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Voilà un petit livre plutôt bien fait pour entrer dans la philosophie en douceur. Ce petit manuel ne rentre pas dans des grands concepts philosophiques mais, avec pas mal de fraîcheur et beaucoup de clins d'œil, il donne quelques outils pour nous faire cogiter.
Au passage, de grands penseurs sont appelés à la rescousse ainsi que quelques-unes des plus célèbres citations philosophiques : "Je pense donc je suis" de Descartes, "Connais-toi toi-même" de Socrate (concept plus complexe qu'on ne le croit), "Dieu est mort" de Nietzsche, etc.
Le moins que l’on puisse dire est que Noé Margolis sait accrocher le lecteur et parler à sa corde sensible. Le premier chapitre de son roman Ça fera des souvenirs (éditions Michalon) interpelle le lecteur directement tout autant qu’il l’interroge : "Ce n’est pas seulement l’histoire de ce livre que vous découvrez. C’est votre propre histoire. Vous nagez dans le temps, vous replongez en vous-même pour vous rappeler ce qui a eu lieu, ce qui n’a pas eu lieu, ce qui aurait pu avoir lieu".
Mais de quelle histoire parlons-nous au juste ? Il s’agit de celle de Darius, un adolescent de dix-sept ans, un peu dégingandé du haut de son mètre quatre-vingt deux, pas forcément bien dans sa vie ("Grandir à la bonne place"), sans être forcément paumé, un peu en manque de reconnaissance dans sa famille, et avec les filles, ce n’est pas forcément très simple.
Lorsque le roman commence, Darius assiste, avec sa famille, aux funérailles d’Alain, un ami de son père qui a compté pour l’adolescent. Un soutien mais aussi un jalon important dans sa jeune vie. Alors que la cérémonie se déroule au cimetière du Père-Lachaise, avec son lot de discours et de musique (l’auteure en fait d’ailleurs le métronome de son roman), Darius se replonge dans son passé, au sujet duquel Alain disait : "Au moins, ça te fera des souvenirs".
Ce ne sont pas les parents ni même le frère de Darius qui forment le cœur de ses réflexions, mais trois personnes qu’il a connues, trois adultes, à la fois exemplaires, édifiants et bouleversants. Ils forment l’armature des souvenirs du jeune homme, appelé à grandir et vieillir.
Ça fera des souvenirs est un des plus beaux livres écrits sur la manière d’être adulte dans notre société moderne
Ça fera des souvenirs est une très jolie surprise littéraire de ce printemps. En dépit de ce que pourrait penser de ce récit plein de mélancolie, on en sort bizarrement ragaillardi, après avoir parcouru les quelques dizaines d’années du personnage principal, de l’adolescence jusqu’au mitan de sa vie.
La compassion que le lecteur a pour Darius vient paradoxalement de sa simplicité, de ses failles et de ses défauts. Les premières idylles, les amours déçus ("Désir ou amour, tu le sauras un jour", cite l'auteure qui reprend les paroles d'une chanson d'Axelle Red), la rencontre avec un lycéen venu d’une famille huppée – où l’on découvre que les concerts des Enfoirés peuvent prendre une tournure métaphysique ! –, les rêves déçus (la danse) ou au contraire en construction (une librairie) ou la rencontre avec la femme de sa vie deviennent des aventures en soi.
Mais là où Noé Margolis se montre sans doute la plus clairvoyante est dans sa manière de mettre la mort au centre du récit – car trois enterrements ponctuent le récit – et surtout de faire de trois adultes, en âges plus ou moins avancés, à la fois des références (Alain), des exemples bouleversants (Charline) et des personnages mystérieux aux lourds secrets (Gilbert).
