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Hors-série David Foenkinos

  • Petite bibliothèque et Grande Librairie

    Si vous avez déjà Le Mystère Henri Pick de David Foenkinos, ce n’est pas grave. Sinon, c’est encore mieux. L’adaptation en bande dessinée de l’un de ses livres les plus célèbres, Le Mystère Henri Pick (éd. La Boîte à Bulles) revient sur une de ses intrigues les plus singulières, naviguant entre un coin paumé de Bretagne et le Paris bobo et culturel. Pascal Bresson, au scénario, et Ilaria Tebaldini, au dessin, ont commis le tour de force d’adapter une histoire attachante à plus d’un titre, mêlant histoire d’amour, secret de famille et plongée dans la nomenklatura éditoriale parisienne.  

    L’une de ces intellectuelles, Delphine Despero, jeune éditrice chez Grasset, a le nez fin lors d’un week-end en Bretagne dans sa famille. Elle vient présenter à ses parents Frédéric Koskas, son ami et modeste écrivain. Au cours de son séjour, elle entend parler d’une bibliothèque municipale présentant un rayon de manuscrits refusés et déposés par des auteur⸱e⸱s. Elle s’y rend et tombe sur un roman dont le titre - Les dernières heures d’une histoire d’amour - l’indique. Lecture faite, Delphine sort convaincue qu’elle est tombée sur un best-seller. L’auteur, un certain Henri Pick, est connu dans la région comme un modeste pizzaiolo qui n'a jamais montré aucune âme d'artiste ou d'intellectuel. Il est décédé depuis. Alors que le roman fait le buzz, le mystère reste entier sur cet Henri Pick. Quel secret cachait-il ? Et surtout, est-il l’auteur du fameux roman ?

    Une belle histoire d’amour et d’artiste

    Évidemment, il est impossible d’en dire plus sur cette intrigue devenant vite une enquête menée par un journaliste du Figaro, aux faux-airs de Michel Houellebecq – Michel Houellebecq que l’on croise par ailleurs au début de la bande dessinée. Autre caméo, celui de David Foenkinos, l’auteur du roman, lui-même. Le lecteur attentif le trouvera au milieu du plateau de La Grande Librairie, alors que son animateur François Busnel prépare l’interview de la veuve d’Henri Pick.

    Cette histoire de manuscrit inédit devenu livre à succès s’intéresse aussi et surtout au choc des cultures entre le milieu feutré de l’édition et celui plus simple et sans prise de tête d’une petite ville à la campagne. Toutes ces personnes se croisent mais ont du mal à se comprendre, à l’image de l’interview pour La Grande Librairie.

    Pascal Bresson a réussi une belle adaptation du roman de David Foenkinos. Il a été aidé en cela par le pinceau d’Ilaria Tebaldini, croquant quelques figures réelles du monde des livres. Au réalisme, elle préfère appuyer sur les traits pour accentuer les expressions. Un soin particulier a été apporté aux paysages et décors – la Bretagne, Paris. Le lecteur se laissera prendre par ce qui est finalement une belle histoire d’amour et d’artiste.

    Pour celles et ceux qui avaient tout de même lu le roman de David Foenkinos, ne boudez pas votre plaisir et allez redécouvrir ce qui est sans doute l'uns des meilleures histoires de l'écrivain. 

    Pascal Bresson et Ilaria Tebaldini, Le Mystère Henri Pick, éd. La Boîte à Bulles, 2024, 176 p.
    D’après un roman de David Foenkinos
    https://www.la-boite-a-bulles.com/album/670/content/53
    https://www.facebook.com/people/Pascal-Bresson-BD/100012233622350
    https://www.instagram.com/ilaria.tebaldini.art 
    https://www.facebook.com/david.foenkinos 

    Voir aussi : "La bibliothèque des auteur·e·s inconnu·e·s"
    "David Foenkinos, son œuvre"

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  • Nous nous sommes tant séparés

    Dans la production littéraire de David Foenkinos, l’un des auteurs français les plus célèbres et les plus bankables – si l’on me permet cette expression – son roman Nos Séparations est sans doute l’un des moins cités. Osons le dire : il y a un peu de dédain pour ce livre qui précède immédiatement La Délicatesse et qui suit une période relativement calme après le succès incroyable du Potentiel érotique de ma femme quatre ans plus tôt.

