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Regardez quelques secondes l'illustration de cet article. Ce pictogramme ne vous dit rien ? Je vous aide : il symbolise un film célèbre et multiprimé, interprété par Leonardo di Caprio et Kate Winsley. Vous y êtes : ce pictogramme symbolise le long-métrage Titanic, réalisé par James Cameron et sorti en 1997...
Résumer en quelques coups de crayon 150 films aussi cultes que Metropolis, Jurassic Park, Taxi Driver, Les Dents de la Mer (vidéo ci-dessous) ou La Fièvre du Samedi Soir est un tour de force qui vont ravir tous les fans de cinéma. Dans leur ouvrage 150 Films en Bref, Matteo Vivaschi, Gianmarco Milesi et le studio de design italien H-57 ont repris l'idée de leur précédent ouvrage (180 Histoires en Bref) : résumer un film en cinq secondes (Film in Five Seconds est le titre original). L'objectif est, comme le disent les auteurs en introduction, de supprimer le maximum d'informations "en ne gardant que l'essentiel en quelques pictos".
Utiliser la pictologie pour parles des 101 Dalmatiens peut être simple ; la chose devient moins évidente pour Inglorious Basterds, Inception ou Shining. Et que dire de la saga en trois films du Seigneur des Anneaux, mise en image de manière extrêmement concise... et géniale !
Le pari est au final tenu et largement gagné, au point que le lecteur pourra tout autant lire ce livre de la première à la dernière page que s'en servir pour jouer et défier ses amis. Au fait, et vous ? Comment résumeriez-vous en pictogrammes Le Magicien d'Oz ?
Matteo Vivaschi, Gianmarco Milesi et H-57, Pictologies, 150 Films en Bref, éd. Prisma, 192 p.
Les fans de Game of Thrones ("GOT " pour les initiés) auront certainement à cœur de se procurer ce petit livre, qui est plus un clin d'œil à un des personnages majeurs du Trône de Fer (voir aussi cet article) qu'un véritable apport à cette saga au succès exceptionnel.
Ce qui est proposé dans ce livre, intitulé Maximes et Pensées de Tyrion Lannister et mis en page comme un vieux grimoire (au format livre de poche tout de même...), est une série de citations de Tyrion Lannister, le personnage favori de George RR Martin (comme d'ailleurs de nombreux fidèles de la saga de fantasy).
Soyons francs : si certains propos du brillant et célèbre nain sont d'une belle pertinence, d'autres ont d'abord pour qualité de rappeler ses faits d'armes et ses dialogues les plus savoureux. En quatorze thèmes (le nanisme, l'amour, la famille, la politique, la guerre, le mensonge ou la religion), Tyrion Lannister se fait, sinon philosophe, du moins subtil et perspicace. Je ne peux m'empêcher de citer ces trois mots d'esprit : "Les meilleurs mensonges s'assaisonnent d'une pincée de vérité", "La mort a quelque chose d'effroyablement définitif. La vie, elle, ouvre sur d'infinies possibilités" et "On se lasse ne n'avoir pour maîtresse que ses phalanges".
Vous voulez briller en société grâce à quelques mots d'esprit ? Les maximes de Tyrion Lannister devraient faire votre affaire.
Charb, assassiné le 7 janvier 2015 lors de l'attentat contre Charlie Hebdo, avait publié un ensemble de chroniques, Manuel de l'Intolérance, surnommées ironiquement "Les fatwas de Charb".
Il n'est pourtant pas question dans ce livre d'un réquisitoire contre les fanatiques de tout poil – qu'ils soient catholiques, musulmans ou juifs – mais de portraits féroces de ces sinistres individus que nous avons tous côtoyés ou de ces petits faits modernes qui peuvent nous pourrir la vie. Prenant à témoin le lecteur ("Je pense que vous serez tous d'accord avec moi..." est la locution qui clôt chaque billet), Charb ne prend aucun gant pour tirer à boulet rouge sur les jeunes papas gâteaux (et gâteux), les toilettes de train, les serveurs misogynes, "les radins de l'amour", les tongs, les lampes basse tension ou les tics de langage ("je gère"). Autant de travers de la vie contemporaine condamnés sous forme de "fatwas" par un Charb drôle et cinglant.
L'auteur termine ce recueil par un article sur "Mort à ceux qui ont peur de mourir". Un dernier billet qui prend tout son relief depuis la tuerie de Charlie Hebdo, transformant du même coup ce Manuel de l'Intolérance à l'humour très noir (sorti la première fois en 2009 mais réédité après les attentats de Paris) en une œuvre poignante.
