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• • Hors-séries - Page 14

  • Le cancer est un sport de combat

    Voilà un film, commençant comme une romance glacée mais qui finit par surprendre. Glacée comme la facture très américaine tournant autour de Carley Allison, jeune Canadienne promise à un bel avenir. Tel est le sujet de Kiss & Cry, avec Sarah Fisher dans le rôle-titre.

    Au début du film, patineuse douée, Carley vient de passer en catégorie Elite, sous la houlette de son coach, l’austère Shin. Optimiste, souriante, chanteuse à ses heures perdues, entourée d’une famille aimante et soudée qui l’aide et l’admire, rien ne manque à l’irrésistible jeune femme, pas même un petit ami, le fringant John, beau gosse, un rien provocateur. Commence une love story pour la sportive qui passe ses soirées sur la glace.

    C’est précisément sur la glace que tout dérape : Carley est prise d’une forte quinte de toux et d’un problème respiratoire. Elle s’avère en réalité beaucoup plus grave que prévu. Lors de sa première soirée en amoureuse avec John, ce dernier l’amène à l’hôpital, il s’avère que la jeune patineuse ne souffre pas d’asthme mais d’un mélanome malin sur la trachée. Une forme sévère de cancer, très rare. Elle avait une chance sur un milliard d’être touchée. Carley comme un combat contre sa maladie. 

    Un film édifiant sur le match d’une vie pour une vie

    Vous l’avez deviné, le patinage artistique est abandonné au premier tiers du film pour s’intéresser à la lutte de Carley Allison contre son cancer. Il faut d’ailleurs préciser que ce récit est tiré d’une histoire vraie, ce que montre le générique de fin avec des photos de la jeune femme et les témoignages de ses parents et de son petit ami.

    Le long-métrage, disponible sur Netflix, frôle parfois le mélodrame, sans jamais toutefois y tomber complètement. Disons aussi que le parti-pris est de faire un film édifiant sur le match d’une vie pour une vie. Le metteur en scène a choisi de rompre avec une facture classique grâce à la voix off de Carley, des confidences avec le spectateur mais aussi des seconds rôles intéressants : une infirmière mal embouchée mais aussi son coach, Shin.

    C’est du reste à lui que l’on doit l’une des phrases les plus fortes et les plus justes du film : "Il faut traiter les victoires comme des enterrements et les enterrements comme des victoires."

    Kiss & Cry, drame canadien de Sean Cisterna, avec Sarah Fisher,
    Luke Bilyk, Chantal Kreviazuk, 2017, 93 mn, Netflix
    https://carleysangels.ca

    https://www.netflix.com/fr/title/80178720

    Voir aussi : "Patins sur glace"

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  • En attendant les jours meilleurs

    Sorti en 2014,  La Tête de l’Emploi de David Foenkinos (éd. J’ai lu) appartient à cette catégorie de romans coutumiers de l’auteur de La Famille Martin : une comédie douce-amère s’intéressant à des personnages ordinaires, des "invisibles" à la vie terne et sans aspérités. Ils pourraient être nos voisins ou des membres de notre famille qu’on finit par ne plus remarquer.

    Notre "héros", qui s’exprime à la première personne comme beaucoup de romans de Foenkinos, s’appelle Bernard. Il travaille dans une banque – la BNP – comme conseiller financier et est bien décidé à y rester jusqu’à la retraite.

    Dans sa vie privée, Bernard est marié avec Nathalie depuis plus de 20 ans. Ils ont eu une fille, Alice, partie vivre au Québec à l’âge de vingt ans. Lorsque le roman commence, Bernard a cinquante ans. Sa vie est un long fleuve tranquille, même si le lecteur devine derrière ce personnage, une faille qu’il aborde ainsi à l’ouverture de son récit : "Un jour, mes parents ont eu l’étrange idée de faire un enfant : moi".

    Ces parents, qui "auraient fait de bons personnages de roman", il en sera question plus tard dans le roman, lorsque Bernard aura commencé une descente aux enfers, descente qui commence par l’annonce par sa femme qu’elle souhaite qu’ils se séparent. Une séparation temporaire, juge d’abord le mari refroidi, qui le contraint à prendre une chambre d’hôtel. Mais comme souvent, le temporaire peut vite devenir définitif. Cette chambre est située non loin de son lieu de travail, et c’est justement là qu’a lieu la suite de son aventure tragi-comique. 

