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Livres et littérature - Page 34

  • Chut, les enfants ! Papa et maman sont occupés...

    Flore Cherry, on la connaît bien sur Bla Bla Blog, tout autant que Guenièvre Suryous. Le duo féminin poursuit sa série des Guides de Survie sexuelle  (éd. Tabou), avec un nouvel opus consacré aux parents.

    Les auteurs – Flore Cherry au texte et  Guenièvre Suryous au dessin – gardent l’esprit des précédents volumes qui étaient consacrés à l’étudiant.e, à la buisiness girl ou à la vacancière : un livre pratique, ramassé (moins de 130 pages), alliant chapitres courts thématiques, témoignages, pages fun de culture générale ("Culture Q"), les "listes des top 5" et fiches pratiques. Aborder la question de la parentalité manquait au projet des deux auteures : c’est chose faite avec ce Guide de Survie sexuelle des Parents.

    Un vrai vade-mecum faussement léger et qui n’hésite pas à aborder des sujets graves : "retrouver son corps après l’accouchement", l’impact de l’allaitement sur la libido et bien entendu le problème de charge mentale chez les femmes et mères.

    Mais qu’est-ce qu’un parent au juste, se demandent les auteures ? "C’est avant tout quelqu’un qui se sent en charge et responsable d’un autre être humain." La réponse a le mérite d'être simple et claire.

    Réussir son quickie

    Comment conserver une vie sexuelle saine et épanouissante après l’arrivée d’un enfant ? Voilà un sujet capital que beaucoup de parents connaissent et qui est au cœur du livre. En préface, Eve de Candaulie écrit ceci : "Dans nos sociétés, il y a parfois une forme d’injonction au bonheur quand on devient parent, alors qu’il est difficile de s’occuper d’un tout-petit, d’essayer de communiquer calmement par le geste, la parole, de vivre les moments de colère et de frustration d’un enfant." Le bonheur passe aussi par le plaisir, ajoute-t-elle. Et même de l’auto-érotisation, qui peut être une clé pour se retrouver physiquement, comme le dit plus loin Flore Cherry.

    Après quelques portraits types de parents, les auteures s’attaquent au sujet proprement dit, avec leurs traditionnelles "fiches de premiers secours" : "Comment être à la fois parents et amants ?", "Comment gérer une infidélité dans le couple ?", "Comment parler de sexe à ses enfants ?", "Comment réussir son quickie ? » D’ailleurs, à ce sujet, savez-vous ce qu’est un quickie ?

    Trucs, astuces et conseils (par exemple sur les sex-toys) sont complétées par la rubrique "Marécage des questions relous". Si jamais on vous dit "Et tu laisses ta femme allaiter dans l’espace public", "Et vous l’appelez comment le petit ?"ou "Et vous continuez les soirées BDSM ?", vous saurez quoi répondre à coup sûr.

    Et pour finir de faire de ce guide un livre sympa et sexy comme tout, il y a les dessins de Guenièvre Suryous. Flore Cherry écrit ceci : "C’est quoi le sexe ? On ne va pas vous faire un dessin ! (En fait, si. On en a même fait plusieurs)." 

    Flore Cherry et Guenièvre Suryous, Guide de Survie sexuelle des Parents, éd. Tabou, 2020, 128 p.
    http://www.tabou-editions.com

    http://guenievre-illustration.com
    http://popyourcherry.fr

    Voir aussi : "La vie (sexuelle) des jeunes"

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  • Vins et vignobles, des Gaulois à la Ve République

    Que vous soyez féru·e·s d’Histoire ou amateur·e·s de vins, cet essai sur les vignobles français d’Eric Glatre (Histoire(s) de vin, éd. du Félin) vous passionnera. Et si vous êtes les deux, nul doute que vous aurez entre les mains votre futur cadeau pour les fêtes.

    Éric Glatre propose dans cet ouvrage de revenir sur les grands jalons qui ont marqué un produit pas tout à fait comme les autres, élément fondamental de l’alimentation de notre pays ("L’un des aliments de base de la population adulte, avec la bénédiction des savants"), devenu marqueur culturel (l’étonnant "Bataille des vins" daté de 1223 ou la confrérie des chevaliers du Tastevin), voire mystique (chapitre "Les moines, la vigne et le vin, VIe-XIe siècle"), objet de convoitise, enjeu économique et, avec le temps, produit de luxe (le chapitre sur le classement de 1855).

