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À l’occasion du 400e anniversaire de Jean de La Fontaine, l’émission Théâtre & Cie sur France Culture diffusera le dimanche 30 mai prochain à 20H un concert-fiction intitulé Fables de la Fontaine. Ce concert-fiction qui rassemble comédiens, musiciens, chanteurs et l’Orchestre Philharmonique de Radio France, invite à se plonger dans des souvenirs d’enfance et d’école avec la lecture et l’interprétation d’une vingtaine de fables.
Habitué à mettre en scène des projets mêlant théâtre, documentaire et musique, le réalisateur Christophe Hocké s’attelle aujourd’hui à la fameuse œuvre de La Fontaine pour offrir une création musicale inédite : "L’idée première était de faire entendre les Fables qui sont, aujourd’hui encore, une des références majeures de la littérature française et pourtant si mal connues. J’ai aussi souhaité faire entendre la grande diversité des sources de ces petits contes moraux qui empruntent aussi bien à la littérature persane qu’à la littérature indienne ou arabe. D’où cette idée, très importante pour moi, d’inviter des musiciens et des chanteurs à mettre en musique les Fables dans une grande diversité de genres et d’influences, à l’image de leurs origines."
Les Fables sont revisitées entre expérimentations, chansons obliques, musique contemporaine et improvisations, par des musiciens pop comme Mocke, Chevalrex ou Nicolas Worms, par les chanteurs Claire Vallier, Emmanuelle Parrenin ou Mohamed Lamouri et par l’Orchestre Philarmonique de Radio France sous la direction de Bastien Stil. Les textes sont interprétés par la toute jeune comédienne de 10 ans Loïe Desroc-Martinez, entourée d’Émilie Incerti Formentini et de Denis Podalydès de la Comédie-Française.
L’enregistrement d’environ une heure regroupe 21 fables dites ou chantées issues de l’ensemble de l’œuvre de Jean de La Fontaine : "Les animaux malades de la peste", "La grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf", "Le loup et l’agneau", "Le loup et les bergers", "Le lion abattu par l’homme", "Phébus et Borée", "Le soleil et les grenouilles", "Le lièvre et les grenouilles", "Les oreilles du lièvre", "Le rat de ville et le rat des champs", "Le corbeau et le renard", "Le vieillard et l’âne", "La cigale et la fourmi", "La laitière et le pot au lait", "Le loup et le chien", "La mort et le malheureux", "La forêt et le bûcheron" et "Le songe d’un habitant du mogol".
Ce qui frappe d’emblée dès les premières lignes de Charlotte, que David Foenikinos a publié en 2014, c’est la composition du texte.
L’auteur a opté pour un texte écrit sous forme de versets. Vrai récit, faux roman, pas tout à fait un poème, on serait tenté de dire que c’est une épitaphe qu’écrit David Foenkinos. Une épitaphe sur 250 pages autour d'une artiste terrassée pendant ses jeunes années, en pleine seconde guerre mondiale.
Charlotte fait partie de ces œuvres personnelles que l’écrivain français présente ainsi : "Pendant des années, j'ai pris des notes. / J'ai parcouru son œuvre sans cesse. / J'ai cité ou évoqué Charlotte dans plusieurs de mes romans. / J'ai tenté d'écrire ce livre tant de fois. / Mais, comment ? / Devais-je être présent ? / Devais-je romancer son histoire ? / Quelle forme mon obsession devait-elle prendre ?"
Mais qui est cette Charlotte en question ?
Charlotte est, pour commencer, l’histoire de la peintre Charlotte Salomon et de famille juive allemande, marqués par des tragédies et des suicides – celui d’une tante en 2013 puis de sa mère alors qu’elle est une jeune enfant. La jeune fille, à l’intelligence et la sensibilité développés, est élevée par son père Albert, remarié avec une chanteuse lyrique, Paula Lindberg qui l’élève comme sa propre fille. C’est indirectement grâce à cette dernière que Charlotte rencontre l’homme qui va la marquer durablement, Alfred Wolfsohn, musicologue, professeur de chant et pédagogue exceptionnel.
