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Musiques

  • Pierre Boulez, le maître au marteau et à la baguette

    2025 marque le centenaire de la naissance de Pierre Boulez, décédé en 2016, il y a moins de 10 ans. Le documentaire Pierre Boulez - Le chemin vers l'inconnu, visible sur Arte propose de revenir sur ce géant de la musique, tour à tour décrié, acclamé, incompris ou admiré. C’est singulièrement d’Allemagne que nous vient ce document passionnant. Thomas von Steinaecker propose de parler de Pierre Boulez, le déchiffrer et expliquer son importance.

    Qui est Pierre Boulez ? La question se pose d’emblée. Que de chemins parcourus entre ce jeune homme originaire de la Loire et ce personnage qui a fait se déplacer les foules lors de ses concerts et est devenu le personnage central de la musique à la fin du XXe et au début du XXIe siècle.

    Révolutionnaire est le mot qui revient le premier en tête lorsque l’on évoque le compositeur. le pianiste Pierre-Laurent Aimard évoque à ce sujet une conversation entre le jeune Boulez et son maître Olivier Messiaen au sujet de la musique sclérosée après-guerre. D’emblée, ce dernier voit en Boulez celui qui va renverser la table et bousculer un art qui se remettait à peine des années 30 embourgeoisées et des années 40 de sinistre mémoire. En quelques dizaines d’années, Boulez transforme la France musicale comme personne avant lui.

    "Secret"

    Le documentaire explique en quoi Boulez a dominé son époque comme peu d’artistes avant lui. La comparaison avec Mozart peu étonner. Or, si elle est critiquable c’est sans doute paradoxalement en raison de l’apport bien plus fondamental à son époque, tant du point de vue stylistique que culturel.

    Des grandes œuvres sont évoquées, à commencer par Le Marteau sans maître (1855), "une révolution" dit le chef d’orchestre François-Xavier Roth. Rythmes, finesse des sons (ce qui n’est a priori pas la première chose qu’un auditeur retiendrait à la première écoute), écriture précise sans cesse "remise sur le métier" (Notations, Pli selon pli) et surtout complexité d’interprétation pour les interprètes.

    En 2025, l’œuvre de Boulez est entré dans le patrimoine, avec respect et admiration mais aussi beaucoup d’incompréhension et de perplexité. Le documentaire nous fait entrer aussi au cœur d’une époque remuée par les révolutions, les expérimentations (l’apport de l’électronique via, notamment, l’Ircam) et le désir de changer le monde pour le meilleur – l’humanisme, la créativité, l’intelligence.

    L’autre domaine dans lequel Boulez a excellé est dans l’orchestration. Après ses jeunes années de création contemporaine, il se révèle en chef d’orchestre incroyable : précis, sensible, intelligent, révolutionnaire (La Tétralogie de Wagner mise en scène par Patrice Chéreau à Bayreuth, en 1976). Ses versions de Mahler (la 2e Symphonie notamment) font parfois dire que beaucoup préfèrent largement le conducteur d’orchestre au compositeur novateur.

    Le documentaire de Thomas von Steinaecker aborde peu l’aspect privé de l’artiste. C’est un "homme secret" est-il dit, à la "secrète personnalité du compositeur". Le voile est cependant levé discrètement sur son ancien secrétaire particulier, Hans Messner, qui a sans doute été le soutien le plus important de la vie du musicien. Peu importe. L’œuvre de Boulez est si importante qu’il faut s’en contenter. C’est peut-être un détail pour vous mais pour moi ça veut dire beaucoup.   

    Pierre Boulez - Le chemin vers l'inconnu,
    documentaire allemand de Thomas von Steinaecker, Arte, 2025, 54 mn

    https://www.arte.tv/fr/videos/115573-000-A/pierre-boulez-le-chemin-vers-l-inconnu

    Voir aussi : "Pierre Boulez : Mort d'un géant"

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  • Torelli sorti de l’oubli

    Giuseppe Torelli fait partie de ces compositeurs baroques tombés quasi dans l'oubli et que cet enregistrement du Manuscrit de Sonates en Trio par La Chapelle Saint-Marc entend à faire découvrir. Et quel enregistrement ! Cet album est un des événements classiques de ce début d’année. Mérité car ces pièces sont pour la plupart inédites. Une vraie belle découverte par un ensemble passionné.  

