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Will Smith, comme souvent, peut agacer : acteur bankable aux choix cinématographiques parfois discutables, il a autant d’admirateurs que de détracteurs. La méthode Williams, réalisé par Reinaldo Marcus Green – mais où la présence de l’ex Prince de Bel Air est si forte que que l’on peut parler de film "de" Will Smith – est une très jolie surprise et nous rend Will Smith bien plus désirable que l’on imaginait.
L’ancien homme en noir de Men in Black joue le rôle de Richard Williams. Il est le père d’une famille de cinq enfants, dont deux filles nés de son dernier mariage. Elles se nomment Venus et Serena et montrent un gros potentiel au tennis, sport qu’elles pratiquent avec passion, sous le regard amoureux de leur père, aussi exigeant qu’aimant. Certain de leur talent, il a mis au point un plan pour les hisser au plus haut niveau mondial. Il entend bien suivre à la lettre sa méthode, savamment élaborée sur 78 pages. L’homme se montre intraitable face à des entraîneurs dubitatifs, des sportifs sceptiques et des businessmen aux motivations parfois éloignées du sport.
Will Smith parvient à montrer tout le charisme d’un père donnant tout pour le succès de ses filles, sans tomber pour autant dans le cabotinage
La méthode Williams a sans doute plus fait sensation aux États-Unis qu’en France. Pour son rôle du "Roi Richard" (King Richard), Will Smith a été récompensé d’un Oscar et d’un Golden Globes de meilleur acteur. Les nominations (meilleur film, meilleure actrice pour Aunjanue Ellis ou meilleur scénario) ont été nombreuses. C’est dire la qualité de ce biopic.
Will Smith parvient à montrer tout le charisme d’un père donnant tout pour le succès de ses filles, sans tomber pour autant dans le cabotinage, ce qui était un piège. Sa partenaire Aunjanue Ellis lui donne la réplique dans son rôle de mère discrète mais à l’importance capitale.
Maintenant, parlons de ces deux actrices secondaires que sont Saniyya Sidney et Demi Singleton dans les rôles respectifs de Venus et Serena Williams. C’est simple : sans en faire trop, elles rendent attachantes les deux futures grandes championnes du tennis mondiale. Nous sommes au début de leur jeune carrière et elles s’affichent en sportives naissantes hyper douées, pugnaces, sérieuses mais aussi humaines et craquantes. Leurs éclats de rire font merveille. Le film s’arrête au moment où Venus entre dans les tournois professionnels. Elle croise, ainsi que sa sœur, ces stars du tennis mondial que sont Pete Sampras, John McEnroe et surtout Arantxa Sánchez.
Voilà un biopic qui nous cueille par surprise et nous fait découvrir les coulisses du tennis, avec deux des plus grandes sportives du XXIe siècle en guest stars.
Roman polyphonique, Ainsi naissent les Mamans d’Amélia Matar (éd. Eyrolles) suit trois personnages féminins en alternant les points de vue, donnant à ce récit personnel et familial un rythme qui tient en haleine le lecteur.
Il y a d’abord Valentine de Barnay, une enfant de la bonne bourgeoisie parisienne, élevée sans amour par une mère dont "la cruauté (…) tissa une cote épaisse contre les vicissitudes de la vie", majore de promotion à HEC, brillantissime, ambitieuse, froide et mariée avec un homme mais sans passion ("Notre couple ne fut plus qu’une entente tacite, une alliance stratégique"). La deuxième protagoniste est sa fille Alice, élevée sans plus d’amour, mais qui porte en elle une intelligence folle, de l’humour à revendre mais aussi un immense besoin de tendresse que viendra lui apporter le troisième personnage de ce récit familial, Fatima Ayouch.
Élevée dans une famille marocaine qui lui souhaite une réussite sociale et professionnelle, Fatima a choisi d’être éducatrice de jeunes enfants. Et c’est ainsi qu’elle devient la nounou d’Alice, dans le milieu bourgeois de Valentine, sa mère. Entre les trois, un fragile équilibre s’installe, jusqu’à une sortie au musée, qui va avoir des conséquences inattendues.