    Du tonneau gaulois à la création des AOC, en passant par le champagne de Dom Pérignon et le désastre du  phylloxera : Éric Glatre balaye plus de 2000 ans d’histoire de la viticulture, avec précision mais sans jamais perdre le lecteur non-initié.

    Cette Histoire(s) de vin, découpée en 33 chapitres à la fois chronologiques et thématiques, est le rappel que cette boisson, qui a fait la fortune et la réputation de notre pays, a toujours suscité l’intérêt du pouvoir, des acteurs économiques mais aussi de la population. L’auteur rappelle que les réglementations concernant la plantation de vignes et la protection date de l’époque romaine, et que la Bourgogne a été très tôt vue comme une terre exceptionnelle : "Le vignoble de la Côte [d’Or], inexistant et même inconcevable du temps d’Auguste, est devenu, avant la fin du IIIe siècle, l’une des richesses les plus fameuses de la Cité d’Autun." Quelques siècles plus tard, Philippe II Le Hardi s’engage contre un  cépage jugé peu qualitatif : le "vil gamay". Une loi réglementation royale "qui annonce sur le long terme un des fondements de l’appellation d’origine contrôlée". 

    Le "vil gamay"

    "Richesse" : le mot est lâché pour une boisson sophistiquée devenu à la fois un produit de consommation courante et un enjeu exceptionnel. C’est ainsi que l’on peut notamment lire cette remarque sur la naissance du Clos Vougeot : "la réussite la plus remarquable de toute l’histoire de la viticulture monastique." Dans le chapitre consacré à ce cru, Éric Glatre nous fait entrer avec précision au cœur d’une propriété historique.

    La région de Bordeaux a bien sûr droit à plusieurs chapitres : "Le Privilège des vins de Bordeaux (1214)", "Les flottes du vin" au XIVe siècle ("Le port de la Gironde n’a plus désormais de concurrents sérieux… Cette prospérité économique fait de Bordeaux une véritable capitale"), l’histoire peu connue de la barrique bordelaise ou le classement de 1855.

    L’histoire du vin c’est aussi celle de révoltes et de bouleversements socio-économiques, à l’instar de la crise du phylloxera,  de la grande "révolte des gueux" du Midi viticole en 1907 ou de la révolte des vignerons de Champagne à la même époque, révolte qui aura pour conséquence les grandes lois de protection des appellations régionales.

    Qui dit viticulture dit aussi inventions capitales : celui des vins mousseux, du vin jaune, mais aussi du tonneau (qui n’a pas été inventé par les Gaulois, contrairement aux idées reçues), de la bouteille en verre, du bouchon en liège ("Il n’a pas toujours été le partenaire naturel du vin") ou encore de la capsule de champagne.  

    Voilà un essai enthousiasmant sur cette histoire du vin, produit exceptionnel, monument du patrimoine français et objet d’admiration : les grandes réussites viticoles "témoignent, en dernière analyse, d’un art de vivre." Cette réflexion du géographe René Pijassou parle du XVIIIe siècle "élégant et raffiné". Sans nul doute, cela s’applique également pour les siècles suivants, jusqu’à aujourd’hui. 

    Éric Glatre, Histoire(s) de vin, 33 dates qui façonnèrent, les vignobles français,
    éd. du Félin, 2020, 344 p. 

    https://editionsdufelin.com/livre/histoires-de-vin

    Voir aussi : "Du vin, des arts et de la fête"
    "Vendanges amères"

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  • Amour éternel

    "Quand tout meurt, seul amour survit" : cette phrase prononcée par un bouquiniste pour un jeune couple du Second Empire pourrait être le point de départ du dernier roman de Kim Chi PhoÀ Jamais à Nous (éd. Lemart). Grâce à une intrigue se déroulant sur plus de 150 ans, l’auteure raconte un drame mêlant Histoire, tragédie et fantastique.

    De nos jours, à la terrasse d’un hôtel huppé, Xavier, agent immobilier parisien, plutôt beau gosse ("Il n’y a qu’elle qui trouve que Bradley Cooper me ressemble. Sur une échelle de beauté d’un à dix, je me situe entre le six ou peut-être le sept, dans les bons jours") croise le chemin d’une mystérieuse jeune femme qu’il suit jusqu’à la chambre d’un hôtel. Rêve ou réalité ? Tout porte à croire que cette inconnue, qui est l’amoureuse qu’il "cherche depuis la nuit des temps", ne semble être que le fruit de son imagination. Une fois chez lui, où l’attend son amie Mei Gui Xïn/Tiger, des griffures dans son dos trahissent une étreinte passionnée, suscitant la colère de sa fiancée, mais aussi son désarroi.

