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Musiques - Page 13

  • Courtoise et romantique Maguelone

    Voilà une œuvre peu connue de Brahms, La Belle Maguelone, que propose en album b-records, dans une version publique au Théâtre de l’Athénée-Louis Jouvet. L’enregistrement date des 5 et 6 mars 2023.

    La Maguelone Romazen op.33 du compositeur allemand a été composée sur des poèmes de Ludwig Tieck. L’ensemble de lieder se base sur un récit anonyme du XVe siècle que le récit en français dit par Roger Germser éclaire : "Voici en la manière qui s’ensuit, l’ystoire (sic) de la belle Maguelone, fille du roi de Naples et du vaillant Chevalier Pierre, fils du Comte de Provence".

    Le baryton Stéphane Degout et la mezzo-soprano Marielou Jacquard – sans oublier le piano d’Alain Planès – se lancent à corps perdu dans cette série de lieder dans lequel le romantisme revisite une certaine image fantasmée du Moyen-Âge.

    Il faut saluer la puissance vocale de Stéphane Degout dans le court lied "Traun! Bogen ynd Pfeil sind gut für den Feind". L’esprit courtois sied à merveille cette œuvre romantique de Brahms. On s’en persuade dans le poème "Sind es Schmerzen, sind es Freuden" dans lequel Pierre de Provence chante un amour naissant et dévastateur : "Est-ce la douleur, est-ce la joie ? / Qui traverse mon cœur ? / Tous les désirs anciens disparaissent / Mille nouvelles fleurs éclosent".

    La passion partagée par Maguelone est tout aussi cruelle pour elle, qui doit entendre l’impossibilité d’une idylle pour un étranger. Marielou Jacquard chante ainsi ce coup de foudre dans l’un des plus brillants lied de l’album : "Amour vint d’un lointain pays" ("Liebe kam ais ferren Landen").  

    Il ne manque ni la confidente – en l’occurrence la nourrice de la belle Maguelone – ni l’esprit courtois ni la place de la vertu et du mariage. Pour autant, nous sommes bien au XIXe siècle, comme le prouve la déclamation enflammée et romantique de la fille du roi de Naples ("Et dois-je le croire ? / Ne va-t-on pas me ravir / Ce délicieux délire ?", "So willst du des Armen dich gnädig erbamen"). Les propos de Pierre sont à l’avenant dans le lied suivant : "Comment puis-je supporter / La joie et la volupté ? / Sans perdre mon âme / Sous les battements de mon cœur ?", "Wie soll ich die Freude, die Wonne denn tragen?").

    Pour autant, nous sommes bien au XIXe siècle

    Comme toute histoire d’amour digne de ce nom, il y a la rencontre avec les deux futurs amants et la déclaration, sans oublier le don d’une bague confiée par la mère de Pierre. C’est ce dernier qui chante ce rendez-vous ("War es dir, dem diese Lippen bebten"). Cependant, il fallait bien un obstacle à cet idylle – et future union : c’est la perspective d’un futur mariage arrangé de Maguelone avec un autre noble, Ferrier de Valois, qui contraint les amoureux à prendre la poudre d'escampette. "Je m’enfuirai avec elle", chante Pierre, puisque seule la fuite avec elle leur permettra de vivre heureux. Suit un délicat chant qui dit l’émotion de Pierre en voyant sa belle endormie sur l’herbe ("Repose-toi, doux amour"). Là encore, Brahms est dans le plus pur romantisme : l’émotion à son paroxysme, la nature au diapason et toujours l’environnement gothique dans ce magnifique lied tout en retenue.

    Romantisme encore avec l’élément marin, les vagues et la tempête, présents à la faveur d’un incident au départ banal – un oiseau s’intéressant à l’étoffe rouge de Maguelone. Brahms utilise dans le lied "Verzweiflung" son talent de coloriste musical pour rendre les vagues écumantes autant que le tourment de Pierre embarqué loin de sa belle.

    Marielou Jacquard/Maguelone réapparaît dans le chant suivant, tout en retenue dans son désespoir de se retrouver seule, loin de Pierre. On gouttera ce lied qui parle d’amour disparu, de tourments intérieurs mais aussi de mort ("Wie schnell verschwindet so Licht als Glanz"). La séparation est aussi cruelle pour Pierre, recueilli loin de Naples et de la Provence, en Égypte. Sans nul doute y a-t-il là ce goût de l’orientalisme, cher à l’esprit du XIXe siècle.  

