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• • Hors-séries - Page 15

  • Anti fiction

    Avec La Famille Martin (éd. Gallimard), son dernier livre sorti à ce jour, David Foenkinos abandonnait la noirceur de ces précédents romans (Charlotte, Vers la beauté, Deux sœur) pour une comédie littéraire sous forme de fausse autofiction, mais moins comique et plus tendre que cet autre roman, Qui se souvient de David Foenkinos ?

    Pour La Famille Martin, il s’agit encore d’une histoire d’inspiration et de création littéraire dans laquelle la matière vivante et le quotidien sont appelés à la rescousse pour produire un nouveau livre. Sauf que le quotidien en question n’est pas celui de l’auteur et narrateur mais celui des autres, des inconnus, des voisins et des anonymes qui ont plus à raconter que ce que l'on veut bien dire :  "Je ne voulais surtout pas me laisser embarquer dans l'écriture d'un roman qui servirait d'arrosoir pour les fleurs d'une tombe. Je préférais me consacrer aux vivants", écrit-il.

    Pour le narrateur, ce nouveau travail littéraire commence donc dans la rue, et précisément en bas de son immeuble. Presque par jeu, David Foenkinos (du moins, sans doute le double de l’écrivain) s’adresse à la première personne qu’il croise : ce sera elle l’héroïne de son futur roman ! Il s’agit en l’occurrence d’une vieille dame tout à fait ordinaire. Une certaine Madeleine Tricot (un nom de famille des plus ordinaires, lui aussi). Ce faisant, cette dernière va lui ouvrir les portes de sa famille, les Martin.

    On aurait tort de prendre La Famille Martin comme une de ces autofictions dans lesquelles l’auteur a le beau rôle. En réalité, David Foenkinos fait du hasard une arme romanesque pour rendre hommage à ses contemporains que rien, a priori ne distingue des autres. Grave erreur : car en s’invitant dans cette famille, l’écrivain en manque d’inspiration es persuadé qu’il peut y trouver matière à un roman. Après tout, dit-il, non sans malice, "la narration vient en narrant". 

    Héroïsme quotidien

    Outre Madeleine, il y a, dans cette famille Martin, Valérie, une femme lassée par son quotidien et par un mari, Patrick, terne employé sur le point d’être convoqué par un directeur pervers narcissique avant, croit-il, un licenciement. À cela s’ajoutent les deux enfants, Lola et Jérémie, respectivement 17 et 15 ans. Toute cette petite famille va servir de matière vivante à ce futur livre.

    Dans ce voyage dans une famille française, David Foenkinos se met lui aussi en scène et se trouve également obligé de se confier sur sa propre vie. Juste retour d’ascenseur pour celui qui se fait enquêteur jusqu’à traquer des secrets de famille ou des amours restés cachés.

    Un trouble saisit le lecteur au sujet de l’odeur de vérité de ce roman, tout comme l’auteur peut en être embarrassé : "Le vrai paraît souvent improbable. J’avais peur de m’emparer du réel, et qu’on l’estime moins crédible que la fiction.  Je redoutais qu’on puisse ne pas croire, qu’on se dise que toute cette histoire était inventée." Ainsi, "soumis à la vie de [ses] personnages", David Foenkinos se met en scène, dans une série de mises en abîme, en train d’écrire sur ses personnages, de prendre des notes, de les mettre en perspective, de douter sur leur "intérêt" aussi. Non sans humour, l’écrivain s’imagine en Pasolini et dans la peau du visiteur de Théorème, "la perversion et les rapports sexuels en moins", précise-t-il quand même.

    On pourrait presque en oublier David Foenkinos, obsédé qu'il est par son envie de saisir le romanesque de ces personnages de la vraie vie, les Martin. Sauf qu'il finit par devenir à la fois spectateur de la vie de cette famille et lui-même protagoniste de sa propre histoire, qu’il choisit de ne pas enjoliver. En se mettant en retrait et en s’effaçant comme il le fait lors du voyage de Madeleine en Californie, l’auteur finit par rendre à ces Martin toute leur folie et même leur héroïsme quotidien.

    David Foenikinos, La Famille Martin, éd. Gallimard, 2020, 226 p.  
    https://www.facebook.com/david.foenkinos
    http://www.gallimard.fr
    @DavidFoenkinos

    Voir aussi : "David Foenkinos, son œuvre"
    "À la recherche de l’idée perdue"

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  • Margot Robbie sur glace et en majesté

    Aujourd’hui, j’ai choisi de vous parler d’un film sorti il y a trois ans et qui mérite vraiment d'être découvert ou redécouvert.

