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Livres et littérature - Page 30

  • L’esprit de famille

    david foenkinos,roman,sœur,rupture,familleDeux Sœurs (éd. Gallimard), le David Foenkinos cuvée 2019, surprendra moins pour sa noirceur que pour son choix du drame familial se transformant en thriller psychologique implacable. On serait tenté de trouver dans ce livre des similitudes avec plusieurs romans de Tatiana de Rosnay (Le Voisin, Spirales).

    Comme souvent chez l’auteur français, l’histoire se déroule dans un environnement des plus ordinaires. Monsieur et madame tout le monde devenant les héros d’une histoire hors du commun.

    La protagoniste principale ne déroge pas à la règle. Elle s’appelle Mathilde, travaille comme professeure de français dans un gros lycée et vit avec Étienne depuis plusieurs années. Une vie de couple sans ombre, avec la certitude pour celle-ci qu’elle vit une relation fusionnelle solide.

    Grave erreur car au moment où le récit commence, Étienne apprend à Mathilde qu’il se sépare d’elle. Elle apprend un peu plus tard qu’il a renoué avec une ex revenue d’Australie après un mariage raté.

    Voilà donc la jeune professeure de français, admiratrice de Flaubert et en particulier – ce n’est pas un hasard – de L’Éducation sentimentale, obligée de gérer une vie seule. Travail, logement, relations sociales et sentimentales : tout semble partir à vau-l’eau. Lorsque Étienne lui apprend qu’il souhaite prendre possession de leur appartement avec sa nouvelle amie, voilà Mathilde obligée de déménager. Généreusement, sa sœur Agathe lui propose de l’héberger quelques temps chez elle. Et c’est là que tout se grippe.

    Une lente descente aux enfers

    David Foenkinos décrit patiemment le portrait d’une jeune femme qui voit du jour au lendemain le ciel lui tomber sur la tête. La première partie de Deux Sœurs est une lente descente aux enfers de plus de cent pages. David Foenkinos aime son héroïne en dépit de ses failles et met en scène plusieurs personnages secondaires comme s’il souhaitait mettre sur son passage des bonnes âmes – le proviseur de Mathilde, une voisine psychanalyste ou un psychologue – capables de l’aider, ou du moins de lui maintenir la tête hors de l’eau.

    Une seule personne va l’aider : sa sœur, Agathe. Mariée et mère d’une jeune enfant. Entre les deux sœurs, pèse un lourd secret de famille. Sauf que les mois passées dans la sphère privée d'Agathe et de son mari Hugo deviennent au fil des jours de plus en plus lourds et pénibles. Entre Mathilde et sa sœur, les relations deviennent très cite compliquées. 

    On ressort de ce roman de David Foenkinos secoué par cette histoire d’une relation familiale vénéneuse à force de non-dits. Derrière l’écriture simple et subtile de l’auteur, il y a une noirceur indicible qui semble murmurer à l’oreille du lecteur : "Il n’y avait aucun espoir à attendre".

    David Foenkinos, Deux Sœurs, éd. Gallimard Folio, 2019, 191 p.
    http://www.gallimard.fr/Contributeurs/David-Foenkinos
    @DavidFoenkinos

    Voir aussi : "David Foenkinos, son œuvre"
    "Épitaphe pour Charlotte Salomon"

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  • Alors comme ça, vous voulez écrire…

    On aurait tort de prendre l’ouvrage de Lionel Davoust, Comment écrire de la fiction ? (éd. Argyll) comme un vade-mecum imparable pour jeune ou moins jeune écrivain. Son ouvrage est ramassé : 162 pages pour donner les bonnes recettes pour bâtir une histoire c'est assez court. Lionel Davoust n'entend pas être exhaustif dans son projet mais de rappeler quelques fondamentaux. Le premier de ceux-ci concerne l'importance de l'inspiration qui serait le vrai moteur de l'écriture. 

    Première erreur, insiste Lionel Davoust, fort de son expérience et de ses nombreuses publications dans la fantasy principalement : "J’affirme qu’il est non seulement faux, mais prétentieux de soutenir que l’écriture ne s’apprend pas."

