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Philosopher c’est apprendre à mourir, ne cessent de répéter les penseurs au cours des siècles. Penser la mort et penser sa mort est un sujet si ardu : elles est en plus devenue taboue dans notre société ! D’ailleurs, il est communément admis (même si c’est aller bien vite en besogne !) que l’histoire de la philosophie commence avec la mort de Socrate…
On peut être reconnaissant à Simon Critchley, lui-même philosophe, d’avoir écrit ces passionnantes chroniques qui s’intéressent autant à la mort des 190 philosophes les plus marquants de l’Humanité qu’à leur propre vision de la fin de l’existence humaine : de Pythagore, massacré après avoir refusé de traverser un champ de fèves, à Sartre qui affirmait ne pas penser à la mort, en passant par Pic de la Mirandole, empoisonné par son secrétaire, ou Diderot, étouffé par un abricot.
Ce livre passionnant est en tout cas tout sauf déprimant. Il contient des passages drôles (de l’humour noir, bien sûr !) mais aussi de belles pages lorsque l’auteur évoque quelques brillants maîtres qu’il a côtoyés (Gadamer ou Adorno) ou des intellectuels qui ont su mourir sereinement (Foucault ou Montaigne). Les Philosophent meurent aussi est aussi un excellent ouvrage d’introduction à la philosophie.
On est bien d’accord : cette chronique se penche sur un livre qui n’est pas de la dernière actualité. Sorti en 2012 en France,Le Chant d’Achille (disponible chez Pocket) de Madeline Miller mérite toutefois que l’on découvre ou redécouvre ce premier roman formidable. L’auteure américaine a d’ailleurs sorti depuis – et c’est une bonne nouvelle ! – deux autres romans dans la même veine mythologique : Circé en 2019 et Galatée en 2023. Il est d’ailleurs fort possible que ces deux autres ouvrages feront bientôt l’objet de chroniques sur Bla Bla Blog.
Pour son premier livre paru, Madeline Miller s’intéresse à Achille, ou plutôt à Patrocle, son ami et amant, narrateur des aventures du plus célèbre guerrier de l’Antiquité. Il fallait un certain culot pour revisiter l’histoire de ce couple légendaire et surtout l’épique Guerre de Troie, dont la dernière année a été narrée par Homère dans L’Iliade. Que l’on ait en tête l’un des plus célèbres incipit de la littérature mondiale : "Chante, déesse, la colère d’Achille, le fils de Pélée ; détestable colère, qui aux Achéens valut des souffrances sans nombre". Cette colère est au cœur du Chant d'Achille, roman qui dépoussière la mythologie grecque et le cycle troyen autant qu’il se lit comme un récit d’aventures, un drame guerrier et une histoire d’amour bouleversante.
Madeline Miller dépoussière la légende troyenne pour en faire un roman d’aventure et amoureux
Patrocle est fils de roi, comme l’était du reste son père. Un bon parti donc, à telle enseigne que, dès son enfance, il est l’un des prétendants d’Hélène, la fille de Tyndare, le roi de Sparte. La plus belle femme de Grèce, si convoitée, sera la cause, quelques années plus tard, de la Guerre de Troie, suite à son enlèvement, ou plus vraisemblablement de sa fuite pour rejoindre le prince Pâris.
Mais revenons à Patrocle. Un meurtre commis sur un jeune garçon lors d’une dispute des plus anodine contraint le Prince et fils de Ménœtios à s’exiler en Phthie. C’est là qu’il rencontre Achille. Les deux garçons sont dissemblables. L’un, l'exilé et semi-banni, est plutôt chétif, timide et peu bercé par les combats, alors que l’autre se distingue par sa noblesse et ses qualités de guerrier. Mieux, Achille est un demi-dieu, fils de Thétis et appelé à une réputation légendaire à la guerre. Achille prend Patrocle sous son aide, l’invite à le suivre chez le centaure Chiron pour son éducation, avant que les deux jeunes hommes deviennent amants et inséparables. Quelques années plus tard, le roi de Sparte Agamemnon réclame Achille pour rejoindre une armée de Grecs afin de récupérer Hélène, partie à Troie. Après quelques victoires sur le terrain, les dissensions commencent. La fameuse colère d’Achille met en péril l’issue du conflit.
