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Le festival Normandie Impressionniste a pour partenaire la SNCF qui a mis en place depuis Paris Gare Saint-Lazare un Train de l’Impressionnisme. Ce TER, cofinancé par la région Normandie, circule les week-end jusqu’au 26 septembre et a été custosmisé aux couleurs du festival. Il dessert Rouen, Le Havre et n’oublie pas la gare de Vernon-Giverny, la patrie de Claude Monet.
Pourquoi Saint-Lazare ? Pour des raisons touristiques évidentes, mais également en référence à la série "Gare Saint-Lazare" réalisée par l’homme aux nymphéas. Douze tableaux différents sur le même lieu ont été peints, saisissant autant d’impressions différentes. La Vie du Rail souligne que d’autres gares SNCF – Le Havre, Rouen, Caen, Bernay, Lisieux et Saint-Lô – célèbrent elles aussi le festival Normandie Impressionniste en accueillant des expositions d’œuvres appartenant aux collections de musées normands.
Voyager avec Monet et consorts au pays des Impressionnistes peut donc se vivre dès votre embarquement dans les TER normands.
"Je dois tout à Boudin" disait Claude Monet à propos de celui que l'on peut qualifier de "baliseur de l'impressionnisme." Artiste majeur du XIXe siècle, précurseur de la modernité picturale, innovateur fondamental, Eugène Boudin (1824-1898) reste l'auteur de peintres de marines et de plages normandes dont se sont inspirées pour le meilleur et pour le pire pléthores de peintres du dimanche !
Limiter Boudin à ces scènes de genre c'est oublier son apport capital dans l'histoire esthétique du XIXe siècle. Le Musée d'art moderne André Malraux (MuMa) du Havre, qui possède la deuxième plus importante collection du natif de Honfleur (325 oeuvres) propose une grande exposition consacrée : "Eugène Boudin : l'atelier de la lumière" (16 avril-26 septembre 2016), dans le cadre du festival Normandie Impressionniste. La dernière exposition havraise de ce type datait de 1906. Cette incongruité illustre les liens ambigus que Boudin entretenait avec sa ville d'adoption.
Attaché à Honfleur, le peintre est soutenu financièrement au début de sa carrière par la ville du Havre. Elle prend cependant ombrage des choix peu académique d'un artiste déjà considéré comme très doué. Peu avant sa mort, Eugène Boudin décide de léguer plusieurs toiles à sa ville de naissance. Le Havre ne devait, elle, recevoir que deux toiles. C'est son frère Louis Boudin, et surtout son exécuteur testamentaire Gustave Cahen, qui dotent Le Havre d'un fond de peintures et de dessins considérable. Et c'est un autre admirateur, Pieter Van der Velde, collectionneur et mécène, qui impulse au début du XXe siècle la vocation d'art moderne du musée havrais en faisant entrer dans ses collections des œuvres de Monet, Sisley, Pissaro, Renoir et bien entendu Boudin.
La reconnaissance réelle des impressionnistes et la paradoxale discrétion d'un peintre attachant méritent que l'on s'arrête sur celui que Corot surnommait "Le roi des ciels".
Le MuMa s'arrête sur un parcours artistique passionnant qui a mené Boudin de la Normandie à Londres, en passant par la Bretagne, Paris et les Pays-Bas, toujours à la recherche d'une nouvelle esthétique.
Dans ses jeunes années, lorsqu'il rencontre Jean-François Millet, l'auteur des Glaneuses entend le dissuader de se lancer dans la peinture, ce que Boudin fera pourtant, encouragé par Constant Troyon et Thomas Couture. Grâce à leurs encouragements et leurs appuis, il obtient une bourse du Havre où il vit depuis ses onze ans. Des natures mortes et des copies au Louvre n'apportent pas satisfaction aux édiles havraises. Le jeune peintre est déjà obnubilé par des questions esthétiques qui ne cesseront de le tarauder : les rendus de la lumière, l'immédiateté, le travail en plein air plutôt que dans l'atelier et la priorité donnée à la nature ("La nature est mon grand maître"). Il convainc d'ailleurs Claude Monet, de seize ans son cadet, de le suivre pour ses exécutions en pleine nature, comme le prouvent les études de barques des deux artistes : ce parti-pris s’avérera fondamental dans le devenir du futur mouvement impressionniste.
