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• • Articles et blablas - Page 213

  • Méfiez-vous des hommes

    tatiana de rosnay,nouvelles,adultère,infidélité,maris,épouses,plonIl a été question dans notre hors-série sur Tatiana de Rosnay de son recueil de nouvelles Le Carnet rouge. J’ai choisi de m’intéresser à la première version de son livre, paru en 1995 sous le titre Mariés et Pères de Famille (éd. Plon). Il s’agit du deuxième ouvrage publié par Tatiana de Rosnay après L'Appartement témoin, dont je vous parlerai très bientôt. L’auteure n’en est qu’au début de sa carrière. La consécration viendra douze ans plus tard, avec Elle s’appelait Sarah, faisant d’elle l’auteure de best-sellers que l’on connaît.

    Mariés et Pères de Famille contient neuf histoires qui seront repris dans Le Carnet Rouge, dans un ordre différent. Si je parle d’ordre, ce n’est pas anodin. Plon sous-titre ce recueil : Roman d’adultères. Un roman, vraiment ? D’emblée, la question se pose si ce choix ne vient pas d’un éditeur, plus désireux de présenter ce livre comme un "roman", un genre plus vendeur, que comme un "recueil de nouvelles" – ce que Mariés et Pères de Famille est.

    Mais passons. Il y a bien entendu le fil conducteur de l’infidélité qui relie ces onze histoires : des femmes trompées ou soupçonnées d’être trompées, et même parfois adultères elles-mêmes : un mari fréquentant des prostituées dans Le Bois, qui ouvre le livre, le fameux Carnet rouge, le journal d’une femme infidèle ou La jeune Fille au pair, une conversation entre deux amies à propos de leur mari respectif. Le lecteur du Carnet Rouge, paru en 2014, retrouvera ces autres nouvelles : La Lettre, Le Répondeur, Le Cheveu, Le Mot de Passe et Le "Toki-Baby". La Cassette vidéo a été remaniée jusqu’au titre pour devenir, neuf ans plus tard, La Clé USB – une concession à la modernité, dans un recueil assez classique dans la facture, si l’on pense par exemple au choix des prénoms utilisés (Jeanne, Marie, Eugénie, François ou Thérèse).

    Deux nouvelles rares

    Deux nouvelles rares sont présentes dans Mariés et Pères de Famille : L’Odeur et La Jalouse. Ces deux textes peu connus méritent que l’on s’y arrêtent. Le premier, L’Odeur, a la particularité d’être une courte pièce de théâtre en un acte et quatre scènes, réduit à trois personnages, un couple, Anne et François et leur fille Gabrielle. En rangeant les vêtements de son mari, souvent en voyage d’affaire, une femme y découvre une odeur étrange : celle d’un sexe de femme. C’est le début d’une scène de ménage acide, violente et non teintée d’humour noir. La deuxième nouvelle, La Jalouse, est la correspondance d’un homme singulièrement d’une fidélité à toute épreuve. Sans doute est-ce d’ailleurs la raison de la disparition de ce texte pour l’édition 2014 du Carnet rouge. Il s’agit d’une lettre d’adieu à sa femme, Eugénie, que ce mari s’apprête à quitter en raison de la jalousie maladive de cette dernière. Il raconte avec amertume le flicage quotidien d’une épouse persuadée qu’il la trompe à torts et à travers : avec une voisine, avec des amies communs, avec une ex ou avec des inconnues croisées par hasard.

    Les fans de Tatiana de Rosnay seront très certainement heureux d’avoir dans leur bibliothèque ce Mariés et Pères de Famille, un recueil de nouvelles, donc (et pas un roman comme l’indique faussement la couverture du livre), à la fois moderne dans son écriture et la thématique classique – l’adultère. Classique et diablement romanesque.

    Tatiana de Rosnay, Mariés, pères de Famille, Roman d’adultères
    éd. Plon, 1995, 182 p.

    http://www.tatianaderosnay.com

    Voir aussi : "Trahisons et cachotteries"
    "Juste un moment d’égarement"

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  • Le petit monde d’Élodie Suigo

    On ne parle pas assez de la radio, ce média ouvert, protéiforme et souvent inventif. J’ai envie de vous parler d’Élodie Suigo et de son émission quotidienne Le Monde d’Élodie, diffusé sur France Info.