    Contemporain de Vivaldi, Giuseppe Torelli (1658-1709) a vécu non pas à Venise comme son brillant contemporain mais dans dans l'actuelle Province de Pesaro et Urbino, non loin de Saint Marin et de Rimini. Comme il est expliqué par Vincent Bernhardt dans le livret de l’album, traditionnellement la musique imprimée – comme celle du Manuscrit de Sonates en Trio – était destiné à un public de mélomanes, tout en devant restant accessible à un public de lecteurs venus de tous horizons. 

    Nous retrouvons avec plaisir la violoniste Sue-Ying Koang, auteure d’un passionnant opus consacré au "Mozart suédois", Johan Helmich Roman. Elle accompagne l’autre violoniste Jasmine Eudeline, le violoncelliste Jean Halsdorf et Parsival Castro à la théorbe et à la guitare. Vincent Bernhardt, au clavier et à la direction vient compléter l’aréopage de La Chapelle Saint-Marc.

    L’audace, la modernité et la fièvre sont les mots qui caractérisent le mieux ces pièces mises en lumière en ce début d’année. Que l’on pense au premier et bref mouvement Presto fougueux – et très rock ! – du trio en ré mineur qui ouvre l’opus. Aussi court, le mouvement Grave, bouleversant, précède un Allegro baroque, coloré et enjoué.

    Techniques et virtuoses, les Duos A.3.2.1, A.3.2.2 et A.3.2.3 choisissent la concision dans des compositions à la fois ramassées et virtuoses. 

    Audace, modernité et fièvre

    Plus longue, la majestueuse Sinfonia en ré majeur a ce quelque chose de versaillais. Il semble que le compositeur italien se soit transporté de l’autre côté des Alpes, sans pour autant abandonner ses élans baroques que Vivaldi n’aurait pas reniés.

    C’est à l’orgue que Vincent Bernhardt interprète la Sonate en ré dorienne de Giovanni Paolo Colonna (1637-1695). On ne dira jamais assez les qualités d’un instrument trop vite relégué à une fonction liturgique mais qui donne pourtant des couleurs chatoyantes à cette courte sonate de Torelli. C’est encore l’orgue à l’œuvre dans une pièce d’un autre contemporain, Giulio Cesare Arresti et voisin  de Torelli (ils étaient de Bologne, comme Colonna). L’ensemble La Chapelle Saint-Marc ont choisi de ne pas mettre de côté cette Elevazione sopra il Pange Lingua, présente dans le fameux manuscrit des sonates en trio. On retrouve ces deux compositeurs plus loin dans l’album : la sobre et noble Sonate chromatique d’Arresti d’une part et la lumineuse Sonate en sol Myxolydian de Colonna, toujours à l’orgue.

    Retour à Torelli avec son Concertino en la mineur alliant le sérieux et la mélancolie (Grave, Adagio) à la joie de vivre (les deux mouvements Presto). Le Trio a bien évidemment les honneurs avec celui en Ré majeur A.3.3.11 : un Adagio qui vient nous murmurer aux oreilles une jolie déclaration, un somptueux Largo – sans doute un des plus beaux moments de l’album –, un mouvement Grave mélancolique et un final Allegro aussi bref qu’efficace.

    Terminons par la Sinfonia de Torelli en la majeur A.5 et son Allegro au souffle vivifiant, son Largo à la fois pudique et aux audaces musicales incroyables et un Allegretto vif et dansant.

    Cet album Torelli s’impose décidément comme un enregistrement à la fois plaisant et important, en remettant au goût du jour un important compositeur italien et baroque. La classe !

    Giuseppe Torelli, Manuscript Trio Sonatas, La Chapelle Saint-Marc, Indésens Calliope Records, 2024
    https://indesenscalliope.com
    https://chapellesaintmarc.com
    https://sueyingkoang.com

    Voir aussi : "Sue-Ying Koang à l’attaque du Mozart suédois"

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  • Anaëlle Tourret : "Il me tient toujours à cœur de proposer des horizons nouveaux"

    Dans la foulée de son deuxième album Perspectives concertantes, tout entier consacré à la harpe, Anaëlle Tourret a bien voulu répondre à nos questions. Découverte d’une artiste rare, passionnée et ambitieuse. 