La vie, l’amitié, les rêves, le temps passé qui ne reviendra plus et, finalement, les souvenirs. Il faut ajouter à cela l’amour, le désir, les histoires jamais abouties (Charline et Alain) ou les souvenirs que l’on ne racontera jamais. Tels sont les thèmes du roman de Noé Margolis. Mine de rien, Ça fera des souvenirs est un des plus beaux livres écrits sur la manière d’être adulte dans notre société moderne (car le roman se déroule des années 80 à notre ère technologique), avec, comme observateur et acteur, un Darius grandissant, observant, expérimentant et vivant. Non sans mélancolie et nostalgie, car, comme le dit l’auteure : "Vieillir, c’est s’éloigner de soin époque, comme on s’éloigne du rivage".
Fatherland est une uchronie, c'est-à-dire une fiction inventant des événements historiques passés.
Dans ce roman du célèbre auteur de thriller britannique, nous sommes à Berlin en 1964. L'Allemagne a gagné la seconde guerre mondiale et les Etats-Unis, gouvernés par un Kennedy (Joseph !), cherchent un modus vivendi avec Adolf Hitler qui s'apprête à fêter ses 75 ans. L'Europe est unifiée, mais sous l'égide de l'Allemagne hitlérienne. Voilà pour le décor très impressionnant de ce roman.
Dans un Berlin méconnaissable (reconstruit par l'architecte nazi Speer), un policier est chargé d'identifier le cadavre d'un homme. Son enquête le mène rapidement vers des révélations fracassantes. Les masques tombent les uns après les autres.
Un excellent thriller qui se lit d'une traite. Et qui n’est pas sans rappeler Le Maître du Haut-Château.
Comme l'indique son titre, cet essai se donne pour but d'étudier des événements au moment où un détail, un accident ou le hasard transforment le cours de l'Histoire. 16 périodes sont ainsi couvertes dans des chapitres très denses avec autant d'hypothèses étonnantes : Ponce Pilate gracie Jésus, les Grecs sont défaits à Salamine, Jeanne d'Arc meurt lors du siège d'Orléans, Louis XVI n'est pas reconnu à Varennes, la première guerre mondiale s'arrête en 1914, la bombe atomique n'est pas prête en 1945, Israël est vaincue lors de la guerre du Kippour...
On peut regretter la vanité d'un tel essai scientifique mais ce livre permet au moins de comprendre les enjeux de tel ou tel événement. Ces chapitres sont par ailleurs inégalement convaincants : autant celui sur Richelieu et la journée des dupes ou bien la fuite de Louis XVI m'ont parus intéressants et troublants, autant les chapitres sur mai 68 (la mort de De Gaulle dans un vol d'hélicoptère...) ou sur Raspoutine m'apparaissent plus comme de l'hypothèse gratuite. En tout cas, voilà un petit livre qui se lit comme du petit lait. Alors...
Mais qui est ce mystérieux Robert Galbraith, qui a déboulé il y a près de 10 ans dans la littérature du roman policier ? Son identité – pour celles et ceux qui ne la connaissent pas – promet de surprendre.
L’Appel du Coucou, brillante intrigue criminelle et enquête de détective, est le premier volume d’une saga autour d’un anti-héros blasé et bousculé par la vie.
Cormoran Strike a servi dans l’armé britannique, en Afghanistan, où une attaque l’a laissé amputé d’une jambe. Invalide de guerre, c’est comme détective privée qu’il s’installe. Avec d’autant moins de succès que sa femme le quitte. Le jour de sa rupture fracassante, alors qu’il est au fond du trou, débarquent tour à, tour Robin Ellacott et John Bristow. La première est une jeune femme postulant pour faire de l’intérim comme assistante. Le deuxième est un futur client. Il est persuadé que sa sœur, Lula Landry, une mannequin renommée, retrouvée morte quelques mois plus tôt, ne s’est pas suicidée mais a été assassinée.
Cormoran ne peut pas ne pas refuser l’affaire, d’autant plus qu’il est maintenant épaulé par la brillante Robin.
Il y a une vie après Harry Potter
Derrière le nom de Robert Galbraith se cache JK Rowling. L’auteure de la saga Harry Potter s’est visiblement amusée à s’emparer des codes du roman policier à énigme : une mort étrange, des indices troublants, des suspects nombreux, un enquêteur – ici, deux enquêteurs – pugnaces et finalement un dénouement surprenant.