    Moi, Tonya, avec Morgot Robbie dans le rôle titre, retrace la carrière de la patineuse Tonya Harding, devenue célèbre – et aussi la personnalité la plus détestée en Amérique au mi-temps des années 90 – en raison de l’agression de sa rivale Nancy Kerrigan. L’affaire se passait en 1994, quelques semaines avant les Jeux olympiques d'hiver de Lillehammer.

    Bien évidemment, le cœur du film est cette histoire à la fois sordide et surréaliste. Le réalisateur a cependant fait le choix de ne pas s’attarder sur l’agression elle-même : elle est filmée caméra sur l’épaule et dans un plan-séquence nerveux. Le spectateur ne voit que de manière furtive la malheureuse sportive attaquée. Cette affaire va évidemment mettre un terme à la carrière de Tonya Harding.

    Le parti-pris est le refus de faire le procès de cette patineuse ultra-douée. Il faut rappeler ici que Tonya Harding a été la première femme à essayer et réussir le triple axel. Sauf que son physique cadrait mal avec les canons de beauté que jugeaient – aussi – les jurys. Loin d’être un film à charge contre la sportive, Moi, Tony est au contraire le portrait d’une femme issue d'un milieu pauvre et victime des hommes, des préjugés mais aussi de proches prêts à tout. 

    Margot Robbie s’est enlaidie pour le rôle – si encore c’est possible !

    Pour jouer la patineuse, Margot Robbie s’est enlaidie pour le rôle – si encore c’est possible ! Elle a fait un remarquable travail de composition pour jouer le rôle de sa compatriote. Mieux, le spectateur ne peut qu’admirer les reconstitutions plus vraies que nature des figures sur glace. Outre les costumes et les les coiffures bluffantes de réalisme, les pas et les sauts sont filmé avec un réalisme confondant : triples axels, loops, vrilles piquées et chasse-neiges sont au programme de ce très grand film sur le patinage.

    Mais Moi, Tonya est plus que cela : c’est aussi un biopic enlevé, mêlant la tragédie familiale, l’ambition sportive et le fait divers, le tout avec un humour décapant et des clins d’œil réguliers au spectateur.

    Tonya Harding se trouve aussi blanchie de sa responsabilité dans une sombre affaire qui était plus de l’ordre du sale coup organisé par des branquignols que d’une rivalité sportive – Nancy Kerrigan et Tonya Harding, nous dit-on, s’entendaient bien et étaient même camarades de chambre.  

    Le passionnant biopic, porté de bout en bout par une Margot Robbie épatante, est à voir enfin sous un angle sociologique : celui d’une femme libre, malmenée par sa mère, LaVona Fay Golden (la formidable et oscarisée Allison Janney) puis par son mari Jeff Gillooly (Sebastian San). Paul Walter Hauser, que l’on a vu ensuite au premier plan dans Le Cas Richard Jewell de Clint Eastwood, impose sa présence dans le rôle de Shawn Eckhardt, l’ami roublard et mythomane qui va être celui qui, avec Jeff Gillooly, contribuera à faire chuter une patineuse qui était pourtant promise à une carrière exceptionnelle.   

    Franchement, ce film est à voir, à déguster et à revoir. Avec une Margot Robbie qui s’impose comme l’une des meilleures actrices actuelles. En un mot : majestueuse.

    Moi, Tonya, biopic américain de Craig Gillespie,
    avec Margot Robbie, Sebastian Stan et Allison Janney, 2017, 121 mn, sur Amazon Prime

    https://www.francetvpro.fr
    https://www.primevideo.com

    Voir aussi : "Le retour sur grand écran des maîtres et de leurs serviteurs"

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  • Un dossier spécial patinage

    Bla Bla Blog a décidé d'ouvrir un dossier patinage artistique. 

    Cette période annonce celle du froid, de la glace, de la neige mais aussi... des Jeux olympiques d'hiver. C'est l'occasion de s'intéresser à un sport qui est aussi un art à part entière qui méritait d'avoir sa place ici. 

    Le patinage artistique fera l'objet de chroniques : films, livres, séries seront chroniqués pour mettre à l'honneur cette discipline pas tout à fait comme les autres. 

    Photo : Anna Shvets - Pexels 

  • Qui nous protégera du bonheur ?