    Bla Bla Blog – Bonjour Anaëlle. Vous sortez en ce moment votre deuxième album, Perspectives concertantes, consacré à des œuvres pour harpes, votre instrument fétiche. Pouvez-vous nous raconter le lien que vous avez avec cet instrument à la fois très ancien et souvent mal connu ?
    Anaëlle Tourret – La harpe est un instrument qui suscite toutes les curiosités : parmi les plus anciens instruments qui aient jamais existé, sa facture n'a eu de cesse d'évoluer au fil du temps, pour trouver son apogée au début du XXe siècle. Parallèlement, ses facettes sont multiples et d'une richesse insoupçonnée. On la retrouve au sein d'un orchestre, en partenaire chambriste, en récital soliste ou en concerto avec orchestre. Cette richesse des possibles est très certainement l'énergie qui m'anime le plus lorsque je songe à mon instrument. 

    BBB – Avec la harpe, on pouvait s’attendre à des compositeurs classiques. Or, c’est le XXe siècle qui a votre préférence. C’est une envie de dépoussiérer le répertoire pour cet instrument ?
    AT – Le XXe siècle a été le théâtre de toutes les plus grandes créations artistiques et musicales. L'instrument harpe en est également le miroir, suscitant par sa facture nouvelle l'intérêt de nombre de compositeurs qui, à la façon des musiciens les ayant précédés durant la période classique, ont su proposer des perspectives nouvelles sur le regard porté sur cet instrument et son répertoire.  Associée parfois à cette image de salon ou d'instrument féerique, celui des anges, il serait toutefois injuste de dénigrer ces symboles, partie intégrante de notre identité musicale.  Il me tient en revanche toujours à cœur de proposer des horizons nouveaux dans les lectures qui nous sont amenées, et à la façon de ces maîtres du XXème qui ont su s'affranchir des ordres établis pour accéder à un autre ordre de réalité, il m'est apparu comme une évidence de rendre hommage à ce siècle de découvertes et innovations. 

    BBB – Outre Debussy, vous avez choisi de vous intéresser à deux compositeurs du XXe siècle peu connus, Reinhold Glière et Ernst von Dohnányi. Pourquoi ceux-là ?
    AT – Claude Debussy a été le réel précurseur pour la harpe moderne telle que connue aujourd'hui, avec ses Danses sacrée et profane qui constituent à présent un jalon de notre répertoire. Tout comme le Concerto pour harpe de Reinhold Glière, œuvre phare du répertoire concertant injustement méconnu ; le catalogue musical de Glière dépasse l'entendement par sa profusion et sa qualité. C'est l'exactitude de son propos sur l'écriture pour harpe qui m'a particulièrement touchée, exactitude ressentie à mon sens dans toute son œuvre compositionnelle et surtout dans son désir de transmission qui ne l'a jamais quitté - professeur de composition à Kiev puis Moscou durant toute son existence, il a formé et accompagné les plus grands compositeurs de cette époque. Le Concertino d'Ernst Von Dohnányi est le fruit d'un partage autour d'une amitié, celle avec la cheffe d'orchestre Bar Avni. C'est elle qui me fit découvrir cette pièce, que nous avons donnée une première fois il y a plus d'un an, et que nous avons associée aux Danses de Debussy. La connexion musicale entre ces deux œuvres apparut alors comme une évidence, et tout prit sens de façon extrêmement naturelle : Dohnányi n'eut de cesse durant toute son existence de repousser les limites compositionnelles pour les instruments, et la harpe ne fit pas exception. C'est le rôle de l'instrument concertiste qui est ici revisité, et un théâtre se jouant en deux tableaux : une virtuosité technique exigée pour l’interprétation avec des rythmiques très novatrices, mais également le rôle de l'orchestre qui s'avère presque soliste par endroits, accompagné par la harpe qui se fait tapis pour soutenir. Cet alliage à travers les siècles de ces trois compositeurs qui, chacun à leur façon, ont rebattu les cartes de l'écriture pour harpe, est absolument fascinant. 

    "Je me garderais de tout conseil car chaque chemin est beau car par essence unique"

    BBB – Face à un orchestre symphonique, est-il plus difficile à une harpe de "dialoguer" que pour un instrument aux sonorités plus puissantes, tels que le piano ou le violon ?
    AT – C'est ici je crois que toute la richesse de mon instrument intervient : car la harpe se fait au sein d'un orchestre l'interlocuteur idéal pour terminer la phrase d'une flûte, soutenir la voix d'un violon soliste ou adoucir des tessiture plus graves dans de grandes symphonies, elle se nourrit de toutes ces richesses pour irradier lorsqu'un concerto lui est dédié et fourmiller de tous les champs des possibles. 

