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• • Articles et blablas - Page 67

  • Le transhumanisme n’est pas un humanisme

    Radical. Nicolas Le Bault arpente avec obstination les champs de l’art et de la pensée underground. Après ces créations graphiques incroyables (les publications de White Rabbit Dream,), il s’attaque aux travers de nos sociétés contemporaines avec un essai choc, Le Transhumanisme, stade terminal du Capitalisme (éd. La Reine Rouge).

    La première qualité de son livre est de remettre sur la table l’étonnant et prophétique livre de Georges Bernanos, La France contre les Robots. L’auteur de Sous le Soleil de Satan annonçait soixante-dix ans à l’avance l’irruption d’une société robotisée où le statut même de travailleur allait être remis en cause.

    Nicolas Le Bault s’appuie sur l’actualité récente et les derniers progrès technologiques pour pointer du doigt les dérives du progrès que l’auteur résume ainsi, en reprenant des analyses du philosophe Jean Baudrillard : "Jean Baudrillard, bien avant l’avènement des réseaux sociaux, incombait à l’omniprésence des images et à la multiplication des répliques du réel la déréalisation progressive du monde". La disparition du monde réel, remplacé par des reproductions plus vraies que nature : voilà qui fait le premier danger de nos sociétés et qui est, selon l’auteur, encouragés par les GAFAM. 

    Un engagement certain et sans renier ses influences du côté de chez Karl Marx

    Le livre de Nicolas Le Bault balaie, en un peu moins de cent pages, les problématiques économiques et sociaux de notre époque, avec un engagement certain et sans renier ses influences du côté de chez Karl Marx. Que l'on pense à cette citation : "[Le] haut-patronat et actionnaires ont réussi la double opération de rendre impossible la réponse des prolétaires à la lutte des classes".

    Il est bien question de lutte des classes dans cet essai, de travailleurs, de prolétariat, d'inégalités et de richesse, mais il y a aussi les avatars de ce néo-libéralisme : l'ubérisation, l'auto-entreprenariat, l'automatisation mais aussi l'intelligence artificielle et le transhumanisme.

    Nicolas Le Bault parle de "révolution culturelle transhumaniste" et comme un nouvel outil au service du capitalisme moderne. Si le lecteur peut être critique sur les pages consacrées au "soulèvement des peuples", Nicolas Le Bault est plus pertinent lorsqu'il parle de la "la civilisation de l'oubli" qu'il compare avec le mythe des Lotophages.

    Évidemment, on tremble à la lecture de sombres prédictions ("[Dans] une économie automatisée, les hommes pourraient être tentés d'exterminer ceux dont le quotient intellectuel est inférieur à un certain niveau") tout autant qu'on se retrouve parfaitement en accord et ragaillardi par un vibrant appel à l'art et aux artistes.

    Nicolas Le Bault, Le Transhumanisme, stade terminal du Capitalisme, éd. La Reine Rouge, 2022, 101 p.
    https://whiterabbitprod.bigcartel.com
    http://www.nicolaslebault.com
    https://editionsdelareinerouge.bigcartel.com

    Voir aussi : "Terribles filles rêveuses"
    "Bernanos, les robots et la jobsolescence"

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  • Mille milliards de mondes

    Delphine Coutant est de retour pour son sixième et nouvel album. C’est un vrai univers en soi qu’elle propose, à l’image du titre de l’opus, 2 Systèmes Solaires. Pour écrire la partition pour octuor de cet opus, elle a étudié durant quatre ans l’écriture musicale, l’arrangement, l’orchestration au Conservatoire de musique de Nantes. Elle a été en résidence au Laboratoire de Planétologie et Géosciences de Nantes, au Planetarium de Nantes et aux réserves muséales du Muséum d’Histoire naturelle de Nantes.

    Onirique et astral, l’artiste l’est assurément et l’assume sans conteste : "Mon manteau d’hiver s’étiole sur moi / Cette année lumière dure des mois", chante-t-elle dans "Mon Manteau d’hiver". Spatiale et terrestre, céleste et terrienne, Delphine Coutant balance, servie par un orchestre classique avec cordes et cuivres. Le texte écrit avec un grand sens de la justesse et de l’économie se joue du temps, des saisons, de l’espace, du minuscule et de l’infiniment petit : "Sous mon pull d’hiver poussent des camélias / Deux systèmes solaires se côtoient".