Une épitaphe sur 250 pages
Lorsque les nazis arrivent au pouvoir, la vie devient de plus en plus dure, dangereuse et cruelle pour cette famille juive allemande. Mais c’est aussi au cours de cette période que Charlotte s’ouvre à l’art, et en particulier à l’art pictural.
La seconde guerre mondiale éclate et Charlotte est envoyée en France, en sécurité croit-on. Elle rejoint sur la Côte d’Azur ses grands-parents maternels, loin d’Albert, Paula et Alfred. Mais ce qui devait être des retrouvailles familiales et un soutien se transforme en cauchemar pour la jeune femme.
La vie de Charlotte Salomon est de celle qui a été, à ma connaissance, oubliée. Elle a laissé une œuvre unique et autobiographique, Leben? oder Theater? (Vie ? Ou théâtre ?). On sait que les artistes féminines ont été largement oubliées dans l’histoire de l’art et dans les galeries des grands musées. Le récit biographique et romancé de Charlotte Salomon est un moyen de découvrir cette œuvre totale et personnelle mêlant des centaines de gouaches et d’aquarelles, des textes et de la musique.
Après avoir lu Charlotte de David Foenkinos, un roman bouleversant jusque dans ses dernières pages, il est certain que la curiosité vous mènera sur les pas de Charlotte. L’écrivain lui a fait la plus belle des épitaphes et le plus beau des hommages.
David Foenkinos, Charlotte, éd. Gallimard, 2014, 256 p. @DavidFoenkinos
Les fans et spécialistes auront immédiatement identifié Karim Berrouka comme l’ex-chanteur du groupe punk-rock emblématique Ludwig von 88. Pour autant, c’est de l’auteur de fantasy dont il sera question dans cette chronique.
Il sort en effet en ce début d’année son dernier roman au titre provocateur et annonçant tout de suite la couleur : Le Jour où l’Humanité a niqué la Fantasy (éd. ActuSF). Comme on ne se refait pas, Karim Berrouka ne manque pas de consacrer plusieurs chapitres à une bande de punks en 1989, en bien fâcheuse posture au cours d’un festival autant déjanté que capital pour le récit.
Il faut dire que le roman part sur ce sacrées bases. Dans une obscure médiathèque, une prise d’otage a lieu. L’auteur est un étrange personnage habillé en lutin et au nom imprononçable (Puckamspinnrade) et dont les revendications et les menaces sont pour le moins étonnantes : "Vous avez niqué la fantasy !" Au même moment, l'une des héroïnes du récit, Olga, a jeté son dévolu sur un coup d’un soir, un étrange personnage qui finit par ruiner son appartement en mitraillant son intérieur… à l’aide de son sexe ! La jeune femme s’en sort en se défendant à coup de batte et tuant du même coup celui qu’elle a eu tort de faire entrer chez elle. Sauf que son cadavre disparaît quelques heures plus tard. Aurait-elle rêvé ?
Des auteurs réels pris en otage pour les besoins du livre
Voilà pour l’entrée en matière de Le Jour où l’Humanité a niqué la Fantasy. Si je vous dit qu’il est aussi question d’un enfant "schizophrène" conversant avec un démon, d’un étrange couple de spécialistes ès surnaturel, d’auteurs de fantasy séquestrés, de fées mal intentionnées, de vagues apocalyptiques, de boutons de manchette magiques ou de sacrifices humaines, vous comprendrez que Karim Berrouka entend bien donner un bon coup de pied dans la fourmilière dans un milieu littéraire toujours en plein renouvellement du genre.
Le moins que l’on puisse dire c’est que l’écrivain ne s’embarrasse pas de précautions d’usage dans son roman mixant avec bonheur récit azimuté, personnages court-circuités, références littéraires assumées, clins d’œil appuyés et dialogues mêlant drôlerie et férocité.
