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Bandes dessinées et mangas - Page 22

  • Z comme Zorg

    "Nous n’avions pas l’intention, Alex et moi, de faire une véritable adaptation de Mars. Nous souhaitions surtout, avant que le temps n’estompe tout, fixer ce qui subsistait encore des années Zorn dans Zurich et le souvenir de ses proches." C’est ainsi que Daniel Varenne commente, dans la préface "Zurich… Zorn… Z", Angoisse et Colère, qu’il a créée avec son frère Alex Varenne.

    Œuvre OVNI dans la carrière de ce dernier, cette bande dessinée, scénarisée par Daniel Varenne, est sortie en 1988. Rétrospectivement, elle marque un point d’arrêt dans la collaboration de ce duo. Les deux frères s’étaient fait connaître au début de cette décennie avec l’emblématique cycle de science-fiction Ardeur. En réalité, quoi de plus différent que ces deux albums, en tout point opposés ? D’un côté, une saga post-apocalyptique de près de 500 pages que le bloggeur a qualifié de cyberpunk ; de l’autre, une dense et sobre adaptation littéraire du récit Mars, écrite par Friz Zorn, écrivain suisse malade et dépressif, décédé avant la publication de son texte devenu culte.

    Les 28 planches éclairent, sondent et documentent un texte exigeant, lucide et à l’humour grinçant d’un Zurichois devenu malade – au sens propre comme au sens figuré – de son existence. Alex et Daniel Varenne travaillent une nouvelle fois en dehors des sentiers battus grâce à une relecture en bande dessinée de Mars. En documentalistes rigoureux, les deux auteurs ont visité les lieux où a vécu, jusqu’à sa mort en 1976, Fritz Zorn, ou Fritz Angst dans l’état civil. Les noms de l’auteur, Zorn (ou "colère" en allemand) et Angst ("angoisse") sont bien entendu les clés du titre de l’album. Tableau d’une ville bourgeoise autant que portrait d’un artiste malade, les Varenne offrent une déambulation terrible au cœur d’une ville occidentale, Zurich, prison argentée d’un homme, Zorn, qui avoue vivre dans un enfer feutré. Le salut viendra paradoxalement du cancer : "La chose la plus intelligente que j'aie jamais faite, c'est d'attraper le cancer" écrit-il dans son récit.

    Daniel Varenne s’étend, dans la préface de ce "roman graphique" avant l’heure, sur les lieux de l’auteur de Mars : l’université, l’appartement du jeune professeur dans la Frankengasse, la villa de son psychanalyste (33 rue de la Freiestrasse) et la rive de la Goldküste. Ce sont ces lieux qui forment la trame de la bande dessinée, tel le décor de théâtre d’un monologue tragique. Méditation sur la dépression, dénonciation d’une société bourgeoise zurichoise (cela vaut aussi bien entendu pour beaucoup de sociétés dans le monde), Angoisse et Colère peut se lire aussi comme l’hagiographie d’un martyr biberonné au lait d’une éducation faussement harmonieuse, sans aspérité, morte et sans amour : "Je n’avais pas d’amis et je n’avais pas d’amour… La sexualité ne faisait pas partie de mon univers car la sexualité incarne la vie" proclame le narrateur. Un propos que ne renierait pas Alex Varenne.

    L’album est complété par Bobby Lynn, portrait a priori très éloigné du Zurichois dépressif mais aux similitudes frappantes. Au contraire de Fritz Zorn, Bobby Lynn est l’homme de tous les excès. Cet acteur renommé, en réalité un enfant gâté et dépressif, finira par brûler la vie par les deux bouts, car il "n’avait pas eu le courage de regarder la vie en face."

    Fritz Zorn laissait le témoignage lumineux d’un désespoir qu’il révéla post-mortem au monde entier ; Bobby Lynn, lui, fit le vide autour de lui, après une carrière sous les projecteurs.

    Alex et Daniel Varenne, Angoisse et Colère, éd. Casterman, À Suivre, 1988, 69 p.
    Fritz Zorn, Mars, éd. Gallimard, Folio, 1982, 315 p.