    BBB – Comment s’est fait le choix de travailler avec Vasily Petrenko et le NDR Elbphilharmonie Orchestra ?
    AT – Lorsque le désir d'enregistrer ces œuvres se concrétisa, il m'est apparu extrêmement naturel d'envisager l'aventure en partie avec "mon" orchestre, phalange dont j'ai la joie d'être harpiste soliste depuis quelques années déjà. Le concerto de Glière s'avérait le choix idéal au sein de la programmation de la merveilleuse Elbphilharmonie, qui constitua en cela une première mondiale. Vasily Petrenko a répondu avec le plus grand des enthousiasmes à cette proposition de programme, et je n'aurais pu souhaiter meilleur partenaire artistique pour ce projet, tant son engagement et sa sensibilité pour ce répertoire furent sincères et exaltés.

    BBB – Que diriez-vous à un ou une enfant pour l’encourager à découvrir la harpe et, pourquoi pas, en faire son métier ?
    AT – Je me garderais de tout conseil car chaque chemin est beau car par essence unique. Plus largement, il s'agirait de toujours repousser plus loin et plus larges les horizons possibles, toujours permettre à de nouvelles perspectives de s'établir, et de mesurer le cadeau pour un enfant de nos jours que celui de pouvoir aller au théâtre, au concert, à l'opéra, au ballet, au musée ou dans un gymnase, pour toujours s'inspirer de grandes figures artistiques qui ont su vibrer de leur passion par leur exigence et leur lumière. 

    BBB – Quels sont vos projets pour 2025 et pour après ? Des concerts ? Des festivals ? Un autre album ?
    AT – L'année s'annonce à l'image de la richesse permise par mon instrument : multiple, plurielle et à la croisée de plusieurs chemins artistiques. Des récitals solistes et chambristes me réjouissent, auprès de partenaires musicaux qui me font la joie de partager leur lumière : au Konzerthaus de Berlin avec le violoniste Brieuc Vourch, en soliste au Château d'Azay-le-Rideau pour les Concerts de Poche, en musique de chambre cet été pour les Festivals de Salon de Provence avec Éric Le Sage, Paul Meyer, Emmanuel Pahud ou le Festival la Clef de Voûte, pour le Printemps de Heidelberg, à Lausanne, à l'Elbphilharmonie de Hamburg...  Joie également de donner des pages de répertoire concertant au Brésil à l'automne prochain (Rio de Janeiro, Belo Horizonte) ainsi qu'en Allemagne la saison prochaine. Année enfin riche en symphonies, à Hamburg tout comme auprès d'orchestres qui me font la joie de partenariats privilégiés,- je pense à Paavo Järvi en Estonie, Klaus Mäkelä et l'Orchestre de Paris, Andris Nelsons...

    BBB – Pour Bla Bla Bog, pouvez-vous nous donner vos derniers coups de cœur, en musique classique ou contemporaine, bien entendu, mais aussi en cinéma, série, livre ou exposition ?
    AT – La lecture récente des Entretiens de Pierre Boulez avec Michel Archimbaud fut marquante, tout comme l'approfondissement de la découverte de l'œuvre de Romain Gary (sa dernière œuvre en particulier, Les Cerfs-volants). Une récente grande émotion artistique fut offerte par le corps de ballet de l'Opéra de Paris lors de leur production automnale du Lac des Cygnes de Tchaïkovski par Rudolf Noureev. 

    BBB – Merci, Anaëlle. 

    Anaëlle Tourret, Perspectives concertantes, Es-Dur, C2, 2024
    https://www.anaelletourret.com 
    https://www.instagram.com/anaelle_tourret/reel/DFXKDlgCWbK 
    https://www.c2hamburg.de/shop/de/ALL/Perspectives-Concertantes.html

    Voir aussi : "Perspectives de la harpe"

    © Harald Hoffmann

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  • 1842, année romantique

    "1842" aurait pu être le titre du dernier coffret de b.records, Collection Schumann. Cet enregistrement consacré à la musique de chambre de Robert Schumann s’intéresse à quatre œuvres de jeunesse du compositeur allemand. Nous sommes en 1842 et Schumann ne s’est pas encore essayé aux quatuors, se limitant surtout à des opus pour piano et voix. Cette année 1842 entre dans l’histoire de la musique romantique.