    150 ans plus tôt, dans la France de Napoléon III, le marquis Edmond Fabel d’Estremeau partage sa vie entre sa femme ("Un mariage (...) d’un ennui sans nom") et sa maîtresse Louise Martin ("Grâce à Louise, sa vie misérable devint de moins en moins pitoyable"). Cependant, l’idylle entre leurs enfants respectifs, Aurore et Henri, bouleverse le destin de deux familles vivant l’une en face de l’autre. Cette histoire d’amour impossible est appelée à finir dans la tragédie. À moins que l’amour survive à tout, même à la mort.

    L'influence des classiques du XIXe siècle

    À Jamais à Nous est une irrésistible love story dans laquelle Kim Chi Pho insuffle du surnaturel, que ce soit l’apparition d’Aurore "au teint de porcelaine", sa rencontre étrange avec Xavier et la certitude que se joue une histoire d’amour fantastique traversant les siècles. À l’instar des romans de Tatiana de Rosnay, les lieux ont aussi leur importance, comme s’ils étaient eux-mêmes imprégnés de ces "âmes errantes" et qu’ils gardaient en mémoire la présence de celles et ceux qui y ont habité. Le lecteur pourra ainsi trouver des correspondances avec Rose, le roman "pré-haussmannien" de l’auteure d’Elle s’appelait Sarah.

    Mais les influences les plus visibles de Kim Chi Pho sont bien à chercher du côté des classiques du XIXe siècle. Que le cocher du marquis se nomme Flaubert n’est pas un hasard, et la scène du Bon Marché renvoie bien entendu au Bonheur des Dames de Zola. Il y a aussi ce parfum orientalisant dans ces détails que parsème l’auteure avec gourmandise : Le pavillon de Rose-thé, un poème de Liu Yuxi (IXe siècle), le chapitre à Macao, sans oublier la présence de Mei Gui Xïn (le nom signifie "aurore").

    Histoire sur l’amour éternel, hommage aux romans du XIXe siècle et intrigue fantastique dans laquelle les fantômes viennent rappeler aux mortels qu’ils ont un destin à suivre : À Jamais à Nous est un vrai page turner, à garder en tête pour un cadeau de Noël.

    Kim Chi Pho, À Jamais à Nous, éd. Lemart, 2020, 160 p.
    https://www.editionslemart.fr
    https://www.facebook.com/kimchiphoauteure

    Voir aussi : "Kim Chi Pho : "Ma vie est en transit tant que je ne termine pas mon roman"

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  • Du couvent à la Régence

    L’Histoire de France est riche de personnages secondaires ayant contribué à leur manière à écrire des périodes particulièrement agitées. Claudine Alexandrine de Tencin est indubitablement l’une de ces figures. Madeleine Mansiet-Berthaud conte le récit de sa vie dans son roman historique, La Défroquée (éd. Ramsay).

    Cette fille de cinq enfants, née d’une famille grenobloise de la noblesse de robe durant le règne de Louis XIV a, dès son enfance, l’assurance de faire partie de ses grandes oubliées. Femme dans une culture patriarcale, avec un frère aîné qui est promis à un riche héritage et un autre frère poussé vers une carrière dans le clergé, la jeune fille est envoyé au couvent de Montfleury pour une vie de prière. Son existence est promise au silence, ce qu’elle ne peut admettre. Madeleine Mansiet-Berthaud la fait s’exprimer ainsi, alors qu’elle se morfond dans un couvent où son père l’a enfermé : "Si je quitte un jour ce voile et le monastère pour la vie civile, j’emploierai mon temps à bâtir une fortune." Une promesse de reprendre en main sa vie et de s’échapper d’une véritable prison, mais qui est aussi la marque d’une défiance envers les hommes : "Si Alexandrine ne tuait pas son père, elle tuerait tous les hommes qui l’approcheraient."

    En fait de meurtre, c’est plutôt de revanche et de vengeance dont elle va user. Cela va d’abord passer par une manœuvre juridique de longue haleine : obtenir du pape la fin des ordres et retourner à la vie civile. Sa bataille va durer onze ans et se terminer par sa libération : un cas "unique dans les annales de l’Église". Contre toute attente, dans une France où la religion catholique pèse de tout son poids sur la vie, Madame de Tencin devient celle que l’on surnomme "la défroquée" : "Ne serait-je jamais qu’une nonne / A qui faux pas l’on ne pardonne ?", versifie-t-elle lors des derniers jours du Roi Soleil.