Un tome 2 de ces fatwas impertinentes est sorti trois mois avant l'assassinat du directeur de Charlie Hebdo.
Charb, Petit Traité d'Intolérance, Librio, 2012, 128 p. Strips Journal
Chaque nouvelle sortie d'un livre de Michel Houellebecq est un événement. Son dernier roman paru, Soumission, n'échappe à la règle. Nous pourrions même ajouter : surtout son dernier roman ! Le plus célèbre écrivain français contemporain signe dans ce livre choc un récit d'anticipation qui a fait réagir bien au-delà de nos frontières.
Michel Houellebecq décrit dans cet ouvrage une France des années 2022 choisissant d'élire à la Présidence de la République Mohammed Ben Abbes, un homme politique de confession musulmane, afin d'échapper au désastre annoncé d'un chef d'État d'extrême-droite. Marine Le Pen battue au deuxième tour, les partis traditionnels laminés, le pays de Molière se convertit à un homme politique malin, séduisant et ambitieux. Après deux septennats de François Hollande, la France se convertit (dans tous les sens du terme) à un politicien alliant l'ambition, l'autorité et le sens de la concorde (le premier ministre n'est ni plus ni moins que... François Bayrou).
Le lecteur comme le narrateur – un certain François, professeur à la Sorbonne aussi désabusé que fin observateur des changements en cours – assistent, interloqués, à la lente mais diablement efficace révolution islamique. Contre toute attente, en quelques années la France retrouve sa stature mondiale alors même que la société se transforme, pour le meilleur et pour le pire : élites islamisées, femmes contraintes au voile et à la vie domestique, rapprochements avec les autres nations musulmanes, etc. François, spécialiste de l'écrivain catholique et décadent Joris-Karl Huysmans, doit se poser la question de son positionnement dans une société devenue théocratique.
On retrouve dans ce roman de Michel Houellebecq ce qui fait la force et le caractère d'un écrivain, catalogué à tort ou à raison comme un écrivain "post-moderne catholique" : humour grinçant, provocation et goût pour l'anticipation. La sortie de Soumission (qui devait s'appeler à l'origine Conversion) était annoncée avec un goût de souffre ; or, l'auteur des Particules élémentaires et d'Extension du Domaine de la Lutte s'avère bien moins acide que pour ses ouvrages précédents, sauf lorsqu'il s'agit de son narrateur (Michel Houellebcq lui-même ?). Il est décrit comme un homme paumé, dépressif et désabusé qui trouvera d'ailleurs son salut dans la religion.
Houellebecq soulève d'ailleurs des questions qui prolongent son œuvre : l'identité (nationale et personnelle), l'avenir de l'Occident et une certaine image de la décadence, à l'image de Huysmans dont l'omniprésence n'est évidemment pas fortuite.
Le blog Fantasy à la Carte propose une biographie brillante et pertinente de cet auteur de fantasy, un genre considéré encore avec un certain dédain, si ce n’est un certain snobisme. George Raymond Richard Martin est parvenu à dépasser John Ronald Reuel Tolkien (l’auteur du Seigneur des Anneaux) dans la notoriété. Le créateur du Trône de Fer peut se targuer d'être devenu en quelques années une figure majeure de la fantasy.
Retour sur la carrière de ce "roi littéraire", grâce au site Fantasy à la Carte :
De son nom complet, George Raymond Richard Martin est un auteur américain renommé pour ses écrits de science-fiction et de fantasy. Né en 1948 dans le New Jersey, il a grandi dans une famille modeste. Au lycée, il découvre les comics et se met à écrire des fanfiction (des récits écrits par des fans dont le but est de continuer ou de modifier l’histoire d’un roman, d’une série…). En 1965, il obtient même un prix pour l’une de ses nouvelles. Son diplôme de journaliste en poche, il retourne dans sa ville natale en 1971 en pensant y décrocher un emploi. Il n’en trouvera point mais cette année-là, il se découvre un certain talent d’écrivain. Cependant, il faudra attendre 1979 pour qu’il se consacre pleinement à son art. Les premières années, il écrit essentiellement des romans et des nouvelles de science-fiction. Il reçoit de nombreux prix comme en 1980, sa nouvelle Les Roses des Sables remporte trois distinctions : le prix Hugo, le prix Locus et le prix Nebula. Une jolie consécration pour un auteur à succès en devenir. Plus tard, G.R.R. Martin s’essaie à l’horreur avec ses romans : Riverdream en 1982 ou Armageddon Rag en 1983. Au milieu des années 1980, commence pour lui un travail de scénariste pour la télévision. Ainsi, il est l’auteur de séries télévisées comme La Cinquième Dimension ou La Belle et la Bête. Parallèlement à cette activité professionnelle, il se lance dans la rédaction d’une anthologie de nouvelles et de romans de science-fiction, Wild Cards, mettant en scène des super-héros.