Cet homme modeste, généreux et altruiste, tiraillé par ses engagements familiaux et professionnels, veut approcher un idéal esthétique : capter la beauté impalpable des paysages, saisir l'évanescence et les "métamorphoses de l'enveloppe" . Dès ses premiers dessins de pêcheurs dans les années 1850, Boudin immortalise la mer, le ciel, les nuages (les "beautés météorologiques" comme le qualifie Baudelaire) et les personnages comme fondus dans les paysages.
À partir de 1862, Eugène Boudin représente ses premières scènes de plages: Trouville (La page de Trouville, 1865, notamment). L'artiste affectionne ces œuvres, peu goûtées par les collectionneurs qui les qualifient "d'approximatives". On croirait Boudin parler d'eux lorsqu'il parle des habitants de Deauville qu'il a si souvent représentés : "Bande de parasites, qui ont l'air si triomphants !" Les amateurs d'art critiquent les représentations esquissées si éloignée de la peinture académique : dans les scènes de plages, les figures vues de près ont des airs de masques de carnaval, les groupes de personnages sont statiques, les silhouettes se dissolvent, les motifs disparaissent jusqu'à l'abstraction et la lumière domine. L'esquisse au service de la fluidité des tableaux prend sa revanche. Sous l'influence de Johann Barthold Jongkind, le trait est ferme, concis, économe (L'embarcadère et la jetée de Trouville, 1867). L'esquisse est la marque de la modernité dont les impressionnistes puis les nabis sauront se souvenir.
Moderne, Boudin l'est dans le choix de ses sujets : le tourisme en Normandie, la campagne bretonne représentée dans tous ses contrastes (Bretagne, Scène d'Intérieur, 1865-1870 ou La pointe du Raz, 1887), les paysans (Paysages. Nombreuses Vaches à l'Herbage, 1881-1888), les travailleurs populaires (Lavandières, 1881-1889) ou les scènes de pêche (Le Chargement du Poisson, 1880). Il l'est également dans le cercle de ses relations. De 1861 à 1889, il participe au Salon des artistes français, à la demande de Puvis de Chavannes. En 1863, il est au Salon des Refusés à Paris, fréquente les plus modernes des artistes de l'époque et travaille avec Courbet et Whistler à Trouville. En 1874, Boudin participe au premier salon impressionniste, bien qu'il se considère comme ne faisant partie d'aucune école. Il reste dans la modernité lorsqu'il invente la série, ressassant les mêmes sujets (plages, ports, bateaux, soleils couchant, et cetera), mais en variant la effets de lumière. Là encore, l'art de l'esquisse est porté à son apogée lorsque Boudin créé des versions réduites de tableaux de salon, avec toujours pour obsession le rendu subtil de la lumière "qui a un langage. Il faut la faire parler, il faut la faire chanter. Il ne faut pas la faire gueuler." L'étude devient œuvre à part entière (Étude de Ciel, 1855-1862).
Travailleur infatigable, Boudin n'hésite pas à retravailler en atelier des œuvres qui sont d'abord nés en pleine nature. Lorsqu'il "frotte" des marines, il entend garder intact l'impression primitive au moment où il finit ("perle") l'ouvrage dans son atelier parisien.
Après une crise de l'art qui l'oblige à vivre quelques temps aux Pays-Bas (1876), le peintre reçoit la reconnaissance de ses pairs, de l'Etat qui lui achète des peintures (Marée basse, 1884 puis Un Grain, 1886) et surtout des modernes impressionnistes. Ces derniers n'oublient pas le chemin balisé par leur aîné : le travail sur la lumière, bien sûr, mais aussi les exécutions en pleine nature, l'esquisse, la disparition du motif ou la réflexion sur le geste de l'artiste avec les séries. Boudin portait un regard plein de lucidité sur sa carrière : "Si plusieurs de ceux que j'ai eu l'honneur d'introduire dans la voie, comme Claude Monet, sont emportés plus loin par leur tempérament personnel, ils ne m'en devront pas moins quelque reconnaissance, comme j'en ai dû moi-même, à ceux qui m'ont conseillé et offert des modèles à suivre."