    Ce n’est qu’une première étape vers son destin exceptionnel dans une époque traditionnelle et patriarchale. La jeune femme ne veut pas se contenter d’une existence régie par le mariage et une famille traditionnelle. S’occuper d’un enfant ? Au risque qu’il "vienne anéantir des rêves de gloire" ? Jamais ! Car si elle a bien eu un enfant, elle ne le reconnaît pas, et c’est finalement son amant de l’époque qui s’occupe de lui – qui deviendra plus tard le philosophe et encyclopédiste D’Alembert.

    Une féministe avant l’heure

    C’est d’abord auprès de sa sœur Marie-Angélique, devenue Madame de Ferriol, que l’ancienne nonne se frotte au grand monde, via un salon littéraire où les plus brillants esprits sont invités : Fontenelle, la tragédienne Mademoiselle Duclos, le jeune Voltaire, mais aussi toutes ces figures politiques qui, après la mort de Louis XIV, allaient être les têtes pensantes de la Régence. Mme de Tencin devient même la maîtresse de Dubois, le second en France après le Duc d’Orléans. Puisque la société interdit aux femmes tout pouvoir, elle multiplie les intrigues pour placer tel ou tel au plus haut sommet, souvent ses amants, et sans oublier les membres de sa famille. Alexandrine continuerait à fabriquer des candidats à l’immortalité dans son usine à idées, tout simplement parce que c’était sa vocation, sa vie, d’élever les grands esprits aux plus hauts sommets, comme de moquer ceux qu’elle estimait médiocres." Vers la fin de sa vie, elle se lance également en littérature, avec des romans qui auront un succès certain à l'époque.

    En suivant le destin incroyable de la Défroquée, l’auteure fait un tableau passionnant de la France du début du XVIIIe siècle : les luttes d’influence pour la succession de Louis XIV, les troubles anglais, le miracle économique du système de Law puis la crise qui s’en suivit, sans oublier l’arrivée au pouvoir du jeune Louis XV. Madeleine Mansiet-Berthaud fait de Madame de Tencin une brillante et insatiable manipulatrice qui s’appuie aussi sur sa propre famille. L’auteure capte bien cette époque, tout en glissant quelques pages d’une écriture classique, voire sensuelle, lorsqu’elle entre par exemple dans les intérieurs bourgeois de cette fille de noble provinciale devenue une aristocrate influente : "Le taffetas glissa sur le parquet ; la jupe étalée restait gonflée, comme toujours habitée. Les dessous de coton blanc échouèrent sur une méridienne. La chambre baignait dans une demie-pénombre."

    Car la famille est l’autre pierre saillante de son existence, avec un frère dont elle est éprise et qu’elle aidera sans faille dans sa quête de pouvoir ecclésiastique car "garder des relations avec les hauts personnages susceptibles de servir la carrière de son frère passait avant une aléatoire gloire personnelle". La quête de reconnaissance n’est pas absente des motivations de l’ancienne religieuse, jamais épargnée par son passé de nonne.

    L'auteure ne cache pas la grande part d’ombre d’Alexandrine de Tencin qu’est sa relation avec d’Alembert. On peut dire qu’elle s’avère être une féministe avant l’heure, qui a assumé ses choix privés jusque dans ses excès, en refusant "d’être l’esclave d’un homme" : "Quand la femme serait-elle l’égale de l’homme ?". C’est sa sœur qui a sans doute eu la réflexion la plus définitive sur elle : "Votre génie pour le calcul et l’intrigue me stupéfie." Ce que l’auteur résume de cette manière : "Quelle revanche prise sur le destin qui aurait dû être le sien !"

