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Bandes dessinées et mangas - Page 9

  • La femme qui n’aimait pas les hommes

    Une fois n’est pas coutume, c’est un manga vieux de plus de 50 ans que je vous propose de découvrir ou redécouvrir. L’auteur ? Osamu Tezuka, que les lecteurs occidentaux connaissent grâce à sa création d’Astro Boy.

    Mangaka mythique, figure imposante d’un genre devenu majeur dans la bande dessinée mondiale,  Osamu Tezuka a su repousser les limites du manga, dont La Femme Insecte (éd. Casterman) est un brillant exemple.

    Sur plus de 360 pages, Tezuka suit le parcours d’une anti-héroïne tour à tour sublime, géniale, inquiétante, manipulatrice, sensible, blessée et bouleversante. Elle se nomme Toshiko Tomura et, au moment où le récit commence, vient de recevoir un prestigieux prix littéraire. La jeune femme a tout pour susciter l’admiration, l’attirance et aussi la convoitise : elle est jeune, belle, douée et semble ne pas avoir de limite dans les talents. Quel est le secret de Toshiko Tomura ?

    Une anti-héroïne tour à tour sublime, géniale, inquiétante, manipulatrice, sensible, blessée et bouleversante

    Un jeune designer, Mizuno, l’a connue et a beaucoup à lui reprocher : elle lui a volé un projet pour un concours qu’elle a remporté, et il semble bien que ce ne soit pas le seul méfait de l’auteure.  Toshiko Tomura vit en réalité telle une insecte et une mante religieuse : elle parvient à aspirer et absorber le talent des personnes qu’elle côtoie. Jusqu’où ira-t-elle ? 

    La Femme Insecte est une œuvre majeure du manga à travers le portrait d’une femme libre, dont même le mariage dans un  pays aussi traditionnel que le Japon, parvient à renverser les codes. Rappelons aussi que le livre est sorti en 1970, lorsque le Japon commence à devenir une puissance économique et que la société bascule dans une nouvelle modernité.    

    Toshiko Tomura fait des hommes – que ce soit les journalistes qui la pistent, les hommes qu’elle séduit, les amants qu’elle côtoie et même son mari, un homme d’affaire qu’elle parvient à piéger comme les autres – des proies qu’elle manipule à souhait. 
    Les lecteurs et lectrices de 2022 verront en elle une figure féministe d’autant plus impitoyable et libre qu’elle se cache derrière un physique fragile. Tezuka dessine son héroïne avec tact, finesse et sensualité. Peu de personnages féminins n’ont été représentés avec une telle subtilité, rendant les hommes qu’elle côtoie au mieux pathétiques au pire falots.

    Une grande œuvre à découvrir ou redécouvrir. 

    Osamu Tezuka, La Femme Insecte, éd. Casterman, Sakka, 1970, 365 p.
    https://www.kanpai.fr/osamu-tezuka

    Voir aussi : "Complètement baba de bulles"

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  • Oh, les beaux jours

    Dandelion risque bien de rendre indifférent celles et ceux qui sont hermétiques à la magie, à la fantaisie et à la poésie. Après un voyage dans le premier tome de la série de Salvatore Callerami, voilà que sort en ce début d’année le deuxième volume des aventures de la petit Wéma, sous-titré "Gardez espoir", proposé par l’excellente maison d’édition Shockdom.

    Les dandelions sont ces esprits invisibles de pissenlits chargés de réaliser les vœux des hommes, têche qui s’annonce souvent des plus ardus, notamment lorsque la mort se mêle au jeu.

    Wéma, la dandelion du lion sacré Jua, suit son maître et protecteur dans un pays imaginaire, alors qu’un hiver rigoureux vient de s’abattre. Au même moment, sur la terre ferme, une vieille dame est en train de s’éteindre à l’hôpital. La mission pour Wéma est d’accomplir le vœu d’un enfant afin que sa grande sœur puisse dire au-revoir une dernière fois à sa grand-mère. Mission impossible ? Pas pour la déterminée dandelion. 

    Des fées, des esprits, des spectres, des gardiennes de la mémoire, des conseils de sages ou des âmes malfaisantes

    Des fées, des esprits, des spectres (les wigos), des gardiennes de la mémoire, des conseils de sages ou des âmes malfaisantes : voilà grosso modo les ingrédients de cette saga fabuleuse venue tout droit d’Italie, et dont on doit la traduction française à Federica Giuliano.