    Sur cette histoire de couple, l’objet du roman En cas de Bonheur, David Foenkinos écrit ceci :"Personne ne savait que faire en cas de bonheur. On avait des assurances pour la mort, pour la voiture, et pour la mort en voiture. Mais qui nous protégera du bonheur ?" Ce bonheur était-il la "pire chose" qui puisse arriver ?

    Lorsque Jean-Jacques se pose cette question, il en est à un stade critique dans l’histoire du couple qu’il forme avec Claire. Disons-le autrement : il entame un adultère avec Sonia, une sémillante collègue de travail. Jean-Jacques travaille comme "conseiller en quelque chose, en rapport avec de l’argent". Claire, elle, est employée dans une boutique en cosmétique à l’aéroport de Roissy. Tous deux ont une petite fille de six ans, Louise.

    La vie à deux suit son cours, dans un quotidien morne, ponctué par des visites régulières chez les parents de Claire. Jean-Jacques, lui, trouve dans sa relation extraconjugale avec Sonia "sa raison de vivre". Il y trouve un certain équilibre : "[Avec claire], ils étaient unis. Il continuait à se répéter qu’il ne voulait pas d’une vie à la Édouard [son ami, célibataire et heureux a priori de l’être]". Mais Claire apprend l’infidélité de son mari grâce à une agence de détectives privés et elle annonce à son mari qu’elle le quitte. Désarçonné et incapable de s’engager avec sa maîtresse, Jean-Jacques entreprend de suivre sa future ex-femme. Il fait appel sans le vouloir à la même agence de détectives que sa femme.

    David Foenkinos déconstruit puis reconstruit la vie d’un couple ordinaire

    Fausse double enquête policière et vraie comédie sentimentale, En cas de Bonheur suit un homme et une femme dont le couple meurt, mais qui refusent, consciemment ou inconsciemment, l’idée de séparation. Les relations adultères ressemblent plus à des accidents qu’à de vraies possibilités, comme le montrent ces personnages secondaires gravitant autour de nos deux héros, que ce soit Sonia, Igor ou même Caroline, la jeune baby-sitter au "fessier" affolant. Le portrait de cette femme de 20 ans étonnera sans doute le lecteur et la lectrice de 2021. Il faut dire que le roman a été écrit en 2005, soit deux ans avant #Meetoo, si bien qu’En cas de Bonheur n’est pas exempt de considérations assez peu "female gaze", l’expression et le concept n’existant même pas à l’époque.

    Dans le tourbillon de crises, de malentendus, de cachotteries, d’entourloupes et de quiproquos, David Foenkinos déconstruit puis reconstruit la vie d’un couple ordinaire. L’auteur le fait en ne s’interdisant pas louvoiements, tergiversations et atermoiements, à l’image de l’histoire de Renée, la mère de Claire. Mais au bout du compte, l’auteur tient le sujet de son roman : celle d’un couple agonisant mais aussi cette recherche du bonheur qui est au cœur de ce roman virevoltant et non-dénué d’humour : "Le bonheur n’avait jamais été à l’horizon. A l’horizontal sûrement, mais certainement pas à l’horizon."

    David Foenkinos, En cas de Bonheur, éd. J’ai lu, 2005, 191 p.
    https://www.facebook.com/david.foenkinos
    @DavidFoenkinos

    Voir aussi : "David Foenkinos, son œuvre"
    "À la recherche de l’idée perdue"

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  • À la recherche de l’idée perdue

    Le lecteur peut se leurrer en ouvrant cet étonnant livre de David Foenkinos, Qui se souvient de David Foenkinos ? (éd. Gallimard). La couverture annonce qu’il s’agit d’un roman, en dépit de la facture autobiographique racontant une période de page blanche qui a suivi la publication de son premier succès, Le Potentiel érotique de ma femme. "J'étais alors dans la promesse. Pourquoi les choses ont-elles si mal tourné ? Depuis ce succès qui s'efface des mémoires, j'ai publié quatre autres romans et tous sont passés inaperçus. J'ai tenté d'analyser les raisons de mes échecs, mais il est impossible de comprendre pourquoi l'on devient invisible. Serais-je devenu médiocre ? Suis-je trop allé chez le coiffeur ?"

    Ainsi commence ce qui peut s’apparenter à une autofiction. Sauf qu’ici, il n’est pas question d’une autofiction sombre dans laquelle les récriminations le disputent aux ressassements et aux confessions les plus sordides . Non. Dans Qui se souvient de David Foenkinos ?, l’auteur de La Délicatesse opte d’emblée pour l’humour, et disons-le : ce livre est à la fois drôle, inventif et astucieux. L’auteur n’hésite pas à s’autocritiquer : "Était-ce la vie d’un écrivain ? Un écrivain à échecs, sûrement. Je me rappelle comment mon entourage s’enthousiasmait pour mes livres au tout début. J’étais un auteur Gallimard, le sang de Proust coulait dans mes veines… Déporté vers le néant littéraire, j’étais devenu décalé. Par rapport à quoi, ça je ne savais pas."