    Bernard entend bien sauver les apparences

    Son chef, Laperche, un de ces personnages de bureau machiavéliques et pervers – au sujet duquel il faudra bien  qu’une étude soit pour l’œuvre de Foenkinos – contraint le conseiller bancaire à occuper à mi-temps le guichet d’accueil pour remplacer une employée qui a été licenciée afin "d’alléger la masse salariale". Ce déclassement qui ne dit pas son nom va avoir de sérieuses conséquences professionnelles après sa crise de couple ("J’avais le sentiment que les trente dernières années de ma vie venaient d’être réduites à néant"). La seule issue de Bernard est de revenir vivre chez ses parents, un couple aussi déprimant que lui, aussi radin qu’ennuyeux. Mais Bernard entend bien à la fois sauver les apparences (sa fille ne doit surtout pas être au courant de sa déchéance) et rebondir, en attendant des jours meilleurs.

    On retrouve dans ce roman sorti il y a moins de 10 ans toutes les qualités de la plume de David Foenkinos : un style léger et virevoltant, le parti pris d’assumer sans rougir des histoires de gens ordinaires, et avec tout cela de l’humour, grinçant parfois lorsque Bernard retourne chez ses parents et constate qu’il redevient à à cinquante ans un adolescent infantilisé.

    Héros ordinaire, personnage a priori falot et ennuyeux, Bernard parvient tout de même à se rendre attachant lorsque, notamment, il brise son armure lors d’une soirée mémorable avec ses parents et leurs voisins. Les personnages secondaires s’effacent derrière cet homme aussi peu-moderne (il avoue qu’il aurait plus sa place en 1982 qu’en ce début de millénaire) qu’adepte de la routine mais que des circonstances extérieures mettent au pied du mur.

    On le devine : David Foenkinos va lui trouver un nouveau but improbable dans sa vie. Grâce à une femme, bien entendu. 

    David Foenkinos, La Tête de l’Emploi, éd. J’ai lu, 2014, 286 p.
    https://www.facebook.com/david.foenkinos
    http://www.gallimard.fr
    @DavidFoenkinos

    Voir aussi : "David Foenkinos, son œuvre"
    "Qui nous protégera du bonheur ?"
    "Anti fiction"

     

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  • Patins sur glace

    Vous que les romances et les histoires d’amour horripilent, passez votre chemin.

    Ice, comédie romantique russe d’Oleg Trofim, avec la sémillante Aglaya Tarasova dans le rôle principal, suit les pas – ou plutôt les patins – d’une brillante sportive russe, engagée dans le patinage en couple, l’une des disciplines les plus dures et les plus exigeantes qui soit.

    Disons-le tout de suite : il faut passer les 40 minutes de ce film disponible sur Amazon Prime pour apprécier pleinement l’histoire d’une renaissance et la naissance d’un couple.

    Le film commence par l’ascension de Nadia, dans un début digne d’un conte de fée moderne : une enfant devenue orpheline après le décès de sa mère malade (elle décède sur un lac gelé, détail qui a bien entendu son importance symbolique), l’entrée dans une école de patinage exigeante, la présence d’une entraîneuse exigeante et qui devient sa seconde mère et la rencontre avec le jeune premier Leonov, patineur hors-pair qui choisit Nadia comme partenaire.

    Fin de la romance ? Et non ! Car c’est en réalité là que tout commence, et là aussi que le film prend véritablement son envol. 

    Fin de la romance ? Et non !

    Hospitalisée suite à un accident et immobilisée sur un lit d’hôpital, l’ancienne patineuse ne doit son salut qu’à son entraîneuse ainsi qu’un joueur de hockey. Il s’appelle Sasha et cumule des défauts irrémédiables : impulsif, colérique et à l'humour... froid. C’est pourtant lui qui est chargé de jouer la nounou pour la patineuse désormais en fauteuil roulant. Le retour sur glace de l’ex-sportive est-il possible ? A priori, non.

    Voilà une romance qui glisse toute seule. Le spectateur peut certes craindre au début que l’histoire se porte sur Nadia et son bellâtre de partenaire, après un début sirupeux et un brin convenu. Tout l’intérêt vient bien entendu de la relation entre Nadia et Sash, deux personnes que tout sépare, si l’on excepte la glace. Dans le rôle de Nadia, Aglaya Tarasova épate. Elle trouve son alter-ego en la personne de Sasha (Alexandre Petrov).