Ce formidable roman se lit comme un grand récit épique. Tout en restant fidèle à la geste troyenne, il dépoussière la légende troyenne pour en faire un roman d’aventure et amoureux. Les mots de Patrocle sont ceux d’un jeune homme en lutte contre le destin, en colère contre la colère, justement, de son amant et lié comme jamais au plus célèbre guerrier de la Grèce : "Je le reconnaîtrais rien qu'au toucher, ou à son odeur, je le reconnaîtrais si j'étais aveugle, aux seuls bruits de sa respiration et de ses pas martelant le sol. Je le reconnaîtrais dans la mort, à la fin du monde". On sort transformé de ce livre, enthousiasmé par une histoire entrée dans la postérité et qu’une autrice américaine a réussi à moderniser en redonnant vie à ces formidables personnages que sont Achille, Patrocle, mais aussi Ulysse, Agamemnon ou la bouleversante Briséis. Un très grand roman.
Au moment d’entamer l’année 2024, faisons le bilan, comme de coutume, avec les chroniques de Bla Bla Blog ayant le plus buzzé. Et cette année, vous vous rendrez compte que c’est les livres et la littérature qui ont été les plus plébiscités. Avec également une exposition bretonne sur Tolkien, une BD des plus mutines et surtout le retour d’une chanteuse qui tient la dragée haute à tout le monde !
Voici donc le classement de cette année, par ordre décroissant.
L’écrivain Youcef Zirem est une figure importante de la littérature contemporaine algérienne. Il est aussi un opposant au pouvoir en place qui l’a contraint à l’exil, en l’occurrence en France. Journaliste, chroniqueur, écrivain, il anime aussi depuis 2017 le café littéraire l'Impondérable, à Paris.
Intellectuel, dissident (Algérie, La Guerre des Ombres, éd. Complexe), engagé et humaniste, Youcef Zirem revient en ce début d’année avec un ouvrage des plus personnels, Lâaldja, notre Mère, aux éditons Fauves. Il y parle de sa mère décédée à l’Hôpital de Sidi-Aich, en septembre 2022. Son exil politique l’a souvent éloigné d’elle, au point qu’il n’a pas pu l’accompagner pour ses derniers jours…
Delphine Bell sort en ce moment Roi et toi (éd. Le Lys Bleu). Un récit plus qu’un roman sur un homme, un père, trop tôt parti.
Voilà ce qu'écrit l'auteure : "Un matin, mon père a décidé de partir, nous laissant… Sans un mot, une trace. Où es-tu, papa ? Qui es-tu vraiment ? Toi, le père magnifique de mon enfance, dévoué, libre aussi. Ce livre est une quête, un roman policier et existentiel sur un père que je cherche encore. Il entrelace les écrits de celui qui fut un passionné de l’écriture et de la littérature. Et il pose une question : les êtres que l’on aime nous échappent-ils ? Possède-t-on vraiment ceux qu’on aime ? Qui est-on vraiment ? Papa est parti mais… Je peux écrire"…
Roman ? Récit ? Chronique familiale ? Qui que vous soyez, ouvrez ! De Tatiana Pécastaing (paru chez LC Editions) est un peu tout cela à la fois, au point de désarçonner le lecteur dès les premières pages, lorsque la découverte d’une mystérieuse lettre (avec l’énigmatique phrase "Qui que vous soyez, ouvrez !" inscrite sur l’enveloppe) nous fait passer du Kiev soviétique de 1968 à la Russie tsariste de 1912. Cette fameuse lettre aura son explication bien plus tard dans le roman.
Tatiana Pécastaing suit deux familles, celles précisément de deux de ses grands-parents. Il y a, d’un côté, Gustave, né en Ukraine. Son père était un opposant au régime tsariste, au point de s’approcher d’une organisation terroriste révolutionnaire menée par Alexandre Oulianov, frère de Lénine, arrêté et exécuté après une tentative d’assassinat contre le tsar Alexandre II. Le père de Gustave, Mikaël, est arrêté puis relâché, obligé de se faire discret. Or, c’est le régime tsariste que soutient son fils Gustave, à telle enseigne que lorsque la Révolution de 1917 éclate, le jeune homme s’engage auprès de l’Armée Blanche antibolchévique. En 1924, Gustave s’exile en France, abandonnant en Ukraine sa famille, et en particulier ses sœurs…
Rendez-vous en Bretagne pour vivre pleinement l’univers de Tolkien. Logique, me direz-vous, tant l’auteur du Hobbit et du Seigneur des Anneaux aura su s’inspirer des mythes celtes – mais pas que ! – pour bâtir une œuvre capitale dans la littérature.