    Cette phrase est au cœur de l’essai dont le sous-titre est éloquent : "Rêver, construire, terminer ses histoires". La moindre des qualités de Lionel Davoust est autant de donner quelques pistes et clés que de dédramatiser l’activité littéraire : le travail est au centre de l’écriture et c’est "la seule variable qui se trouve sous notre contrôle". Voilà qui promet d’être rassurant.

    Lionel Davoust se lance dans une enquête finalement assez ardue : d’où viennent les idées, comment être original, qu’est-ce qu’une histoire, où trouver du sens dans une histoire ou pourquoi vouloir écrire ? L’auteur donne son point de vue sur ce qu’est une fiction et sur la place que doivent avoir les conflits intérieurs, les phases scénaristiques ou les scènes d’exposition.

    L’auteur propose au futur écrivain qu’avant de se mettre au travail il s’interroge sur ce qu’il a à dire.  Une étape ingrate, certes, mais indispensable avant de se retrousser les manches, ce que Lionel Davoust exprime avec une phrase qu’il faut relire plusieurs fois pour la comprendre : "Faire descendre l’imperfection imaginée dans l’imperfection inhérente au réel."

    Concilier la volonté de l’auteur et la volonté de l’histoire

    La deuxième partie de l’essai aborde les techniques d’écriture pour faire accoucher la fiction qui deviendra un roman. L’auteur y aborde des concepts plus techniques : les codes de la narration, le tesseract, le concept de la "promesse" et du "paiement" ou celui du point de vue, développé notamment grâce à des graphiques.

    C’est encore avec des graphiques que l’auteur de fantasy s’interroge sur la place capitale des personnages qu’il résume ainsi : "Une histoire, c’est des gens intéressants, qui veulent quelque chose d’important, et c’est compliqué". Au sujet de l’importance de fiches pour créer des personnages, Lionel Davoust exprime son point de vue, à rebours de beaucoup d’auteurs. Son opinion est à la fois simple et complexe : une fiction doit pouvoir "concilier la volonté de l’auteur et la volonté de l’histoire." 

    Comment écrire de la fiction ? n’est pas exempt de pages plus ardues comme celles consacrées aux "scènes" et en particulier aux "scènes unitaires" : "La scène unitaire fait l’objet d’un conflit narratif conduisant à une évolution de l’histoire, mais dont le déroulé dramatique comme le dénouement se répercutent sur les échelles supérieures du récit."

    Même si le lecteur ne trouvera pas dans l’essai de Lionel Davoust un guide exhaustif, l’auteur parvient à donner des clés pour se lancer dans l’écriture d’un roman. Tel un coach averti, l’auteur écrit écrit ceci : "Si vous ne faites rien, il ne va rien se passer". La dernière partie du livre donne quelques conseils pour se lancer : ne pas attendre d’avoir du temps libre mais consacrer tous les jours un peu de temps à son manuscrit ("Vous n’aurez jamais plus de temps libre que maintenant", cite-t-il Robin Hobb). Lionel Davoust aborde la question de la relecture, de la réécriture et de la correction du manuscrit terminé. "Cela s’apprend, et c’est la bonne nouvelle", dit-il enfin au sujet de du jugement esthétique et de la correction. Une phrase qui s’applique avant tout à l’écriture d’une fiction. 

    Lionel Davoust, Comment écrire de la fiction ? Rêver, construire, terminer ses histoires,
    éd. Argyll, 2021, 162 p.

    https://lioneldavoust.com
    https://argyll.fr/produit/comment-ecrire-de-la-fiction
    @ArgyllEditions

    Voir aussi : "L’art d’être polisson"
    "Écrivez puis brûlez-le (ou pas)"

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  • Célestine et Martin

    Le dernier roman en date de Tatiana de Rosnay, Célestine du Bac (éd. Robert Laffont) est aussi l’un des premiers qu’elle ait écrit, "en 1990" comme elle le précise. Refusé par son éditeur alors qu’elle venait de sortir L’Appartement témoin, le manuscrit est resté dans une caisse pendant plus de 30 ans avant que la romancière finisse par le proposer à la publication. Gageons que le nom et la notoriété de Tatiana de Rosnay ont fini par convaincre Robert Laffont de l’éditer, au grand plaisir des fans de Tatiana de Rosnay.