    Le temps des retrouvailles est proche cependant pour les deux amoureux, mais ce ne sera pas sans un nouveau voyage en mer, mis en musique avec gourmandise et légèreté par le compositeur allemand, avec une Marielou Jacquard tout aussi enjouée et irrésistible ("Bien aimé, où te mène / Ton pied hésitant ? Le rossignol parle / De nostalgie et de baiser"). Stéphane Degout est au diapason dans le tourmenté, joyeux mais aussi plein d’incertitudes "Wie froh und Frisch mein Sinn sich heb".

    L’auditeur sera sans doute surpris que, contrairement à beaucoup d’oeuvres romantiques, c’est un happy end qui conclut cette histoire de passion idéale, courtoise et contrariée. Stéphane Degout chante ainsi, avec un plaisir non dissimulée, ce qui pourrait être la morale de l’histoire de la Belle Maguelone et de Pierre : "L’amour fidèle dure toujours / Il survit à de nombreuses heures / Il ne s’alarme d’aucun doute, / Son courage reste toujours sain".  

    Johannes Brahms, La Belle Maguelone,
    Stéphane Degout (baryton), Marielou Jacquard (mezzo-soprano),
    Alain Planès (piano), Roger Germser (récit), b-records, 2023

    https://www.b-records.fr

    Voir aussi : "Les paroles, la musique et le vieil homme"

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  • Franck par Lazar

    César Franck : voilà un compositeur discret, pour ne pas dire oublié, et dont la popularité semble beaucoup se limiter au "Panis angelicus". Dommage. On doit remercier le pianiste français Ingmar Lazar pour ce choix d’œuvres pour piano, à commence par la délicate première sonate commençant par un "Larghuetto-Allegro moderato" tout en finesse.

    Avec César Franck, on est au cœur de cette musique française de la deuxième moitié du XIXe siècle. Alors que la musique allemande et romantique domine et que le modernisme s'annonce, la France reste dans une facture classique, avec parfois une fausse candeur ("Adagio, andante moderato"), mais sans jamais vendre au diable son élégance, ni ses influences romantiques (le troisième mouvement de la Sonate n°1, "Rondo, allegro vicace").

    L’auditeur trouvera ce puissant, subtil et ambitieux "Grand Caprice" (1843), aux arabesques sonores incroyables et demandant à l’interprète – ici, Ingmar Lazar – une virtuosité implacable.

    Puissant, subtil et ambitieux 

    L’album proposé par Hänssler et Ingmar Lazar propose un premier "Prélude, aria et fugue" en trois parties, avec toujours cette facture romantique au classicisme très "musique française". On se croirait dans les salons bourgeois du début de la IIIe République, car l’œuvre a été écrite entre 1886 et 1887. César Franck se déploie avec tact et brillance les trois mouvements.

    L’auditeur s’arrêtera sans doute avec plaisir sur le lent, tourmenté et aux accents nostalgiques et douloureux "Aria" ("lento"), avant un "Final" enlevé, pour ne pas dire agité ("allegro molto ed agitato").    

    L’album d’Ingmar Lazar se termine par un dernier "Prélude, choral et fugue". Écrite en 1884, l’œuvre se place d’emblée, à travers son titre, sur les pas de Jean-Sébastien Bach, avec un "Prélude" moderato au romantisme bouillonnant. Le "Choral, "poco più lento" se déploie avec une grâce indéniable, servi par un pianiste magnétique.

    Avec le dernier mouvement, "Fugue", nous voilà chez Bach. Mais un Bach catapulté en pleine deuxième mouvement du XIXe siècle, avec cette touche française propre à César Franck.    

    Et si l’on concluait en disant que l’album propose là l’une des plus séduisantes découvertes du compositeur français ? 

    César Franck, Piano Works, Ingmar Lazar, Hänssler, 2023
    https://www.facebook.com/ingmarlazarpiano
    https://www.ingmar-lazar.com
    https://haensslerprofil.de/shop/soloinstr-ohne-orchester/cesar-franck-piano-works

    Voir aussi : "Histoires de roux et de rousses"

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  • French k-pop

    Née en France, c’est à l’étranger que Loulia a a fait ses armes musicalement parlant, d’abord à Berlin, puis en Corée du Sud où la jeune musicienne a passé dans plusieurs émissions TV et radios. Certaines des vidéos dans lesquelles la jeune femme chante ont réuni jusqu’à plus de 28 millions de vues. Après quatre ans à Séoul, retour en Europe et en Allemagne.