    L’enregistrement proposé est la captation d’un concert donné par le Quatuor Strada à l’Auditorium de la Cité de la Musique et de  la Danse à Soissons, les 3 et 19 avril 2024. Le Quatuor réunit Pierre Fouchenneret et Ayako Tanaka au violon, Lise Berthaud (alto) et François Salque (violoncelle).

    Ce coffret Robert Schumann débute avec le 1er Quatuor à cordes op. 41 dont l’introduction soyeuse et vibrante annonce un mouvement harmonique et harmonieux, mais non sans l’expressivité romantique de Robert Schumann (Andante expressivo) ni une allégresse certaine (Allegro). Écrit en 1842 (Robert Schumann a 32 ans), ce Quatuor op.41 illustre l’état d’esprit de son auteur. Il vit une période heureuse, ce qu’illustre encore le deuxième mouvement Scherzo – Presto – Intermezzo vivifiant auquel s’attaque le Quatuor Strada avec enthousiasme. Même l’Adagio n’est ni triste ni funèbre. Mélancolique et beethovénien, il ressemble à une douce déclaration d’amour. Le Presto, vif comme un torrent sauvage, vient conclure un premier Quatuor typique de cette année 1842 placée sous le signe de la musique de chambre schumanienne.

    Toujours en 1842, le compositeur allemand écrit son deuxième Quatuor à cordes op. 41. L’Allegro vivace a la légèreté de ces œuvres insouciantes. Le Quatuor Strada s’y promène avec une bonheur. Le charme de l’Andante quasi variazioni réside dans sa manière d’avancer pas à pas, avec un sorte de nonchalance joueuse. Le mouvement suivant, Scherzo – Presto, le plus court de ce coffret, garde cette insouciance et cette joie de vivre, si caractéristique de la musique de chambre schumanienne de cette période. Tour aussi alerte, l’Allegro molto vivace vient clore le Quatuor à cordes n°2 ainsi que le premier CD du coffret.

    "Ils me ravissent jusque dans le moindre détail"

    Le 3e Quatuor à cordes commence par une somptueuse déclaration d’amour tout en romantisme. N’est-ce pas à Robert Schumann amoureux – de Clara Wieck, future Madame Schumann – dont nous avons à faire dans le premier mouvement Andante ? Les frères Fouchenneret précisent d’ailleurs dans le livret que le trio de quatuors ont été offerts à la musicienne et compositrice pour ses 23 ans qui a su apprécier la valeur de cette création : "Ils me ravissent jusque dans le moindre détail", lui dit-elle. Pour l’Assai agitato, Robert Schumann semble se démultiplier dans une partie virtuose, enlevée et à la construction savante. On se pose sur l’Adagio, plus sobre avant un Finale Allegro molto vivace, enlevé, capricieux et joueur, mais non sans élan amoureux et romantique, avec une ligne mélodique irrésistible.

    Le Quintette pour piano et cordes op. 44 vient compléter ce programme. Théo Fouchenneret au piano rejoint son frère Pierre, toujours avec le Quatuor Strada. Composé lui aussi en 1842, le Quintette en mi bémol majeur est devenu un des exemples les plus éclatants de la musique romantique, suscitant d’ailleurs l’admiration, entre autres, de Wagner himself. L’Allegro est "brillante", mené tambour battant grâce notamment au piano de Théo Fouchenneret. Arrêtons-nous un instant sur le second mouvement In modo d’una marcia, un poco largamente. C’est tout le génie de Schumann qui s’exprime dans cette partie plus sombre – sinon funèbre – et dans lequel le compositeur sort des sentiers battus. Le romantisme se pare de modernité dans ce séduisant et frappant mouvement nimbé de mystères, comme annonciateur de sombres dangers. Avec le Scherzo Molto vivace, c’est un Schumann jeune et alerte qui s’exprime dans un mouvement relativement court, et en tout cas efficace. Le Quintette et le coffret se termine avec un Finale allegro ma non troppo au solide tempérament. Il vient clore une œuvre essentielle chez Schumann et, par là, une année 1842 à marquer d’une pierre blanche.  

    Robert Schumann, Quatuors et quintette pour piano et cordes,
    Quatuor Strada et Théo Fouchenneret, b•records, 2025

    https://www.b-records.fr
    https://www.theofouchenneret.com
    https://pierrefouchenneret.com/quatuor-strada

    Voir aussi : "Romantique et métaphysique Schumann"

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  • Que devient Andrea Ponti ?

    On ne peut pas rester insensible à Andrea Ponti – à son univers, à sa voix et à ses confessions. Elle nous revient avec son dernier single, Va vis et deviens.