  • Alex Varenne, peintre

    Alex Varenne expose en ce moment et jusqu’au 4 décembre à la galerie Art en Transe Gallery (Paris 3e) non pas un choix de planches de bandes dessinées mais une série de peintures, dévoilant une autre facette de cet artiste.

    Bla Bla Blog s’est intéressé ces derniers mois à la carrière d’Alex Varenne et à ses albums de BD les plus emblématiques. Mais le dessinateur est également peintre, un peintre influencé par les Américains Jackson Pollock, Franz Kline ou encore Robert Motherwell. Il présente en ce moment une partie de sa production dans l'exposition "Strip Art". Le strip art c’est ce mouvement issu du pop-art dont le représentant le plus célèbre est Roy Liechtenstein, une référence et une influence majeure pour Alex Varenne.

    Le strip art détourne et recycle la technique de la case utilisé en bandes dessinées. Alex Varenne s’en sert pour faire de plusieurs tableaux des saynètes sur grand format : L’Appel, La Professionnelle, Shanghai années folles, Sur le bund de Shanghai, Suite ou Yin et Yang. Le spectateur se trouve d’emblée dans un univers de la peinture contemporaine familier. Le style populaire de la bande dessinée est utilisé à des fins artistiques dans la droite mouvance du pop-art. En accrochant le 9e art sur cimaises, Alex Varenne interpelle le spectateur grâce à des scènes semblant sorties d’un album de bande dessinées (bien que les tableaux soient d’authentiques œuvres originales) et appelant une suite que chacun peut imaginer à sa convenance. La bulle de BD est également utilisée dans plusieurs de ses peintures (Couple endormi, La Femme double, Shanghai années folles ou Suite).

    Parmi les influences visibles, il y a le manga. Alex Varenne est un amoureux de la culture asiatique, ce que plusieurs toiles montrent, tour à tour avec tact, audace, humour ou nostalgie (Shanghai années folles, Sur le bund de Shanghai, Yin et Yang et Ri-Shu-Shi).

    alex varenneHéritier du pop-art, Alex Varenne prouve également son attachement au classicisme. L’artiste est un fin connaisseur de l’histoire de la peinture et parle avec goût et passion de la peinture renaissance, de l’expressionnisme américain ou du pop-art. Le spectateur trouvera dans l’exposition "Strip Art" des détournements d’oeuvres familières : Le Verrou de Jean-Honoré Fragonard est revisité à la mode BD dans Le Verrou de Fragonard et L’homme de Vitruve de Léonard de Vinci devient un vibrant plaidoyer féministe dans l’impressionnant Womanpower. Quant au Cri, dont le titre renvoie au chef d'oeuvre d'Edvard Munch, le spectateur pourra y voir l’influence évidente de la peinture religieuse et des Pietà, à ceci près que cette fois c’est sur les genoux d’un homme que repose "la mort de sa fille ou de la femme qu’il aime". Avec une économie de moyen, l’auteur de La Molécule du Désir se révèle un lointain héritier du classicisme. La défunte, portée à bout de bras, a la pose théâtrale des modèles baroques. Le visage de profil semble être en pâmoison et la main posée sur l’épaule de l’homme sans tête est dessinée avec une infinie délicatesse et semble être encore vivante. 

    Alex Varenne utilise ce qu’il sait le mieux faire : la bande dessinée érotique. À la galerie Art en Transe Gallery, Alex Varenne expose avec élégance "ses audacieuses", ces femmes blondes, brunes, rousses ou asiatiques, portraitisées en déesses (Vénus ouverte, Voyage de peintre), surprises dans leur intimité, déshabillées ou vivant sans fard leurs fantasmes : Irina, communiant "en cachette des boissons pas très catholiques" (Irina au Collier rouge), Manuella la danseuse et ses "partenaires" (Jambes de Tango), Olga la dominatrice et soumise (La femme double) et Gina, la prostituée encore illusionnée par l’amour (La Professionnelle). D’amour, il en est question dans ces scènes d’amour, qu’elles soient pudiques (Couple endormi), ludiques et équivoques (L’Appel) ou très osées (Jouissance). Les hommes sont peu présents dans la production exposée en ce moment. Ou, du moins, ils sont toujours placés au second plan (L’Appel), en voyeurs (Typologie de la femme), spectateurs et demandeurs (Suite) ou tout simplement désœuvrés si ce n'est désespérés (Erectum ergro sum et Le Cri).

