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Hors-série Tatiana de Rosnay - Page 4

  • Tatiana de Rosnay sur les pas de Daphné du Maurier

    Qui mieux que Tatiana de Rosnay pouvait parler de Daphné du Maurier ? Manderley for ever (éd. Albin Michel / Héloïse d’Ormesson) est la biographie vivante de l’une des plus grandes auteures de la littérature anglaise, une femme passionnante qui a arpenté le XXe siècle, de 1907 à sa mort en 1989, qui a côtoyé l’aristocratie guindée anglaise avant de s’émanciper et de connaître la gloire grâce à son plus célèbre ouvrage, Rebecca (1938).

    Ce personnage de Rebecca va, du reste, accompagner Daphné du Maurier tout au long de sa vie, jusqu’à faire de l’ombre aux autres grands livres qu’elle publie et que pourtant le public de l’époque dévore (L'Auberge de la Jamaïque ou Ma cousine Rachel). L’adaptation cinéma de Rebecca par Alfred Hitchcock en 1940 (avec Joan Fontaine et Laurence Olivier dans les rôles titres) assoit la notoriété d’une auteure bien plus complexe que ce que les critiques veulent bien dire d’elle. L’écrivain populaire, considéré par les mauvaises langues comme "facile" et "sentimentale", influencé par le roman gothique et marqué par l’œuvre des sœurs Brontë, est aussi une maîtresse du thriller psychologique, comme elle le démontrera dans la nouvelle des Oiseaux, elle aussi adaptée par Hitchcock.

    Tatiana de Rosnay propose dans cette biographie de suivre les pas de Daphné du Maurier, si consciente du poids de Rebecca dans son œuvre qu’elle intitule son livre du nom de la propriété imaginaire de Mme de Winter. "J’ai rêvé la nuit dernière que je retournais à Manderlay." C’est ainsi que commence Rebecca, et c’est aussi de cette manière que Tatiana de Rosnay appréhende son travail sur Daphné du Maurier.

    Les cinq chapitres de Manderley for ever s’ouvrent sur des pérégrinations géographiques de l’auteure franco-anglaise, de Londres (période 1907-1925) à Kilmarth en Cornouailles (1969) en passant par Menabilly.

    Menabilly est le Manderley de Daphné du Maurier : une propriété magnétisante qu’elle va louer pendant vingt ans. Tatiana de Rosnay fait de ce manoir un endroit unique pour lequel l’auteure de Rebecca va avoir un coup de foudre dès sa découverte en 1928 : "Daphné ne parvient pas à chasser de son esprit les images de la maison. Pourquoi est-elle posséder à ce point par un passé qui n’est pas le sien, hantée par la mémoire des murs d’un manoir abandonné ?"

    Pérégrinations géographiques

    L’identification de Manderley à Menabilly conduit inévitablement à voir dans Rebecca un double de Daphné du Maurier, de la même manière que sa célèbre héroïne l’est de la seconde épouse de monsieur de Winter. La question de l’identité et du double est d’ailleurs ce qui rythme toute la vie de Daphné du Maurier. Identité familiale, avec la place considérable de son père Gerald, un comédien adulé en ville et un envahissant modèle à la maison, à la fois adoré et craint. Identité familiale toujours, avec une généalogie dont Daphné du Maurier est parvenue à dénouer le vrai du faux en retrouvant ses origines jusque dans la Sarthe et faire taire les légendes sur ses aïeux. Identité sexuelle aussi : dans une Grande-Bretagne rigoriste héritée de l’époque victorienne, la future Madame Browning, du nom son époux, ce commandant de terre britannique – et héros malgré lui d’Un Pont trop loin –, est une femme guidée d’abord par ses passions et par quelques grands amours secrets, la plupart des femmes : Fernande Yvon, la directrice du pensionnat de Meudon où la jeune londonienne part étudier, Ellen Doubleday, l’épouse de son éditeur new-yorkais ou bien l’actrice Gertrude Lawrence dont le décès soudain la marquera cruellement.

    Daphné du Maurier est une femme sans cesse tiraillée entre une vie paisible à Menabilly pendant laquelle l’écriture est son activité essentielle, et ses questionnements personnels qui l'obsèdent, de la même manière que Rebecca de Winter hantait la jeune épouse de son mari. "Quel ennui d’être une fille," lui fait dire Tatiana de Rosnay au début de sa vie. Un garçon croisé à Londres pendant sa jeunesse, Éric Avon, devient ainsi un modèle et son double masculin qui lui permettra de se battre contre les préjugés de son époque. Daphné du Maurier, bien en avance sur son temps, était une femme en guerre pour sa liberté, qui en a connu le goût grâce à la littérature mais qui a aussi dû se plier aux injonctions de son époque. De ce point de vue, les relations qu’elle a tissées avec ses grands amours que furent Fernande Yvon, Ellen Doubleday ou Gertrude Lawrence sont à la fois d’un romanesque et d’une cruauté implacable.