"Eugène Boudin : l'atelier de la lumière", MuMa Le Havre, 16 avril-26 septembre 2016 Eugène Boudin : L'Atelier de la Lumière, éd. RMN,MuMa, Paris, 2016, 240 p. Normandie Impressionniste
Normandie Impressionniste célèbre cette année le portrait. Parmi les 800 manifestations, la galerie Duchamp, à Yvetot (Seine-Maritime), propose de s’intéresser à la place du portrait dans notre société contemporaine, obnubilée par les écrans et l’hyperpersonnalisation (réseaux sociaux, selfies, omniprésence de la photo et de la vidéo).
Dans ces conditions comment l’art numérique peut-il aborder le portrait ? À leur époque, les impressionnistes ont été novateurs dans leur manière de représenter ce sujet : "Les impressionnistes ont tiré une force vitale de la révolution industrielle, de la vitesse des transports, des évolutions technologiques de leur temps" dit à juste titre Fleur Helluin, artiste exposante et à l’origine de la manifestation à la galerie Duchamp, "L’empreinte directe du vécu sur le temps", du 2 mai au 30 juin 2016.
À Yvetot, cet événement interrogera la représentation de la figure à l'heure de la révolution numérique, à travers une approche pluridisciplinaire : des peintures de Fleur Helluin (Bear et Shooting, 2013), des installations de Sébastien Hilldebrand (Figures de style, 2014), un rapport de faux souvenirs d’Aurore Gosalbo (Rapport 1984, 2015) et une vidéo de Bill Viola, Reverse Television (Reverse Television - Portraits of Viewers, 1984).
Bill Viola est une figure majeure de l’art vidéo qu'il utilise au travers d'installations parfois monumentales. Ses œuvres lui permettent d'aborder des thèmes fondamentaux comme la vie, la mort, le sommeil ou la naissance. Reverse Television consiste en une série de "portraits de téléspectateurs", de brefs plans fixes dans laquelle Viola inverse la position et le regard des téléspectateurs. Filmés dans leur salon, ils fixent la caméra comme s'il s'agissait de leur poste de télévision. Comme les impressionnistes, Bill Viola se concentre sur la lumière et ses qualités changeantes pour représenter les sujets, réalistes et montrés sous des angles inhabituels.
Même si l'approche contemporaines pourra décontenancer voire rebuter une partie du public, saluons cette initiative d'ouvrir Normandie Impressionniste à l'art conceptuel. En un sens, Bill Viola, comme du reste les autres artistes de cette manifestation de la Galerie Duchamp, se place dans la lignée des modernistes du XIXe siècle.
Fleur Helluin fait cet autre commentaire au sujet de l'exposition qu'elle a imaginée : "En animaux mimétiques, nous nous adaptons avec vivacité à notre environnement. Quand nous voyons plus du monde à travers un écran qu’à travers une expérience directe, c’est la représentation de la figure qui doit être questionnée et mise en mouvement."
"L’empreinte directe du vécu sur le temps", du 2 mai au 30 juin 2016, Galerie Duchamp, 7, rue Percée, 76190 Yvetot Du lundi au vendredi de 9h00 à 12h00 et de 13h30 à 17h30 et le samedi de 14h00 à 17h30 sur rendez-vous. http://www.galerie-duchamp.com
L'un des événements phares de Normandie Impressionniste, "Scènes de la vie impressionniste", au Musée des Beaux-Arts de Rouen (16 avril-26 septembre 2016), donne le la d'un festival placé cette année sous le signe du portrait. Cette exposition temporaire propose un parcours passionnant au cœur de la planète impressionniste, découpé en 12 sections thématiques. Il est question tour à tour de la caricature, de la vie quotidienne et familiale, des artistes et de leurs modèles, de l'intérêt pour l'enfance et l'adolescence, des représentations sociales et des portraits de groupes ou d'artistes s'admirant, s'influençant et se rendant hommage mutuellement.