    L’exposition Strip-Art d’Alex Varenne est à découvrir à la galerie Art en Transe Gallery jusqu’au 4 décembre.

    "Alex Varenne - Strip Art", du 8 novembre au 4 décembre 2016
    Art en Transe Gallery, 4 rue Roger Verlomme, Paris 3ème

    Remerciements particuliers à Alex Varenne et Mai-Loan Roque

    © Alex Varenne

    Bla Bla Blog est partenaire de cette exposition

     

  • Polina, de la danse au grand écran

    Bla Bla Blog s’était fait l’écho de la bande dessinée de Bastien Vivès, Polina ("Petite danseuse deviendra grande"). Cet auteur a fait l’objet de plusieurs chroniques et il semble bien qu’il soit passé dans une autre dimension cette semaine.

    Son album Polina fait en effet l’objet d’une adaptation cinéma déjà très séduisante sur le papier.

    En attendant de découvrir ce film, pourquoi ne pas découvrir ou redécouvrir sur papier le destin de cette danseuse russe follement douée ?

    "Petite danseuse deviendra grande"
    Bastien Vivès, Polina, éd. KSTR, 206 p.
    Blog de Bastien Vivès

  • "Tu dessines vachement bien les femmes"

    S'il est un domaine incompris dans le 9ème art, c'est celui de la bande dessinée érotique ; et s'il est un auteur qui a su tracer sa voie au mépris des conventions et des modes c'est Alex Varenne. Personnage marquant de la bande dessinée érotique, Alex Varenne fait en ce moment l'actualité avec une exposition marquante consacrée à sa peinture, toute entière dédiée au sexe et à la féminité, "Alex Varenne - Strip Art", du 8 novembre au 4 décembre 2016 à la galerie Art en Transe Gallery, 4 rue Roger Verlomme, Paris 3ème. Les familiers de Varenne découvriront deux nouveautés chez l'auteur des Larmes du Sexe : le (très) grand format et la couleur. Le bloggeur y reviendra plus longtemps sur ce site dans quelques jours. 

    Le noir et blanc est au départ la marque de fabrique d'Alex Varenne. Coloriser ses planches apporterait selon lui un réalisme vain et qui n'a pas lieu d'être. Il est vrai que le dessin et les grands aplats noirs se suffisent à eux-mêmes, a fortiori dans les scènes nocturnes et intimistes. Mieux, cela permet de magnifier les traits et les corps de ses personnages – des femmes essentiellement- sans l'apport de la couleur.

    Avant le Varenne de l'érotisme, il y eut le Varenne de la SF, auteur avec son frère Daniel, de l’impressionnant cycle de science-fiction Ardeur. Ce road-movie post-apocalyptique sombre et nihiliste est aux antipodes de ce que l'artiste montrera plus tard. Et pourtant, le dessinateur de l'époque révèle tout son talent dans les représentations des personnages féminins comme dans les scènes d'amour. Le cinquième tome, tout entier consacré à Ida Mauz, celle précisément qu'Ardeur n'a de cesse de rechercher à la fin de son voyage, paraît a posteriori écrit sur mesure pour Alex Varenne. Il suit cette beauté fatale, emprisonnée dans une cage dorée, et la dessine sous toutes les coutures avec une maîtrise et une finesse incomparable.