    Mine de rien, cette série de chroniques a la capacité de vous accrocher très rapidement et de devenir un rendez-vous familier grâce à des qualités finalement très simples : des interviews courtes et sensibles, sans esbroufe ni sens de la provocation. La journaliste de France Info écoute ses invités et évite de se mettre en avant. C’est ce qui fait la richesse de ses chroniques. Une richesse telle que le catalogue de ses invités est impressionnant de richesse.

    De sa voix claire et chaleureuse, l’intervieweuse offre quatre à sept minutes de conversation avec des invités aussi différents qu’Arielle Dombasle, CharlElie Couture, Omar Sy, Lambert Wilson, Maître Gims ou la mannequin Inès Rau.

    L’actualité de ces personnalités intéresse moins la journaliste que leur enfance et leur parcours respectif. L’auditeur découvre des facettes souvent méconnues de ces femmes et de ces hommes que nous croyons parfois très bien connaître. Ainsi, la rencontre avec Michel Polnareff permet moins de parler de son dernier album (Enfin!) que de son passé d’enfant battu. Le romancier Laurent Gounelle évoque les chemins de traverse qu’il a parcourus avant de se découvrir. Marianne Faithfull, partage un bouleversant message de son père.

    C’est avec bienveillance qu’Élodie Suigo démasque chez ces personnalités reconnues le manque singulier de confiance en soi. Des artistes se découvrent avec une sincérité rarement vue et entendue, à l’exemple du si peu connu, effacé et très élégant Richard Cocciante, de l’acteur danois Mads Mikkelsen qui nous parle de son amour pour la France ou d’Imany et de sa carrière tumultueuse.

    L’interview de Chantal Goya offre également son lot de surprises : son enfance au Vietnam, son grand-père scientifique et humaniste ou ses souvenirs de Marguerite Duras, de Jean-Luc Godard, de Serge Gainsbourg ou de Barbara.

    Et on doit ça à qui ? À Élodie Suigo et à son petit Monde.

    Le Monde d’Élodie, tous les jours sur France Info
    https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-monde-d-elodie
    https://twitter.com/esuigo

    Voir aussi : "Histoires extraordinaires"

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  • La vie à deux avec Maud Lübeck

    Sur la pochette de Divine, une vapeur énigmatique mange la moitié droite du visage de Maud Lüceck. À l’image de ce visuel, une impression de mystère plane sur ce court album de moins de 24 minutes. On devine l’auteure cachée dans un monde incroyable et derrière des compositions dans laquelle affleurent la délicatesse, la mélancolie, l’ombre et la lumière.

    L’amour, l’attirance et la vie à deux rythment les neuf titres de Divine, à l’image de celui qui donne le nom à l’opus, sorti trois ans après Toi non plus. Il y est question de la magie d’une rencontre qui vous laisse tétanisé et qui impose une suspension du temps ("Bouger serait un crime"). La mélodie est réduite à sa plus simple expression. L’interprétation place une distance pudique, pour ne pas dire majestueuse : "Divine / Divin hasard / Qui m’a conduit ce soir / À son regard / Divine / Si précieux / Je ne veux je ne peux / laisser partir ses yeux / Ne partez pas."

    Tout autant en retenue, Amoureuse traduit l’émoi envoûtant et l’aliénation de l’amour : "Je ne sais pas ce que tu as de plus / Ce qui fait que toi tu / Ce qui fait que toi tu m’as émue." Maud Lübeck propose un morceau, construit autour d’un rythme syncopé et d’allitérations en "t" qui entend questionner la vie à deux.

    Dans Peur d’aimer, cette vie à deux devient un refuge contre et malgré la peur ("J’aurais moins peur si j’étais deux") : peur de l’engagement, de la solitude, "du vent violent" et de l’aliénation. L’ambivalence se traduit dans la construction de ce titre à deux revers : couplets sombres faits d’hésitations et de ruptures, puis se déployant dans un refrain lumineux.

    Une remarquable économie de moyens

    À l’instar de L’autre part, la recherche de l’amour et d’une forme d’idéal ("L’été et le ciel azuré") constituent la première partie de l'opus: "J’aimerais vivre quelque part / Dans des rêves et dans des pensées / Me sentir bien quelque part / Allez." Comme souvent dans Divine, les claviers et les voix sont utilisés avec une remarquable économie de moyens.

    Cardiophonie scinde l’album en deux. Cette interlude électro et respiration instrumentale marque l’entrée dans une deuxième partie de l’opus. Là, il sera surtout question de séparations, de départs et d’absences.