    On trouve dans Ice tout ce qui fait le charme de ces romances : deux personnages à la solide personnalité mais qui n’auraient jamais dû se rencontrer, un duo finissant par trouver ses marques et un happy-end. Pour corser le tout, ajoutez le milieu du patinage artistique, un pays – la Russie – pas assez souvent mis à l’honneur dans le cinéma et un défi sportif en forme de message universel.

    Du bel ouvrage, donc. Pas un chef d’œuvre mais du bel ouvrage. 

    Ice, romance russe d’Oleg Trofim, avec Aglaya Tarasova, Alexandre Petrov,
    Milos Bikovic et Maksim Belborodov, 2019, 93 mn, Rimini Éditions, Amazon

    https://www.primevideo.com

    Voir aussi : "Margot Robbie sur glace et en majesté"

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  • Anti fiction

    Avec La Famille Martin (éd. Gallimard), son dernier livre sorti à ce jour, David Foenkinos abandonnait la noirceur de ces précédents romans (Charlotte, Vers la beauté, Deux sœur) pour une comédie littéraire sous forme de fausse autofiction, mais moins comique et plus tendre que cet autre roman, Qui se souvient de David Foenkinos ?

    Pour La Famille Martin, il s’agit encore d’une histoire d’inspiration et de création littéraire dans laquelle la matière vivante et le quotidien sont appelés à la rescousse pour produire un nouveau livre. Sauf que le quotidien en question n’est pas celui de l’auteur et narrateur mais celui des autres, des inconnus, des voisins et des anonymes qui ont plus à raconter que ce que l'on veut bien dire :  "Je ne voulais surtout pas me laisser embarquer dans l'écriture d'un roman qui servirait d'arrosoir pour les fleurs d'une tombe. Je préférais me consacrer aux vivants", écrit-il.

    Pour le narrateur, ce nouveau travail littéraire commence donc dans la rue, et précisément en bas de son immeuble. Presque par jeu, David Foenkinos (du moins, sans doute le double de l’écrivain) s’adresse à la première personne qu’il croise : ce sera elle l’héroïne de son futur roman ! Il s’agit en l’occurrence d’une vieille dame tout à fait ordinaire. Une certaine Madeleine Tricot (un nom de famille des plus ordinaires, lui aussi). Ce faisant, cette dernière va lui ouvrir les portes de sa famille, les Martin.

    On aurait tort de prendre La Famille Martin comme une de ces autofictions dans lesquelles l’auteur a le beau rôle. En réalité, David Foenkinos fait du hasard une arme romanesque pour rendre hommage à ses contemporains que rien, a priori ne distingue des autres. Grave erreur : car en s’invitant dans cette famille, l’écrivain en manque d’inspiration es persuadé qu’il peut y trouver matière à un roman. Après tout, dit-il, non sans malice, "la narration vient en narrant". 

    Héroïsme quotidien

    Outre Madeleine, il y a, dans cette famille Martin, Valérie, une femme lassée par son quotidien et par un mari, Patrick, terne employé sur le point d’être convoqué par un directeur pervers narcissique avant, croit-il, un licenciement. À cela s’ajoutent les deux enfants, Lola et Jérémie, respectivement 17 et 15 ans. Toute cette petite famille va servir de matière vivante à ce futur livre.

    Dans ce voyage dans une famille française, David Foenkinos se met lui aussi en scène et se trouve également obligé de se confier sur sa propre vie. Juste retour d’ascenseur pour celui qui se fait enquêteur jusqu’à traquer des secrets de famille ou des amours restés cachés.

    Un trouble saisit le lecteur au sujet de l’odeur de vérité de ce roman, tout comme l’auteur peut en être embarrassé : "Le vrai paraît souvent improbable. J’avais peur de m’emparer du réel, et qu’on l’estime moins crédible que la fiction.  Je redoutais qu’on puisse ne pas croire, qu’on se dise que toute cette histoire était inventée." Ainsi, "soumis à la vie de [ses] personnages", David Foenkinos se met en scène, dans une série de mises en abîme, en train d’écrire sur ses personnages, de prendre des notes, de les mettre en perspective, de douter sur leur "intérêt" aussi. Non sans humour, l’écrivain s’imagine en Pasolini et dans la peau du visiteur de Théorème, "la perversion et les rapports sexuels en moins", précise-t-il quand même.