"C’est bien simple, je hais les hommes, surtout le mien." Voilà qui est dit.
L’amour, la haine, la famille. Voilà une histoire vieille comme le monde et qu’Amélia Matar raconte sous l’angle de trois personnages qui vivent dans leur propre univers. C’est aussi la confrontation de deux mondes : Valentine, la bourgeoise de bonne famille et Fatima, la banlieusarde fille d’immigrée. Il s’agit d’une lutte des classes entre ces deux femmes, l’une étant la patronne de l’autre.
Une autre fracture affleure : Valentine de Barnay, la manageuse impitoyable, a la sensation d’avoir travaillé et de s’être battue plus que n’importe qui – et surtout plus que n’importe quel homme – pour arriver à sa position envieuse. Elle en vient à poser le dilemme de la maternité et du féminisme : "Dès qu’une femme devient mère, elle se laisse absorber tout entière pour sa progéniture et c’en est fini de sa carrière… Les femmes doivent veiller à ne pas laisser les hommes occuper tout l’espace." Valentine émet également, plus expéditive encore : "C’est bien simple, je hais les hommes, surtout le mien." Voilà qui est dit.
Au milieu de cette bataille, il y a une enfant, Alice. Le lecteur est attendri de lire ses mots, qui expriment la douleur de ne pas être aimée et bien aimée : "J’ai peur. — De quoi ? — De ne pas y arriver. — De ne pas arriver à quoi ? — À vivre."
Ainsi naissent les mamans , brillamment écrit est le récit de trois personnages féminins dans l’incommunicabilité, voire la cruauté, mais qui arriveront finalement à faire un bout de chemin ensemble.
Le dernier ouvrage de Raúlo Cáceres, Eros et Thanatos (éd. Tabou) est à part dans la bibliographie du dessinateur espagnol. Cet art book rassemble sur 80 pages une sélection d’illustrations, pour la plupart inédites ou appartenant à des collections privées et datant des années 2018 à 2021.
L’univers de Raúlo Cáceres est celui du sexe, de la violence, des monstres, de la cruauté mais aussi du mal, parfois incarné par des vamps aussi terribles qu’attirantes. Derrière ses adaptations de Justine et Juliette de Sade ou l’incroyable roman graphique desSaintes Eaux (toujours aux éditions Tabou), le dessinateur de Cordoue parvient à "radiographier les profondeurs de l’âme humaine, avec ces espaces sombres, qui ont peu changé au cours des siècles", comme l’écrit Serafín Pedraza Pascual, en présentation d’Éros et Thanatos. Il ajoute ceci : "La profondeur inégalée du graphisme de de Raúlo le place à un niveau d’excellence à la hauteur des plus grands auteurs de bande dessinée contemporaine".
Le book art est partagé en sections thématiques, aux noms pour le moins explicites : "Donjons humides", consacré à un supplément non-officiel de Donjons et Dragons (2019), "Horreurs sensuelles" et "Turgescences cosmiques" (sic).
Un niveau d’excellence à la hauteur des plus grands auteurs de bande dessinée contemporaine
Cette sélection de dessins frappe par autant par leur puissance, leur audace et leur expressivité – voulues – que par le soin porté au dessin. Le luxe mis dans les costumes de la série "Donjons et Dragons", les décors inspirés d’Escher ("Avec la froideur du Golem") et les corps, souvent féminins, représentés dans toutes les positions possibles et imaginables ("Nourriture pour tortues", "Conan au Harem", "Guerrières de la jungle") prouvent que Raúlo Cáceres est un réel virtuose.
Le lecteur trouvera dans l’ouvrage des scènes horrifiques dans lesquelles sexe, horreur gothique et tortures font bon ménage ("Romans, Babarians and Zombies", l’incroyable "Enthroned Lady Death" ou encore "Verts gémissements"). Et non sans un humour très présent (la série "Éjaculation draconienne").