Vous l’avez deviné : on est dans de l’Agatha Christie des années 2010. Le traumatisme de l’Afghanistan, le bling-bling de la jet-set, les nouvelles technologies. Il y a tout cela, mais aussi et surtout deux personnages attachants. D’un côté un inspecteur blasé tentant de s’accrocher et de recoller les morceaux ; de l’autre, une jeune femme à qui l’avenir sourit, mais qui doit gérer une carrière professionnelle chaotique et un futur mari à qui rien ne manque, mais qui finit par porter sur les nerfs. Entre Cormoran et Robin, qui auraient dû ne jamais se croiser, l’entente va s’avérer plus fructueuse et productive que prévue.
Au final, bien entendu, le lecteur découvrira à la fois ce qui s’est passé le soir du meurtre de la mannequin et l’explication du titre du roman. Voilà qui, au final, donne envie de découvrir la suite des aventures de Cormoran et de Robin, et qui prouve par dessus le marché que JK Rowling n’en finira jamais de nous surprendre. Oui, il y a une vie après Harry Potter.
C’est avec l’adaptation de Fondation, la saga d’Isaac Asimov, qu’Apple+ a fait son entrée dans la production de séries. Et, pour le moins, ce projet ne manquait pas d’ambition. Comment les scénaristes allaient-ils se sortir d’une histoire de hard SF se situant au XIIIe millénaire, avec des technologies scientifiques avancées, des vaisseaux spatiaux en veux-tu en voilà, des planètes colonisées aux confins de l’univers que l’on atteint à la vitesse de la lumière et des cultures imaginées grâce au cerveau fertile d’un écrivain génial ? Apple+ avait mis la barre très haut. Pour quel résultat ?
Plus de vingt mille ans dans le futur, un empire galactique règne sur des millions de planètes peuplées par des milliards d’humains qui ont oublié jusqu’à l’existence de la Terre, reléguée à une lointaine légende que personne n’a pu ou su vérifier.
Le premier volume écrit de Fondation, en 1951 (Prélude à Fondation et L'Aube de Fondation ont été écrits sur le tard, entre 1988 et 1993), est constitué de cinq nouvelles s’étalant sur plusieurs siècles. Sur Trantor, la capitale de l’Empire, Hari Seldon, brillant psychohistorien – la psychohistoire est une science mêlant histoire, sociologie, statistiques et mathématiques –, prévoit que l’Empire doit bientôt s’écrouler, une décadence qui sera suivie de près de 30 000 ans de barbarie, avant la naissance d’un nouvel Empire. Le savant a cependant un plan pour réduire les temps sombres à quelques centaines d’années.
Affolées par ces prédictions, les autorités impériales l’exilent, lui et son équipe, dont une brillante tête en mathématiques, Gaal Dornick, sur la planète Terminus. C’est ce qu’avait prévu Hari Seldon. La colonisation de Terminus, planète de savants et de psychohistoriens, peut commencer, avec des voisins pour le moins turbulent.
Au fur et à mesure que la série se déploie, le bon et le moins bon se succèdent
La première saison de Foundation, la série d’Apple+, reprend dans les grandes lignes les cinq premières nouvelles de Fondation. Les moyens financiers de cette adaptation sont évidents. La planète Trantor a été imaginée avec soin. De ce point de vue, les lecteurs d’Asimov ne seront pas trahis.
Ils le seront sans doute un peu plus avec les deux personnages principaux, Gaal Dornick et Salvor Hardin. Deux actrices (dans le roman, ce sont des hommes - mais pourquoi pas ?) endossent, pour l’une le rôle du mathématicien rejoignant Hari Seldon, pour l’autre le Maire de Terminus des décennies plus tard. En réalité, dans la série, Salvor Hardin devient la "Gardienne" de la planète colonisée et elle a plus le profil d’une tête brûlée que d’une stratège ou d’une politicienne. Quant à Jared Harris, il incarne le savant génial avec conviction – au point que les scénaristes se sont refusés de le voir disparaître trop vite. Ce qui est paradoxalement dommage.