    Le lecteur respirera, dans cette histoire d’amitié et d’émancipation d’un jeune homme, un peu du parfum des années 90. Ni ordinateur, ni téléphones portables, ni omniprésence des réseaux sociaux : ici, l’adolescent au cœur du récit, Martin Dujeu, est simplement obnubilé par les livres et par un rêve d’écrivain. Il habite dans un appartement bourgeois (on ne disait pas encore "bobo" à l’époque), avec un père veuf aussi peu communicatif que son fils. Il y a bien Oscar, le meilleur ami de Martin, lycéen comme lui, et cette jeune femme, Alexandra, la fiancée de son père, intrigante, séduisante et inquiétante : en réalité, le jeune homme survit plus qu’il ne s’épanouit, conséquence de l’absence de sa mère, décédée d’un accident d’avion lorsqu’il était enfant. 

    La personne qui aura le plus à gagner n’est pas celle que l’on croit

    Un autre personnage féminin va alors faire son apparition dans sa vie et avoir une influence capitale : Célestine, dite Célestine du Bac. Derrière ce nom aristocrate se cache en réalité une SDF ayant trouvé refuge sous une porte cochère non loin de la résidence de l’adolescent. Cette vieille dame fantasque, gouailleuse et cabossée par des années dans la rue se révèle, contre toute attente, intelligente, sensible, fine et généreuse. Entre l’adolescent gâté par la vie et la clocharde a priori peu avenante commence une solide amitié. Et la personne qui aura le plus à gagner n’est pas celle que l’on croit.

    Dans ce roman de jeunesse, derrière lequel se lisent les rêves d’une auteure pas encore reconnue, Tatiana de Rosnay délaisse le thème des lieux hantés qu’elle avait abordé dans L’Appartement  témoin. Ce qui l’intéresse est la construction d’un jeune homme que la mort de sa mère a rendu détaché et perdu.

    Dans ce roman alerte et laissant une grande part aux dialogues, Tatiana de Rosnay donne une place importante au père, Victor, un homme sans doute aussi froid et perdu que son fils. Il n’est pas absurde de dire que cette œuvre de jeunesse est un roman sur deux hommes en train de se reconstruire. Les figures féminines – que ce soit Célestine, Alexandra et bien sûr Kerstin, la mère partie trop tôt – traversent le roman telles des modèles, des fantasmes ou des exemples à suivre, jusqu’à un épilogue dans lequel c’est la littérature qui aura le dernier mot.

    Sorti des archives de l’auteure franco-britannique, Célestine du Bac apparaît comme le roman frais et innocent d’une jeune auteure en devenir. Un roman à part aussi car il ne traite pas des mêmes thèmes de Tatiana de Rosnay. Bref, une curiosité à découvrir que tous ses fans auront sans nul doute dans leur bibliothèque. 

    Tatiana de Rosnay, Célestine du Bac, éd. Robert Laffont, 2021, 336 p.
    http://www.tatianaderosnay.com

    Voir aussi : "Tatiana de Rosnay, son œuvre"
    "Premiers fantômes"

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  • Le prix de la misère

    Un Éléphant dans une Chaussette de Roberto Garcia Saez (éd. Atramenta) est la première partie d’un roman aux multiples enjeux et se déroulant dans plusieurs parties du monde. Le second volume déjà paru se nomme Dee Dee Paradize

    Tout part d’un scandale autour du protagoniste principal, Patrick Roméro, un aventurier de l’humanitaire, à la fois globe-trotteur, homme d’affaire et véritable ponte international naviguant comme un poisson dans l’eau dans les hautes sphères du pouvoir.

    Après un début de carrière dans plusieurs ONG, Patrick Roméro obtient un poste de directeur de programme médical de l’ONU en République Démocratique du Congo, pays exsangue et frappé par une guerre aux millions de morts. Nous sommes en 2000. Le fonctionnaire doit se charger de financer et faire venir pour une population désœuvrée des tonnes de traitements contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

    La mission du fantasque humanitaire est aussi délicate qu’ambitieuse : c’est comme faire entrer un éléphant dans une chaussette, comme il le fait remarquer à son amie Carlota. Dans un souci d’efficacité (plusieurs millions de dollars sont quand même en jeu), le fringant directeur décide de prendre quelques libertés avec les "process" adoptés par l’ONU.