D'emblée, l'impressionnisme est identifié au travail de plein-air et à la peinture de paysages, champs d'expérimentation infinis pour des artistes passionnés par la représentation des jeux d'ombre et de lumière comme par les le travail sur l'eau et le ciel. Mais les impressionnistes vont aussi consacrer une partie de leur énergie à des sujets neufs pour l'époque, des thèmes considérés au XIXe siècle comme triviaux : intérieurs d'appartements modernes, scènes de la vie quotidienne (bains, déjeuners, lectures), types sociaux ignorés par l'académisme pictural (ouvriers, prostituées, comédiens ou saltimbanques), villes et nouveaux lieux de sociabilité (troquets, théâtres, usines). Des individus ou groupes d'individus sont représentés d'une manière inédite : enfants, adolescents ou artistes eux-mêmes. Les portraits étaient jusque-là réservées aux personnalités importantes de la société ou aux représentations mythologiques. Avec le courant impressionniste, les modernes plongent dans la vie quotidienne et s'intéressent à leurs contemporains, souvent avec acuité et sensibilité.
Au cours de son voyage au pays des portraits,le visiteur sera sas doute surpris de découvrir que les premières créations de Claude Monet, immédiatement associé aux paysages, ont été des caricatures (section "Monet et la caricature"). À l'âge de 15 ans, celui-ci suit les traces de brillants prédécesseurs, Nadar ou Honoré Daumier. Le jeune Monet excelle dans le dessin mordant de ses contemporains comme celui du notaire haverais Léon Manchon (Léon Manchon, ca. 1858). Il excelle également dans des caricatures pittoresques de types sociaux (le touriste anglais, la jeune Normande, le marin), qui sont les plus anciennes œuvres de l'auteur des Nymphéas.
La section "Identités artistiques : portraits croisés, autoportraits, cercles" propose des portraits ou des autoportraits d'artistes, se mettant en scène mutuellement. Marcelin Desboutin représente Degas concentré sur une lecture. Pierre-Auguste Renoir immortalise son ami Claude Monet (1872). Gauguin, de son côté, est autoportraitisé en 1885 dans une pose terrible. On sent le peintre déprimé et en plein doute, alors que l'homme s'apprête à abandonner femme et foyer pour se lancer dans son aventure picturale. La pièce maîtresse de cette salle, mais aussi de l'exposition, est le célèbre portrait de Berthe Morisot par Edouard Manet (Berthe Morisot au bouquet de violettes, 1872). Cette "Joconde du XIXe siècle", chef d'œuvre pictural et icône du Musée d'Orsay depuis son acquisition en 1998, immortalise Berthe Morisot, figure majeure de l'impressionnisme dont la rencontre a marqué Édouard Manet (Le Balcon, 1869).
Le musée consacre un espace à un type de personnage à l'importance inédite : celui du modèle (section "Muses et modèles"). Avec la révolution impressionniste, les modèles sont très clairement identifiés, contrairement à des artistes académiques comme Jean-Baptiste Corot. Ces portraits prennent une résonance particulière en raison des liens intimes entre les artistes et leur modèle. Quelques grandes figures se détachent. Outre Berthe Morisot, muse, artiste et amie de Manet, citons Lise Tréhot, la maîtresse de Renoir, sa femme Aline Renoir ou Camille Doncieux la jeune épouse de Monet. Dans une salle qui est à ne surtout pas manquer, le musée de Rouen propose de découvrir ou redécouvrir le magnifique portrait en pied de Prospérie Bartholomé, peint quelques mois avant son décès. Ce tableau d'Albert Bartholomé, Dans la serre (1881), est présenté dans une mise en scène poignante avec le vêtement du modèle. Après la disparition de sa femme et muse, désespéré et déboussolé, Albert Bartholomé troquera ses pinceaux contre des ciseaux, se faisant "le sculpteur de la mort."
En plongeant dans l'intimité des peintres impressionnistes, le spectateur entre au cœur de la vie des artistes : familles, épouses, enfants et amis (section "Portraits de famille"). Les scènes familiales sont bien présentes dans l'exposition du Musée des Beaux-Arts : Le Déjeuner dans la Serre de Louise Abbéma (Musée de Pau, 1877) représentant entre autres l'actrice Sarah Bernhardt ou La Famille Dubourg de Henri Fantin-Latour (1878), un portrait familial à la facture terne et sombre.
Parmi ces portraits, figurent en bonne place ces délicates figures d'adolescentes, ces "jeunes filles en fleur" aux visages retenus (section "Jeunes et Julie"). Les impressionnistes n'en font plus des archétypes peu identifiables – lorsqu'il ne s'agit pas de représentations de déesses mythologiques – mais des personnes proches. Lorsque Renoir peint Julie Manet dans le portrait de 1894 (Mademoiselle Julie Manet), il immortalise la nièce de son amie Édouard Manet, fille de Jules Manet et de Berthe Morisot.
