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Cinéma - Page 22

  • Infirmière d’entreprise 

    Rouge, annonce le film de Farid Bentouli, sorti en pleine pandémie. Rouge comme les boues d'une entreprise déversées en toute impunité dans la nature. Rouge comme la couleur syndicale que porte fièrement le père de Nour qui vient d’être embauchée comme infirmière de l’entreprise où il travaille depuis des années. Rouge aussi comme la passion que va mettre la jeune femme dans une cause à la fois juste et difficile pour elle. Voilà une infirmière d'entreprise devenant lanceuse d'alertes.    

    C’est dans un hôpital que commence le récit de Rouge, un film de Farid Bentoumi inspiré d’une histoire vraie, celle de l’usine de Gardanne. Nour (Zita Hanrot, César 2016 du meilleur espoir féminin pour Fatima) fait face à une urgence dont le spectateur finira pas comprendre les tenants et les aboutissants, même s’ils n’occupent pas le cœur de l’histoire.

    La carrière de la jeune femme prend un virage à la fois imprévisible et rassurant pour elle : elle est recrutée dans une usine chimique où travaille son père, par ailleurs délégué syndical. C’est un retour pour elle dans la famille tout autant que la découverte d’un travail a priori moins stressant que celui d’infirmière hospitalière. Sauf que Nour découvre un secret bien gardé : celui du rejet de boues toxiques depuis des années. Une enquête est menée par une journaliste, avec qui l’infirmière prend contact, au risque de détruire l’équilibre familial. 

    La lutte est si âpre que Rouge prend l’allure d’un thriller à la Erin Brockovitch

    On connaissait Goliath et cette lutte contre une multinationale. Avec Rouge, nous voilà dans une histoire qui se passe à hauteur d’hommes et de femmes. Le spectateur suit Nour, une infirmière bouleversée par son ancien travail et qui reprend pied dans un nouveau poste, au milieu des siens. Il y a le père, le toujours excellent Sami Bouajila, en ouvrier engagé et dévoué à son entreprise. Il y a la sœur aimée (Alka Balbir) qui s’apprête à se marier. La découverte des petits arrangements d’une multinationale ressemble à une lutte du pot de fer contre le pot de terre. Il y a de l’héroïsme chez l’infirmière sensible et passionnée, remuée aussi par les témoignages recueillis par Emma (la formidable Céline Salette) et se trouvant du jour au lendemain dans le rôle de lanceuse d’alertes, sans le vouloir vraiment.

    Engagé, Rouge l’est, bien évidemment : écologie, capitalisme, libéralisme, pollutions, syndicalisme. Les sujets sociaux et économiques embrassés sont au cœur de l’histoire. Mais il y a aussi la trame familiale et sociale, avec ces ouvriers trimant juste pour vivre, faisant fi de leur santé et des conséquences sur l’environnement. La lutte, on le devine, est si âpre que le film prend aussi l’allure d’un thriller à la Erin Brockovitch. Avec une Zita Hanrot formidable de justesse.

    Les infirmières d’entreprise ont décidément trouvé leur héroïne, pour ne pas dire leur modèle.

    Rouge, drame social franco-belge de Farid Bentoumi, avec Zita Hanrot, Sami Bouajila, Céline Sallette,
    Olivier Gourmet et Alka Balbir, 86 mn, 2020

    https://www.advitamdistribution.com/films/rouge

    Voir aussi : "Nourrir son monde"

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  • Fantasmer et faire l’amour

    Les films à sketchs, un genre à part et considéré avec méfiance, peut vite tomber dans le piège de sketchs de qualités variables. Les fantasmes de Stéphane et David Foenkinos n’évite pas cet écueil, ce qui ne l’empêche pas d’être une œuvre à la fois osée, souriante et étonnante.

    Soulignons d’emblée le choix de la bande originale, choisie avec soin, avec notamment la découverte ou redécouverte de "Teach Me Tiger" d’April Stevens.

    Stéphane Foenkinos et son écrivain de frère, auquel Bla Bla Blog consacre un hors-série spécial, ont choisi un thème unique : le fantasme en amour.