    Dandelion ravira les enfants, petits et grands, pour ses messages mêlant humanisme, altruisme et empathie. Tout cela se passe dans un univers fantastique, mais où le dérèglement climatique existe sous la forme d’un hiver dont "la transition a été brève".

    On aura bien entendu compris que l’auteur entend apporter sa contribution à un sujet sensible : "L’hiver ne veut pas s’arrêter ! On dirait que l’esprit du nord ne veut pas quitter ces terres…"

    Un vent de fraîcheur souffle sur ce deuxième volume de Dandelion, grâce évidemment à la charmante Wéma dont les paroles peuvent résonner chez chaque lecteur et lectrice : "Tu ne seras jamais vivant, Si tu restes convaincu que la seule solution est de demeurer à l'écart, loin de tous !"

    Salvatore Callerami, Dandelion, vol. 2, Gardez espoir, éd. Shockdom, 2022, 96 p.
    https://shockdom.com
    https://www.facebook.com/salvo.callerami
    https://www.facebook.com/fassioantonio

    Voir aussi : "Faites un vœu"

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  • Quand est-ce que vous nous en faites un ?  

    C’est d’Italie que nous vient Il a dit Papa !, un récit doux-amer consacré à la paternité. Son auteur Davide Caporali, dit Dado, conte cette période où la vie d’un homme bascule, lorsqu’il devient père. Son autofiction dessinée a été mise en couleurs par Chiara Zuliani et est proposé au public français par l’excellente maison d’édition Shockdom.

    Davide vit en couple avec Chiara. Un couple déjà installé, avec chacun un travail, des revenus réguliers et même un animal de compagnie, le chat Filippo. Lors d’un repas chez ses grands-parents, "la" question est lancée par la vieille dame : "Quand est-ce que vous me faites un petit-enfant, Chiara et toi ?"

    Voilà Davide mis soudainement sous pression, d’autant plus que sa compagne Chiara a abordé le sujet quelques mois plus tôt : avoir un bébé, devenir parents, fonder une famille avec un enfant… Le rêve, quoi... 

    Bientôt, le jeune homme apprend, via un test de grossesse, que les prochains mois risquent d’être bouleversés.

    "Oh, allez J’ai fait bien pire que ça dans la vie…"

    En sept chapitres et un postlude, Dado raconte au plus près les neuf mois d’une grossesse vus sous les yeux d’un futur papa tour à tour dans le déni, l’incrédulité, l’incompréhension, la maladresse mais aussi souvent de la bonne volonté à revendre.

    Dado choisit la voix de l’humour et de la dédramatisation, à travers des saynètes qui sentent le vécu : les visites à l’Ikea du coin, l’oubli d’un sac ou l’emprunt d’une voiture sur le parking de la maternité. Sans oublier ces réflexions qui rendent la bande dessinée auto-fictionnelle : "Oh, allez J’ai fait bien pire que ça dans la vie… Comme choisir de devenir dessinateur de BD !"

    Les parents de Davide et Chiara sont singulièrement discrets, l’auteur préférant s’intéresser aux grand-parents. Dans ces scènes, la BD devient poignante autant que drôle, avec un pépé a priori aux abonnés absents mais finissant par prendre une place capitale dans ce récit vivant à plus d’un titre. 

    Dado, Il a dit Papa !, trad. Maria Giulia Lambertini, éd. Shockdom, col. Lol, 2021, 144 p. 
    https://fr.shockdom.com/boutique/lol/il-a-dit-papa
    https://www.facebook.com/davide.caporali

    Voir aussi : "Respect pour les femmes"

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  • Goldorak, go !

    "Accours vers nous, prince de l'espace, Viens vite, viens nous aider. Viens défendre notre terre, elle est en danger…" : beaucoup d’entre vous aurons reconnu l’un des génériques de Godorak, la série phare de la fin des années 70. Par la suite, le robot mythique né au Japon allait devenir en France un véritable phénomène de société et lancer la mode du manga.