L’univers du dessinateur espagnol est imprégné de fantasy, de tradition antique et de mythologie, à l’instar de ce ce Conan en très bonne compagnie, de "la reine des momies" ou de cette magnifique centaure que l’auteur intitule, non sans humour : "Amazotaure piétinant une bite".
Les esprits chagrins conspueront très certainement des représentations où les femmes sont lascives, offertes à des monstres ("Sacrifice mutant", "Minotaures", "Swamp Thing Loving") ou tout simplement sacrifiées, lorsqu’elles ne sont pas violées ou torturées ("Pisses de vampire : Elizabeth Bathory et Gorunta").
Mais l’ouvrage est riche de guerrières et de femmes sans peur – quoique pas sans reproches : ce sont ces guerrière d’"Amour pétrifié", ces combattantes de "The Eternal Struggle" (censurée pour sexisme, prévient l’éditeur), cette vamp typiquement espagnole, "Morts récalcitrants de 1936", sans oublier Elisabeth Bathory, à la siombre légende, et qui avait l'objet d'un livre à part.
Alors, horriblement sexy ou scandaleusement sexiste ? Ce sera au lecteur de juger. Cet ouvrage foisonnant et somptueux est en tout cas une vraie curiosité.
Au fil des années et des rencontres, Fatbabs a multiplié les collaborations et produit des instrumentales pour entre autres Vanzo (Jamaïque), MC Kaur (Inde), Volodia (France), ou encore Balik (France). Le beatmaker ne se distingue pas que dans le reggae, et c’est bien là sa force. Il remporte en 2017 le contest de remix organisé par Wax Tailor grâce auquel il figure sur l’album By Any Remix Necessary. Fatbabs revient en ce moment avec son nouvel EP, Daily Jam – Aimer.
"On A Daily" bouscule d’emblée l’auditeur avec son instrumental intense, suave et coloré, mélange de funk, de soul, de sons hip-hop et d’électro. "Daddy’s Home" lorgne, lui, du côté de la Jamaïque dans un morceau rempli de nostalgie, en featuring avec Cellz.
Culotté et généreux
Reggae encore avec "Where Do We Go", pour lequel Fatbabs s’est adjoint la collaboration de Naâman pour un morceau tout en harmonie et en tension, avec d’élégantes trouvailles sonores.
Les amoureux du rap américain se régaleront de leur côté avec "Out Deh". Le flow de Tripl3 y est irrésistible, tout comme les apports des rythmiques et de l’électro.
Culotté et généreux, Fatbabs l’est assurément, ne serait-ce que dans sa manière d’inventer une nouvelle manière de faire de l’urbain et de rester sur une corde raide, entre hip hop, trip hop, reggae et électronique.
L’EP se termine avec "Aimer" qui donne le sous-titre à l’opus. Le délicat morceau s’écoute comme une déclaration d’amour à écouter les yeux fermés. L’apport de cuivre donne au titre une texture chaleureuse, tout cela avec un son et une rythmique mêlant trip hop, reggae et jazz.
Tout simplement ébouriffant, généreux et chaleureux.
Le café philosophique de Montargis proposera une nouveau séance le vendredi 23 septembre 2022 au Belman, à 19 heures. Le débat portera autour de ce sujet : "Peut-on se libérer de son passé ?"
Des événements passés, des traumatismes ou des souvenirs qui nous hantent peuvent constituer des contraintes, des freins ou des aliénations à notre existence. Dit autrement, ce passé peut vite nous "gâcher la vie". Il serait tellement pratique de tout oublier et de "faire table rase du passé" ! En un mot, de s’en libérer.
