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Saluons d’abord le titre de l’autobiographie de Jacqueline Taïeb, Je chante si on me donne du Chocolat. Une belle entrée en matière, comme le sont d’ailleurs ses débuts, très jeune, en musique. Alors que la jeune Française née en Tunisie se démarque par son appétence pour la musique. Mais pas question de chanter gratos, dit déjà la fillette de cinq ans : "Je chante si on me donne du chocolat !"
Voilà qui donne un aperçu de la personnalité d’une artiste au caractère bien trempé et déjà hors-norme. Quelque peu oubliée aujourd’hui, Jacqueline Taïeb rappelle qu’elle a été une figure importante des sixties et des seventies. À l’âge de dix-huit ans, encore mineure à l’époque, elle offre son premier tube, l’incroyable et hyper-moderne "Sept heures du matin", trustant les premières places des hit-parades aux côtés de brillantes célébrités, telles que Sheila, Jacques Dutronc ou Michel Fugain.
Michel Fugain, il en est d’ailleurs question à plusieurs reprises dans son autobiographie (ses "nouvelles & anciennes", comme elle le dit malicieusement). Elle s’y dévoile sans fard et sans se ménager elle-même.
Jacqueline Taïeb se dévoile sans fard et sans se ménager elle-même
Le leader du Big Bazar n’est pas le seul à avoir les honneurs de la chanteuse. Elle n’oublie pas Yves Montand et sa générosité et son professionnalisme ou l’irrésistible Jeane Manson, présentée de manière si généreuse et craquante que le lecteur n’a qu’une envie : la rencontrer pour de vrai.
Mais l’auteure sait aussi balancer ses coups. Plusieurs artistes ont d’ailleurs droit à un traitement en règle, à commencer par Maurane.
Le lecteur sera sans doute étonné d’apprendre qu’à côté de chansons françaises de Jacqueline Taïeb (citons le succès intemporel de Michel Fugain "Les Sud Américaines" ou encore le morceau rock, eighties et non sans humour "Les chanteurs disent la vérité" ) figurent une série de tubes de pop internationale de la regrettée Dana Dawson (à commencer par le célébrissime "Ready to follow you"). Dans un passionnant chapitre, la musicienne raconte l’histoire de cette aventure artistique américaine, tout en la relativisant.
Jacqueline Taïeb propose avec ce court livre qui devrait passionner les fans de sixties et seventies une plongée dans une époque que l’artiste regrette. La nostalgie est présente mais aussi de vraies et belles déclarations d’amour. Le lecteur y trouvera aussi des coups de gueule et des coups de sang, notamment dans un tout dernier chapitre consacré à sa famille.
Je chante si on me donne du chocolat permet en tout cas de redécouvrir une artiste à la vie passionnante et qui peut se targuer d’avoir proposé quelques titres qui mériteraient de sortir de l’ombre.
Non, vous ne rêvez pas. Ce sont bien les très sérieuses éditions Larousse qui proposent la version roman du film Donjons & Dragons, actuellement dans les salles. Évidemment, le livre est, lui, disponible, dans toutes les bonnes librairies.
C’est le public adolescent (ou "young adult" pour reprendre la terminologie anglo-saxonne) que vise les éditions Larousse, qui proposent d’ailleurs trois autres déclinaisons en livres de Donjons & Dragons – La voie des druides, le préquel du film, le roman graphique L'Appel du Jeu (tome 1) et La Légende de Drizzt, le guide officiel des royaumes oubliés.
Donjons & Dragons est au départ un jeu de rôle imaginé dans les années 70. Jeu interactif avec des règles précises, des cartes à jouer, des plateaux illustrant des décors moyenâgeux, des dés et des personnages bien caractéristiques (un magicien, un voleur, un druide ou un guerrier), que l’on retrouve dans le film de Jonathan Goldstein et John Francis Daley. Un maître du jeu est chargé de mener la partie, tout en faisant office de conteur.
Le livre de David Lewman pourrait se caractériser comme un produit dérivé du film dérivé du jeu
Directement inspiré du jeu d’origine – re-popularisé par la série Stranger Things – Donjons & Dragons : L’honneur des Voleurs joue la carte de l’heroic fantasy autant que de l’humour. Chris Pine, Michelle Rodriguez ou Hugh Grant dans un rôle à contre-emploi, prennent un grand plaisir à jouer dans ce film de Fantasy malin et plutôt drôle pour un film américain.
