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Ce livre rassemble deux livres de deux auteurs très différents : l’un, Marc-Aurèle, empereur romain de 161 à 180, incarna la figure du "philosophe-roi" cher à Platon. Le second, Épictète, ancien esclave syrien affranchi, a exercé comme professeur et philosophe stoïcien. C’est d’ailleurs le stoïcisme qui rassemble ces deux figures importantes de la philosophie.
Les deux ouvrages compilés dans ce livre sont tous les deux constitués de courts paragraphes - parfois même d’aphorismes pour Marc-Aurèle. Bien que ce dernier n’apporte pas de contribution décisive à cette doctrine, ses Pensées constituent une sorte de vade-mecum du stoïcisme, attitude d’autant plus remarquable de la part d’un empereur désireux d’accorder ses actions en accord avec son âme et avec la raison.
Le Manuel d’Épictète, lui, entend être, dans sa concision (30 pages environ), « une arme de combat qu’il faut toujours avoir à sa portée » comme le dit Simplicius, un des commentateurs de cet opuscule.
Une chose est sûre. Mattieu Lavagna et Michel Onfray ne passerons pas leurs vacances ensemble, comme aurait dit un journaliste sportif. Depuis le temps que le philosophe Michel Onfray truste les plateaux télé et propose sa "bonne parole", il fallait bien que quelques voix discordantes vienne susciter la polémique. C’est le cas avec cette Libre réponse à Michel Onfray proposé par les éditions Artège.
Ce n’est pas un mais plusieurs ouvrages qui intéressent le philosophe et théologien Matthieu Lavagna : Traité d’Athéologie (2005), Décadence, Vie et Mort du Christianisme (2017) et Anima (2023). Le tort de Michel Onfray ? Affirmer que Jésus n’a jamais existé, ni plus ni moins, et que sa vie n’est jamais qu’un mythe. C’est la "thèse mythiste", très ancienne, pour ne pas dire datée. Dès la préface, Matthieu Lavagna cogne, et dur : "Ce qui frappe dans la théorie d’Onfray, condensé de clichés éculés et de raccourcis simplificateurs, s’appuyant sur une bibliographie périmée, vieille d’au moins un siècle, c’est la méconnaissance profonde de l’exégèse moderne". Voilà qui est dit. La conclusion n’est pas moins virulente : Michel Onfray, tout engagé qu’il est pour la laïcité et l’athéisme, "nemaîtrise absolument pas les sujets qu'il aborde".
Les pieds dans le tapis
L’essai est composée en deux parties, la première, de loin la plus convaincante, tire à boulet rouge sur un philosophe qui semble avoir pris certaines libertés avec l’historiographie. Reprenant point par point les sources et surtout les affirmations du philosophe hypermédiatisé, Matthieu Lavagna remet l’église au milieu du village ! Oui, Jésus a bien vécu en Palestine, il y près de deux mille ans, et l’on sait même assez précisément ses dates de décès et de mort, ce qui est plutôt rare pour un personnage de cette période. Mieux, il est l’un des rares personnages antiques aussi bien documenté, et pas seulement par les sources chrétiennes, plus orientées, il est vrai. Flavius Josèphe, Tacite, Suétone ou Pline le Jeune, qu’on ne peut pas taxer de franchement disciples de Jésus, le mentionnent.
De longs passages sont consacrés aux écrits du Nouveau Testament dont l’orientation n’empêchent pas le sérieux, avec plusieurs auteurs différents ayant écrit peu de temps après la mort de Jésus. Matthieu Lavagna s’appuie sur des auteurs spécialisés, parfois non-croyants, et sur des recherches scientifiques, à l’instar de fouilles archéologiques.
La deuxième partie du livre, tout aussi intéressante, quoique plus polémique, s’intéresse à l’Église catholique, en tant qu’institution. Michel Onfray l’avait couvert de toutes les opprobres (Inquisition, manipulation des opinions, génocide indien après la découverte des Amériques, antisémitisme, silence pendant la Shoah). Matthieu Lavagna répond point pour point à ces accusations.
Non, le christianisme n’est pas misogyne, non la sexualité chrétienne n’est pas "névrosée" ou non les millions d’Indiens morts après le XVe siècle n’ont pas été dû à une évangélisation violente de l’Église de l’époque. Une section est consacrée aux conciles et aux canons, un sujet où Michel Onfray, moins théologien que philosophe, semble s’être largement pris les pieds dans le tapis. On retiendra aussi et surtout de longues pages sur l’Église pendant la seconde guerre mondiale et la Shoah, un sujet toujours brûlant mais au sujet duquel Matthieu Lavagna semble avoir une opinion bien arrêtée.
Essai enlevé, passionnant et remettant les pendules à l’heure, cette Libre réponse à Michel Onfray risque bien, justement, ne pas rester sans réponse par l’intéressé lui-même. La parole est à l’accusé.