Les participants du café philo débattront sur cette notion de passé. En effet, de quel passé parlons-nous ? Du nôtre ou de celle, plus large, d’une communauté humaine ? Qu’entend-on par se libérer ? Le passé peut-il être vu comme un geôlier qui nous condamnerait à un enfermement sans fin ? Le passé nous rattrape-t-il ? Nous détermine-t-il ? Est-il possible de faire "table rase du passé" et est-ce souhaitable ?
Ce sont autant de questions qui seront débattues au cours de cette nouvelle soirée philosophique.
Rendez-vous donc au Belman à Montargis (entrée par l’Hôtel de France), le vendredi 23 septembre 2022 à 19 heures.
La découverte du dernier album de la jazzwoman Laura Anglade, Venez donc chez moi, que nous avions chroniqué sur Bla Bla Blog, nous a donné envie d’interviewer la chanteuse, un pied en France et l’autre de l’autre côté de l’Atlantique. Rencontre avec une artiste qui voue un amour immodéré pour la chanson française, y compris le répertoire moins connu des années 30.
Bla Bla Blog – Bonjour Laura. Le public français vous découvre cette année avec votre reprise de standards de la chanson française, l’album Venez donc chez moi. Au Canada, vous êtes une des voix montantes de la scène jazz. Franco-américaine, quels sont vos rapports avec le Canada et la France ? Laura Anglade – Merci. J’ai quitté le Connecticut à l’âge de 18 ans, à la fin du lycée. Je suis partie à Montréal, à l’université Concordia, pour suivre des études de Traduction. J’ai toujours été fascinée par les langues, depuis toute petite. Je n’avais pas du tout envisagé de suivre une carrière en musique à ce moment-là. Cette ville me tentait bien, et le programme surtout…et depuis je n’ai pas quitté le Canada !
BBB – Pour cet album de reprises, vous avez choisi des titres qui ne sont pas forcément les plus connus : "Venez donc chez moi", qui donne le titre à l’opus, mais aussi "Vous qui passez sans me voir" ou "Jamais je ne t’ai dit que je t’aimerai toujours". Pourquoi ces choix ? LA –Venez Donc Chez Moi, tout d’abord met en avant mon identité française, mon “chez moi”, mais aussi, à un autre niveau, un album est une œuvre qui représente un moment précis, un peu comme la photographie. Nous avons enregistré cet album en pleine période de pandémie, bloqués chez nous. Avec Sam, le guitariste, on voulait inviter le public à passer un beau moment intime d’écoute, chez eux, en attendant de venir nous voir en concert peut-être un jour. En ce qui concerne les autres titres, Charles Trenet est le chanteur préféré de mon grand-père, il me chantait souvent ses chansons quand j’étais petite. Je connais pratiquement toutes ses chansons par cœur. Je voulais rendre hommage à ma famille, en leur faisant ce cadeau, pour qu’ils puissent chanter avec moi en écoutant mon disque. Ils sont loin, donc au moins cela nous permet de nous rapprocher un peu, comme si une partie de moi était là, avec eux. D’après moi, “Jamais je ne t’ai dit que je t’aimerai toujours” est une belle leçon. Quand on se lance dans une histoire avec quelqu’un en tout début de relation, il y a toujours un moment d’hésitation. On essaye de se protéger, sûrement pour ne pas s’emballer trop vite. On ne veut pas trop se projeter, par peur d’être rejeté, mais quand ça doit marcher, les choses se mettent en place petit à petit, naturellement. On a pas besoin de se faire des promesses ni des plans, on peut simplement vivre jour après jour, sans attente. Je trouve ce message magnifique.
BBB – On sent chez vous un attachement au répertoire des années 30 et aussi au compositeur Paul Misraki, peu connu, et qui a écrit deux de vos reprises ("Venez donc chez moi" et "Vous qui passez sans me voir"). Est-ce une invitation à redécouvrir le patrimoine musical français oublié et les chansons de Lucienne Boyer, Ray Ventura, voire Charles Trénet ? LA – Effectivement. Je trouve que ces chansons sont intemporelles. On arrive à plonger dans ces histoires et ces mélodies, comme un bon livre. Ce sont des thèmes nostalgiques, mais en même temps encore courants. On s’y retrouve.