    Évidemment, il aurait fallu au moins plusieurs saisons d’une série pour creuser ce sujet. Les frères Foenkinos ont fait le choix d’aborder des fantasmes parfois étonnants, qui sont le titre de chacun des six sketchs : "Ludophilie" avec Denis Podalydès et Suzanne Clément, "Dacryphilie" avec Nicolas Bedos et Céline Sallette, "Sorophilie" avec Ramzy Bedia, Joséphine de Meaux et Alice Taglioni, "Thanatophilie" avec Monica Bellucci et Carole Bouquet, "Hypophilie" avec Joséphine Japy et William Lebghil et "Autagonistophilie" avec Jean-Paul Rouve et Karin Viard. 

    "Être excité de ne plus faire l’amour"

    Les mauvais coucheurs reprocheront la place donnée aux couples hétérosexuels, si l’on excepte toutefois le duo à contre-emploi de Monica Bellucci et Carole Bouquet, dans le rôle de lesbiennes thanatophiles. Ce sketch, qui est l’un des plus impertinents du film, est aussi paradoxalement celui qui ne parvient pas à aller jusqu’au bout de son propos et qui finit par retomber comme un soufflet, hélas. Tel n’est pas le cas de "Autagonistophilie", dans lequel Jean-Paul Rouve et Karin Viard se donnent à 200 % dans une comédie interrogeant la vie privée, l’œil de la caméra et la pornographie, non sans une certaine candeur.

    Il faut d’ailleurs remarquer que l’autre sketch très réussi interroge lui aussi le sexe et l’acteur : dans "Ludophilie", Vincent et Louise font du jeu de rôle le cœur de leurs fantasmes en couple. c’est le théâtre qui va avoir le dernier mot dans cette étonnante histoire de métamorphose.

    À côté des histoires plus prudentes, mais non sans audaces que sont "Sorophilie" ("être excité par la sœur de l’être aimé") et "Hypophilie" ("être excité de ne plus faire l’amour", sic), il faut s’arrêter sur le couple que forment Nicolas Bedos et Céline Sallette. Dans le duo glamour, Lisa, magnifique, éblouissante, paumée et drôle, se découvre un émoi très particulier : les larmes de son compagnon ! L’idée est tellement bonne qu’elle aurait certainement mérité d’être développée dans un long-métrage. Mais c’est là toutes les limites des films à sketchs.

    Les Fantasmes de Stéphane et David Foenkinos, comédie française à sketchs, avec Denis Podalydès, Suzanne Clément, Nicolas Bedos, Céline Sallette, Ramzy Bedia, Alice Taglioni, Monica Bellucci, Carole Bouquet, Joséphine Japy, William Lebghil, Karin Viard et Jean-Paul Rouve, 2021, 102 mn
    https://www.unifrance.org/film/50916/les-fantasmes
    https://www.facebook.com/david.foenkinos
    @DavidFoenkinos

    Voir aussi : "Anti fiction"
    "Le derrière de la pop"

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  • Stupeur et tremblements

    Olivier Peyon choisit d’introduire Tokyo Shaking par une scène étonnante, décalée et très révélatrice : un chœur de chanteuses japonaises interprète – en français – "Tout va très bien, madame la Marquise".

    Voilà qui annonce d’emblée un film entendant faire d’une catastrophe réelle – le séisme de mars 2011, suivie d’un tsunami et de l’explosion nucléaire de Fukushima – un drame singulier sur fond de déclaration d’amour et de pont entre le Japon et la France.

    Alexandra Pacquart vit et travaille à Tokyo dans une banque française qui s’apprête à faire un plan social et licencier une partie du personnel japonais. La manageuse est chargée de faire le sale boulot et de se débarrasser, entre autres, d’Amani Sassou, un stagiaire brillant et ambitieux. 

    Un récit qui fait du Japon le personnage principal du film

    Survient le séisme et la catastrophe nucléaire de Fukushima. Après avoir mis à l’abri sa famille, Alexandra doit gérer l’entreprise, s’occuper du personnel – et parmi eux certains et certaines dont elle devra se séparer d’ici peu –, organiser les évacuations et faire face à des ordres contradictoires. Contre toute attente, elle ne quitte pas le Japon, sous le regard incrédule de ses compatriotes expatriés mais aussi et surtout des autochtones japonais.