    Ne me dis pas est la constatation d’une rupture – en dépit d’un "Je t’aime" trompeur. C’est en quelque sorte "un long requiem d’amour en fuite." Dans la bouche de Maud Lübeck, la fin de cet amour n’est pas clamée dans un cri de détresse mais exprimée comme une froide constatation. En retenue, avec délicatesse et avec une forme de majesté.

    L’un des meilleurs titres de l'album est sans doute L’Absente. Une grâce indéfinissable se dégage de cette chanson sur une amitié disparue ("À toi qui ne veut pas que nous soyons amis") et sur un appel au retour de l’être aimé. La composition mélodieuse et l’interprétation à fleur de peau rend déchirante cette histoire de rupture : "Si tu voyais mon cœur comme depuis il se traîne."

    Dans cette partie de Divine plus sombre, l’auditeur pourra objecter que Cœur est un chant amoureux : "Prends soin de moi ou je meurs." Sauf que dans ce cheminement personnel et sentimental, il est autant question d’une passion amoureuse que d’une forme d’aliénation, que Maud Lübeck exprime grâce à un chœur éthérée et inquiétant  : "La beauté du monde / Brune ou blonde / Si je me sens belle ou immonde / C’est toi qui me mène / C’est toi qui sème / Et tout ça parce que je t’aime."

    Divine se termine par cet aboutissement qu’est Le Dernier amour : "Je ne veux plus d’hiver / Sans ton regard / Plus de maison / Sans ton bazar / Je ne veux plus de nuit sans tes bras tendres / Je te veux pour ma vie / Sans plus attendre / /Et que tu sois mon dernier amour / Celui qui durera toujours." Avec Maud Lübeck, l’amour n’est pas ce monument insubmersible et incontrôlable, mais un fragile trésor, aussi précieux qu’un bijou de cristal Swarovski.

    Maud Lübeck, Divine, Finalistes, 2019
    http://www.maudlubeck.com

    Voir aussi : "Le retour de la femme mimosa"

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  • Du temps pour lire, s’il vous plaît...

    Alors qu’une étude GFK révélait une baisse des ventes de l’édition de 1,2 % en 2017, le micromarché du livre audio vient contrebalancer cette baisse grâce à l’engouement des téléchargements numériques.

    En effet, selon l’Association des éditeurs audio, le marché mondial du livre audio a connu une hausse de 18,2 % en 2017 pour 1,7 milliard d’euros (Le Monde). Un engouement qui gagne la France, avec une croissance fulgurante de 50 % entre 2014 et 2017, grâce aux téléchargements de livres, qui ont été multipliés par 2,8 (Les Échos).

    Si le livre audio ne représente aujourd’hui que 5% du marché du livre en France, une véritable tendance se dessine, celle de la synthèse audio de livres (sur le modèle du Reader's Digest).

    Pas facile dans des journées bien remplies de se consacrer à un ouvrage : le manque de temps est invoqué par 46% des Français comme principal obstacle et 58% des actifs sont particulièrement concernés et déclarent manquer de temps pour la lecture. 42% des personnes interrogées estiment d’ailleurs que la synthèse audio est le format répondant le mieux à leur mode de vie, juste après la lecture d’un livre en format classique (43% - livre de poche).

    Selon un sondage* de YouGov commandité par Koober, un nouveau service abonnement permettant l’accès à des ouvrages condensés à lire ou écouter en numérique, 42% des Français expriment leur intérêt pour les synthèses de livres audio afin d'élargir leurs horizons. 43% des Français estiment même que la synthèse de livre audio est un bon moyen de découvrir un livre avant de l’acheter et pour 41% de pouvoir découvrir plus de livres.

    *Enquête réalisée par YouGov France en 2 vagues sur plus de 1000 personnes représentatives de la population nationale française âgée de 18 ans et plus : 1ere vague auprès des salariés du secteur public et privé et les indépendants en France du 3 au 7 janvier 2019 et 2e vague auprès de l’ensemble de la population française du 25 au 29 janvier 2019.

    https://discover.koober.com

    Voir aussi "La PAO pour les nuls"

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  • On ne badine pas avec un frigo

    Dans notre série de L’‎Œil du frigo, allons voir du côté d'un pays où le cinéma fait figure de religion : l'Inde. Notre chroniqueur nous parle du film Gang of Wasseypur, sorti en 2012. Et il est bien entendu question d'un frigo.