Le livre de David Lewman pourrait se caractériser comme un produit dérivé du film dérivé du jeu. Le spectateur pourra y retrouver sur papier le récit du film, jusqu’à la scène de la Mer des Épées, après que la communauté autour d’Edgin et d’Holga ait récupéré le Heaume de Disjonction.
On retrouvera dans ce roman qui se lit avec plaisir tout ce qui fait l’attrait d’un roman de Fantasy : des héros que rien n’arrête en dépit de leurs faiblesses, une quête, un univers fantastique, sans oublier des elfes, des magiciens (bons ou mauvais), des guerriers et des dragons.
Un bon moment de lecture pour les passionnés de Donjons & Dragons mais aussi pour le jeune public. En ouvrant son catalogue à cette littérature dite "facile", les éditions Larousse prouvent leur ouverture à un genre – la Fantasy – qui a été trop souvent considérée de haut.
Le monde de l’édition vient de voir naître un nouvel acteur, L’éditeur à part. Christophe Pavlevski, François-Xavier Bellest et Claire Passy sont les heureux parents de ce "bébé". Nous avons voulu interroger Claire Passy au sujet de cet éditeur à part.
Bla Bla Blog – La naissance d’un éditeur est toujours un événement dans la vie culturelle. Comment présenteriez-vous L’éditeur à part ? Et d’abord, quelle est sa philosophie ?
Claire Passy – Oui, il est vrai que la création d’une maison d’édition est un évènement particulier dans la vie culturelle. Surtout dans la période actuelle où le monde de l’édition reste très encadré, homogène et prévisible. C’est en partant de ce constat que nous avons fait mûrir ce projet pour ainsi donner naissance à L’éditeur à part. Elle est née de l’initiative de Christophe Pavlevski, qui est tombé dans le monde de l’édition depuis son plus jeune âge. La première chose qu’il voulait faire différemment, c’est de s’entourer d’associés avec qui il monterait un tel projet. François-Xavier Bellest et moi l’ont rejoint sur ce projet. Cela montre déjà un aspect important de la philosophie de Léditeur à part, puisque toutes les autres maisons d’éditions ont à leur tête une seule et même personne… Pas trois. Avec des parcours totalement différents, nous avions tous l’envie de casser les codes du monde de l’édition. Nous sommes tous engagés de différentes façons par nos parcours respectifs, tout en étant des amoureux de la littérature. Nous sommes aussi parfaitement conscients de l’impact des mots et du pouvoir qu’ils peuvent avoir sur notre société. C’est donc naturellement que nous nos chemins se croisent et que nous avons décidé de faire un bout de chemin ensemble en créant L’éditeur à part. Nous souhaitons ainsi publier des personnalités à part, qui ont quelque chose à revendiquer. Déranger sans blesser, telle est notre philosophie.
BBB – Un genre a-t-il votre préférence ?
CP – Notre ligne éditoriale est très claire et elle se résume en un acronyme : ATERA, qui signe en langue basque, "En dehors", "en marge de…". Nous publions ainsi des autobiographies, des textes engagés et des romans autobiographiques.
BBB – Derrière L’éditeur à part, je crois qu’il y a trois personnes ?