    Or, elle revient en ce début d’automne avec le titre pop "Warm" - plus exactement '따뜻해' (Warm) - que nous pourrions aisément inscrire dans le courant de la k-pop, car il a été écrit en coréen. Forte de ses racines françaises et européennes, et soutenue par la collaboration du jeune producteur Allemand Tim Schoene, Loulia donne à cette k-pop une subtilité, une douceur et une sensualité évidentes.

    L’amour comme une évidence, la chaleur, le lâcher-prise, dans un coréen susurré avec délice. Voilà qui est idéal pour commencer un automne souvent morose. Décidément, Loulia a réussi à sortir de la k-pop de ses ornières. Nul doute que son public coréen saura être touché par cette Française chantant l’amour avec cœur et grâce dans leur langue.     

    Loulia, '따뜻해' (Warm), ft. Tim Schoene, 2023
    https://www.instagram.com/loulia_officiel
    https://www.tiktok.com/@loulia_officiel
    https://twitter.com/Loulia_Officiel

    Voir aussi : "Comme un air de James Bond Girl"

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  • Retour aux sources

    Disons le tout de suite. Le projet Gueules Noires propose une œuvre brute et sans concession, à l’instar du premier titre "I Don’t Believe" ou du nerveux "Diep Graaf". Dierick et son, groupe font de cet album une plongée dans un rock à la fois sans concession, acoustique et aux influences assez anciennes, à l’instar de l’étonnant "Tout nous sépare" ou "Vrijdag", aux accents rockabilly.

    Cet autre titre anglais qu’est "I Won’t Let You Down" lorgne du côté des seventies : une ballade pop-rock acoustique. Et si Gueules Noires n’allaient pas chercher leurs racines également du côté du blues ? La réponse à cette question est dans le morceau "Qu’elle me revienne", plus rugueux que jamais, cri d’amour autant que désespoir, à la recherche d’un amour disparu. Blues étonnant encore, le morceau "Boregne" est une reprise d’une chanson traditionnelle chti par un groupe décidément fier de ses origines : "On est borégne ou on n'l'est nié, / Ca viét d'famie, on n'y peuwt rié, / On éme el patois de s'village ; / Pour nous, c'est l'pu biau des langâges." Un des plus beaux morceaux de l’opus, sans aucun doute.

    Il y a sans aucun doute de l’amour du pays du nord, de sa culture et de sa langue dans un album où le chti a toute sa place. Que l’on pense aussi au poème en musique "Agace", avec voix et guitare.

    Un rock social et sans concession que Trust n’aurait pas renié

    L’auditeur sera sans doute frappé et happé par le long morceau qu’est "Cendrier", dans lequel rock, percussions et slam se fondent pour proposer un morceau personnel et engagé : la vie, la société, le travail. Nous voilà dans un rock social et sans concession que Trust n’aurait pas renié.

    "What Do You Think" propose de son côté du pop-rock plus moderne. Voix profonde, guitares électriques, boîte à rythme endiablée et sons électros. Électros encore, avec "Cheval de fond", un morceau qui ne transige pas avec l’écriture musicale ni le rythme lancinant. Dierick et Gueule Noire parlent de ce qui est le cœur de l’identité du nord : les mines, les wagons, les gueules noires, le travail harassant et sale et les chevaux fourbus et rachitiques utilisés pour l’extraction du charbon. Ce coup de projecteur dirigé vers cette forte histoire sociale propose également une lecture cruelle sur la nature et les animaux esclavagisés.

    Que l’on pense aussi à "Diep Graaf" : "Je suis un mineur / Creuse !" Dierick insiste sur le fait que l'album Gueules Noires évoque la vie des travailleurs dans les mines de charbon, qu'ils soient belges ou congolais. Plus qu’une évocation historique, Dierick rend ici hommage à tous les mineurs et au courage des femmes. Cet épisode de l’industrialisation fait écho à la régression sociale d’aujourd’hui, ajoute l’artiste.    