    C’est à elle-même qu’elle s’adresse, ou plutôt à la jeune fille qu’elle était quelques années plus tôt : "Je relis mon journal intime / Et j’intime à celle qui se dessine / D’être celle qu’elle a rêvé. / Il n’y a que toi qui sais / Quel est ton avenir".

    Crois en tes rêves, crois en toi, impose-toi et va de l’avant, chante-t-elle à l’Andrea de ses jeunes années. "Ces mots sont pour toi, / Toi, l’Andrea, / Toi dont les ailes n’étaient pas déployées". Ou pas encore, en tout cas. 

    Andrea Ponti se confie sans fard, avec tendresse. La simplicité au service d’un joli message d’encouragement pour l'enfant qu'elle était et qui était pleine de rêves. 

    Andrea Ponti, Va vis deviens, 2025
    https://www.instagram.com/andreaponti_off
    https://www.facebook.com/andreaponti.off
    https://www.youtube.com/c/AndreaPonti_off

    Voir aussi : "Andrea Ponti : 'Aujourd’hui, nos retrouvailles sont une évidence'"
    "Regarde Andrea Ponti"

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  • Perspectives de la harpe

    Instrument rare et attachant, la harpe est mise à l’honneur par Anaëlle Tourret dans son deuxième album, Perspectives concertantes. Après un premier opus de pièces pour instrument seul, c’est donc le concerto qui a les faveurs de la harpiste.

    Pour trouver des œuvres pour cet instrument, il faut se tourner vers des compositeurs relativement peu connus du grand public – ici, Reinhold Glière et Ernst von Dohnányi – ou à des pièces peu célèbres de compositeurs renommés, à l’instar des Deux danses pour harpes de Debussy.

    Reinhold Glière (1874-1956) est un compositeur russe du XXe siècle catalogué de post-romantique. Il fait partie de ces artistes adoubés par le pouvoir soviétique – une gageure dans cette dictature redoutable. Professeur de Prokofiev, Glière a su puiser ses influences dans la musique folklorique des peuples soviétiques. Anaëlle Tourret s’attaque au Concerto pour harpe et orchestre op. 74, accompagnée de l’orchestre symphonique NDR Elbphilharmonie Orchester dirigé par Vasily Petrenko. L’Allegro moderato se déploie avec une belle majesté, renvoyant aux vagues denses et romantiques d’un Rachmaninov dans ses concertos pour piano. La harpe ne se laisse pas étouffer par l’orchestre. Elle l’accompagne avec un mélange de douceur et de fermeté. Succède à ce mouvement un Terna con variazioni tout en délicatesse, tel un dialogue amoureux, dense, riche et passionnant. Le troisième mouvement Allegro giocoso de ce concerto de Glière s’apparente à une suite de danses folkloriques menées par un orchestre enthousiaste et une harpiste qui n’a pas froid aux yeux. 

    Une harpiste qui n’a pas froid aux yeux

    Le deuxième compositeur à l’honneur est Ernst von Dohnányi (1877-1960). Comme pour Glière, sa carrière est indissociable des tourments du XXe siècle. Né en plein cœur de l’Empire austro-hongrois, figure de la culture hongroise, opposé au nazisme – deux de ses fils, antinazis comme lui, perdent la vie durant le conflit. Réfugié aux États-Unis, la Hongrie communiste lui tourne le dos après la seconde guerre mondiale. L’écriture d’Ernst von Dohnányi ne prêche pour aucune école. Elle puise ses sources dans le romantisme, notamment son compatriote Brahms mais aussi dans le folklore magyar et la modernité. D’où la composition subtile de son tardif et méconnu Concertino pour harpe et orchestre de chambre op. 45 qu’Anaëlle Tourret rend avec toute sa complexité et son hyper sensibilité. On est happés par l’onirisme romantique de l’Andante. La harpiste s’empare du technique deuxième mouvement Allegro vivace avec une solide audace, rendant au compositeur hongrois toute sa modernité, avant une dernière partie Adagio non troppo, paisible et teintée de nostalgie et de mélancolie, celle d’un vieux compositeur au crépuscule de sa vie, loin de son pays natal.

    L’enregistrement se termine avec Claude Debussy (1862-1918) et ses deux Danses pour harpe avec accompagnement d’orchestre. Qui d’autre que Debussy pouvait magnifier la harpe, ses harmonies, ses teintes et sa fluidité ? Les Danses sacrée et profane font partie des œuvres incontournables, délicates, mystérieuses et impressionnistes. Anaëlle Tourret s’y fond avec un plaisir évident.