Karim Berrouka va jusqu’à mettre en scène des auteurs réels pris en otage pour les besoins du livre : en l’occurrence, Li-Cam, Elisabeth Ebory et Stefan Platteau. Les fans de fantasy seront aux anges. Karim Berrouka s’offre même le luxe de faire intervenir son propre éditeur, Jérôme Vincent, auteur du dernier chapitre ("Scène finale post-narrative") qui est plus une présentation de la politique d’ActuSF qu’une réelle conclusion d'un récit complètement dingue.
Tout cela donne un livre sous amphétamine qui se dévore d’une traite et qui fait de la fantasy le sujet principal de ce roman… de fantasy. Karim Berrouka entend ainsi montrer que ce genre sait non seulement se renouveler mais est également capable de ne pas se prendre au sérieux. Rien que pour ça, merci monsieur Berrouka.
Que peut-on dire de nouveau sur la mort de Louis XVI, guillotiné le 21 janvier 1793 ? On serait tenté de répondre : pas grand-chose. Il est vrai que cet événement majeur, tant de l’histoire de France que celui de la Révolution, a été débattu, commenté, discuté, expliqué, étudié à l’école. Avant même de découvrir les premières pages de l'essai L'Exécution du roi - 21 janvier 1793 (éd. Perrin), n’importe quel lecteur sera surpris par le travail fourni par Jean-Clément Martin, l’un des spécialistes de la période : plus de 400 pages sur cette journée de janvier 1793, si l'on compte l’index et la bibliographie. On a connu des ouvrages plus brefs sur des périodes beaucoup plus longues. Voilà de quoi attiser la curiosité.
L’auteur explique en préambule de son essai le sens du titre du livre : le mot "exécution" a été préféré aux termes de "mort" ou de "procès du roi" qui "euphémisent la réalité", comme il le dit. Le mot "exécution" est choisi car il "désigne une peine capitale appliquée après sentence d’un tribunal et évoque une destruction délibérée… en appliquant des règles et des procédures." Un terme qui est préféré à ceux de "régicide", "supplice", "assassinat" ou encore "martyr". Ce dernier terme est du reste développé en conclusion de l’ouvrage, lorsqu’il est question du traumatisme de ce son exécution.
Le premier chapitre de l’essai présente le déroulé de cette journée du 21 janvier 1793 qui va relance la Révolution française selon les dires de Maximilien Robespierre et de Bertrand Barrère, député des Hautes-Pyrénées et Président de la Convention pendant le procès du roi à la fin de 1792. La mort du souverain, vécue comme un choc dans toute l’Europe, a, de fait, une portée politique majeure dans le pays.
Là est justement est le cœur des propos de Jean-Clément Martin. Avec précision et en prenant de la hauteur, l’historien rappelle que jusqu’à sa fuite à Varenne le 20 juin 1791, Louis XVI se trouve dans une situation instable : "La monarchie subsiste, mais la royauté a disparu." Le roi a "une fonction de représentation supérieure", qui est illustrée par cette formulation : "La Nation, la Loi, le Roi." La fuite du roi et de sa famille au cœur de l’été 1791, avant qu’il ne soit rattrapé à Varenne, est un choc immense : le départ manqué de Louis XVI inquiète le pays et provoque des manifestations, téléguidées pour beaucoup par des clubs citoyens et les sans-culottes, en même temps qu’elle embarrasse l’Assemblée. Pour autant, appuie Jean-Clément Martin, "Varenne n’a pas été « la première marche de l’échafaud. »" Rappelons que cet événement important date de juin 1791, soit plus d’un an avant son procès et plus encore avant son exécution. Le 21 janvier 1793 ne s’est donc pas décidé le 20 juin 1791 comme on serait tenté de le penser, mais bien plus tard, au cours de l’été 1792.