BBB – On est peu surpris de voir apparaître Michel Legrand ; on l’est plus par le choix de vos reprises : au lieu des "Moulins de mon cœur" ou de la "Recette du cake d’amour", vous avez choisi la magnifique "Chanson de Maxence" et de la "Valse des lilas". Pourquoi le choix de ces morceaux ? LA – "La Chanson de Maxence", de la comédie musicale Les Demoiselles de Rochefort par Michel Legrand est l’une de ses plus belles chansons. Elle a été adaptée en anglais, et raconte une histoire complètement différente de l’originale. En général, je choisis de chanter une chanson si je trouve les paroles captivantes. Dans ce cas, je me laisse emporter par la mélodie, complexe et à la fois mémorable et nostalgique, des thèmes que l’on reconnaît facilement à travers toutes les œuvres de Michel Legrand. "La Valse des Lilas" a aussi été adaptée en anglais, c’est une chanson pleine d’espoir, comme les premières fleurs au printemps.
"Mon rêve serait de lui chanter « Chez Laurette » un jour dans son ancien café, et peut-être même d’aller y boire un verre ensemble !"
BBB – Deux femmes ont les honneurs de votre opus : Jeanne Moreau, l’interprète de "Jamais je ne t’ai dit que je t’aimerai toujours et surtout "Barbara ("Précy Jardin" et "Ce matin-là"). J’imagine que c’est tout sauf un hasard de voir Barbara figurer sur cet album. LA – Barbara a toujours été une grande source d’inspiration. "Precy Jardin" est la chanson de Barbara ou je me reconnais le plus. Chaque été depuis mon enfance, ma famille retournait dans notre petit village dans le sud de la France. En 1973, Barbara a quitté Paris pour aller vivre à Précy sur Marne, à la campagne, et c’est là ou elle a passé ses dernières années. Dans ce lieu paisible, loin de tout, près de la nature, Barbara est au paradis. Je reconnais mon petit village, Brousse le Château, à travers les paroles, “juste le clocher qui sonne minuit”.
BBB – L’auditeur français sera heureux de trouver une reprise de "Chez Laurette". À ma connaissance, c’est l’une des première fois que Michel Delpech côtoie Charles Trénet, Charles Aznavour ou Barbara. "Chez Laurette" se devait de figurer dans votre album ? Et spécialement cette chanson, la plus célèbre sans doute de son répertoire ? LA – "Chez Laurette", de Michel Delpech, est une de mes chansons préférées de tout l’album. J’ai appris que le chanteur a écrit la chanson en une traite durant un court trajet en train. Chez Laurette raconte l’amitié entre un jeune garçon et la dame qui tient le café au coin de la rue. Laurette devient vite la confidente de lui et de tous ses amis. Chaque chagrin d’amour, chaque fou rire, elle les voit grandir au fur et à mesure des années qui passent. C’est une belle confiance qui se construit, surtout pendant les années les plus importantes, elle les aident à naviguer l’adolescence. Quand j’écoute cette chanson, pour moi c’est la culture française dans toute sa splendeur. Ça me rappelle de beaux souvenirs avec ma mère, quand on allait faire les boutiques en ville chaque été et qu’on retrouvait toujours les mêmes vendeuses, qui me disaient avec leur sourire familier, “alors ça pousse !” ou quand on allait chercher la viande chez le boucher de ma grand-mère, qui a vu ma mère grandir, et maintenant voyait ses enfants grandir aussi. La vie passe tellement vite. Ce sont ces personnes, ces liens qu’on crée de génération en génération qui forment nos valeurs et ce que l’on devient. J’ai aussi choisi la chanson parce que c’est une des chansons préférées de mon grand-père. Même si Michel Delpech n’est plus parmi nous, j’ai appris que cette “Laurette” est inspirée d’une vraie personne, qui existe toujours, et que ce fameux café aussi ! Mon rêve serait de lui chanter cette chanson un jour dans son ancien café, et peut-être même d’aller y boire un verre ensemble !