    Autodérision réjouissante

    Lorsque le récit commence, David Foenkinos est en proie à une série de crises dans sa vie : il vient d’avoir la quarantaine et ses projets artistiques battent de l’aile. Marié, père d’une adolescente, Victoria, légèrement tête-à-claque mais qu’une carrière de tenniswoman douée lui semble promise, l’auteur vit une crise de couple. Sa femme Laurence ne le supporte plus et se lasse de la voie sans issue de son écrivain de mari.

    Il y a bien ces voisins, les Martinez, un vieux couple fusionnel passionné de voyages mais pour le reste, David Foenkinos craint qu’il ne devienne bientôt qu’un inconnu dans le monde des lettres. Or, de retour en train de Suisse après un séjour pour se "régénérer", David Foenkinos a la certitude qu’une idée de livre lui a traversé la tête. Mais impossible de s’en souvenir. Il ne lui reste plus qu’à partir à la recherche de cette idée.

    Le thème de l’écrivain incompris et torturé par les affres de la création ("les affreux de la création" comme le chantait Serge Gainsbourg) est un poncif. Mais David Foenkinos le traite avec intelligence et humour, tout en faisant le portrait d’un homme – lui-même – se cherchant une place mais aussi l’amour. Car l’amour est présent dans ce roman parlant de littérature mais aussi de mort, comme l’écrit l’auteur. David Foenkinos croise tour à tour ces voisins attachants et bouleversants, la troublante Caroline ("[Elle] entrait dans ma vie parce qu’elle ne pouvait pas rentrer chez elle") et bien sûr Laurence, même si le couple qu'il forme avec elle n’en finit pas de mourir.

    Loin de faire l’autofiction d’un écrivain maudit, David Foenkinos fait preuve d’une autodérision réjouissante, même si cet humour peut être grinçant lorsqu’il est existentiel : "  Je venais de me diagnostiquer un amour et je savais par expérience les épuisements à venir. Quand on a deux cœurs en soi, les risques d'infarctus doublent."

    La solution à ce qui s’apparente à une dépression et à des doutes intérieurs, sera résolue au terme d’un nouveau voyage en Suisse pour retrouver la trace de cette idée – dont le lecteur ne saura rien. Là n’est pas le plus important : l’amour et la construction de soi, plutôt qu’un nouveau livre, auront le dernier mot. 

    David Foenikinos, Qui se souvient de David Foenkinos ?, éd. Gallimard, 2007, 179 p. 
    https://www.facebook.com/david.foenkinos
    http://www.gallimard.fr
    @DavidFoenkinos

    Voir aussi : "David Foenkinos, son œuvre"
    "A la place du mort"
    "Deux morts, deux divorces et autant d’histoires d’amour"

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  • Deux morts, deux divorces et autant d’histoires d’amour

    Je dois bien vous confesser que j’étais passé à côté de l’adaptation ciné des Souvenirs de David Foenkinos, avec Jean-Paul Rouve à la réalisation et Michel Blanc, Mathieu Spinosi et la regrettée Annie Cordy dans les rôles principaux. Mais avant le long-métrage, il y a eu le livre. Pour la suite de notre hors-série sur l’œuvre de David Foenkinos, intéressons-nous donc au roman qui a inspiré le film, un livre sorti en 2011 entre La Délicatesse (2009) et Je vais mieux (2013).

    Le titre Les Souvenirs risque d’égarer le lecteur qui, en ouvrant le livre, peut s’attendre à une série de confessions de l’écrivain. Écrit à la première personne, Les Souvenirs est cependant bel et bien un roman, comme l’annonce l’éditeur en couverture.

    Les Souvenirs en question sont ceux d’un jeune homme se rêvant écrivain mais devant se contenter en attendant de travailler dans un modeste hôtel parisien. Il a des parents dont l’entente laisse à désirer et surtout deux grands-parents encore vivants. Au moment où le récit commence, son grand-père vient de décéder, laissant une épouse inconsolable.

    N’est-ce pas ce que l’on appelle l’altruisme ? 