    Sondant le mystère de la vie et avec une rare poésie, l’originaire de Saint-Nazaire se définissant comme une troubadour ("trobairitz") des temps modernes, fait d’une carrière ordinaire et d’un métier obscur le début d’un mystère : "Va dans la poussière / Tu as cent ans mile ans et l’âge sédimentaire". Et si l’artiste pouvait en être libéré ?

    2 Systèmes Solaires frappe par l’intelligence de son écriture. On quitte l’univers pour aller jusqu’à une carrière et une recherche géologique. Le troisième titre propose de partir de la pierre brute pour aller vers la création du sculpteur, cet artisan travaillant "dans une parfaite gravité" ("La galaxie du sculpteur"). L’extrait suivant, "Méduse Pégase et nous", propose d’entrer dans le cœur de ces créations si loin et si proches de nous : "Et moi qui l’ai bien fréquentée, j’ai une forêt de genêts à mes cheveux noués". La musicienne s’appuie sur un orchestre classique, sauvage et impétueux.

    Pour "La succulente", c’est un piano qui accompagne Delphine Coutant, dans la peau d’une habitante du désert américain de Chihuahua. Ce message sur l’environnement, sur "ce brasier qu’est la vie", est aussi un message d’espoir : "Je mets toute ma transcendance / Mon intelligence / Pour bien aimer cette folie". 

    Delphine Coutant est assurément d’un autre monde ou plutôt de tous les mondes

    "La montagne bouger", plus pop, est de retour en France, avec une ballade dans l’ouest. Une nouvelle fois, la nature est plantée comme personnage principal et fantasmagorique : "Un océan d’eau salée / Sous la surface gelée / On a vu des feux de glace / Sortir des tiger stripes".

    Delphine Coutant est assurément d’un autre monde ou plutôt de tous les mondes. 2 Systèmes Solaires peut se lire comme un grand livre de voyages, au souffle dépaysant, à l’instar du magnifique et magnétique "Le grand morcellement". Magnétique, magnifique et terrible tout à la fois : "Navires brise-glaces icebergs dérivants / Souffle de Neptune vents chocs et courants / Témoins de ma débâcle du grand morcellement". La qualité d’écriture et d’arrangements de la musicienne est évidente à travers ce morceau, tout comme elle se montre audacieuse et culottée dans "1 2 4 3 Ignition". Ce court morceau symphonique (une minute quarante) montre une musicienne nourrie d’influences néo-classiques.

    On imagine Delphine Coutant comme une terrienne ne se sentant jamais aussi bien, à l’instar d’une enfant, que dans la nature, au milieu des éléments : "J’ai laissé l’herbe sécher / Et dans ce corps habité par le froid polaire / J’ai laissé l’herbe sécher" ("J’ai laissé faire"). Mais elle est aussi une grande amoureuse des astres, comme elle le confie dans le spectral "Mes heures d’univers", en français et... en latin : "Horas meas universi / Nares ad auras / Palpebarum pilos imbue" ("Les heures d’univers / Le nez en l’air / Rayonnement fossile / Imbibe mes cils").  

    Delphine Coutant vient clôturer son album avec un remarquable titre néo-classique et jazzy synthétisant en quelques vers une fin de monde et un bond dans le temps.  

    Delphine Coutant, 2 Systèmes Solaires, L’autre distribution, 2022
    http://www.delphinecoutant.fr
    https://www.facebook.com/delphinecoutant.officiel
    En concert : Le 5 janvier 2023, Showcase Musique et Danse, Orvault (44),
    le 10 janvier à la Bibliothèque de Sotteville-les-Rouen (76)
    et le 13 janvier 2023 au Trianon Transatlantique de Sotteville-lès-Rouen (76)

    Voir aussi : "International Chico César"

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  • Foutraque, libérateur et jouissif

    Bon, on ne se le cachera pas : la comédie En même temps , disponible en ce moment sur Canal+, est à classer dans les satires vraiment réjouissantes, non sans intelligence et pertinence.

