également exposée. Coffres, bijoux, objets de la vie quotidienne, armes ou statues font pénétrer le visiteur dans une civilisation qui continue de fasciner et de surprendre.

    Mais cette exposition nous fait aussi comprendre l’histoire de cette découverte presque miraculeuse et entrée dans la légende. 3200 ans après sa mort, et alors que ses successeurs ont cherché à effacer les traces de ce pharaon qu’ils estimaient trop lié au règne de son père, le révolutionnaire Akhenaton, Toutânkhamon devient singulièrement une véritable célébrité, pour ne pas dire une icône pop – ce que montre le dernier espace de l’exposition. Passé de l’ombre d’une sépulture à la lumière des médias, le jeune pharaon incarne sans doute plus que n’importe quel souverain la magnificence d’une civilisation que l’on ne finit pas de découvrir.

    Il ne reste plus que quelques semaines pour découvrir l’un des trésors archéologiques les plus spectaculaires qui soit, avant son retour définitif en Égypte.

    Toutânkhamon, Le Trésor du Pharaon
    Du 23 mars au 22 septembre 2019
    Grande Halle de la Villette
    https://expo-toutankhamon.fr

    Voir aussi : "Twilight Zone chez Castel"

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  • Vernon et ses amis

    Je m’aperçois que je ne vous ai pas parlé d’une des séries françaises attendues du premier semestre 2019. Une série qui est aussi l’adaptation du cycle de romans de Virginie Despentes, Vernon Subutex.

    Vernon Subutex est le nom très psychédélique du personnage interprété par Romain Duris tombant dès les premières minutes dans une spirale infernale. Expulsé de son appartement, cette figure de l’underground des années 80-90 ne peut emporter avec lui que quelques biens personnels, mais aussi quelques disques cultes, modestes souvenirs de ses glorieuses années dans le milieu pop-rock.

    Très vite, c’est sur le terrain de la musique que nous entraîne Vernon Subutex qui trouve refuge auprès d’un de ses amis, Alex Bleach, musicien rock parvenu à une petite notoriété, mais qui finit par décéder d’une overdose le soir-même, non sans toutefois avoir laissé un enregistrement de confessions explosives, que Vernon Subutex emporte avec lui avant de fuir. Bientôt, une chasse à l’homme pour retrouver le fuyard sans domicile fixe : amis bien intentionnés et professionnels qui voudraient bien récupérer les cassettes et le témoignage sulfureux de Alex Bleach se croisent et s'affrontent.

    Un hommage à l’underground

    Cette adaptation de la trilogie de Virginie Despentes était très attendue, a fortiori avec Romain Duris dans le rôle de Vernon, dont il endosse le costume avec un naturel déconcertant : tour à tour humain, déconcertant, émouvant, agaçant, séduisant ou bouleversant, Romain Duris incarne un homme à terre mais qui se bat pour survivre, sans savoir qu’il détient des cassettes – un hommage au film Diva de Jean-Jacques Beineix ?– qui peuvent permettre son salut autant que sa perte.

    Dans cette longue course à travers un Paris décrit comme une jungle impitoyable, d’autres personnages font plus que tirer leur épingle du jeu. Il y a d’abord Céline Sallette, en Hyène roublarde mais non dénuée de scrupules, Laurent Lucas, impitoyable et d’un cynisme sans appel, ou encore Flora Fischbach, dont Bla Bla Blog avait parlé pour ses débuts prometteurs sur la scène pop-rock, et qui fait ici des premiers pas convaincants dans le rôle d’Anaïs, en jeune assistante candide dans un vrai panier de crabes.

    Que Fishbach, figure montante de la musique, figure dans cette série qui est aussi un hommage à l’underground, n’est pas un hasard et même plutôt un clin d’œil réjouissant. Vernon Subutex surfe sur une forme de nostalgie d’une période révolue, accentuée par une bande-son d’une belle richesse : The Stooges, Ramones, Daniel Darc, Kim Wilde, Les Thugs ou Janis Joplin. Plein les yeux, plein les oreilles.  L'aspect social des romans de Virginie Despentes est largement gommé, mais c'est au profit d'une chasse à l'homme atypique, avec un Romain Duris portant à bout de bras cette série s’accélérant dans les derniers épisodes.