    C’est à partir de cette grand-mère que commence véritablement l’histoire. Son petit-fils a pour elle un attachement particulier. Lorsqu’elle est envoyée par ses enfants en maison de retraite, le choc est rude pour elle et le narrateur assiste, impuissant, à une inexorable dépression, jusqu’à ce que la vieille dame décide de disparaître. Le jeune homme part à sa recherche.

    David Foenkinos laisse défiler les souvenirs telle une pelote de laine. La mort de son grand-père est le point de départ d’un récit de souvenirs donc, qui concerne le narrateur lui-même. Les événements se succèdent avec une logique imparable. Loin d’être décousus, ces souvenirs s’enchaînent en dépit de fausses pistes : le décès d’une ancienne danseuse, une femme croisée dans un cimetière et ces clients et clientes inconnus et romanesques qu’il croise à l’accueil de l’hôtel où il travaille, tout cela écrit avec un mélange d’innocence, de légèreté et de gravité.

    Dans ce roman, écrit à la manière d’une longue confession parlant de soi, de la famille, d’espoirs et d’amours, l’auteur multiplie les parenthèses et les digressions qui sont autant de souvenirs. Comme si le narrateur tenait à montrer que son passé compte autant que celui de ces inconnus croisés sur une aire d’autoroute ou dans un hôtel anonyme . N’est-ce pas ce que l’on appelle l’altruisme ?  

    David Foenkinos, Les Souvenirs, éd. Gallimard, 2011, 266 p.
    https://www.facebook.com/david.foenkinos
    @DavidFoenkinos

    Voir aussi : "David Foenkinos, son œuvre"
    "Cœurs perdus au mitan des nineties"

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  • Cœurs perdus au mitan des nineties

    Les Cœurs autonomes de David Foenkinos (éd. Gallimard Folio) n’est sans doute pas le livre le premier cité lorsque l’on parle de cet auteur au succès indéniable. Il s’agit pourtant d’un roman à l’indéniable magnétisme et qui frappe par sa noirceur.

    Il faut dire que David Foenikinos a choisi de s’intéresser à l’un des faits divers les plus marquants des années 90 : l’affaire Florence Rey et Audry Maupin, les deux auteurs d’un braquage meurtrier en octobre 1994. Au terme d’une nuit infernale, ce jeune couple présenté comme anarchiste et révolutionnaire provoque la mort de 5 personnes et en blesse autant. Florence Rey, 19 ans à l’époque des faits, est condamnée à la perpétuité. Son compagnon, lui, décède pendant cette nuit meurtrière en région parisienne.

    Sans nommer les deux protagonistes (ils sont nommés "elle" et "il"), David Foenkinos choisit la première personne et se met à la place d’un jeune homme, étudiant et témoin du parcours d’une gamine paumée, tombant dans les bras d’un garçon aussi séduisant qu’elle ("Lui aussi était beau") mais à l’influence toxique. Dès les premiers jours, raconte l’auteur et narrateur, la messe est dite : "Le fait d’être plus âgé, lui donne la certitude de la domination. Et il dominera cette histoire."

    Cette histoire commence comme une love story, nous dit David Foenkinos, à laquelle suivra immédiatement un rêve politique et idéologique, a priori improbable pour une étudiante issue d’une bonne famille bourgeoise. 

    Autonomes dans leur mouvement idéologique mais aussi dans leur amour

    La suite de leur histoire est celle d’un projet à la fois fou et irréaliste : "Ils avaient eux-mêmes créé leur mouvement. Une sorte d’organisation révolutionnaire dont ils étaient les deux seuls membres, prônant la liberté extrême, la haine des flics et des fachos… Ils étaient autonomes dans leur mouvement."

    Autonomes dans leur mouvement idéologique mais aussi dans leur couple et leur amour, jusqu’à s’installer dans un squat à Nanterre, sans eau, sans électricité et sans confort. C’est là qu’ils échafaudent avec un troisième comparse leur cavale meurtrière.

    David Foenkinos ne juge pas. David Foenkinis ne brode pas. David Foenkinos n’embellit pas. Il suit pas à pas cette jeune femme paumée qui a eu le tort de tomber amoureuse d’un jeune homme sans doute plus perdu qu’elle. L’auteur donne la voix à un témoin anonyme pour parler de deux cœurs perdus qui avaient fait un rêve politique autant qu’amoureux et qui ont fracassé leurs jeunes années et plusieurs vies innocentes. Cela se passait au mitan des années 90. 