    Dans une petite ville de Province, le maire Didier Bequet (Jonathan Cohen) du parti d'Extrême Centre aux lointains airs macronistes, entend construire un parc de loisirs – avec emplois à la clé – dans une forêt primaire. Pour cela, il faudrait qu'il convainque son confrère politique Pascal Molitor, un élu de gauche et écologiste qui, bien entendu, entend s'opposer à ce projet. Les deux confrères organisent une tournée des grands ducs qui se termine dans un bar, le bien nommé "FMI". Une féministe fomente un coup.

    Voilà Didier et Pascal contraints de commencer une déambulation dans leur pays, côtoyant tour à tout un vétérinaire allumé, un barman répétant chaque phrase deux fois, l'ex du numéro écolo et des policiers municipaux décalés.

    Burlesque et l'engagement sont la pierre angulaire dans cette farce qui entend appuyer là où ça fait mal

    Prenez deux politiciens aussi différents qu'un type de droite moderne, macho, viandard, corrompu, sans vergogne et un gauchiste frustré, angoissé, se mettant à dos des administrateurs chasseurs ("la chasse aux lacets"). Contraignez-les à rester ensemble et à être collées ensemble jour et nuit. Ajoutez des militantes féministes, obsédées par l'inclusion et légèrement dépassées par leur happening. Voilà une bien jolie recette pour une comédie qui, malheureusement, a raté son public.

    En même temps propose des scènes tellement hilarantes qu'elles mériteraient de rester culte : les scènes dans le restaurant avec le patron joué par Gustav Kervern, la scène avec les call-girls, le dialogue entre les militantes – India Hair, Jehnny Beth et l'inénarrable Doully.

    L'équipe de Groland est dignement représenté, à commencer par Gustave Kervern, Benoît Delépine et Doully. Autant te dire que le burlesque et l'engagement sont la pierre angulaire dans cette farce qui entend appuyer là où ça fait mal : la corruption, l'environnement, la société fragmentée, la misère et surtout la connerie. Vaste programme. 

    En même temps, comédie française de Gustave Kervern et Benoît Delépine,
    avec Vincent Macaigne

    Jonathan Cohen, India Hair, Jehnny Beth, Doully,
    Yolande Moreau, François Damiens, Thomas VDB,
    Lætitia Dosch, Anna Mouglalis, 108 mn, 2022, Canal+

    https://www.canalplus.com/cinema/en-meme-temps/h/18456359_40099
    https://www.advitamdistribution.com/films/en-meme-temps

    Voir aussi : "Il me manque quelqu’un près de moi"

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  • L'Yonne célèbre les 150 ans de Colette

    2023 marque les 150 ans de Colette, l’une des plus grandes femmes de la littérature français. L’Yonne, son département d’origine, est bien décidé à fêter celle qui est née le 28 janvier 1873, à Saint-Sauveur-en-Puisaye dans l'Yonne.

    Tour à tour auteure, mime, comédienne, journaliste, elle laisse à la littérature française sa manière exceptionnelle d'évoquer son émerveillement de la nature et ses émotions de jeunesse. Colette fait partie de ces personnalités ayant inévitablement marqué et inspiré l'Yonne. Pour célébrer son nom et son travail, de nombreux événements auront lieu tout au long de l'année dans le Département.

    Deux sites incontournables, portant son nom, rendront hommage à la femme de lettres : le Musée Colette, ouvert en 1995 et agréé Musée de France, et la Maison Natale de Colette, là où elle vécut une enfance heureuse et libre. La maison natale de Colette, située à Saint-Sauveur, est ouverte au public et offre un véritable voyage dans le temps. Restituée à l'identique, de la bibliothèque aux bibelots, du jardin potager à sa petite chambre, on entre littéralement dans le quotidien de l'écrivain et dans l'ambiance d'une maison bourgeoise à la fin du XIXe siècle. 

    De Paris à Granville, en passant par Dijon et bien sûr Saint-Sauveur-en-Puisaye

    Outre le Musée Colette et sa Maison Natale, les touristes et les passionnés de l’auteure de Sido pourront suivre le Sentier Colette de Saint-Sauveur-en-Puisaye.