    Écrit à la première personne, Nos Séparations raconte la vie sentimentale et amoureuse des plus compliquées de Fritz. Jeune Parisien cultivé, le jeune homme décroche un stage inespéré aux éditions Larousse. Céline Delamare, qui le recrute, montre d’abord un visage distant mais le jeune diplômé lui plaît. Or, dans sa vie privée, Fritz file le grand amour avec Alice. Entre les deux, les choses roulent, jusqu’à ce qu’elle lui présente ses parents et sa sœur, Iris. 

    Nous voilà dans un Foenkinos, un bon Foenkinos.
    Très bon ? N’exagérons pas

    Pas de doute, nous voilà dans un Foenkinos, un bon Foenkinos. Très bon ? N’exagérons pas ! En tout cas, ce roman sur les amours et les séparations successives d’un Parisien un peu paumé ne dépayseront pas le lecteur familier de l’auteur français.

    Il y a du social autant que du sentimental et de l’érotique dans ce séduisant livre. Voilà un Parisien de la fin des années 2000 devant se faire une place au soleil autant qu’une place dans un lit – ou plusieurs. Intellectuel instable ? Cœur d’artichaut ? Sans doute les deux. Mais l’auteur fait une large place à ces femmes qui traversent la vie de Fritz, que ce soit Céline, Iris, Lise et bien sûr Alice.

    Car c'est Alice qui est au cœur de sa grande love story. Une jolie histoire d’amour faite de séparations et de retrouvailles. Jusqu’où et surtout jusqu’à quand ? Ces deux-là sont-ils faits pour vivre ensemble malgré les différences et les désaccords ? C’est ce que lecteur découvrira, au terme d’un long voyage intime et professionnel où il sera question de repas partant en cacahuètes, de vendeurs de cravates et de plusieurs passages par le cimetière.   

    David Foenkinos, Nos Séparations, éd. Gallimard, 2008, 224 p.
    https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782072767692-nos-separations-david-foenkinos
    https://www.facebook.com/david.foenkinos

    Voir aussi : "L’art de la collection"
    "David Foenkinos, son œuvre"

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  • L’art de la collection

    C’est avec son troisième roman, Le Potentiel érotique de ma Femme (éd. Gallimard), que David Foenkinos est devenu l’un des écrivains français les plus populaires, un succès jamais démenti et qui fait l’objet d’un hors-série sur Bla Bla Blog.

    Le cœur des romans de Foenkinos sont ces personnages contemporains, des anti-héros vaguement paumés, ou du moins décalés dans notre époque sophistiquée. Hector est un de ces archétypes. Le roman commence d’ailleurs par son suicide – raté, lui aussi.

    Célibataire – on ne dira pas "vieux garçon" –, notre Parisien trentenaire est le maillon faible de sa famille, avec un frère aîné préféré, installé et admiré. Signe particulier, Hector a une lubie : la collection sous toutes ses formes. Cette passion lui a causé cependant de grosses désillusions, au point qu’il se décide d’abandonner, non sans douleur,  cette maladie qu'est la collectionnite. À la même époque, il rencontre Brigitte. C’est l’amour fou, avec un projet de mariage. Hector serait-il tiré d’affaire ? Pas sûr. 

    Un titre accrocheur, volontairement provocateur

    Dans Le Potentiel érotique de ma Femme, ces hommes paumés, décalés, souvent blessés par leur enfance, permettent à David Foenkinos d'étinceler. Sa prose est virevoltante, délicieuse, colorée et bourrée d’humour. Ajoutons à cela un titre accrocheur, volontairement provocateur (nous sommes 13 ans avant #Meetoo) et qui a sans doute fait pour beaucoup dans le succès du livre.

    L’air de rien, l’auteur français parle d’abord d’amour, de fantasmes, du respect de l’autre, dans un climat léger. La mort et le malheur sont traités avec légèreté (que l’on pense à la scène dans la cave entre Hector et son beau-frère).

    C’est aussi l’histoire d’une résurrection et d’un changement de vie, grâce à une femme et aussi une fantaisie érotique.  

    Pour ce roman, David Foenkinos a reçu en 2004 le Prix Roger-Nimier.

    David Foenkinos, Le Potentiel érotique de ma Femme, éd. Gallimard, 2004, 192 p.
    https://www.folio-lesite.fr/catalogue/le-potentiel-erotique-de-ma-femme/9782072767593

    Voir aussi : "Mort et vies d’Eric Kherson"
    "David Foenkinos, son œuvre"

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  • Mort et vies d’Eric Kherson

    Comme souvent chez David Foenkinos, ses personnages sont des êtres perdus dans notre époque ultramoderne. Disons aussi qu’il y a une part de mal-être autant et des questionnements existentialistes derrière ces romans a priori légers et qui se lisent avec un plaisir presque coupable.