Le magnifique musée de Landerneau consacré au Fonds Hélène & Édouard Leclerc pour la Culture propose, du 25 juin 2023 au 28 janvier 2024, une exposition consacrée à Tolkien et à l’illustrateur emblématique de son œuvre, John Howe. "Cette exposition montre comment à partir de l’œuvre littéraire de Tolkien, un univers pictural est inventé… Puisant dans les mythes médiévaux, [John Howe] crée un imaginaire inédit source de multiples représentations artistiques, jusqu’au cinéma", commente Michel-Édouard Leclerc…
C’est une invitation piquante, fantastique, féerique et sensuelle à laquelle je vous invite. Il s’agit de la découverte du dernier volume du Peuple des Brumes, proposé par Katia Even et mis en image par Styloïde. Bla Bla Blog avait déjà parlé de ce cycle il y a quelques mois.
Dans ce nouvel opus baptisé "Le Bal des saisons", toujours aux éditions Tabou, nous sommes dans un univers de fantasy où la nature a le plus beau des rôle. On y croise des fées, des lutins, des êtres surnaturels, des esprits de la nature – évidemment –, sans oublier des sortilèges, des sorts funestes et un monde de fantasy courant de graves dangers. Mais tout cela est mâtinée de sensualité, d'érotisme et de d'esprit mutin…
Le monde de l’édition vient de voir naître un nouvel acteur, L’éditeur à part. Christophe Pavlevski, François-Xavier Bellest et Claire Passy sont les heureux parents de ce "bébé". Nous avons voulu interroger Claire Passy au sujet de cet éditeur à part.
Bla Bla Blog – La naissance d’un éditeur est toujours un événement dans la vie culturelle. Comment présenteriez-vous L’éditeur à part ? Et d’abord, quelle est sa philosophie ?
Claire Passy – Oui, il est vrai que la création d’une maison d’édition est un évènement particulier dans la vie culturelle. Surtout dans la période actuelle où le monde de l’édition reste très encadré, homogène et prévisible…
Radical. Nicolas Le Bault arpente avec obstination les champs de l’art et de la pensée underground. Après ces créations graphiques incroyables (les publications de White Rabbit Dream,), il s’attaque aux travers de nos sociétés contemporaines avec un essai choc, Le Transhumanisme, stade terminal du Capitalisme (éd. La Reine Rouge).
La première qualité de son livre est de remettre sur la table l’étonnant et prophétique livre de Georges Bernanos, La France contre les Robots. L’auteur de Sous le Soleil de Satan annonçait soixante-dix ans à l’avance l’irruption d’une société robotisée où le statut même de travailleur allait être remis en cause…
2023 marque les 150 ans de Colette, l’une des plus grandes femmes de la littérature français. L’Yonne, son département d’origine, est bien décidé à fêter celle qui est née le 28 janvier 1873, à Saint-Sauveur-en-Puisaye dans l'Yonne.
Tour à tour auteure, mime, comédienne, journaliste, elle laisse à la littérature française sa manière exceptionnelle d'évoquer son émerveillement de la nature et ses émotions de jeunesse. Colette fait partie de ces personnalités ayant inévitablement marqué et inspiré l'Yonne. Pour célébrer son nom et son travail, de nombreux événements auront lieu tout au long de l'année dans le Département…
Voilà un ouvrage qui ravira les amoureux et amoureuses d'Hergé, et en particulier de Tintin. L'encyclopédie des Figurines de Collection, Hergé & Co, parue chez Cote-a-cas, dont il s'agit de la troisième édition, constitue un recensement amoureux des plus rares produits dérivés de l'univers d'Hergé.
Précisions d'emblée que Tintin et ses compagnons constituent l'essentiel des personnages figurés, même si on note la présence de ces autres héros que sont Jo, Zette, Jocko, Quick, Flupke ou l'Agent 15. Cette encyclopédie recense, pas moins de 680 objets…
Avec son nouvel album Et la vie coulait, Nicole Rieu est de retour en 2023 après un grand et riche parcours dans les années 70 et 80 (une participation à l’Eurovision en 1974 avec "Et Bonjour à Toi l’Artiste", une série de tubes tels que "Je suis» , "Ma Maison au bord de l’Eau", "Je m’envole" , "En courant" ou "La goutte d'eau", Grand Prix de l’Hexagone d’Or au Midem 1980), sans compter une participation à la Tournée Âge Tendre et Tête de Bois en 2012.