CP – Tout à fait. L’éditeur à part est issu d’un travail d’équipe. Elle n’a pas une, ni deux mais trois têtes pour la diriger. Les décisions sont prises de manière collégiale. Evidemment, il a bien fallu une personne pour initier le projet, et il s’agit de Christophe Pavlevski. Français d’origine des Balkans et marié à la culture espagnole, Christophe est un entrepreneur dans l’âme et passionné de littérature. Le monde de l’édition, il le connaît depuis toujours et c’est pour cela qu’il a toujours eu dans un coin de sa tête cette envie de créer l’éditeur à part. Mais il s’est d’abord formé, a développé ses compétences, son réseau et s’est engagé de manière multiples et variées avant de se lancer. C’est lui qui a choisi de s’associer avec François-Xavier Bellest, sémiologue émérite, passionné par la langue française. François-Xavier, de culture française et québécoise, manipule avec brio la langue française et sait tirer profit de sa double culture pour affirmer toute la singularité de la langue française. Auteur d’une vingtaine de romans en qualité d’écrivain fantôme pour des maisons d’éditions françaises et canadiennes, il joue avec la sémantique et la psycholinguistique pour partager des émotions complexes à travers les mots. On comprend donc aisément les raisons qui ont poussées Christophe à s’associer avec François-Xavier. Et enfin, Christophe m’a lui aussi choisi pour des compétences complémentaires aux siennes et à celles de François-Xavier. D’origine franco-allemande, passionnée de théâtre depuis le plus jeune âge, j’ai très vite orienté mes études vers l’écriture afin de compléter mes compétences en art dramatiques. Ma passion pour les langues m’a poussée à m’ouvrir vers d’autres langues puisque j’ai très vite compris qu’apprendre une langue étrangère était le meilleur moyen d’approfondir la connaissance de sa langue maternelle. Cela permet aussi de mieux comprendre et d’appréhender différemment la multitude de cultures qui nous entoure. C’est sans doute cet aspect de mon parcours qui a développé ma curiosité de l’autre. Quant à ma passion pour la scène, elle m’a aussi amené à m’intéresser à l’écriture scénaristique. J’ai ainsi acquis cette double compétence, me permettant à la fois d’écrire pour l’autre mais aussi d’adapter cette parole pour des formats audiovisuels. L’éditeur à part, c’est donc l’histoire de trois personnages qui se sont rencontrés : un éditeur né et entrepreneur accompli, un sémiologue et sémanticien qui manie les mots avec aisance et une artiste et entrepreneuse. Engagés, passionnés et déterminés, tous les trois se retrouvent derrière une ambition commune : publier des personnalités à part afin de faire un pas de travers dans le monde de l’édition. Déranger sans blesser est notre philosophie.
Déranger sans blesser, telle est notre philosophie
BBB – Que souhaitiez-vous publiez dans cette maison d’édition que vous ne voyiez pas en librairie ?
CP – Nous avons réalisé que nous lisions toujours les mêmes choses… Que les prix littéraires ne faisaient que ressortir la même typologie de textes. Nous avons du mal à être surpris, emballés, passionnés, révoltés ou questionnés par ce que nous lisons… C’est, avant tout, ce manque que nous souhaitons combler. C’est pourquoi nous sommes L’Éditeur à part. Nous souhaitons publier des personnalités à part, qui ont un point de vue à défendre, sans pour autant blesser qui que ce soit. Il existe évidemment toujours des livres dits "polémiques" mais qui sont rédigés contre une personne morale, physique ou les deux. Ce sont souvent des attaques frontales, qui peuvent être même agressives. Comme si l’agressivité, la violence et l’outrance étaient les seuls leviers pour sortir du lot, se faire remarquer. Nous pensons qu’il existe d’autres manières de faire. De plus, trop de personnes ont le désir d’écrire, mais n’osent pas se lancer. Freinés par le syndrome de la page blanche, le manque de confiance en soi ou tout simplement par manque de temps, ces personnes sont malheureusement réduites au silence Et pourtant, elles ont clairement quelque chose à dire, et sans doute plus que certaines « personnalités » qui elles, publient pour satisfaire leur égo. Nous souhaitons donc donner une voix, et surtout une plume, à ces hommes et ces femmes pour qu’elles puissent transmettre leurs expériences et leur point de vue engagé. C’est pour cette raison que nous mettons un écrivain fantôme (ou ghostwriter) à la disposition de ces personnes. Bien évidemment, cette pratique est commune chez beaucoup de maisons d’édition mais elle reste un sujet tabou. Nous avons décidé au contraire de le faire de façon ouverte et totalement décomplexée, puisqu’une véritable relation de confiance se créée entre l’auteur et l’écrivain fantôme.
BBB – Pouvez-vous présenter les premiers ouvrages publiés ?