    La Vie heureuse (éd. Gallimard),Le dernier cru de l’un de nos plus célèbres et plus brillants écrivains français part d’une idée géniale et méconnu en nos latitudes.  

    Eric Kherson, brillant exemple de réussite professionnelle après un passage réussi chez Decathlon, se voit proposer un poste à responsabilité auprès d’un cabinet stratégique dirigé par une ancienne camarade de lycée d’Eric. Amélie Mortiers est aussi brillante qu’exigeante. Elle a les oreilles des grands responsables publics, jusque à L’Élysée. Voilà le duo complémentaire en charge de chercher des investisseurs à l’étranger. Un voyage professionnel les amène en Corée du Sud. Contre toute attente, Eric est atteint d’un malaise, a priori peu grave, avant de découvrir un commerce de service peu commun. Sa vie s’en trouve transportée.

    Faux enterrements

    Comme souvent chez Foenikinos, on se laisse emballer par un récit d’héros du quotidien paumés par leur vie et souvent à l’étroit dans un destin tout tracé. Cette fois, nous sommes face à un cadre brillant, ambitieux et qui a trouvé dans l’entreprise d’une ancienne copine d’école le moyen de s’élever socialement.

    Mais, comme souvent, il y a ces fêlures : la mort d’un père dont Eric se sent coupable, les relations difficiles avec une mère et un divorce qui a éloigné notre anti-héros de ses enfants. Voilà qui fait d’Eric "un être absent au monde".

    Rien que du classique. Sauf que cette fois, l’auteur nous déniche une tradition peu connue en France et qui est le déclencheur de la révolution "khersonienne" : un centre organisant de faux enterrements. Notre Français s’aperçoit que, loin d’être glauque, cette boutique propose un vrai service de développement personnel. Enthousiasmé, la question se pose : et s’il importait en France ces faux enterrements ?

    David Foenkinos, La Vie heureuse, éd. Gallimard, 2024
    https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Blanche/La-vie-heureuse
    https://www.facebook.com/david.foenkinos

    Voir aussi : "Je hais Harry Potter"
    "David Foenkinos, son œuvre"

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  • Je hais Harry Potter

    Tiens, cela faisait longtemps qu’on n’avait pas parlé de David Foenkinos, à l'honneur dans notre hors-série. Un auteur formidable, populaire, parmi les locomotives de la littérature française, et qui nous a proposé l’an dernier son dernier petit bijou, Numéro Deux (Gallimard).

    Un titre bien énigmatique. Qui est ce fameux second ? Pour avoir la réponse, il faut revenir 25 ans en arrière, lorsque le phénomène de la littérature mondiale, Harry Potter, est sur le point d’être porté à l’écran. David Foenkinos en profite pour évoquer la genèse puis le déclenchement d’un raz-de-marée inédit autour de JK Rowling, l’auteure de l’histoire du petit sorcier. Lorsque le premier tome sort, Martin Hill est un garçon de 10 ans, fils unique d’un couple franco-anglais sur le point de se séparer. Sa mère, Jeanne, retourne à Paris. Martin vit avec son père, artiste contrarié et accessoiriste sur les plateaux de cinéma.

    Un jour, ce dernier l’emmène avec lui au travail. Un producteur remarque Martin et lui propose de faire un essai de casting pour le rôle d’Harry Potter. Martin et son père acceptent. Les essais sont encourageants mais, finalement, c’est Daniel Radcliffe qui est choisi. Raté pour le jeune Hill. C’est aussi le début d’un long, très long calvaire.

    Un long, très long calvaire

    On est touché par cette histoire de perdant, assommé par un échec et qui n’arrive pas à s’en remettre, le succès de la saga d’Harry Potter lui renvoyant à chaque instant à ce qu’il aurait pu être : un acteur adulé. L’histoire du petit sorcier et ses adaptations filmées sont de tels triomphes qu’ils renvoient continuellement son échec au garçon arrivé deuxième au casting. "Il lui serait dorénavant impossible d'échapper à ce qu'il avait raté. Ce fameux droit à l'oubli que l'on évoque pour les criminels, il ne pouvait pas s'en prévaloir. Pire, on aurait dit que le pays entier soufflait sur les braises de son échec."