    Madeleine Mansiet-Berthaud, La Défroquée, éd. Ramsay,2020, 430 p.
    https://ramsay.fr/dd-product/la-defroquee

    Voir aussi : "Héros, salauds et intellos sous l’Occupation"

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  • Héros, salauds et intellos sous l’Occupation

    Dans son essai Vingt intellectuels sous l’Occupation (éd. du Rocher), Laurent Wetzel cite le Général de Gaulle qui dit ceci dans ses Mémoires de Guerre : "Les écrivains, du fait de leur vocation de connaître et exprimer l’homme, s’étaient trouvés au premier chef sollicités par cette guerre où se heurtaient doctrines et passions. Il faut dire que la plupart et, souvent, les plus grands d’entre eux avaient pris le parti de la France, parfois d’une manière magnifique. Mais d’autres s’étaient, hélas ! Rangés dans le campo opposé avec toute la puissance de leurs idées et de leur style." Cet extrait se trouve dans le chapitre consacré à Robert Brasillach, le plus célèbre de ces intellos engagés dans le camp de Pétain, et aussi la seule de ces figures à avoir été exécutée après la Libération.

    De Gaulle et Pétain : voilà bien la ligne de fracture fondamentale entre les deux camps dont parle Laurent Wetzel, bien qu’elle ne soit pas la seule. Car, outre les désaccords au sujet d’une paix signée avec l’Allemagne, c’est aussi l’antisémitisme qui distinct Résistants et Collaborationnistes.

    Laurent Wetzel a fait le choix de portraits synthétiques pour retracer cette grande histoire qu’a été la vie intellectuelle en France pendant la seconde guerre mondiale. Une grande histoire avec ces héros, ces lâches, ces salauds mais aussi ces figures équivoques. Pour cela, l’auteur, intellectuel lui-même (normalien, maître de conférence d’histoire contemporaine à Sciences Po et professeur d’histoire politiques à Sup de Co), a divisé son livre en trois parties : les deux premières, "Figures d’intellectuels résistants" et "Figures d’intellectuels collabos", retracent chacune le parcours de huit personnalités. La dernière, "Figures d’intellectuels ambivalents", est singulièrement la moins développée, bien qu’elle reste passionnante puisque les quatre célébrités évoquées sont ni plus ni moins que Raymond Aron, Jean-Paul Sartre, Georges Pompidou et François Mitterrand. Que du gros calibre.

    Laurent Wetzel s’attache à décrire des parcours hors du commun dans une France déchirée et en guerre. Quelques figures parlerons très certainement au lecteur.

    Parmi les Résistants, il y a, pour commencer, Marc Bloch et Pierre Brossolette, tous deux tués en 1944. On retiendra aussi René Cassin, en raison des conséquences qu’eurent son engagement. L’auteur rappelle que ce dernier, condamné à mort par contumace du fait de ses responsabilités dans la France Libre, a vu 27 membres de sa famille disparus en déportation, dont sa mère, sa sœur et son beau-frère. Laurent Wetzel relate également ses distensions avec le Général de Gaulle pendant et après la guerre, comme les engagements français et internationaux de René Cassin : création de l’Unesco, élaboration de la déclaration des droits de l’Homme et Prix Nobel de la Paix. Le fascinant Jean Prévost, l’homme d’Eglise Jules Saliège et Jacques Soustelle font l’objet eux aussi de portraits passionnants, avec parfois, comme pour l’archevêque de Toulouse, des positions réservées au sujet du Général De Gaulle. Jacques Soustelle, lui aussi, se détournera du chef de la France Libre. Il regretta, par exemple, "l’épuration… ratée". Deux figures féminines, les seules de cet ouvrage, complètent ce tableau de la Résistance intellectuelle : il s’agit de Germaine Tillion et de l’exceptionnelle Simone Weil (à ne pas confondre avec la femme politique et ancienne déportée Simone Veil).

    Les angles morts de l’épuration

    De l’autre côté de la barrière, il y a ces écrivains, philosophes, essayistes et professeurs d’université qui ont choisi le camp de Vichy. À ce sujet, Laurent Wetzel n’hésite pas à parler dans le chapitre consacré à Claude Jamet (le père d’Alain Jamet, vice-président du Front National et Dominique Jamet, journaliste et Président de la BnF), de ce qu’il appelle un "paradoxe" de cette époque : "L’alliance des pacifistes les plus ardents avec les soldats d’une société guerrière."