La "deuxième révolution"
Ce que l’historien montre ce sont les divisions à la fois de l’opinion et des députés, alors que les guerres extérieures menées par les royaumes extérieurs menacent la France ("L’engouement guerrier est considérable"). De plus, "l’échiquier politique est (...) beaucoup plus divisé qu’on ne le croit" : royalistes, monarchiens (sic), jacobins, girondins… Il faut ajouter à cela les ultra-révolutionnaires, les sans-culottes et des rivalités personnelles. Jean-Clément Martin fait une série de descriptions précises du pays et de ses représentant. La France de 1792 est en proie à une véritable crise de nerfs. Personne n’est vraiment le maître du jeu, et encore moins le roi.
1792, année capitale dans l’histoire de la révolution française, voit se succéder des journées révolutionnaires chaotiques, violentes et insurrectionnelles, marquées par l’instauration d’une Commune à Paris, "avec pouvoirs illimités pour sauver la Patrie". La suite, ce sont les massacres du 10 août, dont le roi sort indemne par miracle, mais qui marque aussi et surtout la fin de la Monarchie française (c'est "la deuxième révolution").
L’historien montre les tensions entre les représentants de l’Assemblée Nationale, pris entre le roi et des insurgés, dont les sans-culottes, des citoyens ultrarévolutionnaires portés par l'envie de continuer la Révolution, contre leurs représentants, qu'ils désavouent. Ce qui se joue est cette question : continuer le mouvement de la Révolution ou installer une République stable ? La suite est l’emprisonnement du roi voté par les députés puis l’organisation de son procès, qui va faire l’objet de tractations importantes et de débats enflammés.
Plusieurs chapitres sont consacrés aux derniers mois de l’année 1792 au cours desquels se jouent des luttes politiques à la Convention et la création de "courants" plus ou moins lâches, à l’origine de ce que l’on appelé plus tard la gauche et la droite. Il faut ajouter à cela les désaccords parfois violents entre Province et Paris, centralisation et fédéralisme. Et c’est dans cette période tumultueuse que la première République est fondée, dans un climat confus.
L’exécution du roi apparaît comme un événement beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît, ce qui donne toute sa valeur à cet essai riche de détails, de faits, de destins et de discours parfois ambivalents. L’auteur parle de "l’ambiguïté de la politique de la Convention, conjuguant destruction et conservation." La passion autant que la politique jouent un rôle bien entendu important : "Le roi et tous ses prédécesseurs ont été victimes de la fascination que leurs personnes exerçaient sur leurs sujets." En prenant du recul sur cet événement qui continue de marquer notre pays, il fallait de la hauteur de vue et de l’intelligence pour le comprendre. C’est tout à l’honneur de Jean-Clément Martin d’en avoir montré.
On le sait depuis le début de la crise sanitaire : voyager à l’étranger est devenu sinon impossible, du moins fort risqué. Autant dire que l’idée de faire un tour du monde s’avère des plus périlleux. C’est sur cette idée que le journaliste et écrivain Philibert Humm, après son Tour de France de deux enfants d’aujourd’hui, a décidé de parcourir notre pays , dans l’optique de faire un tour du monde sans franchir les frontières. Il vient d'en sortir un livre au titre vernien : Les Tribulations d’un Français en France (éd. Du Rocher).
Cette idée n’est pas si étrange qu’il n’y paraît : "En cherchant un peu, j’ai appris que nous avions en France un Sahara, une Irlande, une petite Belgique et trois Monaco." Notre pays regorge en effet une "variété de paysages" mais aussi de "cent [noms de] pays" apposés à des villes ou des régions bien de chez nous.
Voilà donc Philibert Humm parti sur les routes de la Tolède du Contentin (Coutances), de la Toscane-sur-Loire (Clisson), de la Venise du Gâtinais (Montargis), de la petite Russie (Nice, bien entendu) ou encore du (petit) Colorado du Luberon (Rustrel).