C’est au début des années 1990, qu’il a l’idée d’écrire un cycle de fantasy, A Song of Ice and Fire, traduit en français par Le Trône de Fer…
Et si, au lieu de pavés, on s'intéressait à ces petits livres que l'on peut dévorer en moins d'une heure ? Et pourquoi pas un recueil de poésie ? Celui que je viens de découvrir fait partie de ces petites merveilles que l'on risque de ne pas oublier de sitôt.
Le troisième ouvrage de Marie de Quatrebarbes, La Vie moins une Minute, déringardise un genre littéraire par les thèmes comme par le langage utilisé. Trois parties composent ce recueil : "Ça caille les belettes", "Looping" et "Sinon violette". Il est question dans ces textes en prose de la vie dans ce qu'elle a de plus fragile et de plus vivifiante : "C'est beau parce que c'est déchirant / c'est peu parce que c'est déchirant", comme on peut le lire.
Des personnages historiques (le Marquis de Sade) ou de contes de fée ("Bonjour Barbe bleue, comment vous dire ?") sont appelés à la rescousse pour parler des peurs enfantines qui nous paralysent comme de la rencontre de l'amour, d'un homme, la création d'un couple dans ce qu'il a de plus fragile et de plus éphémère : "L'amour n'est pas une transaction / on ne fait pas monter les enchères".
Dans la partie intitulée "Ça caille les belettes", les fulgurances oniriques percutent de plein fouet ces petites choses quotidiennes : la vie de tous les jours, le ménage, les magasins, l'enfance blessée, les questions a priori simples qui nous taraudent tous ("Comment faire pour vivre le moment présent ?... / Comment faire pour vivre sans l'amour de sa vie ? / Comment faire pour vivre ?..."), des questions répétées ad nauseam dans les revues féminines et que l'auteur recycle avec un mélange d'ironie et d'amertume.
Marie de Quatrebarbes est dans la fragilité permanente dans "Looping", une partie où l'enfance est omniprésente, construite et déconstruite par bribes, à coup de sensations, de souvenirs, d'images, de fulgurances surréalistes, sans oublier un langage d'une grande liberté : anglicismes, jurons, phrases suspendues ("My name is sheat and you suck / toutes les saveurs sont bonnes à prendre / toutes les saveurs du restaurant italien / vraiment que du bon" ou "Putain de merde / ça décapite cette histoire de bisous-bisous"). La vie est au bout de ce voyage intérieur et littéraire, comme le montre le dernier texte de cette partie : "Dans la cuisine, les poils courts / il passe tout seul l'aspirateur / est-ce que tu porteras mon nom ?").
Dans la troisième partie, "Sinon violette", il est toujours question de vie, bien sûr, mais aussi d'amour et de sexe ("Le monde est sexe si j'avais su") . Mais ici, pas de mièvrerie comme la poésie peut souvent nous en offrir. L'auteure nous parle de souvenirs, de peurs enfantines (encore), de Ph neutres (sic), de sensations ("Elle, allongée sur la baquette arrière / en nage"), mais aussi de ces corps mis à contribution : "Tout se rassemble autour du membre / ça s'étire hors de moi comme un filet de bave / foutre un peu délétère...").
Dans ce recueil, c'est un voyage au bout de la vie que nous offre Marie de Quatrebarbes, une jeune auteure au talent exceptionnel et qui n'a pas fini de faire parler d'elle. C'était bien ? C'était bon, on s'est régalé, merci.
Marie de Quatrebarbes, La Vie moins une Minute, éd. LansKine, 2014 Editions LansKine
Dans l'histoire de la Chine moderne, Zhou Enlai occupe une place à part. Sa carrière de révolutionnaire puis d'homme d'État (il a été premier ministre de 1949 à sa mort en 1976) est indissociable de Mao Zedong, dont il fut à la fois à la fois l'allié et l'adversaire.