    Tokyo Shaking revisite le film catastrophe pour en faire moins un récit survivaliste que le portrait d’une femme bien plus ancrée dans le Japon qu’on ne le soupçonnait, jusqu’à évacuer sa propre famille et privilégier le pays où elle vit et travaille. Olivier Peyron puise dans l’histoire récente (la catastrophe nucléaire de Fukushima) le cœur d’un récit qui fait du Japon le personnage principal du film. Avec une Karin Viard jamais aussi bonne lorsque est prise dans des turbulences incontrôlables, la fragilisant au point de faire de cette business woman impitoyable une femme bouleversée par ses propres employés. 

    Un  joli film qui ravira tous les amoureux et amoureuses du Japon. 

    Tokyo Shaking, drame franco-belge d’Olivier Peyon, avec Karin Viard, Stéphane Bak, Yumi Narita  et Charlie Dupont : Bertrand Pacquart, 2021, 101 mn, Canal+
    https://wildbunchdistribution.com
    https://www.canalplus.com/cinema/tokyo-shaking/h/16381823_50001

    Voir aussi : "Nourrir son monde"

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  • Salaud de musicien !

    Trois ans avant le désormais cultissime La La Land, le réalisateur américain Damien Chazelle frappait les esprits avec Whiplash, son deuxième film, centré lui aussi sur la musique. À l’instar de son premier opus Guy and Madeline on a Park Bench sorti en 2009, il s’agit d’un film sur le jazz.

    Par contre, contrairement à ce dernier (et cela vaut aussi pour La La Land), il n’est pas question d’une histoire d’amour mais d’un duel implacable sur fond de standards de jazz, dont le "Whiplash" de Hank Levy qui donne son titre au film.

    Andrew Neiman est un jeune batteur de jazz. Un batteur de jazz doué, et même très doué. On pourrait ajouter qu’il est de la race de ces musiciens dont la carrière promet d’être dorée. En intégrant le conservatoire Shaffer, il rêve de rejoindre l’orchestre de Terence Fletcher ; et cela tombe bien : ce dernier, professeur intransigeant le remarque, et lui donne une chance de jouer pour lui. Sauf que l’intransigeance se transforme vite en attitude autoritaire. Andrew est tiraillé entre ses ambitions et les comportements de plus en plus violents de son professeur. 

    Une vraie réincarnation du sergent instructeur Hartman dans Full Metal Jacket

    Il fallait un acteur investi autant qu’un musicien doué pour jouer le rôle de ce jazzman dans la fleur de l’âge. C’est Miles Teller qui s’y est collé, avec un talent salué par la critique comme le public. Dans le rôle du professeur et chef d’orchestre dictatorial, J. K. Simmons fait froid dans le dos : une vraie réincarnation du sergent instructeur Hartman dans Full Metal Jacket de Kubrick… C’est dire !

    Bien que le jazz soit l’autre personnage central du film, Whiplash plaira à tous les spectateurs même non-familiers de ce genre musical. Peut-être même cela les poussera-t-il à vouloir découvrir ce répertoire...

    D’où vient cependant le malaise procuré par le film de Chazelle ? D’abord au sujet : le harcèlement est montré dans une crudité et un réalisme troublant, à l’exemple du "concours" qu’organise Fletcher entre ses trois batteurs. Mais il y a aussi ce message ambigu sur les méthodes disons border-line, pour être gentil, que le professeur de jazz impose à ses musiciens : entraînements poussés jusqu’à l’épuisement, insultes, challenges impossibles à relever. Tout cela est bien connu dans le monde du travail en entreprise. Dans le monde exigeant des arts, il se trouve justifié par le résultat final de l’excellence. Que de sang, de sueur et de cris au service d’une œuvre d’art.

    La conclusion de Whiplash fait figure de curieux retournement artistique et moral que l’on jugera soit logique soit déplacé. C’est en tout cas l’un des meilleurs films de 2014, à juste titre. Trois ans plus tard, Damien Chazelle allait montrer tout son talent avec le plus consensuel mais aussi plus réussi, La La Land.  