Grâce à des chroniques courtes et qui se lisent avec plaisir, le journaliste raconte la visite de cités bien souvent discrètes et oubliées (Coutances), parfois magiques ("Saleccia, les Caraïbes corses") en tentant de saisir la ressemblance ou non de l’obscure commune alsacienne de Truchtersheim avec Monaco. De ce point de vue, Philibert Humm se montre parfois dubitatif, lorsque par exemple il s’intéresse à cette Amazonie auvergnate qu’il présente à un témoin, tout aussi perplexe : "Tu sais, mon p’tit gars, ton Amazonie, elle ressemble bougrement à l’Auvergne…"
"Tu sais, mon p’tit gars, ton Amazonie, elle ressemble bougrement à l’Auvergne"
L’auteur se montre par contre plus laudateur lorsqu’il parle de Clisson, cette ville proche de Nantes, réputée aujourd’hui pour son festival de heavy metal, le Hellfest. Mais ce qui intéresse l’auteur c’est bien la manière dont la ville a été reconstruite après les Guerres de Vendée sur le modèle de paysages italiens : "Le chianti local est le muscadet." On devine le journaliste s’attardant sur les routes sinueuses, entre les coteaux ligériens, tout en savourant un expresso à l’ombre des campaniles. "Et on voudrait nous faire croire que nous sommes en Loire-Atlantique", conclue-t-il.
Le blogueur sait bien entendu arrêté sur une des nombreuses Venise de France (il y en a 13 en France, apprend-on) : celle du Gâtinais, Montargis. Sa promenade dans cette sous-préfecture du Loiret est le moyen de discuter, comme souvent, avec quelques habitants : les dames de l’office de tourisme, une bouquiniste ("Le Monde à l’envers") ou cette habitante qui parle de la crue centennale de 2016.
Les Tribulations d’un Français en France est complété par un voyage en auto-stop un peu particulier. Grâce à une pancarte où est inscrit "N’importe où" en guise de destination, Philippe Humm, accompagné d’Hélène, une photographe, a traversé le pays de Paris à Toulon, en passant par Auxerre, Limoges et La Rochelle. Cette façon inédite de voyager lui permet de croquer des habitants "ordinaires", du routier au couple de jeunes retraités, en passant par Claire, la nomade solitaire, en passant par Catherine, qui semble aller nulle part.
Mais aller nulle part, n’est-ce pas aller quelque part ?
Voilà une sortie littéraire qui tombe à point. Alors que nous fêtons cette année les 150 ans de la Commune de Paris, Claude Sabatier propose le deuxième tome des Chroniques politiques d’Emile Zola (éd. Classiques Garnier), des articles qui couvrent les années 1871 et 1872. Une période importante, tourmentée et qui marque aussi le début de la IIIe République.
De février 1871 à août 1872, Zola rédige, pour La Cloche les chroniques parlementaires envoyées de Bordeaux, puis de Versailles, qui analysent les débuts de la IIIe République. Il rédige, pour Le Sémaphore de Marseille des lettres de Paris où il évoque le drame de la Commune. Ces comptes rendus politiques vont du pamphlet à la satire. En ces années charnières, ils résonnent des débats qui traversent une époque mouvementée – entre pacifisme et nationalisme, république et monarchie, province et Paris, libéralisme et ordre moral. Le journaliste élabore des motifs et des situations que le romancier développera ou transposera dans La Curée, Nana ou Son Excellence Eugène Rougon.
Si vous n'aimiez que moyennement le Zola "romancier", vous le découvrirez sous un jour nouveau, sous une forme brève et éclatée, en journaliste fourbissant ses armes et son style avant le fameux "J'accuse" du 13 janvier 1898. Outre que le Zola des années 1871-1872 prépare ses futures grandes œuvres, l’auteur et journaliste porte dans ses chroniques parlementaires un regard lucide et aigu sur les combats politiques de son époque. La lecture de ces textes rares de Zola sont éclairées par la préface de Claude Sabatier, sans oublier les notices, éclairages historiques ou littéraires et nombreuses notes.
Nous l’avons dit : voilà un livre qui tombe à point nommé !