Observatrice, sage, engagée, mémoire vivante de la chanson, artiste moderne, philosophe : les qualificatifs ne manquent pour qualifier celle qui se pose en observatrice attentive et en contemplatrice de la vie et du temps qui passe. "Et la vie coulait / de jour en jour / De dune en dune", chante-t-elle par exemple dans "Et la vie coulait", repris en chœur sur la toute dernière piste. Nicole Rieu pose un regard introspectif et plein de sagesse sur son existence et sur le temps qui lui reste ("Et me voilà aujourd’hui près de la rive")...
Voilà un livre, sorti en 2020, qui devrait bientôt faire parler de lui. La Dictatrice de Diane Ducret (parue chez Flammarion) devrait en effet être adaptée pour la télévision grâce à Disney. Ce sera évidemment l’occasion de redécouvrir cet étonnant roman venue d’une auteure belge, philosophe, essayiste (Femmes de dictateur, La chair interdite), chroniqueuse et journaliste. Une brillante plume, donc, qui se met cette fois au service d’un roman des plus originaux.
L’héroïne, devenue anti-héroïne au fil des pages, est Aurore Henri, femme idéaliste, pasionaria et révoltée par une alliance de chefs d’État populistes européens. Le 8 novembre 2023 (le roman a été écrit il y a déjà plusieurs années, donc il s’agit bien de l'anticipation), les 27 décident de démanteler l’Union Européenne. Révoltée, Aurore lance un pavé contre un de ces nationalistes lors d’une réunion à Munich.
La jeune femme est arrêtée puis emprisonnée pour plusieurs années. Loin de la faire taire, cet isolement la place au centre de toutes les attentions. À sa sortie de prison, elle est adulée par les citoyens européens et approchée par de puissantes personnalités des affaires. En quelques années, après une période de crise intense sur le continent, elle devient chancelière, bien décidée à amener le paradis et le bonheur en Europe. Mais un lourd secret sur sa naissance la menace.
Répétition de l’histoire
Roman d’anticipation s’étalant sur les quinze prochaines années, La Dictatrice devient très vite à la fois une dystopie sur les menaces pesant sur notre Union qu’un véritable conte moral autour du pouvoir, du bonheur imposé, de la faiblesse humaine, du féminisme, de la violence et de la répétition de l’histoire. "Les dirigeants de ce monde reproduisent les mêmes erreurs, les mêmes mensonges, les mêmes affaires que les médias répètent en boucle".
Oui, répétition. Munich en 23. Une chancelière. "AH", les initiales d’Aurore Henri ressemblant à celles d’un sinistre dictateur allemand. Les références au nazisme et à la seconde guerre mondiale sont légion : la crise économique, l’enfermement d’Aurore après un coup d’état manqué en Bavière, l’appui d’industriels, les relations complexes avec la Russie, les camps, la garde des SS2, puis une guerre mondiale inéluctable qui se termine en mai 45… 2045.
Conteuse morale autant que romancière, Diane Ducret fait de cette femme victime, écorchée vive autant qu’impitoyable une dictatrice comme il y a eu des centaines de dictateurs dans notre histoire. Le féminisme est l’un des discours d’Aurore Henri, vite remplacé par la surveillance générale, les arrestations et une cheffe forcément aimée.
Tout cela est terrible, d’autant plus que l’écriture est aussi clinique que la protagoniste principale, dont la seule faille vient de sa naissance controversée. Reste à voir comment cet étonnant roman va être porté à l’écran. On a hâte.
Tiens, cela faisait longtemps qu’on n’avait pas parlé de David Foenkinos, à l'honneur dans notre hors-série. Un auteur formidable, populaire, parmi les locomotives de la littérature française, et qui nous a proposé l’an dernier son dernier petit bijou, Numéro Deux (Gallimard).
Un titre bien énigmatique. Qui est ce fameux second ? Pour avoir la réponse, il faut revenir 25 ans en arrière, lorsque le phénomène de la littérature mondiale, Harry Potter, est sur le point d’être porté à l’écran. David Foenkinos en profite pour évoquer la genèse puis le déclenchement d’un raz-de-marée inédit autour de JK Rowling, l’auteure de l’histoire du petit sorcier. Lorsque le premier tome sort, Martin Hill est un garçon de 10 ans, fils unique d’un couple franco-anglais sur le point de se séparer. Sa mère, Jeanne, retourne à Paris. Martin vit avec son père, artiste contrarié et accessoiriste sur les plateaux de cinéma.
