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Vanessa Philippe est de retour avec un nouveau single, "Embrasse-moi". Un petit événement en soi, dans la mesure où il annonce la sortie de son prochain album prévu pour février 2024.
Bla Bla Blog aime Vanessa Philippe et est tombé sous le charme de son opus précédent, Soudain les oiseaux, qui était dédié à sa sœur prématurément disparue.
"Embrasse-moi" respire une forme d’apaisement tout comme un retour à la vie, et à l’amour, bien évidemment : "Pose tes lèvres / Sur les miennes / Pose tes lèvres / Avec la langue / Pose tes lèvres / On ira mourir / Demain".
Qui dit single de Vanessa Philippe, dit clip que l’artiste a réalisé elle-même, comme à la maison. Efficacité de la mise en scène, arrangements cartoonesques, couleurs vives, inspirations de Salvador Dali ("Canapé Boca") : Vanessa Philippe montre qu’elle est une artiste complète et, décidément, particulièrement attachante. Son prochain album sera bien sûr à suivre début 2024.
Daniel Halévy a été l'un des premiers lecteurs de Nietzsche. Dès sa mort en 1900, il a travaillé sur le philosophe allemand avant de consacrer une biographie qu'il n'a eu de cesse de remanier. Autant dire que cet ouvrage est une référence qui entend décortiquer l'œuvre du "philosophe au marteau".
Avec précision, érudition et non sans lyrisme, on plonge dans la vie de Nietzsche et des quelques personnes qui ont partagé son existence : sa sœur, sa mère, quelques femmes dont la jeune Lou Andréas-Salomé, Richard Wagner et ses plus fidèles disciples - car on ne peut nommer autrement les rares lecteurs qui ont suivi avec enthousiasme et parfois aveuglement un auteur difficile, peu édité, peu lu de son vivant et aux sautes d'humeur fréquents (Nietzsche mourra d'ailleurs fou alors que la gloire commence à venir).
Reste l'œuvre de Nietzsche au sujet duquel Daniel Halévy entend éclaircir les grandes lignes de sa pensée. Le pari reste impossible tant l'auteur de Par delà le Bien et le Mal a truffé son œuvre d'aphorismes obscurs et de fulgurances lyriques. Cependant, Halévy parvient à ressortir les éléments phares de ce philosophe incompris à son époque mais qui reste le penseur le plus influent depuis le début du XXème siècle : l'éternel retour, la destruction des idoles, la mort de Dieu, le sens de la morale et du bien et du mal ainsi que les références de Nietzsche. Le dernier intérêt de cet essai vient des ajouts à cette édition qui entend rejeter une fois pour tout l'influence qu'aurait eu Nietzsche, le philosophe solitaire et érudit, sur l'idéologie nazie. Une légende qui a la vie dure. Une bonne entrée en matière pour un essai exigeant.
Quel bonheur lorsqu’un livre, et a fortiori une bande dessinée (pardon, un "roman graphique"!) nous fait découvrir un pan méconnu de la grande histoire, et plus spécialement une personnalité exceptionnelle ! C’est le cas du livre d’Elizabeth Colomba (au dessin) et Aurélie Lévy (au scénario), auteures de Queenie, La marraine de Harlem, paru chez Anne Carrière il y a deux ans. Il est temps de faire une séance de rattrapage et découvrir ou redécouvrir cette passionnante BD.
Queenie est le surnom à New York de Stéphanie Sainte-Clair, née pauvre en Martinique, brillante jeune fille, très douée dans les chiffres (ce qui lui sera très utile lorsqu’il s’agira de monter ses affaires - illégales - dans les années 30). Maltraitée, violée et promise à la misère, la jeune femme part aux États-Unis, contrée guère plus réjouissante pour une femme noire.
Au moment où commence Queenie, Stéphanie sort de prison. Nous sommes en 1933 et la fin de la Prohibition a rabattu les cartes. L’homme de main de Queenie, Bumpy Johnson, l’attend pour faire le point sur leur business. Les clans mafieux, dont celui de l’impitoyable Dutch Schultz, déclarent la guerre à celle qui a fait fortune grâce au jeu. Queenie s’avère coriace. Elle use de tous les stratagèmes pour sauver sa fortune et sa vie. Avec succès, car Queenie mourra dans son lit à la fin des années 60 – fait exceptionnel pour une membre éminente de la mafia.
Des planches soignées au noir et blanc somptueux et au graphisme élégant
Le lecteur découvrira avec sans doute passion une personnalité hors-norme de l’histoire américaine. Une mafiosa, qui plus est. La Française née dans les Antilles est devenue en quelques années une membre du grand banditisme capable de faits d’armes les plus audacieux. Que l’on pense à la manière dont elle usait des médias pour asseoir son pouvoir.