    Roberto Garcia Saez nous fait entrer dans les arcanes de l’humanitaire mondial et ce n’est pas joli, joli

    Paul Harrisson, Un policier anglais chargé de lutter contre la corruption, vient à s’intéresser à ce programme du PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) au Congo : le scandale éclate et menace de tout balayer sur son passage. Patrick Roméro est bien entendu le premier protagoniste dans la ligne de mire de l'enquêteur.

    Avec ce roman mené tambour battant, Roberto Garcia Saez nous fait entrer dans les arcanes de l’humanitaire mondial et ce n’est pas joli, joli : omniprésence de l'argent, coups bas, fonctionnaires cyniques et ambitieux, politiciens et diplomates carriéristes. L’auteur sait de quoi il parle : il a alterné des postes de fonctionnaire à l’ONU et d'expert indépendant en Afrique, en Asie, à New York et à Genève avant de diriger aujourd'hui une société de conseils stratégiques. Voilà qui donne à ce livre un parfum de réalisme et de vérité. L'auteur excelle aussi dans le portrait de ses personnages, à commencer par celui, haut en couleur, de Patrick Roméro.

    La suite de ce roman est à découvrir dans le second volume, Dee Dee Paradize, sorti également cette année. Je vous en parlerai bientôt.   

    Roberto Garcia Saez, Un Éléphant dans une Chaussette, éd. Atramenta, 2021, 232 p.
    https://www.atramenta.net/books/un-elephant-dans-une-chaussette/1054
    https://www.robertogarciasaez.com

    Voir aussi : "Les plus grands sous le plus petit chapiteau du monde"

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  • Le retour de Sherlock Holmes (et d’Arsène Lupin)

    Revisite, hommage ou pastiche ? Le lecteur choisira lui-même le terme le mieux qualifié pour le roman de Martine Ruzé-Moëns, Sherlock Holmes contre Arsène Lupin : La Revanche (éditions du Net). Il faut dire que l’auteure connaît son sujet : elle est membre de la Société Sherlock Holmes de France depuis 1995. Avec Martine Ruzé-Moëns, il y a peu de risque de voir le célèbre détective anglais trahi. Au passage, elle a choisi de mettre en scène un autre personnage de la mythologie littéraire et policière : Arsène Lupin, redevenu à la mode depuis quelques mois grâce à une certaine série Netflix.

    Raconter une enquête du flegmatique enquêteur londonien aux prises le gentleman cambrioleur français renvoie évidemment au recueil de Maurice Leblanc, Arsène Lupin contre Herlock Sholmès, sorti en 1908. A l'époque, des raisons juridiques avaient contraint l’auteur français à transformer le nom du héros de Conan Doyle. Martine Ruzé-Moëns n’a pas eu le même problème et elle a pu, elle, utiliser les deux personnages, tombés dans le domaine public.

    L’affaire qu’elle conte se passe un peu plus de 12 ans après leur dernière confrontation. Sherlock Holmes reçoit à Lyon un télégramme venu de Normandie. Une affaire étrange lui est proposée : à Etretat, cité chère à Arsène Lupin, un énième cambriolage a lieu dans la propriété de Maurice Leblanc en personne. L’auteur pourrait bien être Arsène Lupin, la créature de l’écrivain. Intrigué, Sherlock Holmes accepte de sortir de sa retraite, le temps d’une enquête. Un tableau volé, et a priori sans valeur, attire très vite son attention.

    Un voyage sur les terres du gentleman cambrioleur

    En allant sur les pas de Sherlock Holmes, à l’intuition toujours intacte, Martine Ruzé-Moëns entreprend également un voyage sur les terres du gentleman cambrioleur. En réalité, Arsène Lupin, n’apparaît qu’épisodiquement, tel un fantôme insaisissable mais dont beaucoup d’indices renvoient à lui : Maurice Leblanc, l’Aiguille Creuse, la Normandie ou le souvenir de confrontations passées... avec Herlock Sholmès.  