    Whiplash, drame américain de Damien Chazelle, avec Miles Teller et J. K. Simmons, 2014, 106 mn
    https://www.advitamdistribution.com/films/whiplash
    https://www.canalplus.com/cinema/whiplash/h/5082288_40099

    Voir aussi : "La la la ♫♪♫"
    "Cher papa, insupportable père"

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  • Nourrir son monde

    La Nuée de Just Philippot faisait partie cette année de la sélection des Césars 2022 comme Meilleur Premier Film, récompense qu'il a ratée de peu.

    Plus que cette nomination, ce qui justifie de parler de ce film est la facture d'une œuvre unique, un drame qui se frotte à l’anticipation, avec un discours particulièrement riche sur les notions de famille, de maternité, de nature, d’alimentation et de folie. Pour le dire autrement La Nuée pourrait être présentée comme un Petit Paysan au féminin qui rencontrerait David Cronenberg ou Julia Ducournau (Grave, Titane).

    Veuve depuis peu, Virginie s’occupe seule d’un élevage de sauterelles. Dans ce sud de la France, l’agricultrice, élevant seule ses deux enfants (les formidables jeunes acteurs Marie Narbonne et Raphaël Romand), peut vite passer pour une douce illuminés avec ses serres high-tech avec son élevage d'insectes. En dépit de sa foi de charbonnière elle peine à nourrir son monde, à défaut de pouvoir nourrir un jour le monde. Mais, entre elle et ses animaux, une étrange relation commence à se développer. 

    La formidable Suliane Brahim fait figure de mère nourricière effrayante de conviction

    La Nuée avait fait son effet au Festival de Cannes 2020 (Semaine de la critique) mais aussi au Festival international du film fantastique de Sitges 2020 (Prix spécial du jury et Prix de la meilleure interprétation féminine) et au Festival international du film fantastique de Gérardmer 2021 (Prix du public et Prix de la critique).

    Le premier long-métrage de Just Philippot frappe par son art de complètement déstabiliser le spectateur. Commençant comme un drame social, La Nuée se transforme en film hitchcockien (version Les Oiseaux), avec des fulgurances horrifiques dans les vingt dernières minutes.

    La formidable Suliane Brahim fait figure de mère nourricière effrayante de conviction. On voit aisément dans cet excellent premier film une parabole sur la planète mais aussi sur la maternité : voilà une femme délaissant sa progéniture (par exempls, elle laisse à sa fille le soin de conduire son frère aux entraînements de foot) pour nourrir ses enfants de substitution.

    La Nuée est un incroyable drame fantastique à découvrir. 

    La Nuée, drame fantastique français de Just Philippot,
    avec Suliane Brahim, Sofian Khammes, Marie Narbonne et Raphaël Romand, 2020, 101 mn

    https://capricci.fr/wordpress/product/la-nuee

    Voir aussi : "Marguerite et Margot"

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  • Cher papa, insupportable père

    Toni Erdmann fait partie de ces films qu’il faut prendre le temps de découvrir pour apprécier les personnages, leurs évolutions, leurs contradictions et aussi la subtilité des rapports humains. La réalisatrice Maren Ade (également au scénario) a construit avec patience un duo inattendu, mené par deux grands comédiens, Peter Simonischek et Sandra Hüller 

    Ines est une femme d’affaire installée en Roumanie pour raisons professionnelles. Cette cadre froide, célibataire sans enfant,  Winfried, un retraité débonnaire que l’on pourrait dire venant d’une époque révolue – celle de mai 68 s’il était français – cultive l’art de la blague potache, avec cet air de clown triste qui le rend justement irrésistible. Il est bien à l’opposé de sa consultante de fille, partie en mission en Roumanie pour les besoins de sa boîte qui met au point un plan d’externalisation qui risque d’avoir des conséquences sociales importantes. Des conséquences sociales qui ne font ni chaud ni froid à la business woman.

    Lorsque son père débarque en Roumanie à l’improviste, la jeune femme est déstabilisée par cet homme aux antipodes d'elle-même. Winfried finit par la quitter et revenir au pays, mais c’est pour mieux revenir en Roumanie quelques jours plus tard, cette fois grimé sous le pseudonyme de Toni Erdmann, une caricature de VIP (il se présente comme ambassadeur allemand). Ines ne peut assister qu’impuissante à la nouvelle intrusion de son père fantasque, capable de ruiner ses rendez-vous professionnels et privés et renvoyant à sa fille une image déformée de sa propre vie. 