Ce roman paru en 2008 est le premier d’un jeune auteur, philosophe et romancier, aujourd’hui considéré comme est des intellectuels français les plus brillants. La Meilleure Part des Hommes, sorti en 2008, laisse deviner, derrière les défauts de ce premier roman, un talent et un culot prometteurs.
Le principal intérêt de ce livre est la plongée dans l’histoire de la communauté homosexuelle parisienne à partir des années 90, même si cette plongée n'est pas exempte de caricature. Deux hommes, Dominique, un intellectuel de gauche engagé prend sous son aile Willie, un jeune provincial encore crotté, sans éducation mais bourré d’ambition. Il fait de lui une figure de proue d’une communauté homosexuelle hétéroclite. Dominique, qui est parvenu à politiser le lobby homosexuel, voit peu à peu Willie prendre de l’ascendant malgré les discours indigents et les comportements plus que douteux de ce dernier.
Entre les deux hommes, anciens amants devenus ennemis, un combat à mort s’ensuit. Un roman âpre et dur, écrit à la première personne (la narratrice est Elizabeth, témoin et actrice indirecte de cette lutte), s’avère intéressant même si on peu regretter le parti pris d’un style oral, que je trouve à la fois faussement moderne, peu nouveau et parfois agaçant.
Lisez ceci : "Ce soir ma bien-aimée, nous dormirons sous l’eau / Où l’on rêve plus haut près des algues avides / Leur lit céleste et doux ne remuera pas trop / Et tu seras bercée par leurs mains impavides". Baudelaire ? Verlaine ? Musset ? Vous n’y êtes pas du tout. Ce texte est tiré du recueil de Luc Loiseaux, Dans l'Ivresse des Brumes (éd. Unicité).
60 poèmes en vers, dont la majorité en alexandrin, composent ce livre singulier et magnifique. Il est préfacé par Jean Hautepierre dont le combat artistique porte sur la mise en valeur de la versification classique dans la littérature contemporaine. Luc Loiseaux s’inscrit parfaitement dans ce courant qui refuse de tourner le dos au passé et aux grands auteurs classiques.
Bla Bla Blog avait déjà salué le travail de Luc Loiseaux, MoonCCat – hommage sans nul doute à Moondog, musicien maudit mais néanmoins capital dans l’histoire de la musique. Musicien, auteur, conférencier et véritable dandy fin de siècle, Luc Loiseaux reste fidèle à ses valeurs et entend les sublimer dans son recueil Dans l'Ivresse des Brumes où son amour pour ses brillants aînés, que ce soit Verlaine, Baudelaire ou Rimbaud, éclate.
Luc Loiseaux montre que versification classique, alexandrins et sonnets peuvent retrouver toute leur place dans la littérature du XXIe siècle
Le livre se pare d’un noir gothique rehaussé d’éclats lumineux d’opales et d’émeraude, la couleur de l’absinthe ("J’entends encor’ ce soir la triste mélodie / De l’idole invaincue au large front d’airain / Dans son baiser d’amour respire encore l’envie / De presser mon vieux cœur sur l’hiver de son sein"). Plusieurs poèmes sont consacrés à cette boisson mythique et maudite à laquelle il a consacré une partie de sa vie professionnelle ("La fée verte", "Gouttes brûlantes", "Célestes amers").
Nous parlions de Rimbaud. L’auteur en fait le fil rouge du recueil à travers des photos inédites de sa composition. La patte de l’auteur du Bateau ivre est perceptible dans plusieurs textes, à l’instar du Miroir des noyés" ou du "Soir" ("Quand la nuit vient ici, on entend une absence / Neiger en fine pluie / Dans la forêt obscure… Un peu comme l’enfance / Depuis longtemps enfuie"). Dans "La Paresse", derrière lequel on reconnaîtra le magnifique et fulgurant classique de Baudelaire "Bien loin d’ici". Luc Loiseaux s’abandonne dans la contemplation : "L’indolente somnole en ses voiles de tulle / Dans un geste indolent / Elle trace dans l’air le contour d’une bulle… / Comme un enchantement".
Lyrisme, romantisme et mysticisme baignent ce recueil où Luc Loiseaux montre que versification classique, alexandrins et sonnets peuvent retrouver toute leur place dans la littérature du XXIe siècle, une période qui a droit aux jugements acerbes de l’auteur : "Ce monde-ci n’est pas ma foi / Que gueuserie et que misère". Sa réponse ? La beauté, mise en vers. Il fallait bien cela.
Attention, voici un ouvrage à ne pas mettre entre toutes les mains. Plurielles, paru aux éditions Tabou, est un roman qui nous transporte vers un milieu peu courant, celui du BDSM. Son autrice, Éva Delambre fait partie de ces noms fameux de la littérature érotique, jamais aussi à l’aise que lorsqu’elle interroge des thèmes de la soumission et de la BDSM. Plurielles nous propose une plongée plus vraie que nature dans un milieu vivant dans la discrétion. Éva Delambre en profite pour le désacraliser et de le faire découvrir, parfois dans toute sa crudité.