    Roman début XXe siècle et documenté, cette nouvelle aventure de Sherlock Holmes se lit sans déplaisir, comme un vieux policier sorti d’une malle oubliée. Si pastiche il  y a, le moins que l’on puisse dire c’est que l’auteure respecte l’ADN des romans de Conan Doyle : une intrigue retorse, un héros perspicace, un ennemi à sa hauteur et des personnages secondaires nous plongeant dans la Normandie des années 20. Mais l’auteure y ajoute autre chose : très vite l’enquête policière devient une vraie aventure tintinesque, nous plongeant dans une affaire bien plus compliquée qu’il n’y paraît, dont les origines pourraient se situer en Afrique du Sud.

    Tout en revisitant les romans de Doyle et de Leblanc, Martine Ruzé-Moëns apporte un esprit très moderne lorsqu’elle joue à parsemer son récit de références et d’autoréférences volontairement absurdes, à l’instar de ce dialogue : "Mais, professeur, cela est matériellement impossible, Arsène Lupin n’existe pas. C’est un personnage fictif, créé de toutes pièces par Maurice Leblanc."

    Alors, revisite, hommage ou pastiche ? C’est au lecteur de se faire une idée. En attendant, ce Sherlock Holmes écrit en 2021 reste un joli moment de lecture. 

    Martine Ruzé-Moëns, Sherlock Holmes contre Arsène Lupin : La Revanche,
    Les éditions du Net, 2021, 152 p.

    https://www.leseditionsdunet.com
    https://www.sherlockians.com/sshf

    Voir aussi : "Assane Lupin, gentleman cambrioleur"

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  • Vous revoilà, Gens de France

    En ce mois de juin, ressort en librairie le mythique Gens de France et d'ailleurs de Jean Teulé. Il avait été publié une première fois à la fin des années 80, avant de connaître une réédition il y a un peu plus de 15 ans (éd. Ego Comme X). C’est aujourd’hui les éditions Fakir qui proposent de découvrir ou redécouvrir cet album, l’ultime album graphique de Jean Teulé, avant que celui-ci ne se lance avec succès dans le roman.

    Gens de France, c’est un voyage baroque et barré dans notre pays, avec des personnes ordinaires. Loïc Néhou, le directeur de l’éditeur Ego comme X, commente ce livre ainsi : "Dans son œuvre, Jean Teulé est le passeur attentif des individus en marge. Il n’a pas son pareil pour dégoter en France, ou à l’autre bout du monde, de drôles d’allumés en proie à quelques drames, qu’il épingle sur sa page avec une attention délicate et parfois cruelle."

    Du soutien-gorge de Zohra à la soucoupe volante de Jean‑Claude

    À mi-chemin entre la bande dessinée, le roman, et le roman-photo, Gens de France a marqué les esprits et a inspiré pléthore d’artistes et de photoreporteurs grâce à ses personnages hauts-en-couleur  et ses situations ahurissantes, du soutien-gorge de Zohra à la soucoupe volante de Jean‑Claude : "Y y a un mec qui est en train de construire une soucoupe volante en bois pour emmener sa mère mourir sur une étoile…"

    Extrait : "Tout en me parlant de la soucoupe de son fils, la mère crachait dans la cuisine. À chaque fois, elle visait la poubelle, à chaque fois, elle la ratait. À un moment, elle a visé la friteuse. Manque de bol, elle l’a eue du premier coup. Il m’en a fallu de la concentration pour ne pas envoyer des fusées partout en mangeant les frites !"

    Une vraie curiosité. Mieux : un classique. 

    Jean Teulé, Gens de France et d'ailleurs, éd. Casterman, 1988, Ego Comme X, 2005, éd. Fakir, 2021, 272 p.
    https://www.fakirpresse.info

    Voir aussi : "La Guerre des Mondes a-t-elle eu lieu ?"

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  • Écrivez puis brûlez-le (ou pas)

    l’ouvrage de Sharon Jones, Burn After Writing a été l’un des succès inattendu en librairie. Grâce largement au bouche-à-oreille, le public a été curieux d’avoir entre les mains cet ouvrage de développement personnel. Du "feel good", comme on le dit aujourd’hui.  Mais que regroupe exactement ce manuel destiné, comme son titre l’indique, à être brûlé après avoir été rempli ?