    David Foenkinos, Les Cœurs autonomes, éd. Gallimard Folio, 2006, 126 p.
    https://www.facebook.com/david.foenkinos
    @DavidFoenkinos

    Voir aussi : "David Foenkinos, son œuvre"
    "L’esprit de famille"

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  • Taisez-vous, Mrs Dalloway

    Sorti un an avant Célestine du Bac, un ouvrage de jeunesse de Tatiana de Rosnay, son roman Les Fleurs de l’Ombre (éd. Robert Laffont/ Héloïse d’Ormesson) est en réalité le dernier qu’elle ait écrit à ce jour. Il est sorti en librairie en mars 2020, quelques jours seulement avant le début du Grand Confinement. Autant dire qu’éditorialement, ce livre a une histoire compliquée pour le faire simple. Mais c’est aussi un roman qui mérite d’être lu à la lumière des bouleversements environnementaux et sanitaires de notre société.

    Après une séparation tumultueuse avec son mari François, séparation dont le lecteur connaîtra les détails sordides en fin de roman, Clarissa Katsef, une auteure franco-britannique dont le succès est plus ou moins derrière elle, trouve un nouveau logement dans un appartement flambant neuf au cœur du 8e arrondissement d’un Paris traumatisé par un attentat. C’est une opportunité unique pour l’artiste qui a été choisie au terme d’une sélection rigoureuse menée par CASA, une obscure organisation.

    Voilà donc Clarissa, fraîchement célibataire, se retrouve entre les murs d’un appartement pourvu d’une domotique dernier cri, avec notamment une voix synthétique portant le nom de Mrs Dalloway (en référence à Virginia Wolf), chargée de veiller à ses moindres souhaits. Mais la vie de Clarissa devient assez rapidement angoissante. Elle sent dans ce lieu aseptisé que quelque chose ne tourne pas rond. Sauf que personne ne semble la croire, hormis sa petite-fille, Andy. Et ce n’est pas l’intervention régulière de Mrs Dalloway, son assistante personnelle, qui la rassure. En prenant contact avec quelques résidents de l’immeuble, Clarissa remarque que tous sont, comme elle, des artistes. Troublant. Au même moment, une mystérieuse étudiante, Mia White, la contacte. Elle se présente comme une admiratrice de son œuvre et souhaite la rencontrer.

    Tatiana de Rosnay avait déjà, dans un de ses précédents livres, Sentinelle de la Pluie (2018) fait de Paris une ville apocalyptique. Après la pluie et les inondations, c’est le soleil et la chaleur qui s’abattent impitoyablement sur la capitale des Fleurs de l’Ombre. Le monde subit les conséquences du dérèglement climatique et la nature est en train d’agoniser. La nouvelle thébaïde de Clarissa fait donc figure de havre sécurisant – en apparence cependant.

    Virginité mémorielle et artificielle

    Tatiana de Rosnay revient au thème central de son œuvre : la mémoire des lieux, d’autant plus qu’il s’agit également d’un sujet intéressant la protagoniste principale des Fleurs de l’Ombre. Sauf que l’appartement qu’occupe Clarissa n’a précisément pas de mémoire car il est neuf, et c’est justement cette virginité mémorielle et artificielle (artificielle comme Mrs Dalloway) qui perturbe l’occupante.

    Dans cette intrigue hitchcockien que Tatiana de Rosnay a bâti comme un roman de science-fiction à la Philip K. Dick, la romancière se fait encore plus sombre que dans ses livres précédents : dérèglement climatique, destructions de la nature, menaces technologiques, sociétés de surveillance et dangers planant sur les artistes. Il est singulier que ces sujets de préoccupation sont portés par une héroïne qui apparaît comme le double de l’auteure : "Élevée par un père britannique et une mère française, elle [Clarissa] était parfaitement bilingue. Elle avait deux langues d’écriture, et n’avait pu choisir l’une au dépend de l’autre". Cela ne vous rappelle personne ? 

    Il faut enfin mentionner que Tatiana de Rosnay a écrit Les Fleurs de l'Ombre simultanément en français et en anglais. Un roman qui est sorti peu de jours avant le déclenchement apocalyptique de la crise sanitaire. Un signe, sans aucun doute.

    Tatiana de Rosnay, Les Fleurs de l’Ombre,
    éd. Robert Laffont Héloïse d’Ormesson, 2020, 336 p.

    http://www.tatianaderosnay.com
    https://www.lisez.com

    Voir aussi : "Tatiana de Rosnay, son œuvre"
    "Des hommes, des eaux et des arbres"
    "Célestine et Martin"

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