    Et si la harpe avait trouvé l’une de ses ambassadrices les plus douées ?

    Anaëlle Tourret, Perspectives concertantes
    NDR Elbphilharmonie Orchester Stuttgarter Kammerorchester dirigé par Vasily Petrenko,
    Es-Dur, C2, 2024
    https://www.anaelletourret.com
    https://www.instagram.com/anaelle_tourret/reel/DFXKDlgCWbK
    https://www.c2hamburg.de/shop/de/ALL/Perspectives-Concertantes.html

    Voir aussi : "Liszt amoureux"
    "Compositrices entre classicisme et romantisme"

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  • Du côté de chez Mozart

    Allez, un petit crochet du côté de Mozart avec ce cinquième et dernier volume d’une intégrale de ses sonates pour piano par Jean Muller. On retient son souffle et on se laisse porter par les sonates n° 14, 5 et 18 du compositeur autrichien. 

    Le pianiste luxembourgeois a choisi de commencer son enregistrement par la Fantaisie K475 Sonate n°14, assez tardive (elle date de 1785) et fortement influencée par Bach et Haendel. Sans ostentation, Jean Muller déploie les lignes mélodiques de Mozart. Il s’en empare avec douceur et élégance jouant des silences, tant il est vrai, comme le dit une célèbre expression, que "le silence qui succède à Mozart est encore du Mozart". 

    La véritable entrée en matière de l'opus commence avec la Sonate pour piano en ut mineur K. 457. De la même période que la Fantaisie (1784), elle a une facture mozartienne bien reconnaissable. Jean Muller s’empare du Molto allegro avec ce qu’il faut de (fausse) légèreté et d’élégance. On se laissera porter par un Adagio comme suspendu. Ici encore, les silences et les pauses font loi.  

    On parlait de fausse légèreté. Le troisième et dernier mouvement de la Sonate K 457 ne fait pas exception à la règle. Derrière une certaine joie de vivre, pour ne pas dire de l’allégresse, la mélancolie n’est pas absente de l’Allegro assai dont les mouvements virevoltants sont comme laissés en suspens, contrariés.  

    Les silences et les pauses font loi

    La Sonate K283 en sol majeur fait partie des œuvres de jeunesse de Mozart. Il s’agit d’une des six sonates, dites "de Munich", composées lors d’un de ses voyages en Allemagne. Il a à l’époque 18 ans mais déjà une solide expérience et une renommée européenne. Le prodige et prodigieux jeune compositeur étincelle dès les premières mesures d’un Allegro virevoltant. Jean Muller s’en empare avec une gourmandise certaine, y compris dans le charmant mouvement lent Andante, plus subtil que la première écoute ne le laisse a priori penser. La ligne mélodique pure et la simplicité en font un moment intime, au point sans nul doute d'impressionner les contemporains de Mozart dans les salons aristocrates de l’époque. Respectant la forme classique de la sonate, Mozart termine par un mouvement rapide, Presto. Il faut de la technique et de la virtuosité pour mener à bien cette partie à la fois compliquée et passionnante.  

    Ce dernier volume de l’intégrale des sonates de Mozart par Jean Muller se termine par la La Sonate pour piano n° 18 en ré majeur K. 576. Composée en 1789 Il s’agit de la dernière sonate de Mozart. Il s’agissait à l’origine d’une commande de six sonates pour la princesse Frédérique-Charlotte de Prusse. C’est la seule qui ait été écrite par le compositeur autrichien. Cette sonate dite "de la chasse" apparaissait à un Mozart, sans doute un peu blasé, comme une œuvre "facile". En réalité, dès la première écoute elle apparaît comme d’une complexité redoutable et demandant une grande virtuosité. Jean Muller cavalcade dans le mouvement Allegro, tendu, rapide et semblant nous entraîner dans une partie de chasse endiablée. Pour l’Adagio, Mozart fait le choix de l’émotion - avec un grand "é". De la retenue, de longues respirations mais aussi une profonde mélancolie dans ce mouvement, à une époque où la situation de Mozart s’aggrave. Il est endetté, produit moins et doit déménager pour raisons financières. Le compositeur n’a plus que trois ans à vivre. Dans cet Adagio, Mozart noie sa profonde mélancolie dans une écriture harmonique toujours étincelante. L’enregistrement se termine par un Allegretto d’une belle densité, menée par un Jean Muller impérial. 