    Une fois n'est pas coutume, j'ai trouvé une scène de frigo dans le cinéma indien. Vous allez me dire : "Mais où va-t-il chercher tout ça ?" Mes amis cinéphiles et youtube sont mes amis : voilà ma réponse.

    Gang of Wasseypur c'est l'histoire des gangs dans la ville de Wasseypur qui s'étale sur soixante ans. Une film en deux parties qui retrace cette épopée au travers des générations. On ne badine pas avec l'honneur et encore moins avec un frigo.

    On peut se demander pour cette scène de deux minutes cinquante sur la porte d'un frigo la raison d'une telle séquence. Je sais : cela nous est arrivé à tous de batailler pour que cette porte ferme et que cette petite loupiote s'éteigne... Et, parfois, au comble de désespoir, la porte a pris une claque ou un coup de pied retourné, genre salto à la kung-fu. Là, patience : il n'y a rien de tel pour fermer la porte du frigo.

    Ici, c'est long, fastidieux. Pourtant, il ne semble pas y avoir grand chose qui coince, surtout que l'actrice enlève presque tout. Mais on voit tout de suite le découragement des hommes qui, comme par hasard, sont intéressés par autre chose. Le regard du premier homme en dit long. Le deuxième essaie d'aider puis se décourage. La femme, elle, tient bon. Elle essaie encore et encore, pugnace. Pourtant on a remarqué que la porte n'était plus droite. C'est d'ailleurs sans doute cela qui coince : cela fait longtemps que tout est tordu, mais elle y croit encore. Si on met de l'ordre dans notre tête, sans doute pourrons nous fermer cette porte qui reste ouverte.

    J'aime beaucoup cette scène. Elle n'est pas filmée au hasard. Le réalisateur semble la voler, caché dans la cuisine. Définir en une scène ce qui existe dans la famille, la cohésion autour du frigo et de la personne qui le range : posez-vous la question chez vous... Là, je sens que ça va faire des histoires...

    Sinon, si vous avez une caméra chez vous, planquez-la et filmez celui qui range le frigo : vous serez surpris des tocs et autres maniaqueries que l'on rencontre pour un rangement de frigo. De là à dire que votre frigo représente le cocon familial, il n'y a qu'un pas. Ce qui fait froid dans le dos - normal pour un frigo, vous le direz...

    Quant au frigo, franchement, rien à dire : petit, coriace, fatigué, une porte bien remplie et un freezer qui doit faire une tonne de glace à décongeler tous les quinze jours. Le genre de frigo increvable qui a dû se transmettre de génération en génération.

    Ne négligez pas ces petites scènes frigorifiques qui font partie des films ou de votre quotidien. Elles en disent long sur vous ou sur un film.

    ODF

    Gang of Wasseypur, drame policier de Anurag Kashyap, avec Anurag Kashyap, Akhilesh Jaiswal, Sachin K. Ladia et Syed Zeeshan Qadri, Inde, 2012, 319 mn

    Voir aussi : "L’‎Œil du Frigo débarque sur Bla Bla Blog"
    "Gang of Wasseypur dans L’œil du frigo"
     

      

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  • La luxure est-elle un péché capital ?

    petites luxures,érotisme,dessins,sexe,instagramLa luxure serait-elle toujours un péché capital ? Allons, allons... À y regarder de près ces Petites Luxures, présentes sur Internet et sur Instagram, ressemblerait d'abord à un exercice artistique autant que ludique dans lequel un aphorisme ("With a little help from my hands"), une citation ("Quand mes mains voudraient bien, quand tes doigts n’osent pas") ou un jeu de mot ("Avoir la langue dans sa pote") est le prétexte à des saynètes intimes, sinon délurées.

    L’illustration prend ici tout son sens : avec Petites Luxures, les mot sont aussi importants que le dessin. L’un et l’autre se servent mutuellement, tels deux amants.

    La comparaison est raison dans cette série qui décline les rapports amoureux, la sexualité, les étreintes, les baisers, les caresses seul(e) ou à plusieurs, les corps à corps à deux, trois ou plus.

    L’érotisme qui se dégage de ces dessins est celui, apaisé, de ces moments de plaisirs, de câlins et de confidences. L’élégance des traits et le choix de ne montrer que l’essentiel ôte tout début de vulgarité. Les yeux s’accrochent à la partie du corps en jeu, les lèvres sourient au jeu de mot qui fait mouche, les doigts font glisser les vignettes qui se découvrent jour après jour.