    C’est (presque) sans surprise que ce soit précisément de France que renaisse Godorak et consorts – Actarus, Vénusia, Alcor et autres Phénicia – à travers une bande dessinée imaginée et scénarisée par Xavier Dorison et parue aux éditions Kana. Trois autres auteurs rendent hommage à l’œuvre mythique de Gō Nagai :  Denis Bajram, Brice Cossu et Alexis Sentenac. Trois amoureux du "merveilleux robot" et "chevalier solitaire", dont Actarus est autant le pilote que l’alter-humain – ou plutôt "alter extra-terrestre", puisque le Prince d’Euphor est un réfugié sur terre après une guerre et un génocide sur sa planète.

    Grâce à la magie de la BD, la série animée Goldorak qui se déroulait à la fin des années 70, reprend vie quelques années plus tard… à notre époque. Les héros, que ce soit Vénusia, Alcor, Mizar, le professeur Procyon, Rigel ou Banta se sont pour la plupart dispersés et perdus de vue. Quant à Actarus et Phénicia, ils ont quitté la terre pour rejoindre leur planète d’origine. Évidemment, Goldorak est parti avec eux. Mais lorsqu’un Golgoth, appelé Hydragon, fond sur la terre – plus précisément sur le Japon – c’est la panique. Goldorak paraît être la seule parade contre cette nouvelle attaque de l’Empire de Vega. Sauf que cela fait depuis des années qu’il est à des années-lumière de la planète bleue. 

    Splendeur visuelle

    Un revival est toujours un exercice à haut vol. Comment faire revivre un héros mythique que la mémoire et la nostalgie ont figé dans une sorte de formol ? Le risque de trahison est à très haut risque.

    Or, le pari est réussi pour cette BD qui marque le retour du héros géant, de son pilote Actarus, du fougueux Alcor et de la douce Vénusia. On oubliera le petit souci chronologique concernant Rigel : l’action se passe dans les années 2010-2020, ce qui rendent les souvenirs de cet ancien soldat de la Guerre du Pacifique peu probables.

    C’est bien là le seul point faible d’un roman graphique qui puisse ses références graphiques dans le manga, comme il se doit. Les fans de Goldorak retrouveront notamment les célèbres batailles et armes de guerre du géant d’acier : "Atolargue.. Astérohache… Pulvonium… Achiléochoc..."

    Mais là où les scénaristes se montrent malins et intelligents c’est dans le refus de tout manichéisme, y compris lorsqu’il s’agit de parler d’une civilisation extraterrestre destinée à annihiler la terre pour la coloniser. Actarus se dévoile en frère d’arme autant qu’en ennemi soucieux de garder une coexistence pacifique entre peuples ennemis. Le conflit va finalement se terminer de manière inattendue, dans une conclusion des plus ouvertes.

    Graphiquement enfin, ce Goldorak nouvelle génération est une splendeur visuelle, respectant les canons de la création de Gō Nagai  - c’était la condition sine qua non de cette aventure – tout en y insufflant une modernité de bon aloi. 

    Xavier Dorison, Denis Bajram, Brice Cossu  et Alexis Sentenac, Goldorak, 2021, éd. Kana, 168 p.
    https://www.kana.fr/bd-goldorak-ledition-collector-limitee/#.YeUDM_7MKM9
    https://goldoraknostalgie.wordpress.com

    Voir aussi : "Géants de papier et autres yōkai"

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  • Monstre un jour, monstre toujours

    Attention les yeux ! En mettant à l’honneur Élisabeth Báthory, la "Gilles de Rais" hongroise, Le dessinateur espagnol Raúlo Cáceres choisit la voie de la légende plus que du biopic, si l’on excepte toutefois les chapitres 15 et 17, consacrés à la "comtesse sanglante", coupable de meurtres, d’actes de torture et de barbarie sur au moins une centaine de jeunes victimes entre 1585 et 1610, avant d’être condamnée à l’enfermement à vie dans une pièce de son château.

    Raúlo Cáceres a préféré, dans cette œuvre de jeunesse, s'appuyer sur les légendes, les traditions populaires et le folklore pour construire un personnage qui ferait passer le vampire Dracula pour un innocent enfant de chœur : bains de sang pour trouver la jeunesse éternelle, supplices insoutenables, sorcellerie ou cannibalisme. Le tout  avec son lot de perversions sexuelles. Voilà qui ne pouvait qu’inspirer l’artiste espagnol qui s’était déjà attaqué à l’œuvre de Sade (Justine et Juliette).