Un jour, ce dernier l’emmène avec lui au travail. Un producteur remarque Martin et lui propose de faire un essai de casting pour le rôle d’Harry Potter. Martin et son père acceptent. Les essais sont encourageants mais, finalement, c’est Daniel Radcliffe qui est choisi. Raté pour le jeune Hill. C’est aussi le début d’un long, très long calvaire.
Un long, très long calvaire
On est touché par cette histoire de perdant, assommé par un échec et qui n’arrive pas à s’en remettre, le succès de la saga d’Harry Potter lui renvoyant à chaque instant à ce qu’il aurait pu être : un acteur adulé. L’histoire du petit sorcier et ses adaptations filmées sont de tels triomphes qu’ils renvoient continuellement son échec au garçon arrivé deuxième au casting. "Il lui serait dorénavant impossible d'échapper à ce qu'il avait raté. Ce fameux droit à l'oubli que l'on évoque pour les criminels, il ne pouvait pas s'en prévaloir. Pire, on aurait dit que le pays entier soufflait sur les braises de son échec."
Il faut bien préciser que David Foenkinos a entièrement imaginé l’histoire de ce garçon qui a failli être Harry Potter et qui ne s’en est jamais remis. Pour autant, l’auteur français raconte qu’il a bien existé, d’après ce qu’il a lu, un candidat recalé pour ce rôle. Il ne lui restait plus qu’à imaginer son histoire.
Numéro Deux se déroule entre Londres et Paris, sur environ 25 ans. Le lecteur suit l’histoire d’un jeune garçon très vite frappé par le malheur, comme si des Détraqueurs s’étaient vengés sur lui, faute de pouvoir se rabattre sur l’élève de Poudlard. À la découverte du roman, on devinera tout aussi bien qui endosse le rôle de Voldemort. Évidemment, impossible d’en dire plus.
Des moments assez inoubliables nous trotteront longtemps dans la tête : les castings de Martin, la visite du "Poudlard" polonais ou encore la dernière partie au Ritz de Paris.
Numéro Deux mérite d’être qualifié de bon cru de Foenkinos. C'est aussi un hommage à tous ces "deuxièmes", ces oubliés et perdants qui ne le sont pas vraiment.
C’est une plongée haute en couleur dans le Montmartre des années 30 que nous offre le célèbre écrivain américain. Un Montmartre bien loin des clichés habituels d’un Montmartre romanesque et romantique.
Dans ce court récit (ou roman ?), en deux parties, les deux personnages principaux, Joey (Henry Miller ?) et Carl font l’apprentissage d’une vie de Bohême qui n’a rien de romantique. Ici, le Paris est gris, ses habitants louches pour ne pas dire glauques et les Parisiennes fréquentées ne sont le plus souvent que des prostituées plus ou moins occasionnelles.
Les artistes ne créent pas, peu ou mal et la nourriture vient souvent à manquer. Joey et Carl passent finalement le plus clair de leur temps à rechercher des filles pour la nuit ou à s’en débarrasser…
Miller nous plonge dans cet univers avec un talent incomparable et sans fioritures. C’est excessif et sulfureux comme l’était sans doute cette vie à Montmartre dans la première moitié du XXe siècle. À lire, vraiment !
Anaïs Nin : voilà un des noms les plus sulfureux et en même temps les plus passionnants de la littérature du XXe siècle. Elle est célèbre notamment pour un journal à la fois marquant, sincère et sans tabou, au point qu’il a été expurgé des années avant de paraître intégralement tardivement dans une version non expurgée. Ce n’est cependant pas de ce fameux Journal dont je vais vous parler mais de deux œuvres plus étonnantes : une bande dessinée sortie récemment et un recueil de nouvelles de l'écrivaine – certes pas le plus connu.
La BD est de Léonie Bischoff. Son Anaïs Nin, Sur la mer des mensonges, paru chez Casterman, est consacré aux années parisiennes d’Anaïs Nin, quelques années après son mariage avec le doux Hugh Parker Guiler, honorable banquier et artiste à ses heures. La jeune femme, Américaine née cubaine, n’est pas encore l’écrivaine que l’on connaît. À dire vrai, elle se cherche, trouvant son refuge dans un journal (ou plutôt ses journaux), son double, dans lequel elle confie ses interrogations, ses émois, ses souffrances, ses doutes et ses rêves.