Émile Zola, présenté par Claude Sabatier, Chroniques politiques , tome 2 (1871-1872), éd. Classiques Garnier, 2021, 1144 p. https://classiques-garnier.com
Au départ d'Iphigénie d’Europe il y a eu un défi : écrire une pièce de théâtre burlesque en vers de douze pieds sur un sujet très actuel : le libéralisme économique et la mondialisation.
Ce postulat de départ n’est pas si étonnant qu’il n’y paraît : les drames de Racine ou de Corneille n’ont-ils pas pour toile de fond une guerre ? Et aujourd’hui la mondialisation n’est-elle pas une forme de guerre, moins sanglante certes mais tout aussi brutale ?
Le mythe de la Guerre de Troie a été choisi comme modèle pour cette tragi-comédie.
Iphigénie d’Europe se déroule de nos jours dans une entreprise informatique. Achille, son président, se voit proposer la veille de son mariage avec Hélène une alliance avec un de ses concurrents Jan Patrocle. L’objectif est in fine de conquérir le marché chinois. Hésitant d’abord, Achille finira, sous la pression d’Hélène, par accepter une fusion amicale. Ce sera le départ d’une catastrophe qui balaiera sur son passage destins, rêves et espoirs. Emportés par la fièvre de l’argent et du pouvoir, à l’époque du libéralisme triomphant, chaque personnage montrera finalement son vrai visage : le visage de ce que l'on pourrait nommer "des animaux économiques" !
Au cœur de cette lutte, il y a aussi un double triangle amoureux – Achille-Hélène-Jan Patrocle d'une part et Hélène-Iphigénie-Ulysse d'autre part – triangle dans lequel l’argent est l’épicentre.
Cette tragi-comédie est autant une réécriture de la Guerre de Troie qu'un hommage au théâtre, hommage où le pastiche n’est jamais très loin : de la tragédie classique au théâtre de l’absurde en passant par la comédie musicale, la poésie homérique, la création contemporaine (Joyce, Beckett ou Pinget), la danse ou la farce. Le chant épique côtoie la comptine et la lamentation amoureuse peut surgir après une déclaration des plus prosaïques, sur une recette de cuisine par exemple.
Imaginez deux minutes un concert qui réunirait les Rolling Stones au complet, les Who, John Lennon et sa compagne Yoko Ono alors que les Beatles sont encore formés. Il y aurait aussi Marianne Faithfull, Eric Clapton, le guitariste Taj Mahal, le violoniste classique Ivry Gitlis, mais encore des trapézistes, des cracheurs de feu et des acrobates . Tout ce petit monde se réunirait sous la tente d’un chapiteau de cirque éphémère, avec Mick Jagger en Monsieur Loyal. Et puisqu’un show de ce genre n’existerait pas sans un public, des spectateurs serait également là, installés dans des gradins, des "spectateurs tirés sur le volet [qui] ignorent qu’ils seront très longtemps les seuls à pouvoir s’en repasser mentalement les images."
Improbable, non ? Et pourtant, ce projet musical,The Rock and Roll Circus, a bien eu lieu en décembre 1968, a été enregistré par la télé anglaise – mais jamais diffusé à l’époque – et a constitué un virage dans la carrière des Rolling Stones. Le public n’a pu découvrir ce concert étonnant que 28 ans plus tard, en 1996 au cinéma puis en DVD et Blu-ray.
C’est ce grand foutraque que nous raconte Édouard Graham dans son essai The Rolling Stones Rock And Roll Circus (éd. Le mot et le reste). L’auteur nous raconte, dans son ouvrage dense et précis, les origines, le déroulé et les aléas de ce projet musical resté à la fois unique et copié (le Rock’n’Roll Circus des Strawbs en 1970 ou le Johnny Hallyday Circus deux ans plus tard). Si les Rolling Stones ont l’idée de créer un concert unique autour du cirque (une thématique déjà utilisée parle chanteur Donovan, les Beatles et même les Stones pour Between The Buttons, un titre de 1966), c’est avant tout pour une raison commerciale : leur dernier album Beggars Banquet vient de sortir et il s’agit d’utiliser la télé à des fins promotionnelles.