    Prenant pour fil rouge un voyage dans le nord de l’Espagne où se dirigent un cercueil et un varcolaci, une créature fantastique du folklore roumain, des créatures horrifiques se croisent, se rencontrent, copulent, racontent leurs histoires d'orgies, de supplices et de crimes tous plus monstrueux les uns que les autres, avec pour figure centrale la plus grande tueuse en série de l’histoire.

    On  ne viendra pas chercher dans cet Élisabeth Bathory (éd. Tabou), réédition d’une série de jeunesse de la fin des années 90, un roman graphique réaliste et édifiant. C’est même plutôt l’inverse, si l’on oublie le travail graphique, le soin apporté aux corps et les ébats représentés dans toute leur crudité et toute leur cruauté. 

    Une misogynie que l’on trouvera aisément datée

    "Crudité" : voilà le mot juste. Raúlo Cáceres en est au début de sa carrière lorsqu’il raconte, avec une débauche de moyens, et dans un scénario décousu mais aux plans soigneusement travaillés, la vie d'outre-tombe de la "dame sanglante de Csejte". En préface de l’édition française, José V. Galadi écrit ceci : "Raúlo a profondément aimé écrire cette histoire, où il a versé une bonne partie de ses vues artistiques, personnelles et bédéphiles."

    Parmi les références, comme le dit José V. Galadi, il y a le "porno américain des années 70" au "ton festif et ludique", la BD européenne mais aussi le manga japonais, sans oublier les références chrétiennes et le folklore européen, dont évidemment Dracula… et Élisabeth Báthory.

    Le choix du noir et blanc était évident dans cette histoire qui aurait fait pâlir le Marquis de Sade. On n’enlèvera pas à Raúlo Cáceres son talent pour représenter les corps suppliciés et les scènes de copulation, toutes plus effarantes et incroyables les uns que les autres, avec une misogynie que l’on trouvera aisément datée, la femme étant pour l’essentiel utilisée comme un objet de fantasme et d’assouvissement des plaisirs masculins – même s’ils sont pour l’essentiel d’outre-tombe !

    Proprement monstrueux, ce  Élisabeth Bathory, version BD trash, la première publication professionnelle de son auteur (elle est sortie en 1998) n’est pas à mettre entre toutes les mains. Mais ça, Raúlo Cáceres nous y avait habitué.

    Pour public adulte averti.

    Raúlo Cáceres, Élisabeth Bathory, trad. Myriam Lobo, éd. Tabou, 2021, 184 p.
    https://raulocaceres.es
    https://www.facebook.com/raulo.caceres.3

    http://www.tabou-editions.com

    Voir aussi : "L’art de la débauche"

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  • Retour sur Débiles & Dragons

    Luigi Cecchi (Bigio), Emanuele Tonini (Manu) et Alberto Turturici (Albo),
    Débiles & Dragons, Tréponème – La Légende de Fallope, éd. Shockdom, coll. YEP !, 2021, 64 p.
    https://shockdom.com/negozio/yep/deficients-dragons-treponema-e-la-leggenda-di-falloppia

    Voir aussi : "Respect pour les femmes"

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  • À l’ombre

    L’Accident de Chasse peut avoir de quoi décourager beaucoup de lecteurs. Le roman graphique de David L. Carlson (scénario) et Landis Blair (dessin), proposé en France par les éditions Sonatine, mérite que l’on s’attaque à ses presque 500 pages aux multiples circonvolutions, mais pourtant d’une grande cohérence dans le récit.

    Nous sommes en 1959. Charlie Rizzo retrouve son père qu’il n’a jamais connu. Le jeune garçon a vécu jusqu’alors en Californie avec sa mère. Mais celle-ci est décédée et c’est donc Matt, son père, qui prend en charge son jeune fils. L’homme est pétri de bonnes intentions et est bien décidé à s’occuper du jeune garçon qui traîne en ville et se laisse entraîner dans de petites magouilles.  

    Matt Rizzo est aussi un homme étrange, frappé par un handicap : il est aveugle, dû à un accident de chasse lorsqu’il était enfant. En réalité, il a un lourd secret : un passé de détenu dans une des prisons les plus dures des Etats-Unis. Il a même connu Richard Loeb, un des criminels les plus tristement connus des années 30. Ensemble, une amitié indéfectible s'est lié. Voilà ce qu'il avoue un jour à son fils, lorsque ce dernier, devenu adolescent, prend un maiuvais chemin. 