    Pour terminer l’opus, le groupe reprend un classique de la pop américaine, que beaucoup reconnaîtront. Retour aux sources, une fois de plus. 

    Gueules Noires, L'Autre Distribution, 2023
    https://www.facebook.com/Gueulesnoiresmusic
    https://www.instagram.com/gueulesnoiresmusic

    Voir aussi : "Objectif Captain Sparks"

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  • Objectif Captain Sparks

    Il y a du Sanseverino chez Captain Sparks et sa Royal Company. Voilà ce que l’on se dit dès la première écoute de son deuxième opus, Objectif lune.

    Sens du swing, utilisation sans complexe d’un big band sur-vitaminé et un interprète monté sur ressort et qui ne se prive pas de moquer les travers de notre monde complètement fou ("La bande à Picsou"). La vie, le bonheur, l’amour. Voilà, ce qui guide cet EP, comme le prouve les titres "La vie en rose" ou "On y va". 

    L’auditeur trouvera surtout chez le groupe rouennais Captain Sparks & Royal Company du soleil et de la fête, dans sa manière de marier les influences françaises, latines et urbaines. "Notre musique est faite pour être jouée en live, elle diffuse une énergie supplémentaire.  On assure une vraie présence scénique avec six musiciens. Les morceaux sont travaillés en ce sens" comme le confie Captain Sparks.

    Ambition musicale

    L’ambition musicale autant que la générosité et l’intelligence d’"Optimiste amateur" invitent à se sortir du marasme et aller à la quête du bonheur, à travers une mélodie excellemment travaillée et une orchestration à l’avenant. Sans doute l’un des plus beaux morceaux de l’opus.

    Tout aussi dense, "Objectif lune", qui donne son nom à l’album, fait marier chanson française, instruments traditionnels et rap, avant une redescente en douceur avec "Royale Compagnie", en featuring avec Ben Herbert Larue. Un morceau en forme de signature autant qu’un retour à ce qui fait finalement l’ADN de Captain Sparks : la chanson française à la Georges Brassens, Barbara et, bien sûr, Sanseverino. 

    Captain Sparks & Royal Company, Objectif Lune, 2023
    http://captainsparks.fr
    https://www.facebook.com/CaptainSparksRoyalCompany
    https://www.facebook.com/CaptainSparksRoyalCompany

    Voir aussi : "Bourlingueuse"

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  • Bourlingueuse

    Partons à la découverte de Christina Rosmini et de son nouvel album mystérieusement intitulé INTI. "INTI" comme "intimité" ? Sans doute. Mais aussi et surtout comme comme Inti, le dieu du soleil chez les peuples andins.

    Voilà qui donne d’emblée un caractère lumineux et voyageur à l'opus. La Marseillaise Christina Rosmini fait en effet de chacun des quatorze titres de son opus autant de cartes postales, de l’Espagne ("Le temps qui passe", la sévillane "Oublions") au Québec ("La louve"), en passant par l’Afrique, l’Amazonie ("Rouge"), l’Argentine (le tango amoureux et de rupture "Mais pourquoi ?") et sa chère Méditerranée, avec le joli et sensuel cha-cha "Tant de fleurs".

    L’auditeur français sera sans doute plus frappé encore par la composition incroyable "Le konnakol du bon vieux temps". Christina Rosmini fait ici un périple musical du côté de l’Inde pour proposer en français – avec des extraits du répertoire de Farrukhabad Gharana – un konnakol, un duel de percussions vocales. Cela donne une forme de slam d’autant plus hyper-moderne que la chanteuse entend fustiger la nostalgie, sur le mode du "C’était mieux avant" (mais "avant… c’était quand ?", conclue-t-elle malicieusement). C’est aussi d’Inde dont il s’agit dans "Devi", une prière à destination de Devi, la Déesse-Mère en Inde. Christina Rosmini lui demande de l’éclairer sur les mystères et la folie du monde.  