    Vernon Subutex, comédie dramatique de Cathy Verney, avec Romain Duris, Céline Sallette, Flora Fischbach, Philippe Rebbot, Florence Thomassin, Laurent Lucas et Emilie Gavois-Kahn, saison 1, 9 épisodes, France, 2019, Canal+
    https://www.mycanal.fr/series/vernon-subutex

    Voir aussi : "Fishbach au casting de ”Vernon Subutex”

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  • Mathieu Sempéré, classique mais pas trop

    Avec Mathieu Sempéré, le classique endosse des habits étonnants, porté par une personnalité assez incroyable et surtout une voix unique. Car le ténor a ayant officié au sien du groupe des Stentors et fait partie de ces artistes ayant à cœur de décloisonner les genres. Après son album Tant de chansons qui nous ressemblent reprenant des standards de Jacques Brel, Gilbert Becaud ou Édith Piaf, c’est au répertoire classique qu’il s’attaque avec son dernier opus, Engrenage symphonique, financé grâce à une campagne Ulule.

    Mathieu Sempéré prend à bras le corps des chefs-d’œuvres archi-enregistrés pour leur insuffler ce modernisme et cette proximité si caractéristique de la chanson. Outre des adaptations originales, le stentor propose quatre reprises devenues pour certaines elles-mêmes des classiques : Le prélude de Bach de Maurane, le concerto d’Aranjuez interprété à l’origine par Richard Antony, le septuor de Brahms (Dave) et le liebertango de Piazzola chanté par Guy Marchand.

    Engrenage symphonique, prévu à la rentrée, vient en continuité de sa tournée qui lui a permis de rôder plusieurs titres. Avouons bien volontiers qu’il faut du coffre et de l’audace pour faire tomber les frontières entre classique et cet art réputé "mineur" et "populaire" qu’est la chanson.

    Nous ne dirons pas que Mathieu Sempéré dépoussière le classique

    Vent du désert propose ainsi une revisite sombre mais aux belles percées lumineuses de l’adagio de la l’allegretto de la 7e symphonie de Beethoven. Pour la reprise de la Danse macabre de Saint-Saëns, Mathieu Sempéré joue avec l’orchestration survitaminée pour proposer une version à la fois fidèle à l’esprit de l’original et lorgnant autant du côté de l’opérette que de Bobby Lapointe.

    Il est impossible de ne pas parler de la reprise du Prélude de Bach de Maurane. La version électro pop permet une vraie redécouverte des paroles de l’artiste belge décédée l’an dernier : "Toi les pieds dans les flaques / moi et ma tête à claques / j'ai pris les remorqueurs pour des gondoles / et moi, moi je traîne ma casserole / Dans cette décharge de rêve en pack / qu'on bazarde au prix du pétrole / pour des cols blanc et des corbacs / qui se foutent de Mozart, de Bach."

    Nous ne dirons pas que Mathieu Sempéré dépoussière le classique, qui reste indémodable et solide comme l’airain. Mais disons que Bach, Beethoven ou Saint-Saëns prouvent une fois de plus qu’ils restent des sources d’inspiration très actuelles.

    Mathieu Sempéré, Engrenage Symphonique, autoproduit
    sortie prévue en septembre 2019

    www.mathieusempere.com
    https://fr.ulule.com/album-mathieu-sempere

    Voir aussi : "Les Variations Gouldberg"

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  • Twilight Zone chez Castel

    La série culte The Twilight Zone est à l’honneur chez Castel le mercredi 24 Juillet, de 22 heures à 4 heures du matin avec un événement placé sous le signe de l’art contemporain, de la création et des sens et proposé par le directeur artistique Gwenaël Billaud.

    Cette galerie a su depuis imposer un nouveau concept de soirées investies par l'art moderne et contemporain, dans le cadre desquelles participent performeurs, artistes, DJs, et personnalités du monde de l'art. Le temps de la soirée, l'espace se transforme en galerie éphémère, un club artistique en somme où la nuit rend hommage à la création contemporaine – sous le regard de Rod Steiger donc.

    Outre la diffusion des épisodes de La Quatrième Dimension, la soirée verra l’intervention de plusieurs artistes et performeurs : Daniela Zuniga, alias Nina Zun (artiste vidéo), Valéry Grancher (webartiste), Neil Lang, Pierre Bénard "osmoart" (parfumeur), Jakob Liu Wächter (shooting art mode), avec également un live d’Alexandre Bruni-Sarkozy, un live painting de Corentin Bouchaert, une performance de Super-Lexie et une lecture publique de Nenad Milosavljevic.

    Les Dj set Eric Pajot et Gwenaël Billaud viendront compléter cette nuit placée d’une autre dimension sous le signe de Twilight Zone.

    The Twilight Zone, La Galerie
    Castel, 15, rue Princesse, Paris 6e arrondissement
    https://galeriebillaud.blogspot.com
    https://www.facebook.com/galeriegwenaelbillaud

    Voir aussi : "Grande exposition de poche"