    Il faut bien préciser que David Foenkinos a entièrement imaginé l’histoire de ce garçon qui a failli être Harry Potter et qui ne s’en est jamais remis. Pour autant, l’auteur français raconte qu’il a bien existé, d’après ce qu’il a lu, un candidat recalé pour ce rôle. Il ne lui restait plus qu’à imaginer son histoire.

    Numéro Deux se déroule entre Londres et Paris, sur environ 25 ans. Le lecteur suit l’histoire d’un jeune garçon très vite frappé par le malheur, comme si des Détraqueurs s’étaient vengés sur lui, faute de pouvoir se rabattre sur l’élève de Poudlard. À la découverte du roman, on devinera tout aussi bien qui endosse le rôle de Voldemort. Évidemment, impossible d’en dire plus.

    Des moments assez inoubliables nous trotteront longtemps dans la tête : les castings de Martin, la visite du "Poudlard" polonais ou encore la dernière partie au Ritz de Paris.

    Numéro Deux mérite d’être qualifié de bon cru de Foenkinos. C'est aussi un hommage à tous ces "deuxièmes", ces oubliés et perdants qui ne le sont pas vraiment. 

    David Foenkinos, Numéro Deux, éd. Gallimard, 2022, 240 p.
    https://www.facebook.com/david.foenkinos
    http://www.gallimard.fr

    Voir aussi : "David Foenkinos, son œuvre"
    "Anti fiction"

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  • Fantasmer et faire l’amour

    Les films à sketchs, un genre à part et considéré avec méfiance, peut vite tomber dans le piège de sketchs de qualités variables. Les fantasmes de Stéphane et David Foenkinos n’évite pas cet écueil, ce qui ne l’empêche pas d’être une œuvre à la fois osée, souriante et étonnante.

    Soulignons d’emblée le choix de la bande originale, choisie avec soin, avec notamment la découverte ou redécouverte de "Teach Me Tiger" d’April Stevens.

    Stéphane Foenkinos et son écrivain de frère, auquel Bla Bla Blog consacre un hors-série spécial, ont choisi un thème unique : le fantasme en amour.

    Évidemment, il aurait fallu au moins plusieurs saisons d’une série pour creuser ce sujet. Les frères Foenkinos ont fait le choix d’aborder des fantasmes parfois étonnants, qui sont le titre de chacun des six sketchs : "Ludophilie" avec Denis Podalydès et Suzanne Clément, "Dacryphilie" avec Nicolas Bedos et Céline Sallette, "Sorophilie" avec Ramzy Bedia, Joséphine de Meaux et Alice Taglioni, "Thanatophilie" avec Monica Bellucci et Carole Bouquet, "Hypophilie" avec Joséphine Japy et William Lebghil et "Autagonistophilie" avec Jean-Paul Rouve et Karin Viard. 

    "Être excité de ne plus faire l’amour"

    Les mauvais coucheurs reprocheront la place donnée aux couples hétérosexuels, si l’on excepte toutefois le duo à contre-emploi de Monica Bellucci et Carole Bouquet, dans le rôle de lesbiennes thanatophiles. Ce sketch, qui est l’un des plus impertinents du film, est aussi paradoxalement celui qui ne parvient pas à aller jusqu’au bout de son propos et qui finit par retomber comme un soufflet, hélas. Tel n’est pas le cas de "Autagonistophilie", dans lequel Jean-Paul Rouve et Karin Viard se donnent à 200 % dans une comédie interrogeant la vie privée, l’œil de la caméra et la pornographie, non sans une certaine candeur.

    Il faut d’ailleurs remarquer que l’autre sketch très réussi interroge lui aussi le sexe et l’acteur : dans "Ludophilie", Vincent et Louise font du jeu de rôle le cœur de leurs fantasmes en couple. c’est le théâtre qui va avoir le dernier mot dans cette étonnante histoire de métamorphose.

    À côté des histoires plus prudentes, mais non sans audaces que sont "Sorophilie" ("être excité par la sœur de l’être aimé") et "Hypophilie" ("être excité de ne plus faire l’amour", sic), il faut s’arrêter sur le couple que forment Nicolas Bedos et Céline Sallette. Dans le duo glamour, Lisa, magnifique, éblouissante, paumée et drôle, se découvre un émoi très particulier : les larmes de son compagnon ! L’idée est tellement bonne qu’elle aurait certainement mérité d’être développée dans un long-métrage. Mais c’est là toutes les limites des films à sketchs.