    "Qu’il ne reste à l’inventaire / Qu’il ne reste en bandoulière / Qu’il ne reste que le bon / Et aucune amende amère / Aux refrains de notre chanson"

    Bourlingueuse dans l’âme, la chanteuse vient puiser ses inspirations de sons à la fois familiers ("Le kid") et venus d’ailleurs, à l’instar de la chanson pleine de nostalgie "Le temps qui passe" ou "Sous nos pieds". Impossible de ne pas parler de "La fea", une reprise en espagnol d’un chant traditionnel zapotèque de la région de Oaxaca au Mexique. Toujours en Amérique latine, la chanteuse française propose avec "Rouge" un chant enregistré au cœur de la forêt amazonienne, en hommage aux tribus des premières nations américaines et venant rappeler les saccages sur les forêts et les atteintes à la nature, fondamentale dans la culture des premiers peuples de ce continent ("Coule le sang sur les routes / Coulent les larmes vers l’océan"). L’auditeur sera frappé par l’authenticité de ce titre, tant Christina Rosmini sait admirablement marier chanson française et sons traditionnels andins, au service d’un message généreux autant que poétique ("Pleure l’esprit des rivières / Pleure le cœur des terres volées / Pleurent les fils et les mères / Pleurent les sœurs envolées").

    La voix douce et chaleureuse de Christina Rosmini sert admirablement des chansons engagées, que ce soit ces hymnes à la nature et à l’environnement ("La louve", aux accents également féministes ou "Something In The Air" sur la Terre-Mère) ou cet émouvant duo avec Ray Lema en hommage aux émigrés et victimes de l’Aquarius en 2017 et ses vingt-deux victimes, la quasi-totalité des femmes ("Sous nos pieds").

    L’engagement est-il encore tenable, se demande malgré tout la chanteuse dans "J’aurais voulu" ? "J’aurais voulu sauver la terre / J’aurais voulu sauver le beau / J’aurais voulu sabrer la guerre / Ouvrir des horizons nouveaux", chante Christina Rosmini. L’artiste entend bien, justement, ne pas se démobiliser : "Il faut malgré l’indifférence / Les doutes et la souffrance / Se dire qu’on avance / Et qu’avec un peu de chance / Ce sera mieux demain". Femme libre, elle le dit autrement dans cet autre morceau, "Because", sous forme de confession : "Je vivrai toujours / Au gré du hasard / Au son des guitares".  

    Des éclats de lumière et d’optimisme éclairent finalement ce très bel album, voyageur qui plus est. Il n’appartient qu’à nous d’oublier les mauvais jours, les rancunes, les espoirs déçus et cette tristesse qui gâche notre présent, chante enfin Christina Rosmini dans "Oublions (Sévillane de l’oubli) : "Qu’il ne reste à l’inventaire / Qu’il ne reste en bandoulière / Qu’il ne reste que le bon / Et aucune amende amère / Aux refrains de notre chanson".

    Christina Rosmini, INTI, Couleur d'Orange / L'Autre Distribution, 2023
    https://www.christinarosmini.com
    https://www.facebook.com/christinarosminiofficiel
    https://www.instagram.com/christina_rosmini

    Voir aussi : "À hauteur de Lhomé"

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  • Histoires de roux et de rousses

    Je vous parlais il y a peu de l’étonnante et rafraîchissante compilation de Camille et Julie Berthollet consacré aux génériques télé (Series). Tout aussi vivifiant, leur version des Quatre Saisons de Vivaldi, sortie en 2019, mérite que l’on s’y intéresse.

    Certes, depuis les revisites baroques sur instruments d’époque au cours des années 80 et 90, le chef d’œuvre populaire du compositeur roux vénitien semble avoir été assez peu dépoussiéré – si l’on excepte celle de Nemanja Radulovic en 2011. Or, soyons honnêtes, les jeunes divas rousses de la musique classique ne révolutionnent pas la lecture des célèbres quatre concertos pour violon.

    C’est un retour à une œuvre classique, archi-jouée, archi-connue et archi-réutilisée que Camille et Julie Berthollet proposent, et l’on doit bien admettre que les violonistes se tirent très bien de cet exercice, si l’on pense au "Printemps ». Pour "L’été", les interprètes mettent la jeunesse, l’enthousiasme et la vivacité à l’honneur, dans un premier mouvement "Allegro non molto" mené tambour battant et un "Allegro" naturaliste et nerveux.