CP – Nous avons publié deux romans autobiographiques et une autobiographie. Le temps des pourquoi ! de Juliette Klotz est la première autobiographie que nous publions. Nous avons souhaité publier cette autobiographie puisque Juliette apporte un regard inattendu sur une période de l’histoire qui a fait couler beaucoup d’encre. Alors que Juliette Klotz est née au milieu du nazisme et se retrouve enrôlée dans la jeunesse hitlérienne, son parcours fait qu’elle est devenue une femme engagée et ouverte sur l’autre. Le sujet des populations immigrées est pour elle un sujet central de notre société. Elle a une façon particulière de porter un regard humaniste sur ces gens qui doivent fuir leur pays. Idéaliste, humaniste et éternelle optimiste, elle partage les différentes étapes de sa vie à travers ce livre pour ainsi apporter un regard nouveau sur cette période de l’histoire et les liens qui ne cessent de persister. L’amour caméléon de François-Xavier Bellest est l’un de nos premiers romans autobiographiques. Cette réédition nous semblait parfaitement adaptée au lancement de la maison d’édition puisque François-Xavier Bellest nous peint l’envers du décor du monde de l’édition. Amené par intrigues successives, l’histoire de la négritude littéraire en France se fond à celle des sentiments où tolérance et acceptation de soi marquent l’actualité du roman. Condamné au silence des œuvres qu’il a écrites pour d’autres, François-Xavier Bellest signe de son nom la nouvelle édition de son roman autobiographique. En effet, cet ouvrage confectionné il y a une vingtaine d’années reste pertinent par les sujets abordés. Ainsi sur l’aspect littéraire, le terme nègre est remplacé aujourd’hui par écrivain-fantôme. Toute discrimination relative à la couleur de peau est ainsi exclue, ce qui devrait être la norme. Tout autant que celle des amours entre personnes du même genre, normalité en devenir. Enfin, Les équations amoureuses de Géraldine Beigbeder est aussi l’un de nos premiers romans autobiographiques.
BBB – Parmi ces ouvrages, pouvez-vous nous parler justement des Équations amoureuses, dans lequel l’auteure, Géraldine Beigbeder, allie le sentiment amoureux avec les mathématiques. J’imagine que cette audace a dû vous interpeler !
CP – Géraldine Beigbeder signe ici son premier roman autobiographique et se livre sans tabou sur plusieurs sujets. Elle écrit ici sous le nom de Julie pour aborder les thèmes de l’amour, de la quête identitaire, de la sexualité et de l’écriture littéraire. Influencée par notre société soutenant qu’une âme-sœur serait responsable de notre bonheur, Julie s’était mise à sa recherche en se basant sur une théorie mathématique : l’équation de Drake. Mais constatant que cette recherche ne la mène nulle part et l’éloigne de ce qu’elle est vraiment, elle décide d’utiliser la liberté qui l’anime afin de se concentrer sur la véritable quête : l’accès au bonheur. Julie, autrice en manque d’inspiration après une rupture amoureuse, se lance alors dans cette quête identitaire et traite de manière franche les différentes étapes qu’elle franchit au cours de cette recherche. Amour physique, amour spirituel, désir, homosexualité… l’auteure aborde ces sujets sans tabou afin de trouver sa propre équation, et pourquoi pas, sa propre définition du bonheur. Géraldine est exactement ce que nous recherchions, c’est-à-dire, une personnalité à part. Alors que d’autres membres de sa famille sont beaucoup plus sous le feu des projecteurs, Géraldine est beaucoup plus discrète et pourtant, pas moins créative et engagée. Son angle d’attaque était pour le moins inattendu. Mais l’on avait tout de suite remarqué que l’on ne tombait pas dans un roman à l’eau de rose. Géraldine a cette capacité à faire le lien entre des éléments qui, à première vue, ne semblent en aucun cas liés. Et c’est en démarrant ainsi qu’elle finit par tirer ce fil imaginaire avec son franc parler. Sa capacité d’observation mélangée à sa curiosité et à son imagination nous donne ainsi un roman autobiographique tel que Les équations amoureuses. Quand on lit ce livre, on ne lit pas du Beigbeider, on lit du Géraldine, et c’est aussi cela sa force et sa différence.
BBB – Quels sont les futurs projets pour L’éditeur à part ?
CP – Nous souhaitons publier une douzaine d’ouvrages par an. Nous venons de sortir en mars dernier nos trois premiers ouvrages, nous travaillons actuellement sur la sortie des trois prochains ouvrages, deux autobiographies et un texte engagé. Nous avançons aussi sur l’adaptation audiovisuelle de l’un de ces ouvrages.