    Les Fantasmes de Stéphane et David Foenkinos, comédie française à sketchs, avec Denis Podalydès, Suzanne Clément, Nicolas Bedos, Céline Sallette, Ramzy Bedia, Alice Taglioni, Monica Bellucci, Carole Bouquet, Joséphine Japy, William Lebghil, Karin Viard et Jean-Paul Rouve, 2021, 102 mn
    https://www.unifrance.org/film/50916/les-fantasmes
    https://www.facebook.com/david.foenkinos
    @DavidFoenkinos

    Voir aussi : "Anti fiction"
    "Le derrière de la pop"

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  • En attendant les jours meilleurs

    Sorti en 2014,  La Tête de l’Emploi de David Foenkinos (éd. J’ai lu) appartient à cette catégorie de romans coutumiers de l’auteur de La Famille Martin : une comédie douce-amère s’intéressant à des personnages ordinaires, des "invisibles" à la vie terne et sans aspérités. Ils pourraient être nos voisins ou des membres de notre famille qu’on finit par ne plus remarquer.

    Notre "héros", qui s’exprime à la première personne comme beaucoup de romans de Foenkinos, s’appelle Bernard. Il travaille dans une banque – la BNP – comme conseiller financier et est bien décidé à y rester jusqu’à la retraite.

    Dans sa vie privée, Bernard est marié avec Nathalie depuis plus de 20 ans. Ils ont eu une fille, Alice, partie vivre au Québec à l’âge de vingt ans. Lorsque le roman commence, Bernard a cinquante ans. Sa vie est un long fleuve tranquille, même si le lecteur devine derrière ce personnage, une faille qu’il aborde ainsi à l’ouverture de son récit : "Un jour, mes parents ont eu l’étrange idée de faire un enfant : moi".

    Ces parents, qui "auraient fait de bons personnages de roman", il en sera question plus tard dans le roman, lorsque Bernard aura commencé une descente aux enfers, descente qui commence par l’annonce par sa femme qu’elle souhaite qu’ils se séparent. Une séparation temporaire, juge d’abord le mari refroidi, qui le contraint à prendre une chambre d’hôtel. Mais comme souvent, le temporaire peut vite devenir définitif. Cette chambre est située non loin de son lieu de travail, et c’est justement là qu’a lieu la suite de son aventure tragi-comique. 

    Bernard entend bien sauver les apparences

    Son chef, Laperche, un de ces personnages de bureau machiavéliques et pervers – au sujet duquel il faudra bien  qu’une étude soit pour l’œuvre de Foenkinos – contraint le conseiller bancaire à occuper à mi-temps le guichet d’accueil pour remplacer une employée qui a été licenciée afin "d’alléger la masse salariale". Ce déclassement qui ne dit pas son nom va avoir de sérieuses conséquences professionnelles après sa crise de couple ("J’avais le sentiment que les trente dernières années de ma vie venaient d’être réduites à néant"). La seule issue de Bernard est de revenir vivre chez ses parents, un couple aussi déprimant que lui, aussi radin qu’ennuyeux. Mais Bernard entend bien à la fois sauver les apparences (sa fille ne doit surtout pas être au courant de sa déchéance) et rebondir, en attendant des jours meilleurs.

    On retrouve dans ce roman sorti il y a moins de 10 ans toutes les qualités de la plume de David Foenkinos : un style léger et virevoltant, le parti pris d’assumer sans rougir des histoires de gens ordinaires, et avec tout cela de l’humour, grinçant parfois lorsque Bernard retourne chez ses parents et constate qu’il redevient à à cinquante ans un adolescent infantilisé.

    Héros ordinaire, personnage a priori falot et ennuyeux, Bernard parvient tout de même à se rendre attachant lorsque, notamment, il brise son armure lors d’une soirée mémorable avec ses parents et leurs voisins. Les personnages secondaires s’effacent derrière cet homme aussi peu-moderne (il avoue qu’il aurait plus sa place en 1982 qu’en ce début de millénaire) qu’adepte de la routine mais que des circonstances extérieures mettent au pied du mur.

    On le devine : David Foenkinos va lui trouver un nouveau but improbable dans sa vie. Grâce à une femme, bien entendu. 