    Il y a ces figures proprement sulfureuses : Robert Brasillach, nous l’avons dit, qui a payé de sa vie des engagements qu’il n’a jamais reniés. Marcel Déat, "un ami de la Waffen SS", fait lui aussi partie de cette inconditionnels de la Collaboration, "avec d’autant plus de désintéressement qu’il croyait que sa réussite personnelle serait bienfaisante pour son pays" (cette citation est extraite de la biographie que lui a consacrée Georges Albertini). Laurent Wetzel n’oublie par Pierre Drieu La Rochelle, homme de lettres souvent cité et décrié, antisémite convaincu mais aussi "hitlérien déçu" qui, nous apprend l’auteur, "se convertit sur le tard au communisme et au stalinisme". Le cardinal Alfred Baudrillart a eu lui aussi des positions antinomiques : antinazi proclamé avant la guerre, adversaire de Hitler, le cardinal et membre de l’Académie française fait un virage à 180 degrés après le déclenchement de la guerre et l'Exode, montrant son aversion pour "le traître de Gaule", son accord pour la paix signée par Pétain, son adhésion à l’ordre vichyste et même sa fascination pour "la personnalité et l’éloquence d’Hitler". Autant d’attitudes qui lui vaudront bien des inimitiés.

    Parmi les portraits consacrés à ces figures noires de la vie intellectuelle française, il y a ceux qui sont singulièrement passés à côté de l’épuration, dont Jacques Benoist-Méchin, Claude Jamet ("J’espère l’avenir sous le visage nazi") ou Georges Soulès ("fanatiquement collaborationniste"). Un autre de ces intellos fourvoyés se détache, et pas forcément le plus connu : Jean-Paul Hüter, un "intellectuel parmi les plus remarquables de sa génération" comme l’écrit Laurent Wetzel. Cet hitlérien convaincu meurt en 1944 en Lituanie, sous l’uniforme de la Wehrmacht.

    En consacrant la dernière partie de son essai à deux Présidents de la République, Pompidou et Mitterrand, Laurent Wetzel montre aussi en filigrane les échecs de l’épuration, ou du moins ses angles morts. Raymond Aron, qui s’est mis à distance et du Général de Gaulle et du Maréchal Pétain, disait d’ailleurs ceci : "Si l’épuration avait été mieux conduite, si les principaux responsables avaient été rapidement et solennellement châtiés, il eût été plus facile de se désintéresser des lampistes…" Peu touché par la Libération, Jean-Paul Sartre n’en reste pas moins un intellectuel – et pas des moindres ! – dont les positions sont encore très discutées et critiquées.

    Voir Georges Pompidou présent dans cette dernière partie peut surprendre. Le futur gaulliste, "attentiste" pendant l’Occupation, n’a jamais nié que ses engagements dans la Résistance ont été très limitées. Pour autant, il fit circuler quelques tracts : des "actions isolées et sans portée". Il montra également une certaine indulgence envers d’autres intellectuels aux positions critiquables, comme Jean Guitton.

    Plus troublante est la carrière du jeune François Mitterrand pendant cette période noire : proche de l’extrême-droite dans l’entre-deux-guerres, puis prisonnier en 1940 et évadé d’un stalag avant de devenir haut-fonctionnaire pétainiste, il a été décoré de la Francisque. Le futur Président socialiste "entretenait de bons rapports avec l’entourage du maréchal Pétain et approuvait les principes de la Révolution nationale". Mais il bascule en 1943 dans la Résistance, non sans un certain courage. Il créa même son propre réseau. S’il y a un homme controversée qui a bien sa place dans cette partie, c’est bien lui.

    En s’arrêtant sur ces personnalités du monde intellectuel au milieu de la seconde guerre mondiale, Laurent Wetzel montre bien la manière dont les têtes les mieux faites peuvent se fourvoyer dangereusement, et souvent avec la meilleure foi du monde. Pierre Drieu La Rochelle l’exprime à sa manière : "Si l’intellectuel garde son iondépendance et sa pureté de pensée, il est considéré par les politiciens comme un homme de paille d’autant plus utilisable à l’égard des foules aveugles qu’il est lui-même aveugle."

    Laurent Wetzel, Vingt intellectuels sous l’Occupation, éd. du Rocher, 2020, 233 p.
    https://www.editionsdurocher.fr
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Laurent_Wetzel

    Voir aussi : "Parisiennes et Parisiens dans l'exode"

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  • Kim Chi Pho : "Ma vie est en transit tant que je ne termine pas mon roman"

    Kim Chi Pho sort en ce moment son dernier roman, À Jamais à Nous (éd. Lemart). L’occasion était trop belle pour lui poser quelques questions. À raison d’un roman par an, Kim Chi Pho est en train de se construire une œuvre littéraire passionnante.