BBB – Merci pour vos réponses, et bonne aventure littéraire !
Il existe deux versions de Justine ou les Malheurs de la Vertu (1791) : une, condensée et plus ancienne, Les Infortunes de la Vertu (1787) ; et une écrite sur le tard (1799), La Nouvelle Justine, qui développe jusqu’à son paroxysme les thèmes les plus sulfureux des deux ouvrages précédents.
Ces versions prouvent l’attachement de Sade pour cette histoire de crimes, de sexe et de morale : deux sœurs, Justine et Juliette, séparées à leur naissance, se retrouvent des années plus tard dans une auberge de Montargis alors que des soldats conduisent la première vers son lieu d'exécution pour des crimes qu'elle aurait commis.
Or, paradoxalement, la plus vertueuse des deux sœurs n'est pas Juliette (qui a trempé dans des meurtres et des affaires peu recommandables) mais Justine qui a choisi toute sa vie les chemins de la vertu et de l'honnêteté, ce qui lui a causé les pires torts. Celle-ci nous raconte ses aventures jusque dans les détails les plus sordides.
À la lecture de ce livre - si sulfureux que la lecture en devient difficile - il n’est pas évident de se faire une opinion sur les réelles intentions de Sade : fausses confessions d’une vertueuse et vraies revendications d’un libertin au passé peu avouable ?
Énumérations de crimes et de supplices écrit par un Sade brisé par des années de prison et de frustration (à certains égards, son ouvrage le plus noir, Les 120 Journées de Sodome, n'est pas loin) ? Roman philosophique sur le libertinage ? Œuvre moderne avant l’heure qui entend ne se donner aucune limite à la littérature et au langage ? Ou bien conte moral comme le laissent entendre les dernières pages ? A chacun de se faire sa propre opinion.
Galaad est, quelque part, le "héros" du dernier livre d’Adeline Baldacchino, Une Joie sauvage et douce (éd. Michalon). L’auteure a voulu "raconter en temps presque réel" sa grossesse, jusqu’à la naissance de son fils – Galaad, donc. La deuxième partie du livre est celle d’une jeune maman découvrant et vivant les premiers mois de jeune maman.
Voilà un ouvrage à la fois touchant et d’une superbe écriture qui ne se veut "ni roman, ni essai ; ni poème, ni démonstration".
On ne trouvera pas dans Une Joie sauvage et douce de considérations médicales, pas plus que l’auteure ne tombe dans feel good ou le pensum pédagogique. Il y est d’abord question de la construction d’une femme devenant mère, et dont les liens intimes avec son bébé ("L’un dans l’autre") deviennent une véritable aventure humaine.
Une langue qui de déploie dans une belle poésie
De l’annonce ("La théorie de l’émerveil") à l’accouchement, en passant par les manifestations physiques du fœtus, le constat de la fin de l’insouciance et l’attente, Adeline Baldacchino nous parle d’identité, de la construction de soi, de l’identité, des liens familiaux ("Il y a dans toute jeune mère la nostalgie de sa propre mère") mais aussi de l’être en train de grandir, à qui Adeline Baldacchino consacre ses plus belles pages.
Les premiers mois de la maternité constituent plus de la moitié du livre. Galaad vient de naître et, avec son arrivée, la jeune mère découvre cet être qui était quelques temps plus tôt dans son ventre. Elle nous parle de ses moments, aussi uniques que sa grossesse : l’émerveillement du jeune enfant, le regard de mère à fils, les exigences de la vie quotidienne, la peur d’une maman pour son enfant ou la découverte du monde et de son corps par le nourrisson.
Adeline Baldacchino parle de tout cela dans une langue qui de déploie dans une belle poésie, à l’instar de ce passage : "J’aspire férocement à cette douceur. Les cheveux de maman sont des algues à la surface de la mer où nous plongeons en rêve."
Voici un des meilleurs recueils de nouvelles qu'il m'était été donné de lire.
Ces neuf histoires sont centrées sur des destins de femmes : un fait divers scandaleux dans une bourgade américaine, une relation improbable entre un ancien champion de natation et une jeune fille handicapée, le destin d'une enfant rêvant de devenir majorette (ces deux nouvelles sont les plus poignantes du recueil), une amitié étouffante entre une bourgeoise collet montée et une artiste extravertie,...