Les auteures parlent aussi de la police new-yorkaise qui a eu le plus grand mal à empêcher cette guerre des clans. Queenie, richement documenté, propose des focus sur l’enfance et l’arrivée de Stéphanie St. Clair sur le sol américain. La ségrégation et les méfaits du Ku Klux Klan ne sont pas tus, grâce à une série de flash-back.
Mieux qu’un essai, la bande dessinée propose, grâce à des planches soignées au noir et blanc somptueux et au graphisme élégant, une plongée dans cette Amérique légendaire. Il ne manque ni les immeubles de Harlem, ni les clubs de jazz (dont le Cotton Club), ni les personnages légendaires tels que le boxeur Jack Johnson, les musiciens Thelonious Monk et Duke Ellington, ni bien sûr les mafieux Dutch Schultz ou Lucky Luciano qui, eux, ont plus mal finis que Queenie. Véritable anti héroïne qui s'est avérée bien plus maligne que ces bonhommes.
Une fois n’est pas coutume, c’est de rap, dont il sera question dans cette chronique. Mais c’est un rap à la fois ambitieux et d’une belle ambition littéraire, autant que musicale.
Celui à qui on doit ce "Miracle(s)" – c'est le nom de son troisième album – est Lhomé, qui nous présente lui-même son opus dans son "Incipit" : "En chasseur d’âmes, j’traverse la mer des hommes en « Apnée » / J’écris des vagues au bout d’un songe, je suis « Au bout du monde » / Un dernier disque, un dernier rêve qui sonne au fouet du fiacre / Et cet album qui dans mon cœur s’annonce comme un « Miracle »". L’artiste ne le dit pas autrement dans "L’arche" : "J’défends le texte ad vitam æternam Lhomé c‘est pur, Lhomé c‘est du khalam".
Quand je vous parlais de travail sur le texte, je ne vous mentais pas. Mais il faut ajouter aussi l’engagement, aux antipodes de beaucoup de rappeurs. Il y a du social, du positif et un regard porté à hauteur d’homme. Que l’on écoute ce formidable titre, "LBTC", une invitation à "laisser battre son cœur" et assumer son bonheur. L’auditeur sera indéniablement touché par "Malik" consacré au deuil d’un enfant victime de la violence.
Chez Lhomé, pas de textes où domine l’ego, mais des paroles pleines de sens tournées vers les autres, sans pour autant laisser de côté les préoccupations d’un artiste de son temps ("Miracle", "La clé"). Impossible non plus de ne pas parler de ce très beau titre qu’est "Sur mes pas", dans lequel le rappeur se retourne avec nostalgie sur ses souvenirs, ses bonheurs et ces petits bouts de vie, de bonheur et d’amour ("Je reviens sur mes pas / L’amour en mémoire").
Chez Lhomé, pas de textes où domine l’ego mais des paroles pleines de sens
Le rap de Lhomé navigue avec bonheur entre slam (le sombre, poignant et sans concession "Comme toi"), chanson françaises ("Plus que toi"), d’électro ("La musique faire", étonnant et passionnant renouvellement du rap urbain) ou d’inspirations world (le très beau "Danser dans le ciel"). De ces influences vient sans doute le soyeux de ses compositions musicales, à l’instar de l’"Incipit", de "Process" ou encore des sons résolument pop de "La clé", en featuring avec Mirana. Ce qui n’empêche pas Lhomé de s’avancer vers le rap urbain. C’est "Sans thème", en featuring avec DDK, dans lequel l’artiste parle d’identité, de sa place dans la société, de ses rêves mais surtout d’authenticité. Que l’on pense également à "Golgotha (Pris sur moi)", véritable hymne au combat intérieur, à l’honnêteté en dépit des coups mais aussi à la générosité ("Accepter de ne rien recevoir en retour / Rien que des vautours").
L’album se termine avec le passionnant et ambitieux "Kingsman". Lhomé s’y livre avec passion et montrant sa formidable maîtrise du son comme des textes, et dans lequel le rappeur clame haut ses ambitions : "Ma mission est claire, élever les cœurs, au rang des étoiles". Pari réussi.
"Aveu de faiblesse" aurait tout aussi bien pu être le titre du dernier livre de Frédéric Viguier, La Vérité n’aura pas lieu (éd. Plon). Aveu de faiblesse, comme le titre de son premier roman, comme aussi la dimension de culpabilité et cette manière d’observer l’âme humaine, celle précisément de son personnage principal sur lequel un écrivain doit se pencher.
Frédéric Viguier utilise le "je" de l’auteur. Un auteur "à plein-temps" en plein doute littéraire après une première publication remarquée. Une lectrice, Gisèle Chabaud, le contacte et lui propose un sujet : écrire sur son fils Sylvain, qui s’est suicidé quelques années plus tôt après avoir été convoqué par la police pour une agression sexuelle sur une jeune fille.