Les enfants ne sont pas oubliés (section "L'enfance : de Renoir à Cassatt, un thème impressionniste"). Qu'ils soient représentés en portraits ou en groupes, ils prennent une place particulière dans le mouvement impressionniste. Au XIXe siècle, l'enfant acquiert un statut nouveau. L'émancipation, l'affection parentale, les premiers droits sociaux qui leur sont accordés (travail, enseignement), en font des personnes à part entière. Les enfants sont largement représentés : dans leur berceau chez Berthe Morisot (Le berceau, 1872), endormis chez Gauguin (La Petite rêve, 1881), à vélo chez Monet (Jean Monet on his Hobby Horse, 1872), en plein travail scolaire chez Renoir (Coco écrivant, 1906) ou posant simplement comme chez Pissarro (La Fille de l'Artiste, 1872). Ces portraits baignent dans une sérénité artificielle. Les enfants ne jouent pas, ne bougent pas et sont mis en scène jusque dans leur apparence : joues rouges, rubans dans les cheveux, pose appuyée (Auguste Renoir, Portrait de Jean, 1899). Jean Monet avait avoué que les longues poses que lui imposaient son père étaient exténuantes.
Où s'arrête la sphère privée ? Où commence la sphère publique ? Lorsqu'il est question de représenter les cafés (que ce soit au Guerbois ou à la Nouvelle Athènes), ce sont autant des espaces intimes qui sont immortalisés que des représentations de lieux de sociabilité (section "En société : extérieurs et émancipation"). Les peintres impressionnistes raffolent de ces lieux de vie : troquets (Gustave Caillebotte, Au Café, 1880), théâtres (Mary Cassatt, Woman in a Peal Neckplace in a Lodge, 1879), parcs ou scènes de lectures publiques (Pierre-Auguste Renoir, La Lecture du Rôle, 1874-1876). Ces scènes permettent aux impressionnistes d'expérimenter de nouvelles techniques, que ce soit le cadrage chez Mary Cassatt ou les effets de miroirs chez Caillebotte.
Le Musée des Beaux-Arts de Rouen permet aussi au spectateur de se plonger dans le quotidien des Impressionnistes à travers la restitution d'un intérieur (section "Intimités"). Il est évoqué, grâce à la reproduction par les Ateliers d'Offard (Tours), d'un papier peint issu du Musée des Arts Décoratifs. Là encore ce sont des scènes quotidiennes qui s'offrent au spectateur : une femme s'éveillant (Federico Zandomeneghi, In Bed, 1878) , un petit déjeuner (Édouard Vuillard, Le déjeuner du Matin, 1903), une scène de thé (Mary Cassatt, The Cup of Tea, 1880-1881), une autre de couture (Édouard Vuillard, Madame Vuillard cousant, vers 1902) et des femmes à la toilette (Edgar Degas, Femme se lavant la jambe gauche ou Femme se coiffant, posth. 1919-1921). Cette salle permet de prolonger l'exposition impressionniste vers le mouvement des Nabis.
Dans la section "Portraits de groupes : portraits et hommages", le spectateur est saisi par l'aménagement symbolique d'une salle. D'une part, est installé un monumental tableau de Jules Alexandre Grün, Un vendredi au Salon des artistes français (1911). Ce tableau conforme à l'académisme, met en scène une pléthore d'artistes et de mondains au milieu de sculptures classiques diaphanes, dont une de Raoul Larche à la gloire de Jean-Baptiste Corot. D'autre part, est accrochée une peinture de Maurice Denis, Hommage à Cézanne (1900), à la facture plus sombre, qui voit se réunir un groupe d'artistes autour d'une nature morte. Le groupe d'artistes immortalise les liens intimes plutôt que l'agitation mondaine présente chez Grün. Et au centre de cet espace, tels des dieux admirés, sont rassemblés des bustes d'Edgar Degas, de Claude Monet, d'Auguste Rodin, de Maurice Denis et de Federico Zandomeneghi.