Autant de nouvelles qui prennent aux tripes ! Seul bémol dans ce livre : j'ai moins accroché à la nouvelle qui donne son titre au recueil même si sa construction est très audacieuse. Mise à part cette très légère critique, Fugues est un livre d'une grande qualité que je conseille à tous. Du très grand art !
Le touriste c’est Milo Weaver – ou plutôt c’était Milo Weaver. Cet agent secret nomade a en effet posé ses valises à New York après une mission périlleuse un certain 11 septembre 2001 à Venise. Cadre pour la CIA et père de famille, il retrouve par hasard le Tigre, un tueur à gage qu’il a poursuivi pendant des années.
Avant de se suicider, son ancien ennemi lui fait des révélations sur le fonctionnement tortueux de la CIA et du Tourisme. Milo retrouve son ancien travail, à son corps défendant. Roman d’espionnage « post-11 septembre », Le Touriste nous parle d’espionnage, de manipulations géopolitiques, de mondialisation mais surtout des frontières fluctuantes entre démocratie, dictature, droit et violence.
Un roman tortueux, obscur (dans tous les sens du terme) dans lequel les enjeux dépassent autant le lecteur que le personnage principal. À l’antipode des James Bond.
En 1944, alors que la Solution Finale contre les Juifs européens bat son plein, les pontes de la SS, dont Ernst Kaltenbrunner, Heinrich Himmler et Rudolf Höss, le responsable d’Auschwitz, ont l’idée d’immortaliser en photos "l’efficacité" de la machine de mort nazie. Entre mai et août 1944, le "Programme Hongrie" organise la déportation de près de 600 000 juifs hongrois - qui seront pour la plupart tous exterminés. Deux photographes allemands, Bernhard Walter et Ernst Hoffmann sont chargés de multiplier des clichés qui serviront de bases à une dizaine d’albums.
Un seul est retrouvé par une déportée hongroise, Lili Jacob. En avril 1945, alors qu’elle est mourante et que les troupes américaines approchent du camp de Mittelbau, elle tombe sur cet album d’Auschwitz. En dépit de l’utilisation de quelques clichés pour des procès, dont celui d’Eichmann, l’album reste curieusement dans l’ombre. Le voilà maintenant restitué et analysé dans cet essai incroyable autant que bouleversant.
Ces visages d’hommes, de femmes et d’enfants – beaucoup d’enfants
Rarement une source historique n’a été autant scrutée et étudiée. Tal Bruttmann, Stefan Hördler et Christoph Kreutzmüller analysent les lieux des crimes, Auschwitz, l’un des nombreux sites de mise à mort dans l’Europe nazie, devenu symbolique pour son étendue, son "efficacité" et finalement le nombre de victimes. En ayant l’idée perverse de laisser des preuves photographiques de leur crime – bien qu’aucune photo ne montre chambres à gaz et fours crématoires, hormis deux clichés ajoutés sur le tard – les dignitaires, militaires, responsables des camps et forces supplétives laissent à l’histoire les images d’un des plus grands crimes de l’humanité.
Le lecteur sera secoué devant les files de déportés. Ces visages d’hommes, de femmes et d’enfants – beaucoup d’enfants ! – affrontent l’objectif. La plupart mourront peu après. Pas de morts sur ces photos – hormis la silhouette d’une vieille femme morte d’épuisement – et la violence ne surgit qu’épisodiquement – une canne à la main d’un officier, une vieille femme conduite par deux hommes vers la mort et les tours d’un four crématoire. Le lecteur sera frappé par ces clichés où des milliers de personnes arrivent sur les quais du camp nazi, des ballots de bagages et des foules de déportés attendant dans un bois que les chambres à gaz, mis à contribution, se libèrent.
Il a souvent été dit que les Juifs exterminés étaient conduits à la mort sans se défendre. Quelques indices nous indiquent qu’il n’en a rien été : les regards plein de défiance, les tentatives de révolte, mais aussi ces langues tirées avec affront en direction du photographe et de leurs bourreaux. Gestes faussement anodins, mais riches de sens.