Gisèle veut réhabiliter l’honneur de son fils. Plutôt qu’une enquête, c’est un roman qui lui semble le plus à même de remplir ce rôle. Après pas mal d’hésitations, voilà donc notre narrateur parti sur les traces de son modèle, Truman Capote (De Sang froid), pour tenter de retracer un fait divers des plus banals. Mais comment raconter cette histoire ? Et surtout, Sylvain cachait-il quelque chose à ses proches ? L’écrivain s’interroge au fur et à mesure de son travail, conscient que ce qu’il va découvrir risque de déplaire à sa commanditaire. "Ce n’est pas parce que j’ai écrit des livres que je me crois plus indispensable que la moyenne. Sylvain Chabaud méritait-il que je me repaisse de son cadavre ?"
Il faut tout de même aller jusqu’à la dernière ligne pour deviner ce qui s’est passé
L’auteur américain de De sang-froid est évoqué à plusieurs reprises dans le dense, nerveux et perturbant roman de Frédéric Viguier. Pour autant, La Vérité n’aura pas lieu se démarque du génie américain sur plusieurs aspects : il s’agit d’un roman ne se basant pas sur un fait divers identifiable, et cela ne concerne ni un crime de sang, ni un procès spectaculaire, puisque la convocation policière n’a été suivi d’aucune enquête officielle. Ce qui intéresse l’auteur est autant la destinée de son personnage principal – Sylvain Chabaud – que la manière de s’approprier une histoire pour en faire un roman.
L’humour n’est pas absent, lorsque le narrateur aborde, principalement au début du livre, les affres de la création. Une fois le contrat signé entre la vieille dame et l’écrivain, le livre prend son envol. Dès le deuxième chapitre, c’est dans la tête de Sylvain Chabaud que se plonge le narrateur pour reconstituer le fil des derniers jours de son existence : ses journées de travail – et ses heures de voiture – la vie de famille, ses relations avec sa mère et surtout ses relations ambiguës avec Manon, la meilleure amie de sa fille Cassandra.
Avec le même procédé, Frédéric Viguier choisit de s’intéresser à Alice, la femme de Sylvain, puis à Cassandra, à peine évoquée par Gisèle, transparente une bonne partie du livre, mais qui pourrait bien détenir la vérité, si tant est qu’elle existe car, comme le dit l’auteur dès le titre : "La vérité n’aura pas lieu". Il faut tout de même aller jusqu’à la dernière ligne pour deviner ce qui s’est passé, au terme d’un roman qui aura été aussi passionnant qu’un thriller.
Les Cramés de la Bobine présentent à l'Alticiné de Montargis le film Dancing Pina. Il sera visible du 24 au 29 août 2023.
Au Semperoper en Allemagne et à l’École des Sables près de Dakar, de jeunes danseurs, guidés par d’anciens membres du Tanztheater de Pina Bausch, revisitent ses chorégraphies légendaires. Pour ces artistes, issus de la danse contemporaine, du hip hop ou du ballet classique, danser Pina, c’est questionner ses limites, ses désirs, et métamorphoser une œuvre tout en se laissant soi-même métamorphoser par elle.
Dancing Pina, documentaire allemand (vo, mai 2023, 1h54) de Florian Heinzen-Ziob Scénario : Franklin Sioux Bob et Bill Reddy Synopsis : Iphigénie en Tauride / Le Sacre du printemps https://www.cramesdelabobine.org/spip.php?rubrique1354
Quelques mois après une chronique sur le brillant album Symphony de Jean-Michel Pilc, voilà le jazzman français de retour avec, cette fois, un album trio, le bien nommé YOU Are The Strong.
Symphony se présentait comme un opus se jouant des styles, entre jazz, contemporain et classique. Voilà ici Jean-Michel Pilc de retour avec du jazz, du vrai, mené tambour battant, avec le groupe formé avec le contrebassiste François Moutin et le batteur Ari Hoenig. Il faut préciser que l’ensemble Pilc Moutin Hoenig ne s’était pas réuni depuis douze ans : "C’était une belle occasion de s’associer avec une maison de disque qui comprend notre manière de jouer, c’est-à-dire notre traitement du rythme et notre façon de composer ensemble à travers l’improvisation", confie le musicien français, avant d’ajouter : "C’est un album important pour nous… Nous avons tant évolué en tant que trio. Aujourd’hui, nous sommes différents de ce que nous étions il y a dix ans".
La couleur et le rythme sont ce qui domine dans cet opus aux multiples univers. Celui d’abord de la reprise de standards. C’est "Impression" de John Coltrane, nous renvoyant à la légende américaine et à son album éponyme de 1963.