    On pourrait presque en oublier David Foenkinos, obsédé qu'il est par son envie de saisir le romanesque de ces personnages de la vraie vie, les Martin. Sauf qu'il finit par devenir à la fois spectateur de la vie de cette famille et lui-même protagoniste de sa propre histoire, qu’il choisit de ne pas enjoliver. En se mettant en retrait et en s’effaçant comme il le fait lors du voyage de Madeleine en Californie, l’auteur finit par rendre à ces Martin toute leur folie et même leur héroïsme quotidien.

    David Foenikinos, La Famille Martin, éd. Gallimard, 2020, 226 p.  
    https://www.facebook.com/david.foenkinos
    http://www.gallimard.fr
    @DavidFoenkinos

    Voir aussi : "David Foenkinos, son œuvre"
    "À la recherche de l’idée perdue"

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  • Margot Robbie sur glace et en majesté

    Aujourd’hui, j’ai choisi de vous parler d’un film sorti il y a trois ans et qui mérite vraiment d'être découvert ou redécouvert.

    Moi, Tonya, avec Morgot Robbie dans le rôle titre, retrace la carrière de la patineuse Tonya Harding, devenue célèbre – et aussi la personnalité la plus détestée en Amérique au mi-temps des années 90 – en raison de l’agression de sa rivale Nancy Kerrigan. L’affaire se passait en 1994, quelques semaines avant les Jeux olympiques d'hiver de Lillehammer.

    Bien évidemment, le cœur du film est cette histoire à la fois sordide et surréaliste. Le réalisateur a cependant fait le choix de ne pas s’attarder sur l’agression elle-même : elle est filmée caméra sur l’épaule et dans un plan-séquence nerveux. Le spectateur ne voit que de manière furtive la malheureuse sportive attaquée. Cette affaire va évidemment mettre un terme à la carrière de Tonya Harding.

    Le parti-pris est le refus de faire le procès de cette patineuse ultra-douée. Il faut rappeler ici que Tonya Harding a été la première femme à essayer et réussir le triple axel. Sauf que son physique cadrait mal avec les canons de beauté que jugeaient – aussi – les jurys. Loin d’être un film à charge contre la sportive, Moi, Tony est au contraire le portrait d’une femme issue d'un milieu pauvre et victime des hommes, des préjugés mais aussi de proches prêts à tout. 

    Margot Robbie s’est enlaidie pour le rôle – si encore c’est possible !

    Pour jouer la patineuse, Margot Robbie s’est enlaidie pour le rôle – si encore c’est possible ! Elle a fait un remarquable travail de composition pour jouer le rôle de sa compatriote. Mieux, le spectateur ne peut qu’admirer les reconstitutions plus vraies que nature des figures sur glace. Outre les costumes et les les coiffures bluffantes de réalisme, les pas et les sauts sont filmé avec un réalisme confondant : triples axels, loops, vrilles piquées et chasse-neiges sont au programme de ce très grand film sur le patinage.

    Mais Moi, Tonya est plus que cela : c’est aussi un biopic enlevé, mêlant la tragédie familiale, l’ambition sportive et le fait divers, le tout avec un humour décapant et des clins d’œil réguliers au spectateur.

    Tonya Harding se trouve aussi blanchie de sa responsabilité dans une sombre affaire qui était plus de l’ordre du sale coup organisé par des branquignols que d’une rivalité sportive – Nancy Kerrigan et Tonya Harding, nous dit-on, s’entendaient bien et étaient même camarades de chambre.  

    Le passionnant biopic, porté de bout en bout par une Margot Robbie épatante, est à voir enfin sous un angle sociologique : celui d’une femme libre, malmenée par sa mère, LaVona Fay Golden (la formidable et oscarisée Allison Janney) puis par son mari Jeff Gillooly (Sebastian San). Paul Walter Hauser, que l’on a vu ensuite au premier plan dans Le Cas Richard Jewell de Clint Eastwood, impose sa présence dans le rôle de Shawn Eckhardt, l’ami roublard et mythomane qui va être celui qui, avec Jeff Gillooly, contribuera à faire chuter une patineuse qui était pourtant promise à une carrière exceptionnelle.   

    Franchement, ce film est à voir, à déguster et à revoir. Avec une Margot Robbie qui s’impose comme l’une des meilleures actrices actuelles. En un mot : majestueuse.