    Avec plus d’un millions d’abonnés sur Instagram, Petites Luxures, créé par accident comme le raconte son auteur, a cessé d’être le site confidentiel réservé à un public d’intimes pour devenir véritablement populaire. S’y abonner c’est voir sur son fil d’actualité ces petits personnages à la ligne claire et aux courbes sensuelles parfois collés aux sujets d’actualité comme les personnages se collent serrés les uns aux autres. Malicieusement collés serrés.

    Petites Luxures: Histoires intimes, éd. Hoëbeke, 2019, 108 p.
    https://petitesluxures.bigcartel.com

    https://www.instagram.com/petitesluxures
    @PetitesLuxures

    Voir aussi : "Aurélie Dubois unmakes sex"

    © Petites luxures

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  • Un, deux... et trois

    Ce troisième chapitre est pour Ulrich Forman un nouvel opus qui aspire à être écouté comme un concept album. 

    Concept album, oui. Mais de quel concept parlons-nous? D'emblée, Ulrich Forman nous entraîne dans un voyage musical quelque 50 années plus tôt, dans une pop acidulée (1234), psychédélique et conceptuelle, justement : celle d’Emerson Lake And Palmer, des Beach Boys (Home) ou du White Album des Beatles. D'ailleurs, pour ce nouveau chapitre, Ulrich Forman s'est entouré de talents avérés : Fab Dupont (The Do / Paul McCartney), Florent Livet (Phoenix / Bloc Party), Pavle Kovacevic (Sebastien Tellier), Graham Hawthorne (Brian Wilson, Paul McCartney) ou encore Antoine ''Chab'' Chabert (Daft Punk / Woodkid).

    La pop est enjouée et souriante (If You Want To), accrocheuse et planante (Today), mélancolique (I'm In Love, Pt. 2) et d'une belle emprise folk (All I Want).

    Pas de révolution musicale dans cet album régressif mais un joyeux retour vers le hippie, lorsque ce mouvement venait autant se ressourcer du côté de San Francisco que de Katmandou (Hold me).

    Et lorsque le producteur et musicien français Ulrich Forman – Polérik Rouvière, de son vrai nom – vient au rock c'est d'une manière ludique et sans prise de tête (You Gotta Stay).

    Nick Drake, avec la lumière en plus

    Go On – tiens, c’est aussi le titre de l’EP de Tom Leeb, que nous avons chroniqué il y a peu – fait quelques bonds spatio-temporels vers le début des années 80, du coté de Supertramp. On s'arrêtera avec plus d'attention sur It's All Right, singulier titre acoustique à la Nick Drake, avec la lumière en plus.

    À noter que la version album du titre Today est accompagnée d'une version acoustique et d'un remix à retrouver en digital.  C'est Ulrich Forman en personne qui signe lui-même la réalisation du clip, un road trip poétique, onirique et naïf.

    Le titre I'm In Love avait eu les grâces d'une énorme campagne de pub pour Attractive Wolrd. Une opportunité qui lui a donné l'assurance qui lui manquait pour se lancer à plein dans une carrière musicale. C'est aujourd'hui chose faite avec Chapter III - A Perfect Storm.

    Ulrich Forman, Chapter III – A Perfect Storm, Au revoir ma belle productions, 2018
    https://www.facebook.com/UlrichForman
    http://www.aurevoirmabelle.com

    Voir aussi : "Tom Leeb, comme une petite madeleine de Proust"

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  • Un siècle risqué

    harari,joan tronto,société du risque,care,sapiens,essaiC’est un "monde vulnérable", une expression de Joan Tronto, qui lie la chronique de deux ouvrages, pourtant bien différents. Le premier, 21 Leçons pour le XXIe siècle (éd. Albin Michel), est le dernier livre de Yuval Noah Harari, l’auteur du best-seller Sapiens. Le second, Le Risque ou le Care ? (éd. PUF), beaucoup plus confidentiel, est une réflexion synthétique de Joan Tronto, professeure de sciences politiques à l’université de Minnesota. Ces deux auteurs ont pour point commun de mettre sur la table les risques de nos sociétés modernes en pleine mutation.