    David Foenkinos, La Tête de l’Emploi, éd. J’ai lu, 2014, 286 p.
    https://www.facebook.com/david.foenkinos
    http://www.gallimard.fr
    @DavidFoenkinos

    Voir aussi : "David Foenkinos, son œuvre"
    "Qui nous protégera du bonheur ?"
    "Anti fiction"

     

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  • Anti fiction

    Avec La Famille Martin (éd. Gallimard), son dernier livre sorti à ce jour, David Foenkinos abandonnait la noirceur de ces précédents romans (Charlotte, Vers la beauté, Deux sœur) pour une comédie littéraire sous forme de fausse autofiction, mais moins comique et plus tendre que cet autre roman, Qui se souvient de David Foenkinos ?

    Pour La Famille Martin, il s’agit encore d’une histoire d’inspiration et de création littéraire dans laquelle la matière vivante et le quotidien sont appelés à la rescousse pour produire un nouveau livre. Sauf que le quotidien en question n’est pas celui de l’auteur et narrateur mais celui des autres, des inconnus, des voisins et des anonymes qui ont plus à raconter que ce que l'on veut bien dire :  "Je ne voulais surtout pas me laisser embarquer dans l'écriture d'un roman qui servirait d'arrosoir pour les fleurs d'une tombe. Je préférais me consacrer aux vivants", écrit-il.

    Pour le narrateur, ce nouveau travail littéraire commence donc dans la rue, et précisément en bas de son immeuble. Presque par jeu, David Foenkinos (du moins, sans doute le double de l’écrivain) s’adresse à la première personne qu’il croise : ce sera elle l’héroïne de son futur roman ! Il s’agit en l’occurrence d’une vieille dame tout à fait ordinaire. Une certaine Madeleine Tricot (un nom de famille des plus ordinaires, lui aussi). Ce faisant, cette dernière va lui ouvrir les portes de sa famille, les Martin.

    On aurait tort de prendre La Famille Martin comme une de ces autofictions dans lesquelles l’auteur a le beau rôle. En réalité, David Foenkinos fait du hasard une arme romanesque pour rendre hommage à ses contemporains que rien, a priori ne distingue des autres. Grave erreur : car en s’invitant dans cette famille, l’écrivain en manque d’inspiration es persuadé qu’il peut y trouver matière à un roman. Après tout, dit-il, non sans malice, "la narration vient en narrant". 

    Héroïsme quotidien

    Outre Madeleine, il y a, dans cette famille Martin, Valérie, une femme lassée par son quotidien et par un mari, Patrick, terne employé sur le point d’être convoqué par un directeur pervers narcissique avant, croit-il, un licenciement. À cela s’ajoutent les deux enfants, Lola et Jérémie, respectivement 17 et 15 ans. Toute cette petite famille va servir de matière vivante à ce futur livre.

    Dans ce voyage dans une famille française, David Foenkinos se met lui aussi en scène et se trouve également obligé de se confier sur sa propre vie. Juste retour d’ascenseur pour celui qui se fait enquêteur jusqu’à traquer des secrets de famille ou des amours restés cachés.

    Un trouble saisit le lecteur au sujet de l’odeur de vérité de ce roman, tout comme l’auteur peut en être embarrassé : "Le vrai paraît souvent improbable. J’avais peur de m’emparer du réel, et qu’on l’estime moins crédible que la fiction.  Je redoutais qu’on puisse ne pas croire, qu’on se dise que toute cette histoire était inventée." Ainsi, "soumis à la vie de [ses] personnages", David Foenkinos se met en scène, dans une série de mises en abîme, en train d’écrire sur ses personnages, de prendre des notes, de les mettre en perspective, de douter sur leur "intérêt" aussi. Non sans humour, l’écrivain s’imagine en Pasolini et dans la peau du visiteur de Théorème, "la perversion et les rapports sexuels en moins", précise-t-il quand même.

    On pourrait presque en oublier David Foenkinos, obsédé qu'il est par son envie de saisir le romanesque de ces personnages de la vraie vie, les Martin. Sauf qu'il finit par devenir à la fois spectateur de la vie de cette famille et lui-même protagoniste de sa propre histoire, qu’il choisit de ne pas enjoliver. En se mettant en retrait et en s’effaçant comme il le fait lors du voyage de Madeleine en Californie, l’auteur finit par rendre à ces Martin toute leur folie et même leur héroïsme quotidien.

    David Foenikinos, La Famille Martin, éd. Gallimard, 2020, 226 p.  
    https://www.facebook.com/david.foenkinos
    http://www.gallimard.fr
    @DavidFoenkinos

    Voir aussi : "David Foenkinos, son œuvre"
    "À la recherche de l’idée perdue"

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