    Alex Varenne aime les femmes : c'est indéniable. Et la suite de sa carrière le prouve. Après sept années (1980-1987) et six volumes consacrés à Ardeur, Alex Varenne suit les conseils de Georges Wolinski, un soutien de la première heure qui lui a mis le pied à l'étrier : puisqu'il est doué pour dessiner des femmes, pourquoi ne se lancerait-il pas dans la bande dessinée érotique ? Alex Varenne avait déjà essayé sans succès de percer dans la BD érotique. Avant Ardeur, il y avait Dio (1969), sa première une bande dessinée inspirée par la mythologie… et mai 68 : l’histoire de la destruction de Thèbes par Dyonysos et ses Bacchantes sert de cadre pour un appel une révolution sexuelle et ludique. Ce livre ne parviendra pas à faire sa place. A l'époque de Charlie Mensuel, Geores Wolinski convainc Alex Varenne de persister : "Tu dessines vachement bien les femmes", remarque-t-il. Entre-temps, une ultime collaboration avec Daniel Varenne, Angoisse et Colère (1988), donne l'occasion au dessinateur et au scénariste de se plier à la contrainte de l'adaptation littéraire. Ils s'attaquent au dense et âpre récit Mars de l'auteur suisse Fritz Zorn. Cinq ans plus tard, c'est dans une veine tout aussi réaliste – mais cette fois seul au texte et au dessin – qu'il sort Gully Traver (1993), un autre roman graphique mêlant paysages du nord, misère sociale, scènes oniriques et érotisme.

    alex varenne,sexe,érotismeAprès Ardeur, Alex Varenne produit en solo sa première œuvre résolument érotique, Carré noir sur dames blanches. Nous sommes en 1984, époque polémique du carré blanc, symbole de la censure à la télévision. Toujours au sujet de ce titre, des critiques ont pu s’étonner que Varenne ne dessine pas de femmes noires. L’auteur s’en explique ainsi : "Parce que sur une BD en noir et blanc, il est compliqué de dessiner des corps noirs. C’est uniquement pour ça." CQFD.

    Suivent L’Affaire Landscape (une fantaisie érotique), Erotic Opera, Corps à Corps et surtout le cycle Erma Jaguar, qui s’étale sur 22 ans, de 1988 à 2010 ! Erma est cette femme libre, assouvissant ses fantasmes et ceux des hommes qu’elle croise. Dans des décors interlopes, des femmes et des hommes s’aiment et assouvissent leurs fantasmes dans de savoureuses mises en scènes, et non sans humour. En un sens, Alex Varenne se révèle un anti-sadien, d’abord intéressé par le désir féminin. Hédoniste et libertin moderne, l’auteur des Larmes du Sexe ne cache pas que ces histoires traduisent sa propre vie personnelle. L’artiste, à la recherche du plus grand réaliste, s’inspire de modèles pour "ces femmes de papier".

    1997 marque une collaboration éphémère mais marquante pour Varenne. La prestigieuse maison d’édition japonaise Kodansha fait appel à quelques dessinateurs français pour publier des "mangas à la française". Alex Varenne sort deux albums chez eux avant que l’éditeur ne mette fin à l’aventure : "Au bout de 5 ans, les japonais ont vu comment on faisait des mangas à la française, ils n’avaient plus besoin de moi", commente plus tard ironiquement Alex Varenne.

    De retour du Japon, il continue sur sa lancée érotique, mais rapportant de son aventure artistique une influence asiatique, avant que la mode du manga n’inonde la France. La sensualité orientale est déclinée dans des œuvres comme La Molécule du Désir (2014) ou Tondi (2015), mais également dans son œuvre picturale (nous en reparlerons sur ce blog dans quelques jours). La place centrale du sexe dans la philosophie chinoise est montrée en exemple par l’artiste : le sexe c’est la vie, dit-il en substance, et il n’est pas corseté par autant de tabous qu’en Occident.

    Les tabous, les héroïnes de Varenne n’en ont pas. Que ce soit Erma Jaguar, Ida Mauz, Yumi, Carlotta ou Lola, chacune d’entre elle est maître de sa vie, de ses passions et de ses pulsions. Regardez le visage d’Ida : il est peint avec grâce, volupté et délicatesse. L’intelligence et la sensualité sont les plus petits dénominateurs communs de ces femmes avides de liberté, quitte à aliéner leurs compagnons masculins.