    Des événements ad hoc ponctueront l’année 2023 : le 28 janvier, un buste en bronze, réalisé par Nacera Kainou, sera inauguré le matin du jour de l'anniversaire, et permettra ainsi d'ouvrir l’Année Colette. Ce buste sera installé dans le jardin qui fait face à la Maison natale de Colette à Saint-Sauveur-en-Puisaye. Le peintre Jean-Loup Othenin-Girard remettra au Musée Colette une série d'œuvres consacrées à Colette. L'après-midi, un hommage sera rendu par l'Institut de France, Quai Conti à Paris, avec des conférences de grands spécialistes de Colette, des lectures et un salon du livre.

    Le 13 janvier, le vernissage d'une exposition « Colette, écrire, pouvoir écrire » aura lieu à la fondation Vera Michalski en Suisse, à côté de Genève. Cette exposition aura également lieu en septembre au Grand Palais à Paris.

    D’autres événements auront lieu, de Paris à Granville, en passant par Dijon et bien sûr Saint-Sauveur-en-Puisaye.

    "Les 150 ans de Colette célébrés dans l’Yonne"
    https://www.yonne.fr
    https://www.facebook.com/museecolette89
    http://www.maisondecolette.fr

    Voir aussi : "Commémoration de la naissance de La Fontaine"

    Photo © F. Maget

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  • Mélanie Roux promet

    Pourquoi ne pas parler de Mélanie Roux comme d’un chaînon manquant entre chanson française et rap ? Avec "Suffisant", son denrier single, la musicienne impose son univers et son style résolument urbain et moderne. Le clip, disponible sur les réseaux sociaux, a été réalisé par Pit Kaine

    Osée et maligne, du haut de ses vingt ans, Mélanie Roux ne craint pas de mixer piano, autotune et boîtes à rythme pour être au service de ses tourments sentimentaux, ses peurs et ses chagrins. Sans nul doute, ses mots et ses  maux sauront parler à un large public, comme l’a déjà prouvé son premier titre, "Je voulais", qui cumule aujourd'hui 200K streams sur les plateformes.

    "Suffisant" parle de l’impossibilité d’aimer avec une singulière sensualité et une hypersensibilité évidente. Mélanie Roux impose un style, un univers, une voix qui emporte tout et un talent qui sont tous sauf anodins. Une vraie belle promesse pour la scène française qui est absolument à découvrir.

    Mélanie Roux, Suffisant, 2022
    https://www.facebook.com/melanierouxmusic
    https://www.instagram.com/melanierouxmusic

    Voir aussi : "Turquoise M et son amour de piano"

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  • De l’art de survivre en entreprise

    Un mot, pour commencer, sur l’éditeur. Les Éditions Enrick B s’intéressent depuis 2007 à des ouvrages très sérieux sur l’économie, la société et l’actualité en général : psychologie, droit, réflexions pointues ou non, avec toujours en ligne la vulgarisation pour des sujets a priori peu sexy.

    Un ouvrage est sorti du lot en 2022 :  En Quête de Sens de Thibault Bouëssel du Bourg, sous-titré "Bullshit jobs, burn out et cravates grises". Un "guide de survie en entreprise" écrit et dessiné par un auteur qui sait de quoi il parle. Le jeune homme ambitieux a endossé les habits de Rastignac, au service de grandes entreprises, banques et cabinets d’avocats. La Défense a été son environnement quotidien avec son corollaire : embauches ritualisées, langage globish, métro-boulot-dodo, employés bien identifiés, règne du corporate et déshumanisation à tous les étages.    

    Embauches ritualisées, langage globish, métro-boulot-dodo, employés bien identifiés, règne du corporate et déshumanisation à tous les étages

    Dans cette bande dessinée vraiment très bien vu, le lecteur goûtera les mœurs de nos entreprises modernes, du moins les cultures d’entreprises des groupes cotées en bourse. Il y est question des recrutements, du rythme quotidien, de la vie en openspace, sans oublier les collègues, que ce soit Yasmina, l’hôtesse d’accueil, Jérémy le responsable IT (informatique) ou Josiane de la compta. Plus d’un et plus d’une reconnaîtront des voisins et voisines de bureau.