    Il faut tout d’abord dire que le titre du livre est une idée géniale, donnant à l’ouvrage de Sharon Jones un parfum de mystère et même d’interdit. Or, l’interdit est en nous. Plus précisément, c’est nous même qui l’alimentons, et l’ouvrage de Sharon Jones permet d’en jouer afin de sortir le lecteur de ses derniers retranchements.

    Burn After Writing ne se lit pas : il s’écrit, se remplit, se gribouille et se coche : le livre "propose des questions introspectives, des expériences de réflexion et des devoirs" sur soi-même, ce qui en fait un livre intime et personnel, à condition bien entendu de jouer le jeu.

    Sharon Jones s’inscrit dans l’ère des réseaux sociaux, en même temps qu’elle s’en démarque : alors que les Facebook, Instagram et autres Tik-Tok font de l’intime et du privé des sujets de conversation, Burn After Writing propose au contraire de s’asseoir, de prendre un crayon et de s’intéresser à soi, mais en secret. Bref, "jouer à Action ou Vérité" avec soi-même.

    L’auteure présente aussi son livre comme un "dossier noir…", avant d’ajouter : "Il est un espace où vous révélez librement votre vérité, sans vous préoccuper de l’opinion ou du jugement des autres."

    Dans cette recherche de la vérité sur soi, il s’agit de porter un regard sur son passé, ses aspirations, ses désirs, ses frustrations et ses plus secrètes motivations. Là est toute la difficulté : "Je suppose que la véritable question est la suivante : comment se distinguer clairement à travers son propre regard, le plus souvent subjectif ?"

    Comment se distinguer clairement à travers son propre regard, le plus souvent subjectif ?

    Le livre se découpe en trois parties d’une logique implacable : "Le passé", "Le présent" et "L’avenir". En se penchant sur son passé, l’utilisateur est invité à se remémorer des souvenirs, des proches, ses préférences ou ses premières fois. "Regarder en arrière" : tel est l’objectif de cette première section.

    L’introspection se fait confession dans la partie suivante consacrée au présent et à "la vérité pertinente". À côté de questions relativement ludiques sur le mode du "si j’étais", le lecteur muni de son Bic est invité à s’interroger sur une question existentielle : "Ce que je suis".  Ses désirs, sa personnalité, ses traits de caractère, ses compétences. Pour répondre à ces interrogations, l’auteure propose des sections surprenantes, telle que celle-ci : "Si je pouvais réaliser un film hollywoodien [sur ma vie]". Des grilles sous forme de notations sont également à remplir, tout comme des associations de mots, des listes à cocher et des pages entières à remplir ("Ce que l’argent ne peut acheter",  "La famille c’est…" ou "Mes mantras et mes règles de vie").

    La dernière partie traite logiquement de l’avenir : "Où allez-vous ? Que traversez-vous ?" Là encore, des questions ouvertes ou fermées, des listes à remplir ou à cocher et des pages de notes proposent de s’interroger sur son futur, grâce notamment à des "listes d’envie".

    Au terme de ce livre, l’auteure de Burn After Writing trahit un chouia son titre : l’ouvrage a finalement vocation d’être non pas brûlé après utilisation mais au contraire conservé pour être consulté dans le futur : "Dans quelques années, vous relirez  ce livre et referez ces exercices".

    Mais tout cela, en secret, bien entendu.  

    Sharon Jones, Burn After Writing, éd. Contre-dires, 2021, 160 p. 
    https://www.editions-tredaniel.com/burn-after-writing-p-9211.html

    Voir aussi : "Le Bujo, c’est pas que pour les filles"

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  • La disparition d’un curé de campagne

    alain denizet,châteney,curé,église,fuite,france inter,le vif de l’histoire,eure-et-loire,chartresIl est probable que le fait divers rapporté et étudié par Alain Denizet (Le roman vrai du curé de Châtenay, Ella Edition) ne vous dise rien. Il a pourtant défrayé la chronique dans les premières années du XXe siècle avant de tomber dans l’oubli. Tout l’intérêt de cet essai historique est de faire remonter à la surface une affaire qui a suscité l’émoi en France, bien des années avant l’arrivée de nos réseaux sociaux. Et à l’époque, c’est la presse écrite, qu’elle soit de gauche ou de droite, engagée ou non, qui a utilisé cette histoire peu banale à des fins politiques, morales, religieuses ou tout simplement mercantiles.