    Bla Bla Blog – Bonjour, Kim. Tu sors en ce moment ton dernier roman, À Jamais à Nous. Peux-tu nous le présenter en quelques mots ?
    Kim Chi Pho – Bonjour. C’est l’histoire de deux amoureux, séparés par la mort et qui se sont jurés de se retrouver dans une prochaine vie. Cette quête placée sous le signe de la réincarnation se déroule au fil d’un récit où les espaces temps s’entremêlent.

    BBB – Après Sista, qui était beaucoup plus sombre, tu as choisi ici de parler d’amour. Du grand amour, même. Est-ce que c’était une respiration nécessaire pour toi ?
    KCP – Sista se déroulait dans la poussière et le sang d’Afrique, cependant cette violence ne m’a pas marqué ni laissé de trace. En fait, j’ai une bibliothèque à écrire dans la tête, je laisse des histoires sortir au fur et à mesure l’une après l’autre. C’est donc un hasard que Sista soit sortie avant À Jamais à Nous. À cet instant précis où je réponds à tes questions, j’ai le sixième roman qui bouillonne et veut sortir de ma tête, alors que l’écriture du cinquième roman n’est pas encore terminée.

    BBB – Te souviens-tu du moment où tu as t’es dit : "Ça y est ! J’ai mon sujet !" Qu’est-ce qui a été l’élément déclencheur ?
    KCP – Non, malheureusement car il suffit que je surprenne une conversation pour qu’une histoire germe. Et il arrive que plusieurs me tombent sur la tête le même jour. Il me semble impossible de tracer par l’ordre chronologique, quel élément déclencheur m’est venu en premier lieu.

    BBB – Tu parles d’amour et d’un coup de foudre déclencheur de ton récit. Mais, au fait : tu y crois, toi, au coup de foudre ?
    KCP – Bien sûr, parce que j’y crois ! Et je continue à chercher ! Depuis la nuit des temps, je suis à la recherche de l’homme de ma vie, je sais qu’il m’attend quelque part, il attend que je vienne le chercher. Si je ne le trouve pas dans cette vie, je le trouverai dans la prochaine.

    "Le confinement a anéanti toute ma créativité"

    BBB – Tu t’es mise, je crois, dans la tête d’un homme pour écrire ton récit. Pourquoi avoir fait ce choix ? J’image aussi que cela doit être particulièrement intéressant pour une femme écrivain.
    KCP – Tu as raison. Dans mes trois précédents romans, Mademoiselle Numéro 11, Le Clos des Diablotins et Sista, le personnage principal est toujours une femme. Pour À Jamais à Nous, c’est un homme ! Comme je l’ai expliqué plus haut, depuis longtemps je cherche l’amour, mais sans succès. Alors, en attendent cette retrouvaille, j’ai décidé de l’inventer, avec ma plume.

    BBB – Comment travailles-tu tes livres ? Fais-tu partie de ces auteures qui font un plan, qui savent où elles vont, ou bien te laisses-tu porter par ton récit ?
    KCP – Avant de commencer l’écriture, j’ai déjà l’histoire dans la tête, du commencement jusqu’au dénouement. Je m’installe devant mon laptop et je laisse les mots coucher sur les pages. Quand mon ordinateur est à court batterie, j’écris à la main. Il m’arrive d’écrire pendant des jours sans jamais m’arrêter. J’oublie même de manger, de boire. Ma vie est en transit tant que je ne termine pas mon roman.

    BBB – J’imagine que le confinement a dû quelque peu changé tes habitudes, y compris dans ton travail d’écriture.
    KCP – Le confinement a anéanti toute ma créativité. En moyenne, il me faut deux à trois mois pour écrire un livre, depuis avril 2020, je n’ai écrit aucun.

    BBB – Quels sont tes prochains projets ? Un autre roman peut-être ? Ou une série de romans ?
    KCP – Mon cinquième roman est en cours d’écriture, un thriller, une vengeance sanguinaire. Et puis après, j’aimerais vraiment passer à la réalisation, porter mes romans à l’écran.

    BBB – Pour terminer notre blabla, peux-tu nous parler de ta dernière lecture, du dernier film et de la dernière série que tu as vu et du dernier album que tu as écouté ?
    KCP – Ma dernière lecture : la biographie du plus grand peintre indien S.H. Raza de Soufiane Bensabra. L’art est mon refuge contre les impacts psychologiques néfastes du confinement. Les œuvres des grands peintres m’aident à m’évader en dehors des quatre murs. Côté cinématographique, j’ai visionné toutes les séries sur Netflix.