    Il y en a pour tout le monde dans ce jeu de massacre qui entend brocarder les cultures d’entreprise qui n’ont de culture que le nom.  Les managers ne sont pas épargnés, jusque dans le langage corporate adopté : "proactivité", "résilience", "forwarder", "ASAP". Ces termes parleront sans doute à beaucoup de lecteurs et lectrices.

    Cette suite de chronique est finalement moins un guide de survie en entreprise qu’une mise au point sur des règles artificielles qui régissent la vie professionnelle. C’est très bien vu et bienvenu. 

    Thibault Bouëssel du Bourg, En Quête de Sens, Éditions Enrick B, 2022, 100 p.
    https://www.enrickb-editions.com/en-quete-de-sens
    http://www.facebook.com/enrickbeditions

    Voir aussi : "Aux navets, le Festival de Cannes reconnaissant"

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  • Il me manque quelqu’un près de moi

    Il y a ces films qui vous laissent muets d’admiration autant que de sidération. L’Été l’éternité d’Émilie Aussel, sorti l’an dernier et visible en ce moment sur Ciné+, en fait partie. Disons-le : ce long-métrage, dont on a finalement assez peu parlé, est un petit miracle en soi autant qu’un joyau, qu’il faut déguster et re-regarder pour en apprécier toute la subtilité.

    Le récit commence par les vacances au bord de la mer de jeunes gens, tout juste bacheliers, avec ses corollaires : l’insouciance, les amourettes, les fêtes, les conversations entre garçons et filles. Tout cela fait très rohmérien. Rien de nouveau sous le soleil, oserions-nous dire.

    Sauf qu’un événement s’abat sur le groupe d’ami·e·s. Lors d’une dernière baignade, un soir, l’insouciante et fraîche Lola (Marcia Guedj-Feugeas) se noie. La vie se fracasse soudainement et le groupe d'amis est terrassé. La meilleure amie de Lola, Lise (l’exceptionnelle Agathe Talrich) se retrouve, comme ses camarades, désemparée et en proie à une indicible douleur.

    L’été est toujours là, le soleil et la mer aussi, mais la mort cruelle et injuste vient rappeler qu’elle peut frapper n’importe qui, n’importe où et n’importe quand. "Y a que les murs qui restent", constate Marlon (joué par le formidable Idir Azougli), à la fois brut, insaisissable et bouleversant. Lise traîne son désarroi. Comment vivre après ce drame et pourquoi vivre ? Un soir, elle quitte ses amis, effondrés comme elle, et croise un trio d’amis et artistes, en vacances en comme elle. 

    Film miraculeux, bouleversant adresse à une jeune fille morte, ode à la jeunesse et à sa fragilité

    Une grande claque ! L’Été l’éternité est le premier long-métrage d’une réalisatrice dont il va falloir absolument suivre le parcours. On lui devait auparavant Ta Bouche Mon Paradis (2016), Petite Blonde (2013) et Do You Believe in Rapture (2013), des courts-métrages traitant eux aussi de l’adolescence, du sud mais aussi de rencontres sur la plage (Petite Blonde).

    Pour L’Été l’éternité, la réalisatrice laisse vite de côté les amours de vacances, les réflexions légères sur les relations garçons-filles, les flirts, Tinder et les fêtes arrosées à la bière et au rosé pour inscrire son film dans une trame sombre où plaisir et souffrance, vie et mort, désespoir et espoir s’entrecroisent et s'affrontent.

    Après le drame de Lola, le temps se suspend. Le film adolescent prend des allures de fable métaphysique, avec des choix esthétiques forts comme l’absence d’artefacts modernes – téléphones, ordinateurs et même voitures. Si la technologie apparaît à partir de la seconde moitié du film c’est au service de l’art, salvateur, qu’il soit vidéo, poétique, musical ou chorégraphique.

    Mettre la jeunesse insouciante en tête-à-tête avec la mort : voilà ce qui guide la réalisatrice. "Quand on est jeunes, on croit qu’on est invincible, qu’on est immortel et que ça durera toujours… Moi je voulais que ça dure toujours", dit, face caméra, un des protagonistes effondré et démuni. Sans pathos, avec une retenue digne, Émilie Aussel filme le chagrin, la consolation impossible et une morte toujours présente.