    Enfer dantesque

    David L. Carlson bâtit avec patience un récit audacieux dans sa construction et sensible dans sa manière de suivre le personnage principal qui s’avère être non pas Charlie mais le taiseux et littérateur Matt, un homme passant son temps devant sa machine à écrire. Le caractère de cet homme mystérieux se dérobe au début pour le lecteur avant que ne débute la principale partie dans la prison de Stateville (Illinois). Nous voilà cette fois en 1936, dans un enfer carcéral que l’amitié de Matt et Richard va contribuer à humaniser.

    Le noir et blanc et les crayonnés hachurés de Landis Blair servent l’histoire vraie de Matt Rizzo et la plongée dans l’enfer dantesque, a fortiori pour un homme aveugle et que l’amitié avec l’un des plus grands criminels des Etats-Unis va paradoxalement sauver. "Dantesque" : ce terme n’est pas anodin car le salut de Matt passera par Dante, l’auteur de la Divine Comédie.  

    L’Accident de Chasse a reçu en 2021 le Fauve d’or du meilleur album au Festival d’Angoulême.

    David L. Carlson et Landis Blair, L’Accident de Chasse, éd. Sonatine, 2021, 472 p.
    https://www.lisez.com/livre-grand-format/laccident-de-chasse/9782355847813
    https://www.landisblair.com

    Voir aussi : "Respect pour les femmes"
    "Tout le portrait craché de sa mère"

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  • Je ne suis pas un héros

    Disons-le au moment d’ouvrir cette chronique :  14 Juillet de Bastien Vivès n’est pas l’actualité la plus chaude du dessinateur français, puisqu’il est sorti il y a un an. Aujourd’hui, celui qui peut être qualifié comme l’un des auteurs de BD les plus importants et les plus doués de sa génération, propose une aventure de Corto Maltese, reprenant le personnage mythique imaginé par Hugo Pratt.

    C’est d’un autre roman graphique dont je vais vous parler : 14 Juillet (éd. Casterman), avec Martin Quenehen au scénario. Récit à la fois sombre, intime et ancré dans notre époque, il risque de désarçonner les familiers de Bastien Vivès par son parti-pris socialo-politique.

    Le héros de ce récit tendu est Jimmy Girard, gendarme de son état : un homme solide, vanté par son supérieur pour ses capacités physiques, son esprit d’initiative et son charisme. Une collègue, Stéphanie, n’est pas insensible au charme du militaire, dont le destin va basculer sous la chaleur écrasante d’une petite ville du sud de la France. 

    Jimmy devient la figure du héros universel, mais non sans failles

    Lors d’un banale contrôle routier, Jimmy et ses collègues vérifient les papiers d’un homme venu s’installer dans la région. Il s’appelle Vincent, est un jeune retraité qui vient de perdre sa femme dans un attentat et est accompagné de sa fille, Lisa. Vivès est fasciné par ce duo aux comportements et aux mobiles des plus étranges. Une filature mène le gendarme sur la piste de Vincent jusque dans un quartier HLM. Jimmy s’engage dans une initiative à gros risque.

    Le graphisme de Bastien Vivès est reconnaissable entre tous : efficacité des traits à peine esquissés, travail sur le noir et blanc et sur les palettes de gris, avec des visages et des corps réduits à leur plus simple expression. Jimmy devient la figure du héros universel, mais non sans failles. Il faut lire et relire 14 Juillet pour comprendre la profondeur du récit dévoilant les failles des personnages et en particulier du gendarme Jimmy, trouvant dans Vincent la figure du père qu’il a perdu et dans Lisa une jeune femme fatale et inaccessible.    

    En faisant rejoindre les angoisses contemporaines de nos sociétés, la violence d’une actualité récente et l’intimité d’un militaire ordinaire, Bastien Vivès et Martin Quenehen proposent un roman graphique d’une belle maîtrise, où les silences et les non-dits sont bien plus importants que les mécanismes d’un récit patiemment construit.

    Bastien Vivès et Martin Quenehen, 14 Juillet, éd. Casterman, 2020, 256 p.
    https://www.casterman.com/Bande-dessinee/Catalogue/albums/quatorze-juillet
    http://bastienvives.blogspot.fr
    https://www.instagram.com/bastienvives

    Voir aussi : "Changez-vous, mademoiselle"
    "Les meilleurs amis du monde"

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