    Moi, Tonya, biopic américain de Craig Gillespie,
    avec Margot Robbie, Sebastian Stan et Allison Janney, 2017, 121 mn, sur Amazon Prime

    https://www.francetvpro.fr
    https://www.primevideo.com

    Voir aussi : "Le retour sur grand écran des maîtres et de leurs serviteurs"

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  • Un dossier spécial patinage

    Bla Bla Blog a décidé d'ouvrir un dossier patinage artistique. 

    Cette période annonce celle du froid, de la glace, de la neige mais aussi... des Jeux olympiques d'hiver. C'est l'occasion de s'intéresser à un sport qui est aussi un art à part entière qui méritait d'avoir sa place ici. 

    Le patinage artistique fera l'objet de chroniques : films, livres, séries seront chroniqués pour mettre à l'honneur cette discipline pas tout à fait comme les autres. 

    Photo : Anna Shvets - Pexels 

  • Qui nous protégera du bonheur ?

    Sur cette histoire de couple, l’objet du roman En cas de Bonheur, David Foenkinos écrit ceci :"Personne ne savait que faire en cas de bonheur. On avait des assurances pour la mort, pour la voiture, et pour la mort en voiture. Mais qui nous protégera du bonheur ?" Ce bonheur était-il la "pire chose" qui puisse arriver ?

    Lorsque Jean-Jacques se pose cette question, il en est à un stade critique dans l’histoire du couple qu’il forme avec Claire. Disons-le autrement : il entame un adultère avec Sonia, une sémillante collègue de travail. Jean-Jacques travaille comme "conseiller en quelque chose, en rapport avec de l’argent". Claire, elle, est employée dans une boutique en cosmétique à l’aéroport de Roissy. Tous deux ont une petite fille de six ans, Louise.

    La vie à deux suit son cours, dans un quotidien morne, ponctué par des visites régulières chez les parents de Claire. Jean-Jacques, lui, trouve dans sa relation extraconjugale avec Sonia "sa raison de vivre". Il y trouve un certain équilibre : "[Avec claire], ils étaient unis. Il continuait à se répéter qu’il ne voulait pas d’une vie à la Édouard [son ami, célibataire et heureux a priori de l’être]". Mais Claire apprend l’infidélité de son mari grâce à une agence de détectives privés et elle annonce à son mari qu’elle le quitte. Désarçonné et incapable de s’engager avec sa maîtresse, Jean-Jacques entreprend de suivre sa future ex-femme. Il fait appel sans le vouloir à la même agence de détectives que sa femme.

    David Foenkinos déconstruit puis reconstruit la vie d’un couple ordinaire

    Fausse double enquête policière et vraie comédie sentimentale, En cas de Bonheur suit un homme et une femme dont le couple meurt, mais qui refusent, consciemment ou inconsciemment, l’idée de séparation. Les relations adultères ressemblent plus à des accidents qu’à de vraies possibilités, comme le montrent ces personnages secondaires gravitant autour de nos deux héros, que ce soit Sonia, Igor ou même Caroline, la jeune baby-sitter au "fessier" affolant. Le portrait de cette femme de 20 ans étonnera sans doute le lecteur et la lectrice de 2021. Il faut dire que le roman a été écrit en 2005, soit deux ans avant #Meetoo, si bien qu’En cas de Bonheur n’est pas exempt de considérations assez peu "female gaze", l’expression et le concept n’existant même pas à l’époque.

    Dans le tourbillon de crises, de malentendus, de cachotteries, d’entourloupes et de quiproquos, David Foenkinos déconstruit puis reconstruit la vie d’un couple ordinaire. L’auteur le fait en ne s’interdisant pas louvoiements, tergiversations et atermoiements, à l’image de l’histoire de Renée, la mère de Claire. Mais au bout du compte, l’auteur tient le sujet de son roman : celle d’un couple agonisant mais aussi cette recherche du bonheur qui est au cœur de ce roman virevoltant et non-dénué d’humour : "Le bonheur n’avait jamais été à l’horizon. A l’horizontal sûrement, mais certainement pas à l’horizon."