C’est une Anaïs Nin de son époque, celle des années 30, allant de ses cours de danse avec le beau Monsieur Mirales aux soirées mondaines. Lorsqu’elle rencontre l’écrivain Henry Miller, de passage en France, l’attraction est immédiate entre les deux artistes. Mais il s’agit d’abord d’une attraction littéraire. D’abord.
Léonie Bischoff s'avère virevoltante et poétique dans ce récit qui aurait pu facilement tomber dans le scabreux. Rien de tel ici, tant l’auteure et dessinatrice suit avec tendresse et admiration une artiste exemplaire à plus d’un titre – même si son amoralité en ferait friser plus d’un et plus d’une. La ligne claire et les couleurs pastel font de cette BD un excellent contrepoint au recueil de nouvelles que les éditions Musardine ont publié en 1999 dans une nouvelle traduction.
Faire du sexe et de l’érotisme une matière vivante
Alice – car c’est de ce livre dont il est question – souffre d’une paternité – ou plutôt maternité – que Jean-Jacques Pauvert évoque en présentation, avec un mélange d’admiration et de perplexité – et presque de dédain. Les nouvelles de White Stains (c’est le titre américain) ne sont pourtant pas à proprement parler des histoires prudes. C'est le moins que l'on puisse dire.
Anaïs Nin y prend souvent à plusieurs reprises l’identité d’un homme, à l’instar du "Alice" qui ouvre le recueil, le récit d’une promenade amoureuse à la campagne qui prend un tour inattendu lorsque le narrateur et sa maîtresse – Alice, donc – croisent un autre couple.
Dans l’histoire suivante, "Esmeralda", l’érotisme sans fard – ni sans violence – se pare de provocation littéraire, puisque l’écrivaine hispano-franco-américaine conte la première étreinte imaginaire entre Phoebus et Esmeralda, les deux protagonistes du chef-d’œuvre de Victor Hugo.
Le lecteur lira avec amusement les "Souvenirs" d’un garçon dans une société prude et en particulier dans un pensionnat sévère où l’on se cache pour mieux faire la nique à la morale… L'humour n'est pas absent dans cette nouvelle qui entend pourfendre la morale et la bienséance dans une société rigide. Très rigide.
Anaïs Nin propose avec "Florence" une de ces histoires à la fois épicées et émotionnellement très chargées. Là, sans doute, se cache le cœur des écrits de l’auteure américaine. Cette manière de faire du sexe et de l’érotisme une matière vivante et humaine.
On parlera encore de féminisme dans l’éloquent "Des jeunes filles et de leur con", véritable adresse amoureuse à ses sœurs autant qu’invitation à l’amour, ce que racontent deux narrateurs du recueil. Le premier est séducteur et séduisant ("Je veux une femme") alors que le second devient chasseur et joueur ("Le membre d’or").
L’écriture d’Anaïs Nin vient de loin et touche au cœur, au point d’avoir révolutionné la manière d’écrire sur le sexe. On ne peut se priver de citer un extrait : "Ma main était entre ses ravissantes cuisses, et la façon dont elle réagissait à ses attentions me prouva que je n'avais pas oublié comment jouer de cet instrument qui, habilement stimulé, prolonge dans le corps d'une femme les échos d'une harmonie divine".
Dewey est sans doute le chat ayant connu la plus grande postérité.
Abandonné en janvier 1988 dans la boîte à dépôt de la petite bibliothèque municipale de Spencer, Iowa, un chaton est rapidement adopté par sa conservatrice. Très vite, Dewey (il est baptisé ainsi en référence à une méthode de classification) devient la mascotte de la bibliothèque puis de la ville de Spencer. Ce chat sociable devient locataire perpétuel et compagnon des usagers et lecteurs du lieu culturel.
Sa renommée (qui est autant due à son tempérament qu’à l’histoire de son abandon et de son adoption) fait le tour des États-Unis et du monde entier. Dewey s’éteint à l’âge honorable de 19 ans en 2006. Cette histoire nous est racontée par Vicky Myron la bibliothécaire qui s’est spécialement occupée de ce chat hors du commun. Ce livre offre également une peinture émouvante de l’Iwoa et de ses habitants. Un beau document, spécialement pour les amoureux des chats.