    Alex Varenne vient de la peinture, comme il le rappelle. Disons aussi que ses influences viennent sans doute autant sinon plus du Caravage, de Liechtenstein (il en est même le fils spirituel comme le montre sa dernière exposition "Strip-Art" à Art en Transe Gallery), Hokusai ou Goya que de Crépax, Milo Manara ou Jean-Claude Forest. Cette passion pour la peinture a pu épisodiquement transparaître par exemple dans un tome d’Ardeur et dans plusieurs planches de Gully Traver. Derrière le Libertin des Lumières se cache un vrai connaisseur des beaux-arts qui rappelle toute l’importance de l’érotisme et de la représentation féminine dans la peinture classique, y compris (et surtout !) lorsqu’elle a une vocation religieuse. Il est vrai que la passion de Varenne d’lex Varenne pour l’érotisme et les femmes a quelque chose de sacré, comme le montre par exemple le visage de Madonne d’Isa Mauz.

    "Je ne peins pas des femmes mais mon amour pour les femmes", commente sobrement Alex Varenne.

    "Alex Varenne, libre et libertin"
    "Le Viagra, en plus efficace et plus drôle"
    "Varenne, cyberpunk"
    "Un Voyage de Gulliver"

    "Alex Varenne - Strip Art", du 8 novembre au 4 décembre 2016
    Art en Transe Gallery, 4 rue Roger Verlomme, Paris 3ème

    Remerciements particuliers à Alex Varenne et Mai-Loan Roque

    © Alex Varenne


    Culturetainment [S5E10] Alex Varenne sublime... par mensuptv

  • Un voyage de Gulliver

    Une femme nue sort de l’eau. Cette apparition divine, inspirée par La Naissance de Vénus de Boticelli, tombe dans les bras d’un sculptural plagiste, Gully Traver – que l’on retrouvera plus tard sous le prénom d’Antoine. Entre les deux amants commence une étreinte avant qu’ils ne soient agressés par un inconnu, un chômeur violent et désœuvré. Les deux hommes se battent et la femme s’enfuit.

    L’amour s’en étant allés, les deux hommes se retrouvent seuls, sympathisent et entament une déambulation le long d’une plage du nord. Ils croiseront sur leur route une femme qu’ils sauvent de la noyade, un avocat des causes perdues, la compagne voilée d’Antoine, un prêtre dont l’église est ensablé, un vieux couple ou un promeneur aux chiens. Tout ce petit monde , aux poursuit une route incertaine, avant un dans un décor à la fois familier et onirique. Gully Traver c’est Gulliver perdu sur la côte nordique, avant d’être englouti avec ses camarades dans une mer fantasmagorique. Au bout du voyage surréaliste, il y aura la mort puis la résurrection, surréaliste et fascinante.

    L’avenir rendra sans doute raison à Varenne pour Gully Traver, une bande dessinée à part dans son œuvre, mal aimée sinon boudée. Il est sans doute temps de réévaluer cette œuvre onirique et métaphysique. Après Ardeur, un cycle de science-fiction majeur, Alex Varenne prend le parti de prendre son public à contre-pied, avec malgré tout quelques planches érotiques d’une grande beauté visuelle. Le lecteur y trouvera des références picturales frappantes : Botticelli, Le Caravage mais aussi Escher pour les deux dernières planches.

    Gully Traver, commencé comme une bande dessinée noire et sociale, se termine en fable métaphysique et psychanalytique, aux scènes d’une grande puissance visuelle, comme ce taureau terrassé, ce couple empalé à une montagne ou cette danseuse sortant du sable.

    Alex Varenne, Gully Traver, éd. Casterman (à suivre), 1993, 87 p.
    "Alex Varenne - Strip Art", du 8 novembre au 4 décembre 2016
    Art en Transe Gallery, 4 rue Roger Verlomme, Paris 3ème

  • Varenne, cyberpunk

    Varenne, cyberpunk ? Avant d’être l’auteur légendaire de bandes dessinées érotiques, Alex Varenne s’est fait connaître par un cycle magistral, Ardeur. "Ardeur" avant "hardeurs", si le bloggeur peut se permettre ce calembour facile. Plus sérieusement, Ardeur est cette série de science-fiction, dans la mouvance cyberpunk, rassemblée en un majestueux volume de près de 500 pages, aux Humanoïdes Associés.

    Varenne cyberpunk ? Voilà qui pourrait désarçonner les lecteurs et lectrices d’Irma Jaguar, La Molécule du Désir ou Gully Traver. Mais, au fait, de quel Varenne parlons-nous ? Du dessinateur Alex ou bien de son frère Daniel, le scénariste d’Ardeur ?