    Derrière une des œuvres les plus lues de la littérature anglaise se cachait un des plus beaux exemples de l’émancipation féminine. Comme le disait le Los Angeles Times après son décès : "Toute sa vie, Mlle Du Maurier batailla, en vain, pour ne pas être étiquetée comme écrivain ‘romantique.’" Sans nul doute, l’expression "en vain" n’a plus lieu d’être depuis la parution, il y a trois ans, de cette biographique exemplaire de Daphné du Maurier.

    Tatina de Rosnay, Manderley for ever, éd. Albin Michel / Héloïse d’Ormesson, 2015, 459 p.
    http://www.tatianaderosnay.com

    Voir aussi : "Tatiana de Rosnay, son œuvre"
    "Sous l’eau"

  • Sous l’eau

    C’est avec À l’Encre russe que Bla Bla Blog commence son hors-série sur Tatiana de Rosnay. Après ces deux romans historiques (Elle s’appelait Sarah et Rose), l’auteure surprenait, pour ne pas dire qu’elle prenait à contre-pied, ses lecteurs avec cette histoire d’anti-héros et d’écrivain à succès contraint de respecter ses engagements littéraires dans un palace italien.

    Nicolas Duhamel, ou Nicolas Kolt pour le grand public, a signé l’Enveloppe, un best-seller français international devenu une adaptation cinéma réussie avec Robin Wright. Du jour au lendemain, ce jeune homme qui peinait à joindre les deux bouts et était obligé de vivre chez sa mère, devient une star de l’édition. Tout lui réussit, malgré une séparation difficile avec Delphine, la femme qui a connu son virage vers le succès. Un succès qui a son revers, car Nicolas s’est transformé en un sale gosse capricieux qui décide de traîner sa nouvelle petite amie Malvina au Gallo Negro, un hôtel réservé à la jet-set. Quatre ans après la parution de son roman à succès, le lieu retiré du monde et loin des sollicitations semble être l’endroit idéal pour se remettre à écrire. En vain. Loin de se projeter vers son futur livre, ardemment réclamé par son éditrice, Nicolas est sous l’eau. Il ressasse son premier livre, L’Enveloppe. Ce roman lui revient comme un boomerang dans ce palace italien où se jouera l’une des plus grandes étapes de son existence.

    Un sale gosse capricieux

    Contrairement à ce que pourrait laisser entendre le pitch d’À l’Encre russe, Tatiana de Rosnay met au second plan le sujet assez classique des affres de la création littéraire. Ce qui l’intéresse, comme souvent, est la construction de soi à travers les liens de sang et les secrets de famille. Ici, ces secrets sont dévoilés par petites touches, au fur et à mesure que Nicolas revient sur l’héroïne de son livre, Margaux Dansor, en réalité son double féminin.

    Un double comme Nicolas pourrait d’ailleurs l’être pour Tatiana de Rosnay. À l’Encre russe est de ce point de vue l’un des livres les plus personnels de l’auteure de Manderley for Ever : les racines russes, la mort en mer du père de Nicolas en 1993 qui renvoie à la disparition en mer du véliplanchiste surfeur Arnaud de Rosnay, la rencontre épéhmère avec une vieille dame russe naufragée et bien entendu le succès littéraire qui n’est pas le plus mince des traits communs entre Tatiana de Rosnay et Nicolas Duhamel. Sans oublier le prénom même de son personnage principal, qui n’est pas sans renvoyer à Nicolas Jolly, le mari de l’auteure.

    Un terme n’est pas utilisé tout le long des 350 pages de ce quasi huis-clos au bord de la Méditerranée : celui de "dépression". Sans doute est là l’une des clés de ce roman sombre et grinçant de Tatiana de Rosnay qui, après ses héroïnes (Sarah, Rose, Colombe ou Margaux), choisit de suivre un homme devenu suffisant, insupportable et pathétique après le succès de son premier livre. Nicolas Duhamel, dont l’explication du pseudonyme – Kolt – sera le fil conducteur d’À l’Encre russe, se débat, tel un poisson rouge dans un bocal, au milieu d’une galerie de personnages secondaires croqués avec soin par Tatiana de Rosnay. Elle ne se prive pas, au passage, d’égratigner le milieu de l’édition, avec notamment la charismatique et ténébreuse Dagmar Hunoldt.

    De vraies interrogations en fausses pistes, en passant par des coups de colère homériques, Nicolas Duhamel/Kolt, cet inoubliable salaud, se verra transfiguré dans les dernières pages en un de ces héros ordinaires, à la faveur d’un coup de théâtre incroyable.

    Tatiana de Rosnay, À l’Encre russe, éd. Héloïse d’Ormesson, 2013, 352 p.
    http://www.tatianaderosnay.com

    Voir aussi : "Et si l’on parlait de Tatiana de Rosnay ?"