    BBB – Merci, Kim. Et on rappelle que ton roman À Jamais à Nous, aux éditions Lemart, sort en ce moment, à quelques semaines des fêtes de Noël.

    Kim Chi Pho, À Jamais à Nous, éd. Lemart, 2020
    https://www.editionslemart.fr
    https://www.facebook.com/kimchiphoauteure

    Voir aussi : "La voix de Mademoiselle numéro 11"

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  • Maurice Genevoix au Panthéon et à la BnF

    maurice genevoix,bnf,panthéon,première guerre mondiale,grande guerreMaurice Genevoix, le grand écrivain de la Grande Guerre fait son entrée aujourd’hui au Panthéon, cent ans jour pour jour après l’inhumation du soldat inconnu. Simultanément, le manuscrit autographe de Ceux de 14 rejoint les collections de la Bibliothèque nationale de France grâce à un don de sa famille. Il sera exceptionnellement exposé lors de la cérémonie d’hommage à Maurice Genevoix au Panthéon.

    "Il s’agit du premier manuscrit de Maurice Genevoix à entrer dans les collections de la Bibliothèque nationale de France. Maurice Genevoix avait voué son travail à la transmission d’une mémoire. Recevoir aujourd’hui le manuscrit de Ceux de 14 est un grand honneur pour la BnF, et c’est aussi une façon de poursuivre cette œuvre de transmission. C’est donner à la Bibliothèque toute la mesure de son rôle au XXIe siècle : conserver et faire vivre auprès du plus grand nombre les œuvres littéraires qui forment notre mémoire collective", se félicite Laurence Engel, présidente de la BnF.

    Mobilisé en 1914 alors qu’il est étudiant à l’École normale supérieure, Maurice Genevoix (1890-1980) est envoyé sur le front de Meuse. Grièvement blessé en avril 1915, Maurice Genevoix tire de son expérience de la guerre des tranchées la matière d’un des plus grands témoignages sur la Première Guerre mondiale. De 1916 à 1923, cinq volumes se succèdent : Sous Verdun (1916), Nuits de guerre (1917), Au seuil des guitounes (1918), La Boue (1921) et Les Éparges (1923), qu’il choisira de réunir, après quelques remaniements, sous le titre de Ceux de 14. le livre sort en 1949.

    Ce manuscrit de la version originale du texte donne à voir le travail de l’écrivain voué "à la mémoire des morts et au passé des survivants".

    Décédé en 1980, l’écrivain, prix Goncourt en 1925 pour Raboliot et secrétaire perpétuel de l’Académie française de 1958 à 1973, fut un acteur majeur de la vie littéraire du XXe siècle. Il a contribué à entretenir le souvenir des combattants de la Grande Guerre.

    Don du manuscrit de Ceux de 14 de Maurice Genevoix
    à la Bibliothèque nationale de France
    Maurice Genevoix, Ceux de 14, éd. Omnibus, 2009, 1090 p.

    https://www.bnf.fr

    Voir aussi : "La fleur au fusil"

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  • "Rock'n'Love" d'Arsène K., toujours disponible

    Rock’n’love d'Arsène K. (éd. HQN) est toujours disponible au format numérique uniquement, et sur toutes les plateformes.

    De sa carrière de brillante avocate à son quotidien de maman dévouée, Lucrèce a toujours réglé sa vie comme du papier à musique. Sans l’ombre d’un doute, cet équilibre était la clé de son bonheur. Mais, en quelques jours à peine, celui-ci a volé en éclats. Alors que sa fille a fugué sans laisser de trace, son ex-petit ami, Alessandro, réapparaît sans prévenir. Ce chanteur célèbre au corps d’Apollon, à qui elle n’a pas parlé depuis vingt ans, est empêtré dans une affaire de plagiat qu’elle seule peut démêler. Prête à le défendre, Lucrèce doit pourtant rester prudente. Car, elle le sait, si elle se laisse de nouveau charmer par le rockeur, la partition qui accordait sa vie ne sera plus jamais la même.

    Rock’n’love paraîtra chez Harlequin au format numérique à partir du 1er juillet 2020.

    Arsène K., Rock’n’love, éd. Harlequin, coll. HQN, 2020, 237 p.
    au format numérique

    https://www.harlequin.fr/livre/13167/hqn/rock-n-love

    Voir aussi : "Sortie de mon prochain roman sous le pseudo d’Arsène K."

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