    David Foenkinos, En cas de Bonheur, éd. J’ai lu, 2005, 191 p.
    https://www.facebook.com/david.foenkinos
    @DavidFoenkinos

    Voir aussi : "David Foenkinos, son œuvre"
    "À la recherche de l’idée perdue"

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  • À la recherche de l’idée perdue

    Le lecteur peut se leurrer en ouvrant cet étonnant livre de David Foenkinos, Qui se souvient de David Foenkinos ? (éd. Gallimard). La couverture annonce qu’il s’agit d’un roman, en dépit de la facture autobiographique racontant une période de page blanche qui a suivi la publication de son premier succès, Le Potentiel érotique de ma femme. "J'étais alors dans la promesse. Pourquoi les choses ont-elles si mal tourné ? Depuis ce succès qui s'efface des mémoires, j'ai publié quatre autres romans et tous sont passés inaperçus. J'ai tenté d'analyser les raisons de mes échecs, mais il est impossible de comprendre pourquoi l'on devient invisible. Serais-je devenu médiocre ? Suis-je trop allé chez le coiffeur ?"

    Ainsi commence ce qui peut s’apparenter à une autofiction. Sauf qu’ici, il n’est pas question d’une autofiction sombre dans laquelle les récriminations le disputent aux ressassements et aux confessions les plus sordides . Non. Dans Qui se souvient de David Foenkinos ?, l’auteur de La Délicatesse opte d’emblée pour l’humour, et disons-le : ce livre est à la fois drôle, inventif et astucieux. L’auteur n’hésite pas à s’autocritiquer : "Était-ce la vie d’un écrivain ? Un écrivain à échecs, sûrement. Je me rappelle comment mon entourage s’enthousiasmait pour mes livres au tout début. J’étais un auteur Gallimard, le sang de Proust coulait dans mes veines… Déporté vers le néant littéraire, j’étais devenu décalé. Par rapport à quoi, ça je ne savais pas."

    Autodérision réjouissante

    Lorsque le récit commence, David Foenkinos est en proie à une série de crises dans sa vie : il vient d’avoir la quarantaine et ses projets artistiques battent de l’aile. Marié, père d’une adolescente, Victoria, légèrement tête-à-claque mais qu’une carrière de tenniswoman douée lui semble promise, l’auteur vit une crise de couple. Sa femme Laurence ne le supporte plus et se lasse de la voie sans issue de son écrivain de mari.

    Il y a bien ces voisins, les Martinez, un vieux couple fusionnel passionné de voyages mais pour le reste, David Foenkinos craint qu’il ne devienne bientôt qu’un inconnu dans le monde des lettres. Or, de retour en train de Suisse après un séjour pour se "régénérer", David Foenkinos a la certitude qu’une idée de livre lui a traversé la tête. Mais impossible de s’en souvenir. Il ne lui reste plus qu’à partir à la recherche de cette idée.

    Le thème de l’écrivain incompris et torturé par les affres de la création ("les affreux de la création" comme le chantait Serge Gainsbourg) est un poncif. Mais David Foenkinos le traite avec intelligence et humour, tout en faisant le portrait d’un homme – lui-même – se cherchant une place mais aussi l’amour. Car l’amour est présent dans ce roman parlant de littérature mais aussi de mort, comme l’écrit l’auteur. David Foenkinos croise tour à tour ces voisins attachants et bouleversants, la troublante Caroline ("[Elle] entrait dans ma vie parce qu’elle ne pouvait pas rentrer chez elle") et bien sûr Laurence, même si le couple qu'il forme avec elle n’en finit pas de mourir.

    Loin de faire l’autofiction d’un écrivain maudit, David Foenkinos fait preuve d’une autodérision réjouissante, même si cet humour peut être grinçant lorsqu’il est existentiel : "  Je venais de me diagnostiquer un amour et je savais par expérience les épuisements à venir. Quand on a deux cœurs en soi, les risques d'infarctus doublent."

    La solution à ce qui s’apparente à une dépression et à des doutes intérieurs, sera résolue au terme d’un nouveau voyage en Suisse pour retrouver la trace de cette idée – dont le lecteur ne saura rien. Là n’est pas le plus important : l’amour et la construction de soi, plutôt qu’un nouveau livre, auront le dernier mot. 

    David Foenikinos, Qui se souvient de David Foenkinos ?, éd. Gallimard, 2007, 179 p. 
    https://www.facebook.com/david.foenkinos
    http://www.gallimard.fr
    @DavidFoenkinos

    Voir aussi : "David Foenkinos, son œuvre"
    "A la place du mort"
    "Deux morts, deux divorces et autant d’histoires d’amour"

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