    La longue étreinte d’Ines et de Winfried restera longtemps dans les mémoires

    Lors de sa présentation à Cannes en 2016, Le Monde a parlé de Toni Erdlmann comme une "onde de choc" salutaire et d’une drôlerie incroyable, avec cet humour grinçant et pince-sans-rire que propage l’incroyable Peter Simonischek, dans le rôle de Winfried/Toni Erdmann. Sandra Hüller casse pareillement la baraque dans son interprétation diamétralement opposée d'une business woman collet monté à la beauté glaciale, dénuée de toute fantaisie, et dont l’unique but semble se résumer à des tableaux Excel et des rapports économiques sur la meilleure manière d’améliorer la rentabilité d’un groupe international. Comment la fille et le père vont-ils cohabiter, tant leur monde est diamétralement opposé ? Vont-ils finir par se comprendre ?

    Maren Ade déplie avec patience l’histoire de ces retrouvailles inattendues, souvent drôles, jusqu’à la dernière partie du film où le loufoque fait une incroyable irruption dans la vie d’Ines, à la faveur d’une réception dont nous ne dévoilerons rien. La nouvelle irruption du père devient tout aussi inattendue, avec un message tout en symbole et une courte scène bouleversante et silencieuse.

    En 2016, le jury de Cannes a "oublié" Toni Erdmann, ce qui a étonné les professionnels comme le public qui avait découvert ce film à la très grande richesse, menée par un duo de comédiens si soudé que la longue étreinte d’Ines et de Winfried restera longtemps dans les mémoires.

    Vite, à découvrir et redécouvrir !  

    Toni Erdmann, comédie dramatique germano-autrichienne de Maren Ade,
    avec Peter Simonischek et Sandra Hüller, 2016, 162 mn
    https://www.france.tv/films/2715005-toni-erdmann.html
    https://www.hautetcourt.com/films/toni-erdmann/

    Voir aussi : "Au cœur du BEA"
    "Abominables additions"

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  • Anne et Hannah

    On ne va pas se mentir : l’histoire d’Anne Franck n’a jamais été aussi bien traitée que par le film de George Stevens (The Diary of Anne Frank, 1959) et bien entendu par le Journal d’Anne Franck. Le manuscrit de l’adolescente néerlandaise, retrouvé par miracle par son père après la guerre, est par la suite devenue une œuvre majeure de la littérature mondiale, le journal le plus célèbre du monde et aussi une des pierres angulaires de la littérature concentrationnaire.

    Le film Anne Frank, ma meilleure amie, proposé par Netflix, est consacré à ce sujet sensible et difficile sous un biais inattendu. Il fallait être culotté pour revenir sur ce récit, ce que Ben Sombogaart et ses deux interprètes principales, Josephine Arendsen et Aiko Mila Beemsterboer, font avec conviction.

    Le film est tout d’abord inspiré d’une histoire vraie, celle d’Hannah Goslar, toujours vivante en 2022, qui a été la plus proche amie d’Anne Franck. Adolescentes lorsque les Pays-Bas sont envahis par l’occupant nazi, les deux jeunes juives vivent de plein fouet l’antisémitisme et les rafles qui font rage.

    Elles se vouent une amitié solide en dépit de leur caractère opposée : Hannah est réservée, presque effacée, alors qu’Anne, la future auteure du Journal, se montre drôle, prolixe, ambitieuse (elle rêve d’être écrivaine connue et de parcourir le monde), avec parfois des réactions qui laissent son amie désarçonnée.

    Ce sont des adolescentes comme il en existe des millions par le monde : l’école, les jeux, les premiers émois, les dragues avec les garçons et les amitiés, tantôt trahies tantôt respectées jusqu’à la mort. Et c’est justement la mort qui rôde autour de ces jeunes filles. 

    Une amitié exceptionnelle et bouleversante

    Anne Frank, ma meilleure amie n’est pas le récit des deux années de clandestinité dans l’Annexe d’Amsterdam où elle et sa famille se sont cachées pour échapper à leur arrestation. Cette arrestation aura finalement lieu en août 1944. Anne Franck meurt l’année suivante, en avril 1945, à  Bergen-Belsen.