    Mozart, Piano Sonatas vol. 5, Jean Muller (piano), Hänssler Classic, 2025
    https://www.facebook.com/pianistjm
    https://www.pianistjm.com
    https://haensslerprofil.de

    Voir aussi : "Haydnissimo !"
    "Franck par Lazar"

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  • La vie made in Galiana

    C’est sur une facture rock que début le dernier album de Paul Galiana, le bien nommé De la vie donnant son titre à l’opus, véritable cri contre les religions et hymne pour le vrai, "sans encens".

    La fraîcheur est évidente dans cet album pop-rock sur instruments acoustiques mais il y a aussi de la nostalgie (Ledru-Rollin, Le Signal, souvenir d’un lieu de son enfance, ou encore la ballade Entre le fleuve et la rivière), voire du spleen (le country-folk En ligne), rendant l'album De la vie immédiatement attachant. Pour autant, pas question de apitoyer sur son sort. En forme de bilan, ce nouvel opus de Paul Galina se veut celui d’une bande d’amis partis se frotter au monde, à l’instar de son duo avec Clément Verzi, Nous défendrons l’automne.

    L’un des meilleurs morceaux de l’album, Ta place, un des plus personnels titres, que le musicien consacre à son père, non sans amertume : "Tu n'es pas entré dans ce couplet / Tu n'as pas trouvé ta place / Et sans merci, sans s'il vous plaît / Tu as regagné cette ride dans ma glace". Pour autant, Paul Galiana n’a pas choisi d’en faire un morceau triste, comme il le dit lui-même : "Il était important pour moi que la fin du morceau soit presque festive, avec une belle bande de collègues et ami(e)s venu(e)s poser de joyeux “La la la”".

    Fin observateur

    La chanson française se marie avec le blues dans Genghini blues. L’étrange titre fait référence, les fans du ballon rond le savent sans doute, à Bernard Genghini, joueur et entraîneur de football, "fier et discret" et qui évoque des souvenirs d’enfance, de sport, de pelouses, de compétitions le dimanche et finalement de petits bonheurs ineffaçables. Un joli hommage pour l’ancien jour de Sochaux et le quatrième joueur de l’emblématique "carré magique".

    C’est un autre hommage que propose Paul Galina avec La fille du train pour Tallinn. Cette fois c’est l’Europe de l’Est qui est au cœur de cette chanson parlant d’exil, d’amitié et de guerre. L’auditeur aura évidemment en tête la guerre en Ukraine ("Tu t'es enfuie d’une ville à vif / De plaies de cratères de bombes de mines / - Va plutôt voir et raconter ce qui se vit à Kyiv").

    Dans Punchline, le chanteur laisse parler son agacement et à la vanité de la communication à sens unique : "C'est ta punchline, c'est un mic-drop / Tu ne parles pas pour qu'on te réponde / C'est ta punchline pour me dire stop / Pourquoi m'écouter ? Autant rester dans ce monde / Des punchline". Il est comme ça, Paul Galiana. Il suit sa route, tranquillement, avec bienveillance. Il le chante très bien dans le délicat et irrésistible Le goût de l'horchata ("Je suis celui qui naît, qui vit, qui tangue / Entre les hauts, les bas / Je suis celui qui garde au coin de la langue / Le goût de l'horchata").

    Paul Galiana est un fin observateur de ses contemporains, à l’image de l’incroyable Jeanne Pardon, portrait touchant et cruel d’une femme "innocente et de bon fond". Dans La main qui tremble, le musicien laisse parler sa sagesse et revendique son droit au doute et à ses interrogations ("Comment faites vous, sans faiblir / Sans bleus à l'âme et sans blessure / Sans boule au ventre, sans faillir / Et le geste sûr").

    Autre lieu, autre titre. Dans Sans Paris, c’est Bruxelles que chante Paul Galiana, sur les traces de Brel. Ce dernier titre folk se veut une jolie déclaration d’amour : "Mais je suis bien ici / Sans Paris / Infidèle / Elle me pardonnera / Quelques jours avec toi / Bruxelles". 
    Attachant Paul Galiana.   

    Paul Galiana, De la vie, 2024
    https://www.paulgaliana.com
    https://www.facebook.com/paulgalianamusique
    https://www.instagram.com/paulgalianamusique

    Voir aussi : "Électroband"

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