La modernisation de Fondation pour le petit écran pose sans aucun doute quelques problèmes. L’aspect politique et scientifique laisse la place à des scènes d’action sur Terminus, assez classiques mais qui ternissent l’aspect novateur d’Asimov.
Au fur et à mesure que la série se déploie, le bon (les manœuvres du trio impérial) et le moins bon (les pérégrinations peu crédibles de Gaal Dornick dans l’espace-temps) se succèdent. En voulant raccrocher les wagons des premières nouvelles de Fondation, Foundation perd beaucoup de la saga originelle, jusqu’aux dernières minutes de la saison, où l’on assiste à une rencontre tirée par les cheveux et pas du tout convaincante.
Certes, on peut saluer l’adaptation risquée et ambitieuse de l’une des plus grandes sagas de la SF. Mais pour pleinement goûter à Fondation, il faut sans aucun doute préférer les livres à la série. Cependant, si la version filmée donne envie de lire les livres, pourquoi pas ?
Une deuxième de saison de Foundation est de toute manière déjà en chantier, preuve que l’adaptation a, au final, su convaincre beaucoup et trouver son public.
Isaac Asimov, Fondation, éd. Folio, 1951, 256 p. Foundation, série de science-fiction américaine de David S. Goyer, avec Jared Harris, Lee Pace, Lou Llobell, Leah Harvey, Laura Birn, Terrence Mann et Cassian Bilton, saison 1, 10 épisodes, 2021 http://www.asimovonline.com/asimov_home_page.html https://tv.apple.com/fr
L'Espion qui venait du Froid, l'un des premiers romans d'espionnage de John Le Carré, a révolutionné le genre. A l'antipode des James Bond, les histoires de John Le Carré sont complexes, les personnages ne sont pas des héros mais des hommes et des femmes ordinaires et souvent désabusés, l'espionnage n'est plus qu'une activité professionnelle, voire ennuyeuse et les enjeux (idéaux politiques et stratégiques) n'ont finalement aucun intérêt.
L'Espion qui venait du Froid débute par le démantèlement à Berlin, en pleine Guerre Froide, du réseau d'Alec Leamas par le service du contre-espionnage est-allemand dirigé par un certain Mundt. De retour à Londres, Leamas est grillé et mis sur la touche. Jusqu'à quand ? Voilà un roman intéressant par son parti-pris de désacraliser le roman d'espionnage.
J'ai trouvé ce livre vraiment passionnant pendant les 100 premières pages. J'ai moins accroché pour la suite : on se perd dans les magouilles d'espionnage (c'est voulu par l'auteur). Par contre, le personnage de Liz, la petite amie d'Alec, donne un vrai beau supplément d'âme. Un classique du roman d'espionnage à découvrir.
Après lecture de ce livre, vous ne verrez plus la médecine et les médecins de la même manière. Patrick de Funès, fils du célèbre et regretté acteur du même nom, nous parle dans Médecin malgré moi (éd. du Cherche-Midi) de son expérience du milieu médical.
Grâce à des anecdotes aussi croustillantes qu'édifiantes, il s'attaque à une corporation choyée par le pouvoir et certaine de sa toute-puissance : formations médicales se limitant à des réunions récréatives ou à des colloques grassement payés, ordre des médecins (né en 1942 sous la France de Vichy !) influent et plus soucieux de protéger son corporatisme que les patients, omniprésence de "diafoirus" jusque (et surtout !) dans les milieux les plus huppés, "professeurs médaillés qui nous terrorisent à la télévision" ou campagnes de prévention (contre le cancer du sein, notamment, que la France poursuit en dépit d'avertissements de nombreux spécialistes) qui s'avèrent aussi inutiles que dangereuses pour la santé publique mais qui, par contre, sont devenues de bien belles sources de revenus.
Un essai salutaire, et ce, quelques années avec le Covid. Pas sûr du tout que les choses se soient améliorées depuis. Hélas !