    L’histoire commence le 24 juillet 1906 à Châtenay, un modeste village d’Eure-et-Loire, à quelques kilomètres de Chartres. Joseph Delarue, un enfant du cru passé par un séminaire de la région, y est prêtre depuis 1898. Ce jeune curé y est apprécié pour son engagement, son "modernisme" et sa piété, allant jusqu’à s’investir pour créer une école privée, un projet qui ne sera pas sans conséquence pour la suite. À l’époque, la France est secouée par des luttes entre religieux et laïcs. En 1905, un an avant qu’éclate l’affaire, la Loi de séparation des Églises et de l'État a été votée dans un climat de division. De plus, comme le précise l'auteur Alain Denizet, "les églises se vident, il faut aller au-devant des âmes, s’extraire de la routine, mettre en œuvre des actions visibles, combattre la propagande anticléricale en développant un réseau associatif et en maintenant, coûte que coûte, les écoles privées".

    C’est dans ce climat tendu que se déclenche l’affaire : le 24 juillet 1906, après un court séjour à Paris, le prêtre disparaît subitement. Il devait revenir dans sa région où il est attendu, notamment par sa sœur qui s’occupe du presbytère. Le village puis la région s’en émeuvent et un juge est nommé pour enquêter sur sa disparition mystérieuse du prêtre de 35 ans. La presse lui emboîte le pas et le fait divers devient national : "Journaux parisiens et journaux provinciaux tirent quotidiennement à près de dix millions d’exemplaires, l’humble curé de campagne devient au fil du temps une célébrité."

    L’humble curé de campagne devient au fil du temps une célébrité

    Une célébrité dont on se serait bien passé en vérité, car ce que montre Alain Denizet, au-delà de l’affaire rocambolesque, ce sont les tiraillements au sein de la société. À la question de savoir ce qui s’est passé, si le prêtre est mort, s’il a été assassiné ou s'il a fuit, les journaux en viennent à gloser : l’histoire du curé de Châtenay est-elle un complot politique ? S’agit-il d’une disparition orchestrée par les autorités religieuses ? Les journaux, dont Le Matin, orchestrent de véritables enquêtes, proposent une prime et vont jusqu’à faire venir des occultistes, un mage hindou et même... une hyène. L’affaire rebondit quelques mois plus tard, cette fois en Belgique, avec la participation inattendue de Théodore Botrel, l'auteur-compositeur breton.

    Cette passionnante affaire est relatée avec précision par Alain Denizet. Jour après jour, on suit les rebondissements ahurissants de cette histoire de disparition qui a fait les choux gras de la presse de l’époque qui n’a pas hésité à échafauder des interprétations et des histoires de complots, sans hésiter à déverser leur fiel. Ça ne vous rappelle rien ?

    Le roman vrai du curé de Châtenay est intelligemment mis en perspective avec les mentalités et les événements de la France de la Belle Époque, quelques années après l'affaire Dreyfus et avant le déclenchement de la première guerre mondiale, un conflit qui, paradoxalement, va avoir ce rôle dans l’aplanissement de ce fait divers à la fois ordinaire et hors du commun. 

    L'essai d'Alain Denizet, qui devrait passionner les amoureux de l'histoire et des faits divers, liront avec grand intérêt cette enquête qui vient nous rappeler que la propagation de rumeurs, d'insultes et de complots ne date pas de nos moyens modernes de communication. Il faut enfin noter que l’émission de France Inter Le vif de l’histoire a récemment fait une chronique sur cette affaire.

    Alain Denizet, Le roman vrai du curé de Châtenay 1871-1914,
    Préface Olivier Cojan, Ella Edition, 2021, 375 p.

    https://alaindenizet.fr
    http://www.ella-editions.com
    https://www.franceinter.fr/emissions/le-vif-de-l-histoire

    Voir aussi : "Lev Yachine, l’araignée dorée"

       

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