Gao Wenqian, historien et dissident chinois, offre une biographie passionnante qui aide à comprendre la longévité et aussi la postérité d'une figure emblématique qui a indubitablement changé le cours de son pays. Cet essai bien documenté (l'auteur a eu accès aux archives du parti communiste chinois) décrit les premières années d'un jeune révolutionnaire marxiste (né en 1898), promis rapidement aux plus hautes destinées de son pays et de son parti. Le livre passe (trop) rapidement sur les guerres civiles mettant aux prises Nationalistes de Tchang Kaï-chek et communistes pour s'intéresser surtout aux premières décennies de la Chine communiste, à partir de 1949.
Il convient sans doute de s'arrêter sur le titre de ce livre. Zhou Enlai, L'Ombre de Mao est une traduction très critiquable de la version originale, Zhou Enlai The Last Perfect Revolutionary : voir dans celui qui fut à l'origine de la visite de Richard Nixon en Chine un pantin aux ordres d'un dictateur obnubilé jusqu'à la folie par la révolution communiste serait oublier que Zhou Enlai, loin d'être un complice aveugle du Grand Timonier, a su louvoyer habilement pour échapper à toutes les purges du parti communistes : un exploit ! Mieux, ses talents politiques, son sens tactique et ses qualités de diplomate ont su le rendre indispensable au point de n'avoir jamais été délogé de son poste de premier ministre.
Cela ne dédouane pas Zhou d'erreurs et aussi de complicités, alors qu'à partir de 1966 la Chine est plongée dans la folie de la Révolution Culturelle, attisée par Jiang Qing, l'épouse de Mao, et la fameuse "Bande des Quatre". Trois hommes politiques personnifient les luttes politiques sanglantes de cette période : Liu Shaoqi, Président chinois de 1959 à 1968 et adversaire sérieux du Grand Timonier, qui n'échappera pas à la purge au sein du parti communiste ; Lin Biao, le dauphin désigné de Mao avant que ce dernier ne décide de l'éliminer et ne provoque indirectement sa fuite – et sa mort – en avion (1971) ; et Deng Xiaoping, le brillant maoïste des débuts, devenu paria en pleine Révolution culturelle puis revenu en grâce au plus sommet de l'État, grâce notamment à la protection de Zhou Enlai. L’essai s’arrête longuement sur les luttes intestines autour de ces trois hommes, qui se sont soldées, pour les deux premiers en tout cas, par des fins tragiques. À chaque fois, Zhou Enlai était aux premières loges de ces guerres politiques.
Ce dernier, homme complexe, cultivé, posé, intelligent et imprégné de culture confucéenne, a navigué avec habileté dans un pays troublé, alors que Mao manipulait anciens compagnons d'armes, maréchaux devenus héros nationaux, militants gauchistes illuminés, ministres et politiques sceptiques ou tentés par une modernisation de leur pays. Cette modernisation que beaucoup jugeaient inéluctables, Zhou Enlai la guida d'ailleurs discrètement avant que Deng Xiaping ne la mette en application avec vigueur à partir du milieu des années 70.
Gao Wenqian ne cache pas la face sombre du personnage : obsédé par l'idée de "vieillir avec grâce", le premier ministre chinois (devenu si populaire qu'après son décès de millions de Chinois lui rendirent spontanément hommage – au grand dam de Mao) a accompagné le Grand Timonier dans la sanglante Révolution culturelle, une guerre civile qui ne porte pas ce nom. La responsabilité de Zhou est évidente mais aussi complexe et sujette à débats : certains ont pu dire que sans lui, cette Révolution culturelle aurait été plus sanglante mais aussi moins longue.
Finalement, le triomphe de Zhou Enlai peut se lire dans les dernières années de sa vie : la visite du Président Nixon en Chine tout d'abord, qui sort la Chine de son isolement. Mais aussi son dernier combat politique contre Mao qui, jusqu'au bout, a cherché à déstabiliser et à "purger" son allié et adversaire, si différent de lui ! Mao ne survivra d'ailleurs pas longtemps à celui dont il ne pouvait se passer et qui gérait habilement le pays : les deux hommes disparaissent en 1976, à huit mois d'écart.
Gao Wenqian résume ainsi la carrière de celui qui verra sa vision triompher après sa mort et avec l'accession de Deng Xiaoping au sommet de l'État chinois : "Pendant de longues années, Zhou, en disciple docile de Mao Zedong, n’avait jamais voulu manifester la moindre opposition. En ce sens, il collabora à la mise en place d’un régime totalitaire dont il devint l’une des victimes. Pourtant, du point de vue de l’héritage historique, son action l’a emportée sur celle de Mao." Cet héritage n’est ni plus ni moins que la Chine d’aujourd’hui.