Les liens solides entre les artistes impressionnistes, où transparaissent les influences mutuelles, l'admiration voire l'affection, sont également présents dans les échanges épistolaires ("Correspondances, lettres et liseuses") et dans les photographies inédites (section "Les photos d'artistes"). Bien plus qu'une exposition picturale (les sculptures sont peu présentes), "Scènes de la vie impressionniste" remplit le contrat auprès du visiteur en lui proposant d'entrer de plain-pied dans l'univers intime des géants de l'Impressionnisme les rendant d'autant plus proches.
La 3e édition de Normandie impressionniste revient à partir de ce week-end, et jusqu’à la fin 2016. Comme en 2011 et 2013, la Normandie rend hommage et célèbre l’impressionnisme à travers 800 manifestations réparties sur autant de sites. Signalons que pour la première fois, l’essaimage territorial de Normandie Impressionniste se calque sur la nouvelle grande région Normandie.
Le thème choisi par le festival est celui du portrait qui est décliné autour d’expositions, de spectacles vivants, de créations contemporaines, de danses, de concerts, de pièces de théâtre, d’opéras, de colloques ou de guinguettes. L’impressionnisme a été un mouvement pictural révolutionnaire, admiré autant que décrié au XIXe siècle, et dont les apports dans le monde de l’art ont été incommensurables. Erick Orsenna, président du Conseil Scientifique du festival Normandie Impressionniste, rappelle que les peintres impressionnistes ont eu à cœur le goût de l’innovation (le travail sur les couleurs, sur lumière, sur le travail en plein-air plutôt qu’en atelier…), au cours d’une période foisonnante et tournée vers les révolutions (politiques, sociales, culturelles, artistiques ou industrielles. "Ils ont révolutionné la peinture et ouvert la voie à toutes les audaces. Quel encouragement pour les artistes d’aujourd’hui, pour tous les artistes !" dit Erik Orsenna.
Le portrait est le thème choisi par Normandie Impressionniste. Jérôme Clément, Commissaire Général du festival, souligne que l'impressionnisme ne se limite pas à la peinture de la nature ou de la flore. Des artistes comme Gustave Caillebotte (avec une rétrospective exceptionnelle, "Caillebotte, peintre et jardinier", au Musée des Impressionnismes de Giverny du 25 mars au 3 juillet 2016), Edgar Degas, Auguste Renoir ou Edouard Manet ont été des portraitistes exceptionnels.
L’impressionnisme est aussi une affaire d’hommes, de rencontres, d’influences, d’admirations et d’émulations. Par ailleurs, ces artistes ont voulu s’intéresser à des sujets neufs, à leur environnement, dans un monde en plein bouleversement. Ce sont leurs contemporains en tant qu’individus, qui les intéressaient. Le Musée des Beaux-arts de Rouen présente dans son exposition "Scènes de la vie impressionniste" (du 16 avril au 26 septembre 2016) cet aspect d’un mouvement pictural profondément humaniste. "Qu’est-ce qu’un portrait ? Une leçon d’attention à une personne, la quête de son secret, le respect et la célébration de sa différence. Un portrait, c’est de l’humain concentré", dit Jérôme Clément.
Le bloggeur reviendra sur plusieurs des événements organisés dans le cadre de Normandie Impressionniste. Outre l’exposition "Scènes de la vie impressionniste" au Musée des Beaux-arts de Rouen, il sera question de deux rétrospectives majeures : celle d’Eugène Boudin au Muma ("Eugène Boudin, L'Atelier de la lumière" Musée d’Art Moderne André Malraux) au Havre du 16 avril au 26 septembre 2016 et celle sur Fritz Thaulow (1847-1906), "Paysagiste par nature". Ce peintre norvégien, peu connu en France mais pourtant fondamental, sera mis à l’honneur au Musée des Beaux-arts de Caen, du 16 avril au 26 septembre 2016. Il sera également question sur ce blog d’art contemporain et de musique.
La cuvée 2013 de Normandie Impressionniste avait attiré 1,8 millions de spectateurs. Pour 2016, les organisateurs parient sur le même succès, "en plaçant l’humain au cœur du festival" grâce au thème du portrait (avec notamment une de ses variantes contemporaines, le selfie).
"Tous Impressionnistes" : tel est le slogan de cette troisième édition de Normandie Impressionniste.