BBB – Après cet album, quels sont vos futurs projets ? Une tournée est-elle prévue en France ? Ou un album en préparation ? LA – Je viens de faire une mini tournée à Paris dernièrement en juin 2022. J’espère y revenir le plus vite possible, j’adore cette ville, surtout au printemps. Je pars en tournée avec Melody Gardot en septembre, j’ai vraiment hâte. En ce moment, oui, je pense à un futur album aussi. Plein de belles choses ! Merci beaucoup.
Ces dernières années, de nombreux rapports et études posent le même constat : les femmes sont sous-représentées dans le domaine de la musique classique, notamment à des postes de premier plan (direction ou composition).
S’agissant des programmations d’artistes féminines, les choses ne sont pas meilleures. Dans son rapport de 2006, Reine Prat établit un seuil à hauteur de 33 % à partir duquel le groupe minoritaire n’est plus perçu comme tel. Les résultats sont encourageants à partir de 30 %. Or, en France, les chiffres ne sont pas bons : aucun orchestre national n’atteint ce seuil, et seul un opéra, celui de Lille, l'atteint. Les théâtres nationaux ne sont pas mieux lotis : 19 % pour l’Odéon, 21 % pour la Comédie Française et 30 % pour le Théâtre National de Chaillot.
Côté cinéma, le bilan est pire : 20 % de réalisatrices et autant pour les scénaristes et en 2019, le CDMC, Centre de documentation de la musique contemporaine comptait dans ses ressources 10 % de femmes sur le total des compositeurs représentés. Pour autant, la cause progresse et un mouvement de mobilisation pour faire place aux femmes dans la création artistique prend aujourd’hui de plus en plus d’ampleur.
Alors, que faire ?
Aujourd’hui comme hier s’affichent encore sur les murs de nos écoles et écoles de musique de grandes frises chronologiques et d’imposants posters en couleur représentant dans l’histoire de la musique les noms et les portraits d’artistes reconnus. Le résultat est sans appel : des hommes, des hommes, encore des hommes ! Pas un nom, pas un visage de femme.
Une frise inclusive et… pédagogique
À l'initiative de Valérie Philippin, début 2021, Laure Marcel-Berlioz, Jérôme Thiébaux, Claire Haranger-Segui et l’éditeur Jean-Christophe Michel se sont associés pour concevoir une frise chronologique faisant la parité entre femmes et hommes, à destination des lieux d’éducation musicale en première intention. Ils ont travaillé pendant un an à la conception de deux posters allant du Haut Moyen Âge au XXI e siècle, réunissant 100 portraits de femmes et d’hommes, 50 de chaque, ayant œuvré dans la composition musicale. Cette frise se veut redonner leur juste place à des femmes qui ont eu dans leur temps des carrières reconnues et produit des œuvres importantes que l’histoire a, chemin faisant, occultées.
Le projet se poursuit ensuite avec la réalisation de posters confiée à la graphiste Vanessa Vérillon. Après 6 mois de travail, ces posters finissent par paraître aux éditions Symétrie début septembre 2022.
La frise – allant du Haut Moyen Age au XXIe siècle – représente 100 portraits stylisés (50 de compositeurs et 50 de compositrices) réalisés par Vanessa Vérillon dans une esthétique contemporaine, colorée, attractive adaptée au jeune public.
Cette frise permet de redonner leur juste place à des femmes qui ont eu dans leur temps des carrières reconnues et produit des œuvres importantes que l’histoire a occultées.
De plus, de nombreux projets de médiation et des playlists (en cours de réalisation) viendront enrichir et alimenter ce travail dans les semaines et mois à venir.