  • Tatiana de Rosnay, ses œuvres

    Avant de commencer ce hors-série sur Tatiana de Rosnay et la publication de chroniques sur ses livres, il paraissait logique de lister ses publications : 

    L'Appartement témoin, éd. Fayard, 1992, 313 p.
    Le Dîner des Ex / Partition amoureuse, éd. Plon, 1996, 150 p. 
    Le Cœur d'une Autre, éd. Plon, 1998, éd. Héloïse d'Ormesson, 2009, 282 p.
    Le Voisin, éd. Héloïse d’Ormesson, 2000, 240 p.
    Tatiana de Rosnay, La Mémoire des Murs, éd. Héloïse d’Ormesson, 2008, 153 p.
    Spirales, éd. Plon, 2004, 200 p.
    Moka, éd. Plon, 2006, 249 p., éd. Plon, 2003, éd. Héloïse d’Ormesson, 2016
    Elle s'appelait Sarah, éd. Héloïse d'Ormesson, 2007, 368 p.
    Boomerang, éd. Héloïse d'Ormesson, 2009, 379 p.
    Rose, éd. Héloïse d'Ormesson, 2011, 249 p.

    À l'Encre russe, éd. Héloïse d'Ormesson, 2013, 352 p.
    Manderley for Ever, essai, éd. Albin Michel / Héloïse d'Ormesson, 2015, 457 p.
    Sentinelle de la Pluie, éd. Héloïse d'Ormesson, 2018, 367 p.
    Tatiana de Rosnay et Charlotte Jolly de Rosnay, Tamara par Tatiana, éd. Michel Lafon, 2018, 224 p.
    Les Fleurs de l'ombre, éd. Robert Laffont, 2020, 336 p.
    Célestine du Bac, éd. Robert Laffont, 2021, 336 p.

    Outre ces romans et les essais sur Daphné du Maurier (Manderley for ever) et sur Tamara de Lempicka (Tamara par Tatiana), s’ajoutent des recueils de nouvelles, une adaptation en BD d'Elle s'appelait Sarah et d'autres textes plus rares :

    Mariés, Pères de Famille, éd. Plon, 1995, 182 p.
    Amsterdamnation et autres nouvelles, éd. Le Livre de poche, 2013, 126 p. (livre inédit hors commerce, offert à l'occasion des 60 ans du Livre de poche)
    Café Lowendal et autres nouvelles, éd. Le Livre de poche, 2014, 274 p.
    Son Carnet rouge, éd. Héloïse d'Ormesson, avril 2014, 190 p.
    Rebecca m’a tuée, in Crimes et Châtiments : Pièces courtes, éd. L'Avant-scène théâtre, coll. "Collection des quatre-vents", décembre 2015, Publié à l’occasion de l’édition 2016 du festival Le Paris des femmes
    Tatiana de Rosnay, Pascal Bresson et Horne, Elle s’appelait Sarah, éd. Marabulles, 2018, 207 p.
    Trouble-fête, 13 à Table, éd. Pocket, 2018, 284 p.

    http://www.tatianaderosnay.com
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Tatiana_de_Rosnay

    Voir aussi : "Et si l'on parlait de Tatiana de Rosnay ?"

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  • Et si l’on parlait de Tatiana de Rosnay ?

    Question : quelle personne de lettres françaises est aujourd’hui la plus lue en Europe et aux États-Unis, et peut se targuer d’être suivie en France par des fans de plus en plus nombreux ? Marc Levy ? Guillaume Musso ? Vous n’y êtes pas du tout : il s’agit de Tatiana de Rosnay. Ses admiratrices et admirateurs ne sont d’ailleurs sans doute pas passé à côté de la très belle interview qu’elle a accordé au magazine Flow, dans son édition de septembre.

    L’éclosion de cette auteure majeure a débuté avec Elle s’appelait Sarah, sorti en 2007, et vendu à plusieurs millions d’exemplaires dans le monde, traduit dans presque 40 langues et adapté au cinéma en 2010. Pour autant, l’œuvre de Tatiana de Rosnay ne doit pas se résumer à ce best-seller, aussi bouleversant soit-il. Aujourd’hui, la sortie de chacun de ses livres fait figure d’événements, à l’exemple de Sentinelle de la pluie, sorti cette année.

    Bla Bla Blog commence cette semaine un hors-série sur cette femme de lettre passionnante et attachante. Nous parlerons de l’ensemble des ouvrages qu’elle a publiés à ce jour. À L’Encre russe, la biographie de Daphné du Maurier, Manderley For Ever et bien entendu Elle s’appelait Sarah seront les premiers livres dont nous parlerons. D'autres ouvrages moins connus seront également chroniquées.

    Voici quelques mois passionnants en compagnie de Tatiana de Rosnay qui nous attendent...

    http://www.tatianaderosnay.com
    Flow, septembre 2018