    Il est vrai que dans le duo d’auteurs, c’est bien Daniel Varenne qui forge l’identité de ce cycle de science-fiction se déroulant dans nos contrées, après un conflit planétaire. Il faut dire qu’à l’époque de l’écriture de cette première bande dessinée publiée par Alex Varenne, nous sommes en pleine guerre froide et la menace d’une troisième guerre mondiale entre l’ouest et l’est est toujours dans les esprits.

    Ardeur est cet anti-héros que le premier volume, road-movie crépusculaire, nous montre défiguré suite à un accident d’avion de chasse. L’homme, contraint de porter un masque, est un officier militaire en fuite, sans identité réelle et aux noms multiples – Ardeur, Mat, Frenchie ou Willy Karten.

    Vaste œuvre post-apocalyptique, les six tomes d’Ardeur ne sauraient se limiter à une dystopie. Les auteurs s’intéressent moins aux enjeux géostratégiques qu’aux personnages paumés et ballottés. Ardeur est un voyageur blasé, un ancien soldat devenu déserteur et espion à la mission vaine (protéger les plans d’un avion) qu’il finira du reste par abandonner. L’arpenteur traverse un no man's land à l’échelle européenne. Les survivants d’une guerre, dont on ne ne sait finalement pas grand-chose, se terrent en zombis dans des habitations sordides. Dans une guerre absurde qui ne dit pas son nom, les armées ressemblent à des bandes mafieuses et criminelles. Quant aux villes – lorsqu’elles sont encore debout – elles sont constituées de lieux interlopes et de repères louches d’escrocs, de criminels et d’espions où se négocient des trafics en tout genre. Ardeur, antihéros solitaire et tragique, arpente en voyageur perdu campagnes désertes et cités dangereuses. Il est accompagné dans les deux premiers tomes (Ardeur et Warschau) de son "Sancho Panza", Sobag – que Jack Ventress viendra remplacer au point de devenir le personnage principal du dernier opus, Jack Le Vengeur.

    alex varenne,ardeurLes femmes croisées par Ardeur sont tout à la fois omniprésentes et insaisissables. Alex Varenne se montre dessinateur hors-pair dans la représentation de ces déesses fragiles et indomptables : Werfel, Hilda, Anna, la prostituée Wyka, Eva Minska, figure victimaire à la recherche d’une vaine protection (La grande Fugue) et surtout Ida Mauz. Après une brève apparition dans le premier tome, cette élégante aristocrate, maîtresse d’un criminel notoire dont Ardeur prendra l’identité, devient au fur et au mesure du cycle l’épicentre de sa quête. La fin du passionnant volume Warshaw voit un improbable couple se former : la femme fatale tombe dans les bras de celui qui a pris les traits de son amant après l’avoir tué. Berlin Strasse marque l’évidence que l’histoire avec Ida est celle d’une rencontre manquée que l’avant-dernier tome, opportunément intitulé Ida Mauz, vient confirmer.

    Cette avant-dernière partie du cycle Ardeur semble être celle d’Alex Varenne. Loin du climat post-apocalyptique des volumes présents (marqués par la patte de Daniel Varenne), le talent du dessinateur est omniprésent dans sa manière de décrire la cage dorée de l’ancienne maîtresse de Willy Karten – ou plutôt des "deux" Willy Karten. Ida Mauz, tour à tout hautaine, majestueuse, sensuelle, dominatrice, manipulatrice ou bouleversante, est un contrepoint passionnant à ce cycle.

    Ardeur s’achève par une dernière parenthèse déstabilisante, Jack Le Vengeur. Ardeur a laissé la main à son ultime compagnon de voyage, Jack Ventress, un ancien second rôle apparu dans La grande Fugue, et devenu le personnage central de l’ultime tome. La tragédie absurde devient une tragi-comédie picaresque venant clore un chef-d’œuvre de la bande dessinée.