    Paru en 2015, Sapiens de Harari retraçait en 500 pages l’histoire de notre espèce, sapiens, de l’aube de l’humanité à l’ère actuelle des biotechnologies. Mêlant histoire, philosophie, sociologie, sciences dures ou psychologie, Harari entendait prendre de la hauteur et mettre en perspective l’histoire humaine. Deux ans plus tard, avec Homo Deus : Une brève Histoire de l’Avenir, c’est le développement des sciences et des technologies qui intéressait l’auteur de Sapiens, avec une question centrale : quel est l’avenir de l’homme ?

    Avec son dernier ouvrage, 21 Leçons pour le XXIe siècle, Harari poursuit son travail de prospective, avec toujours le souci de ne pas se limiter à un seul domaine scientifique, ce qui est à la fois la marque de fabrique et la qualité rare d’un intellectuel sur lequel il faut désormais compter. Sapiens mettait en avant le "miracle" de ce singe devenu en l’espace de quelques milliers d’années le maître d’une planète qu’il avait conquis et dompté. Cette constatation éloquente fait cette fois place à des interrogations sur les risques charriés par les progrès de sapiens depuis les révolutions industrielles et technologiques. Harari met en garde les dangers qui menacent l’humanité. On connaît les principaux : environnementaux, biotechnologiques, numériques et populistes. Mais il en est d’autres, sans doute moins évidents, qui sont décrits, dans des chapitres à la fois concis et clairs : les algorithmes menaçant notre libre-arbitre et nos libertés, l’intelligence artificielle et l’automatisation rendant insignifiant la valeur humaine du travail ou la menace des dictatures digitales. Dans le même temps, Harari explique pourquoi le terrorisme menace nos sociétés beaucoup plus insidieusement que les guerres meurtrières du passé et pourquoi il faut préférer le terme de "culturisme" à celui de "racisme". Immigration, religions, civilisations, laïcité, justice, égalité , méditation et même science-fiction sont mis à contribution dans un essai qui entend donner du sens à notre monde et à notre manière de relever les défis que nous propose un XXIe siècle risqué à bien des égards.

    Le Risque ou le care ?

    Le Risque ou le care ? De Joan Tronto est une autre manière d’aborder les risques contemporains. L’essai de Joan Tronto est plus ancien que celui de Yuval Noah Harari (2012 contre 2018). Il marque aussi la véritable arrivée en France de la théorie du care (les éditions PUF, qui ont publié Le Risque ou le Care ?, ont créé une collection spécifique). Ce mode de réflexion, apparu en Amérique du Nord, entend dépasser le rationalisme occidental au profit d’un regard plus sensible sur notre monde où se mêlent éthique, philosophie, féminisme, sociologie et éthique. Le care est encore largement méconnu en France, mais il entend apporter des réponses pertinentes dans des sociétés bien plus dépendantes et vulnérables que ce qui a été longtemps dit.

    Joan Tronto trace les lignes principales de cette société du risque qui se présente comme "la thématisation de questions importantes : la modernité, la postmodernité, le savoir et la science, les évolutions incessantes de la société occidentale. Ce qui change aujourd’hui dans notre vision du risque c’est leur caractère incalculable et imprévisible". Harari a eu beau, cinq ans plus tard, les identifier et esquisser des solutions, il n’en reste pas moins vrai que, comme le disent les penseurs du care (souvent des femmes, du reste), il y a aujourd’hui "une conscience plus importante que la maîtrise est impossible." L’auteure parle même "d’irresponsabilités" dans la manière dont la modernité et le progrès ont été pensées.

    Comment en sortir ? Par la théorie du care, justement.

    En réponse à ces risques et aux dangers post-modernes, des intellectuelles féministes ont choisi de revendiquer la valeur politique du "prendre soin" (en anglais, "care"). Plus qu’une réflexion, le care est devenu une éthique à part entière. "Le care n’est pas seulement un sentiment ou une disposition, et il n’est pas simplement un ensemble d’actions. C’est un ensemble complexe de pratiques, qui s’étendent depuis des sentiments très intimes comme « la pensée maternelle » jusqu’à des actions extrêmement larges, comme la conception de systèmes public d’éducation." Sans doute est-ce en prenant compte de notre vulnérabilité dans un monde du risque que nous pouvons faire du care une des solutions pour notre avenir.

    Yuval Noah Harari, 21 Leçons pour le XXIe siècle, éd. Albin Michel, 2018, 375 p.
    Joan Tronto, Le Risque ou le Care ?, éd. PUF, coll. Care Studies, 2012, 54 p.

    Voir aussi : "Nous, Sapiens"

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