Lorsque le roman commence, Perle vient d’être acceptée comme soumise auprès d’Aymeric, un maître qui a déjà autour de lui deux jeunes femmes, Opale et Ambre. Une troisième femme, Nola, faisant office de domestique - quoiqu'aux services très élargis - vit également dans sa vaste et belle demeure. À cela s’ajoute Bella, qu’il a à son service pour quelques jours. Elle lui a été prêtée par un de ses amis et a la particularité de vivre attachée avec une muselière. Elle est traitée comme une chienne au sens premier du terme. Perle profite de ses quelques jours de congés pour s’habituer à cet environnement où la soumission va vite devenir une affaire de concurrences ("Laquelle de nous deux est-elle censée remplacer ?"), de jalousies et de questionnements sur la préférence de l’une ou de l’autre. Perle a-t-elle trouvé sa "place", comme elle s’en félicite au début du récit ?
Une affaire de concurrences, de jalousies
Il faut passer les premières pages pour s’habituer à cette histoire hors-norme qui entend faire tomber chez le lecteur toute notion de rejet, de critique et d’anormalité. C’est le temps aussi de s’habituer à la triade Perle-Opale-Ambre, sans oublier Nola, devenant par moment une maîtresse de cérémonie, bien plus investie auprès de son maître qu’elle ne veut bien se l’avouer ("Il exigeait aussi des prestations et une ouverture d’esprit qui rendaient compliqué un contrat de travail classique". Le personnage de Bella, muette de bout en bout, n’est pas le moins fascinant dans toute cette galerie de portraits, avec un Maître charismatique désirant avoir "le contrôle" sur tout et toutes.
Le roman va sans doute secouer le lecteur, autant pour ses scènes orgiaques, ses descriptions précises d’étreintes où ne manquent pas les martinets, que pour ces détails qui donnent encore plus de sel au livre : cages où peuvent être enfermées les soumises, femmes servant de tables vivantes ou séances publiques d’humiliation. Au milieu du roman, la soirée chez Maître Kann fait figure de moment assez inoubliable et qui entraînera un dénouement qui pourra étonné par sa dimension morale et sentimentale.
Éva Delambre sera l’invitée des Écrits Polissons le mardi 27 février 2024 de 19h30 à 21h30, au 153, 153, rue Saint-Martin 75003 Paris, Métro - Les Halles ou Rambuteau.
L’intérêt de ce recueil se mesure d’abord à son histoire éditoriale. Comme le rappelle Bernard Lortholary, le traducteur de ces courts textes, ceux-ci constituent l’essentiel de la publication du vivant de Franz Kafka (à l’exception de La Métamorphose).
Même si l’écrivain tchèque a émis des réserves sur telle ou telle publication, ce recueil permet de juger avec une relative justesse l’écrivain. Plus que n’importe quel recueil, celui-ci est hétéroclite.
À côté de textes majeurs, comme La Colonie pénitentiaire, récit terrible sur une exécution mécanique, on peut être comme moi moins sensibles à des récits plus courts, lapidaires pour certains (Considération par exemple). La nouvelle Le Verdict (et d’autres récits comme Un rêve ou Devant la Loi) n’est pas sans rappeler Le Procès, le plus célèbre roman de Kafka, publié après sa mort - et en dépit des dernières volontés de son auteur. Finalement, tout Kafka est là, condensé : auteur moderne, atypique et non dénué de causticité.
La Médiathèque d’Amilly (45) propose le vendredi 23 février 2024, à partir de 19H30, le vernissage de l’exposition "Nouvelles historiques du Loiret" (entrée libre, réservation conseillée).
Emilie Riger propose également chaque année à la librairie des Écoles de Montargis un atelier sur une thématique chaque fois différente. En 2023, elle a proposé aux aspirants écrivains de travailler autour du thème de la nouvelle historique, forcément localisée dans le Loiret, et d’y adjoindre des photos, anciennes et actuelles, du lieu ou de l’évènement mis en lumière.
Le public pourra découvrir le fruit de ce travail d’écriture, et un éclairage sur notre histoire locale grâce à une exposition de 16 panneaux présentant chaque nouvelle et ses photos.
Le bloggeur sera présent, avec la nouvelle La fille en rouge consacrée à la diaspora chinoise de Montargis et la naissance du Parti Communiste chinois.
Tout public. Durant les horaires d'ouverture de la médiathèque
Exposition "Nouvelles historiques du Loiret", Médiathèque d’Amilly (45) A partir du 23 février 2024 https://www.amilly.com
Dans ce court et magnifique roman japonais, Nobu, le narrateur, responsable d’une école du soir, reçoit la visite d’un ancien élève de son père.
Cette visite lui est autant douloureuse qu’intrigante puisque ce dernier s’est suicidé des années plus tôt après avoir indirectement provoqué la mort d’un de ses anciens étudiants.
De lourds secrets vont se dévoiler, sous le signe des libellules ("tonbo" en japonais).
Écriture épurée et raffinée, portraits soignés de personnages, sens de la narration : une belle réussite pour ce roman admirable que je vous conseille vivement !