    Dans la préface de l’anthologie publiée par Les Humanoïdes Associés, Claude Ecken souligne à juste titre qu’Ardeur s’inscrit dans une période très créative de la bande dessinée francophone. En 1980, Alex Varenne fait partie de ces talents prometteurs, à l’exemple de brillants confrères nommés Philippe Druillet, Tardi ou Moebius. Ardeur n’est pas la première création des frères Dardenne mais c’est ce cycle qui les fait connaître. Daniel et Alex Varenne commettent là leur première – et seule – incursion dans un univers cyberpunk d’autant plus hallucinant qu’il n’a guère d’influences dans ce genre : "Les frères Varenne ne se sont pas trop embarrassés de références bédéesques" commente Claude Ecken. Si références il y a, il faut les chercher dans la littérature pour Daniel le scénariste (Ian Flemming, Stig Dagerman) ou la peinture pour Alex le dessinateur (Le Caravage, Rembrandt ou le tachisme). En 1980, Ardeur reçoit le prix du festival de Hyères, consacrant une œuvre post-apocalyptique décrite "à l’échelle humaine". Des hommes meurent, d’autres tentent de survivre dans un monde absurde et violent, "cependant, la guerre emporte tout sur son passage. Comme le conclut Dagerman dans l’essai que lit Ardeur [Notre Besoin de Consolation est impossible à rassasier] : ‘le monde est plus fort que moi’. À moins que ce ne soit l’amour." L’amour, Ardeur et Ida Mauz.

    Alex et Daniel Varenne, Ardeur, Intégrale, éd. Humanoïdes Associés, 2014, préface de Claude Ecken, Ardeur (1980), Ardeur, tome 2, Warschau (1981), Ardeur, tome 3, La grande Fugue (1981), Ardeur, tome 4, Berlin Strasse (1983), Ardeur, tome 5, Ida Mauz (1983), Ardeur, tome 6, Jack Le Vengeur (1987)
    "Alex Varenne, libre et libertin"
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    "Alex Varenne - Strip Art", du 8 novembre au 4 décembre 2016
    Art en Transe Gallery, 4 rue Roger Verlomme, Paris 3ème

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    © Alex Varenne

  • Bla Bla Blog s'est fait insulter par le capitaine Haddock

    Oui, vous avez bien lu : le bloggeur s’est bien fait insulter par le capitaine Haddock, comme le prouve la capture du message adressé au compte Twitter de Bla Bla Blog !

    twitter Haddock.PNGLe responsable en est le compte Twitter du Capitaine Haddock : https://twitter.com/CaptHaddock. Il a été créé à l’occasion de l’exposition sur Tintin au Grand Palais, visible jusqu'au 15 janvier 2017. Les personnages d’Hergé sont en effet mis à l’honneur sur plus de 2000 m².

    On doit aux organisateurs de cet événement l’idée canaille et interactive de donner la parole au capitaine au long cours, adepte de jurons aussi variés qu’originaux.

    Pour se faire insulter par Haddock, il suffit, sur Twitter, de taper le hashtag #capitaineHaddock à tagger sur le fameux compte de l'ami de Tintin : @CaptHaddock_

    Et accessoirement, on se précipite tous découvrir l’univers d’un génie du 9e art, au Grand Palais.

    Exposition Hergé, Grand Palais, Paris, du 28 septembre au 15 janvier 2017
    https://twitter.com/CaptHaddock

  • "Strip Art" d'Alex Varenne

    Alex Varenne a construit avec élégance un hommage moderne à la féminité qui n'a guère d'équivalent dans le neuvième art.

    L'exposition "Strip Art" à la galerie parisienne Art En Transe Gallery (4, rue roger Verlomme) présentera une quinzaine de peintures qui racontent une petite histoire, une émotion ou un moment poétisé de la vie quotidienne, un instant banal comme un haïku japonais.

    Cet évènement présentera de nombreux happenings dont entre autre une journée dédicaces du livre d'art Strip Art d'Alex Varenne, le samedi 12 novembre de 15 heures à 18 heures et le Salon de la littérature érotique le samedi 26 novembre 2016 de 15 heures à 21 heures, toujours à la galerie Art en Transe Gallery.

    Bla Bla Blog sera partenaire de cet événement.

    Catalogue complet des happenings : strip-art@cherry-gallery.com
    http://www.artentranse.com

    © Alex Varenne