    Lise entame un parcours salvateur pour accepter la mort de Lola et vivre avec, après être passée par des phases successives, l’incompréhension, l’inacceptation, la culpabilisation et le désespoir.  Et si l’apaisement passait par les autres mais aussi par l’art ?

    Film miraculeux, adresse à une jeune fille morte, ode à la jeunesse et à sa fragilité, L’Été l’éternité est surtout un joyau bouleversant dont plusieurs scènes et dialogues resteront gravés longtemps dans les mémoires, à l’instar de cette phrase de Rita pour Lise, à la toute fin du film : "Il manque quelqu’un".

    L’Été l’éternité, drame français d’Émilie Aussel, avec Agathe Talrich, Marcia Guedj-Feugeas,
    Matthieu Lucci, Idir Azougli, Nina Villanova, Antonin Totot,
    Rose Timbert et Louis Pluton, 2021 75 mn, Ciné+

    https://www.canalplus.com/cinema/l-ete-l-eternite/h/19150822_40099
    https://cineuropa.org/fr/video/408117
    https://www.unifrance.org/film/49836/l-ete-l-eternite
    https://shellacfilms.com/films/lete-leternite
    http://emilie.aussel.free.fr

    Voir aussi : "Corpus delicti"

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  • Des mots sur des maux

    Aynoa a conçu la bande originale du documentaire We are 200 million – Code Name Endometriosis. Le film a pour but de mettre en lumière l’impact qu’a l’endométriose dans la vie des femmes du monde entier au travers de leurs témoignages.
    La chanteuse s’empare de ce sujet difficile en proposant un EP posant des mots sur un mal invisible et connu du grand public depuis peu.

    Dans le morceau qui ouvre l’album, "J’ai un volcan, dans mon ventre", Aynoa parle dans un texte poétique slamé du ressenti d’une femme touchée par l’endométriose : "J’ai un volcan dans mon ventre, tu ne le vois pas. / Quand la lave s’écoule, j’deviens esclave, j’m’écroule. / Mon corps est en fusion, danse la confusion". Plus cash encore, le titre "Leurs ventres saignent", en featuring avec la comédienne et metteuse en scène Sarah Mathon, scande un chant d’hommage aux 200 millions de femmes victimes du mal insidieux. 

    L’honnêteté et la sincérité du message n’interdisent pas la qualité ni le soin dans la production

    L’auditeur goûtera avec un plaisir certain le moreau pop-folk "We are one out of ten" pop-folk. Comme quoi, l’honnêteté et la sincérité du message n’interdisent pas la qualité ni le soin dans la production. On aimerait même que ce titre devienne un tube pour la bonne cause.

    Dans "Mon corps", il est question de ce corps qui peut parfois être un poids et un compagnon lourd à supporter. Pourtant c’est bien une déclaration d’amour que chante Aynoa dans cet extrait : "Tu m’entraînes, dans les bourrasques / des tempêtes que tu souffles. / Tu me traînes, et me démasque, / le temps s’arrête, et je m’essouffle. : Et moi je t’endors, mon corps… / Et moi je t’adore encore, / Je te sers un peu plus fort, / Tu vois on s’en sort".

    Les hommes aussi ont leur place dans un EP féminisme à plus d’un titre. Le titre rap "En te servant du thé" trace le portrait d’une femme meurtrie et victime, portrait chanté par Edgar Sekloka : "Elle combat une égalité d’apparat / Vu ce qu’elle supporte, vu ce qu’elle brave / c’est pas étonnant que ma voix soit grave".

    L’EP d’Aynoa doit être écouté comme un album engagé pour que des millions de femmes puissent "sortir de l’ombre", ce que l’extrait "On nous a dit qu’c’était normal" (en featuring avec Noémie de Lattre) assène avec efficacité et sans sensibilité.

    Une partie des bénéfices du projet artistique sera reversée pour la recherche sur l’endométriose.

    Aynoa, We are 200 millions - Name Code Endometriosis, Inouïe Distribution, 2022
    https://www.aynoamusic.com
    https://www.facebook.com/Weare200million
    https://www.instagram.com/weare200million
    https://www.fondation-endometriose.org
    https://www.endomind.org

    Voir aussi : "Où va Oaio ?"

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