Avec le soutien du CNM (Centre national de la musique) et AFO (Association française des orchestres) pour le financement. Association Piano and Co pour la diffusion de la frise et l'EPMM (Étude partenariale sur la médiation et les publics - Université de Montréal) pour la réalisation d'outils de médiation.
L’Événement d’Audrey Diwan est un très grand, très beau et très puissant film. Basé sur un roman d’Annie Ernaux (L'Événement, éd. Gallimard, 2000), le film relate la tempête et le drame d’une grossesse non-désiré dans les années 60, lorsque la contraception n’existait pas et que l’avortement était un crime. Avoir un enfant non désiré aboutissait pour les femmes – et notamment les jeunes femmes – à l’opprobre générale, au mariage forcé dans le meilleur des cas et la prison au pire.
Un poème d’Aragon introduit l’une des scènes du film : "Elsa au miroir", superbe texte de la littérature mais aussi portrait d’une jeune fille évanescente, paisible, soumise mais aussi tourmentée au milieu d’une tragédie.
Anne, étudiante en lettres brillante à Angoulême, découvre qu’elle est enceinte suite à une brève relation avec un autre étudiant, comme elle. On ne sait que tardivement dans le film l’identité du garçon, mais à vrai dire cette information n’est importante que pour souligner la lâcheté du jeune homme, laissant sa relation d’un soir gérer seule une histoire dont il est coresponsable, pendant qu’il poursuit son cursus et ses relations amicales comme si de rien n’était.
Anne se retrouve seule, désemparée, obligée de trouver une solution à sa grossesse non-désirée. Ce drame personnel est aussi un tableau sociologique cruelle de cette France corsetée et hyper moralisante des années 60. L’amour devient vite un problème, ce qu'il ne devrait bien sûr jamais être. Drague, flirts à peine appuyés, séductions, intellectualisation et aussi interrogations sur la vie amoureuse mais aussi le pis-aller de ces jeunes femmes des années 60 : le mariage, les enfants et la soumission aux corvées ménagères, comme l’esquisse le portrait de la mère jouée par Sandrine Bonnaire.
Les visages en gros plans ce sont aussi ces regards
La caméra film avec honnêteté au plus près, respect et sans souci de choquer, les corps des jeunes femmes. Les corps mais aussi les visages. Il faut d’ailleurs saluer la performance de l’actrice principale, Anamaria Vartolomei (My Little Princess, La Bonne Épouse), tenant à bout de bras ce film exigeant, égrenant les semaines de grossesse, tel un compte à rebours inéluctable. Les visages en gros plans ce sont aussi ces regards : tour à tour affolés et désorientés (pour Anne), mais aussi méfiants, défiants, arrogants, désapprobateurs et suspicieux (pour son entourage, proche ou non).
Il faut aussi parler des personnages secondaires, joués par quelques pointures : Sandrine Bonnaire en maman aimante mais enfermée dans son rôle de mère au foyer, Anna Mouglalis en "faiseuse d’ange" ou Pio Marmaï en professeur subtilement campé et moins rigide qu’il n’y paraît. Un coup de canif est au passage adressé au corps médical, avec ces médecins complaisants, résignés, voire contempteur de ces jeunes filles enceintes.
Sans pathos ni discours lénifiant, Audrey Diwan avance avec délicatesse, parsemant son film de messages néanmoins engagés, sur la place des femmes, l’éducation, la liberté et le droit d’user de son corps. La réalisatrice ne cache pas plus la réalité d’un avortement, avec en particulier deux scènes tournées sans fard.
Comme un dernier message, le film, qui avait commencé avec une citation d’Aragon, se termine avec l’extrait d’un poème de Victor Hugo : "Nous garderons l'honneur ; le reste, nous l'offrons. / Et l'on marche..."
Tout cela fait de L’Événement un très grand film, exceptionnel de qualité et nécessaire au combat féministe. Il a d’ailleurs obtenu le Lion d'or à la 78e édition de la Mostra de Venise.