Reprise encore, avec "The Song Is You" de Jerome Kern et Oscar Hammerstein, écrit à l’origine pour la comédie musicale Music in the Air (1932). Le trio Pilc-Moutin-Hornig font de ce classique des Broadway une revisite presque contemporaine, aux teintes où se mêlent sensualité, mélancolie et étrangeté, comme si l’amour venait nous cueillir par surprise.
Un album marquant le retour de l’ensemble Pilc Moutin Hoenig
Arrêtons-nous sur cet autre morceau, "Dear Old Stockholm", passionnante déambulation tirée, nous dit l’album, d’une chanson traditionnelle suédoise. Précisons tout de même que cet air a aussi fait les honneurs du jazz dans le passé grâce à des reprises de Stan Getz, Miles Davis, Paul Chambers et John Coltrane. Ici, c’est l’ensemble Pilc-François-Hoenig qui se prête au jeu avec un bel aplomb.
Thelonious Monk est présent sur d’autres pistes. C’est d’abord le cool "Straight No Chaser", que le trio étire de trois à plus de six minutes pour se l’approprier totalement. C’est ensuite le "Bemsha Swing", composé par "Monk" et le batteur Denzil Best, morceau qui, cette fois, est raccourci de moitié, comme si Pilc et ses amis voulaient en retirer tous ses sucs.
Jean-Michel Pilc, François Moutin et Ari Hoenig sont à la composition pour plusieurs morceaux. "YOUu are the strong", qui donne son nom à l’opus, est une déambulation jazz à la nostalgie certaine. Mais c’est aussi une belle déclaration. Plus rythmé et plus ramassé, "Searing Congress" prouve la solidité du trio autant que ses envies de revenir à l’essence même du jazz. La tension est là, tout comme la virtuosité des interprètes et cette manière de faire du jazz une matière vivante. Plus nostalgique et plus sombre, pour ne pas dire mystérieux, "Thin Air", le morceau le plus court de l’opus (un peu plus de trois minutes).
L’album se termine par deux singulières reprises. La première est un standard de 1918, "After You've Gone" de Turner Layton et Henry Creamer, un bel hommage aux origines du jazz autant qu’une revisite moderne. La seconde est une vraie surprise qui vient clôturer l’album, "Alice in Wonderland" de Sammy Fain et Bob Hilliard. Une incroyable et merveilleuse reprise d'un Disney qui clôt de main de maître cet album marquant le retour de l’ensemble Pilc Moutin Hoenig. Et une manière aussi de dire que le jazz sait ne pas se prendre au sérieux et se jouer la légèreté.
Quel est l'intérêt d'un essai historique sur Eva Braun ? La question se pose s'agissant de celle qui, finalement, n'a été que la maîtresse d'Adolf Hitler et n'a jamais joué de rôle notable, politique ou autre.
Et pourtant, Eva Braun demeure un personnage extrêmement connu (la plus connue sans doute de toutes les compagnes de dictateur) et ce, alors même qu'Hitler l'a soigneusement cachée pendant les 14 ans qu'a duré leur relation. Il ne se maria avec elle que quelques heures avant leur suicide en avril 1945 dans Berlin assiégé.
Cette célébrité, dit Heike B. Görtemaker, vient sans doute en partie de son intimité avec celui qui personnifie plus que jamais la figure du Mal. Il est pourtant intéressant de suivre le parcours d'Eva Braun. Sa rencontre en 1929 avec Hitler est en soi un choc de génération. Il a déjà 40 ans, est célibataire, passionné par la politique, impitoyable et est certain d'arriver à ses fins dans la conquête du pouvoir. Elle a 17 ans, est une jolie blonde sportive et plutôt cultivée et restera des années encore insouciante et naïve.
L'idylle naissante arrive alors que Hitler se remet difficilement d'une histoire d'amour avec sa nièce (sic) Geli Raubal, terminée avec le suicide de cette dernière, désespérée. Heike B. Görtemake suit pas à pas les circonstances et les premières années du couple Hitler/Braun : confiances réciproques, séparations, tentatives de suicides et manipulations ponctuent cette union peu ordinaire et cachée des années durant (l'auteur explique pourquoi).
Heike B. Görtemake s'attache également à montrer le degré d'implications de cette jeune femme dans le cours de l'histoire. Jamais encartée au NSDAP, elle adhère pourtant aux idées du parti nazi et restera l'une des dernières vraies fidèles de Hitler, au point de refuser de fuir Berlin assiégé et de mourir avec son compagnon. Ce portrait trace également un portrait saisissant de la petite société qui tournait dans l'intimité du dictateur et de sa compagne. C'est enfin l'occasion de s'arrêter longuement sur les femmes de dirigeants nazis, tenues à l'écart de toute politique (pour raisons idéologiques) mais qui en savaient bien plus que ce qu'elles ont voulu admettre.