Mick Jagger porte ce projet : "Ce ne sont pas les spectateurs qui viendront aux Rolling Stones, ce sont les Stones qui s’inviteront chez eux par le biais de la télévision… L’idée [du cirque] sera (…) centrale". Le mercredi 11 décembre 1968, les studios d’Intertel Television, à Wembley accueillent dont les artistes transformés en forains d’un soir et un public de fans trié sur le volet pour le film The Rock and Roll Circus, réalisé par Michael Lindsay-Hogg.
Édouard Graham consacre bien évidemment l’essentiel de son livre au show, au cours duquel se succèdent des figures majeures de la pop : le groupe britannique Jethro Tull, Marianne Faithfull, les Who, qui réalisèrent ce soir, d’après des témoins, la meilleure prestation ou encore le bluesman Taj Mahal, qui réalise lui aussi un show remarqué ("L’un des meilleurs moments de ma vie", reconnaît le musicien qui commence en 1968 sa longue carrière.
Ivri Gitlis qui semble se demander ce qu’il est venu faire dans cette galère
De longues pages sont consacrées à la participation de John Lennon, de son groupe éphémère... et de sa nouvelle compagne Yoko Ono. On connaît la vraie fausse rivalité des Stones et des Beatles. Or, pour le Rolling Stones Rock And Roll Circus, le moins que l’on puisse dire est que le co-leader des Beatles joue complètement le jeu de son ami Mick Jagger : il se prête à une fausse interview potache, présentant le groupe Dirty Mac, créé de toute pièce avec les Stones, Lennon et aussi Eric Clapton, tout juste parti des Cream. Au cours de ce concert, unique dans tous les sens du terme, Édouard Graham ne manque pas d’évoquer la prestation improbable de Yoko Ono dans une performance artistique et "politico-philosophique", parvenant à faire de l’ombre au violoniste Ivri Gitlis qui semble se demander ce qu’il est venu faire dans cette galère.
Puisque Mick Jagger et son groupe sont à l’origine du Rolling Stones Rock And Roll Circus, les Stones se taillent la part du lion avec une prestation qui entend être le clou du spectacle. Les interprétations de "Jumpin’ Jack Flash", "Parachute Woman", "No Expectations" ou "Sympathy For The Devil" sont l’occasion pour l’auteur de revenir sur les tensions au sein du groupe, avec un Brian Jones de plus en plus mis à l’écart, quelques mois avant son décès tragique. Édouard Grahams ausculte les relations devenues complexes entre le véritable créateur des Stones et ses comparses devenus des leaders charismatiques et qui finiront d’autant plus par faire plonger Brian Jones que des rivalités amoureuses – Anita Pallenberg, Marianne Faithfull – viennent s’immiscer entre les membres des Stones. "Vers la fin, c’était le genre de gars qu’on redoutait d’avoir au téléphone", a confié crûment John Lennon.
Concert unique, faussement enfantin et coloré, The Rolling Stones Rock And Roll Circus est un moment à part dans l’histoire du rock, avec sa part d’ombres, de légendes et de mystères. Peut-être existe-t-il aussi une malédiction dans ce spectacle charnière se déroulant en 1968, année révolutionnaire s’il en est : Brian Jones est retrouvé mort dans sa piscine quelques mois plus tard, les Beatles n’ont plus qu’un an d’existence, Eric Clapton commence une nouvelle carrière après celle au sein des Cream et cette année 68 marque l’arrivée fracassante de Taj Mahal sur la scène blues.
Resté dans l’ombre, le concert forain des Stones va mettre 28 ans avant d’être diffusé, après des tractations juridiques et des coupes dans les montages. Maintenant qu’une nouvelle édition vient de sortir, l’histoire est-elle finie ? "D’autres fragments inédits émergeront-ils un jour, à la faveur d’une nouvelle action de marketing ? Ce n’est pas impossible", conclue l’auteur.