    C’est du reste dans ce camp de concentration qu’ont lieu plusieurs scènes majeures du film. On y suit Hannah, déportée comme son amie. Elle est persuadée qu’Anne a émigré en Suisse, suite à une lettre laissée par son père Otto. Elle s’aperçoit de son erreur : non seulement son amie n’a jamais quitté Amsterdam, mais en plus elle a été arrêtée comme elle et est détenue dans le même camp. La retrouver et lui parler devient son obsession.

    Ben Sombogaart alterne les épisodes à Amsterdam, préludes au cauchemar qui s’annonce et la  reconstitution d’un camp de concentration avec une Hannah Goslar s’accrochant à la vie et prenant une fillette sous sa protection. Josephine Arendsen et Aiko Mila Beemsterboer dans le rôle d’Anne Franck sont formidables de justesse. Le refus d’édulcorer le personnage de la jeune auteure est louable. Par contre, le public sera sans doute déçu que sa période de clandestinité dans l’Annexe soit volontairement mise de côté.

    L’essentiel n’est pas là : le jeune public va pouvoir grâce à Netflix découvrir voire redécouvrir la figure majeure d’Anne Franck et pourquoi pas lire son indispensable Journal. Le film, lui entend surtout insister sur une amitié exceptionnelle et bouleversante.  

    Anne Frank, ma meilleure amie, drame historique de Ben Sombogaart,
    avec Josephine Arendsen, Aiko Mila Beemsterboer et Roeland Fernhout, 2021, 103 mn, Netflix

    https://www.netflix.com/fr/title/81248111
    https://www.annefrank.org

    Voir aussi : "Naissance de Marcel Marceau"
    "Cours, Etsy, cours"

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  • Jusqu’à ce que la mort nous sépare

    Le point fort de The Trip, petit film de série Z venu de Norvège, est bien évidemment son actrice principale : la star internationale Noomi Rapace. À la réalisation, on retrouve le cinéaste norvégien Tommy Wirkola qui avait déjà fait tourner l’actrice suédoise dans l’excellent Seven Sisters.

    Pas de science-fiction ici, ni de dystopie, mais un thriller sanglant, sans autre prétention que de susciter tour à tour frissons et rires grâce à un humour noir ne s'embarrassant pas de précautions. 

    Ce n’est pas le grand amour, loin de là, entre Lars et Lisa. Lui, réalisateur et scénariste dévoyé dans des séries télés minables et elle, actrice abonnée aux petits rôles, ont vu leur couple se désagréger petit à petit. Un week-end est pourtant organisé dans la maison familiale de Lars, au bord d’un lac en Norvège. Un moyen pour eux de se retrouver et de se ressourcer ? Les apparences sont trompeuses : en réalité, Lars et Lisa ont décidé chacun de se débarrasser de l’autre. Mais leur plan capote complètement quand débarquent des criminels, des vrais, en fuite. Lars et Lisa vont devoir se serrer les coudes pour se tirer d’un mauvais pas. 

    Mille et un moyens de trucider son voisin… y compris à la tondeuse à gazon

    Inutile de trouver dans The Trip la trace d’un quelconque message, hormis une mise en abîme à la fin du film. Tommy Wirkola embarque les deux anti-héros, loosers magnifiques et se trouvant une âme de meurtriers amateurs, dans un enfer où rien – ou presque ne leur sera épargné. Le spectateur apprendra d’ailleurs mille et un moyens de trucider son voisin… y compris à la tondeuse à gazon.

    Noomi Rapace est parfaite dans ce petit polar où les influences de Quentin Tarantino ou Robert Rodriguez sont bien entendu évidentes : sens de la répartie, scènes à la fois baroques, sanglantes et bourrées d’humour, sans oublier ces méchants à la gueule mémorable.

    The Trip est un divertissements sanglant que l’on regardera au deuxième ou troisième degré. Et pour les nombreux fans de Noomi Rapace, il est bien entendu immanquable.   

    The Trip, thriller norvégien de Tommy Wirkola, avec Noomi Rapace, Aksel Hennie, André Eriksen, Christian Rubeck et Atle Antonsen, 2021, 108 mn, Canal+
    https://www.canalplus.com/cinema/the-trip/h/16818464_50001

    Voir aussi : "Flukt, alors !"

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