    L’auditeur ne se sentira pas dépaysé par cette version somme toute classique des Quatre Saisons, dont chaque concerto ne dépasse pas les douze minutes, ce qui rend cette œuvre d’autant plus dense, efficace et imagée : les danses villageoises aux beaux jours, les paysages écrasés de soleil, les couleurs de l’automne, la nature qui s’endort (l’"Adagio Molto" de "L’automne"), sans oublier les tourbillons musicaux incroyables dans "L’hiver", sont sans aucun doute l’un des summums de la musique classique. 

    Pop

    Si les sœurs Berthollet ont appelé leur album Nos 4 Saisons, ce n’est évidemment pas sans raison. Comme elles l’écrivent en présentation de leur disque, les interprètes insistent sur la puissance et l’influence de cette œuvre du "prêtre roux" dans l’histoire de la musique : "Si on écoute bien, on retrouve ses harmonies dans toute la musique pop d’aujourd’hui".

    "Pop". Le mot est dit et assumé. Camille et Julie Berthollet assument cette idée en proposant, suite à leur version des concertos de Vivaldi, quatre chansons composées en grande partie par les sœurs Berthollet d’après des fragments et des extraits des Quatre Saisons. C’est "Pour être une femme", en featuring avec Joyce Jonathan, d’après "L’hiver", c’est "Même étoile", avec Ycare, d’après "L’automne". C’est aussi "Crash d’amour", avec Foé d’après "Le printemps". Il faut aussi parler de "Regard d’été" écrit, composé et interprété (on aimerait même dire slamé) avec grâce par Camille et Julie Berthollet. Cette chanson est sans doute l’un des bijoux surprises de cet étonnant opus, opus plaisir qui entend dépoussiérer les monuments du classique.  

    Comme beaucoup d’enregistrements des Quatre Saisons, celui-ci se termine avec une version de L’estro armonico, un ensemble de concertos pour violon, mené avec maestria et un plaisir manifeste. Et comme les sœurs Berthollet entendent assumer jusqu’au bout leurs envies de décloisonner les genres, elles clôturent leur album avec une chanson originale, "Falling", prouvant que ces artistes ne sont pas que des interprètes inspirées. Elles sont aussi des compositrices, aussi à l’aise dans le classique que dans la pop et la chanson. 

    Camille & Julie Berthollet, Nos 4 Saisons, Warner Classics, 2019
    https://www.warnerclassics.com/fr/release/4saisons
    https://www.camilleetjulieberthollet.com
    https://www.facebook.com/camilleetjulieberthollet
    https://www.instagram.com/julieberthollet
    https://www.instagram.com/camilleberthollet
    https://www.youtube.com/channel/UCd4tZR7nSGBtHF5Gbt4BZQg

    Voir aussi : "Chiller avec les sœurs Berthollet"

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  • Rien que de plus classique

    Rien de plus classique que Mozart. Et rien de plus classe ni de plus élégant non plus, semble nous dire Elizabeth Sombart, au piano pour les quatre célèbres concertos pour piano 20, 21, 23 et 27 du génie autrichien. Elle est ici accompagnée par le Royal Philharmonic Orchestra dirigé par Pierre Vallet.

    L’auditeur retrouvera en premier lieu dans ce double album le lustre du 20e Concerto pour piano en ré mineur, romantique avant l’heure, plein de fièvre et de tensions ("Allegro"). La pianiste française s’y meut avec assurance et une solide maîtrise. On a aussi envie de dire que rien n’est sans doute plus piégeux que de se réapproprier des passages de musique classique devenus de véritables "tubes", à l’instar de la "Romanze". Pari réussi pour la pianiste française qui s’en sort sans esbroufe et avec la même assurance. L’"Allegro assai" est interprété avec une joie communicative et d’une magnifique expressivité.

    Le Concerto pour piano n°21 en ut majeur ne peut que caresser les oreilles de l’auditeur, qui retrouvera dès le premier mouvement une de ces mélodies éternelles ("Allegro Maestoso"). Le deuxième mouvement "andante" captera aussi bien les oreilles que le cœur, tout autant que l’enlevé "Allegro vivace assai", à la fausse légèreté.

    De véritables "tubes"

    Dans ce double album, il était impossible de passer à côté du chef d’œuvre incroyable qu’est le 23e Concerto pour piano en la majeur. Les trois mouvements respirent du même souffle et de la même luxuriance mélodique. Que l’on pense à cette arrivée magique du piano dans le premier mouvement "allegro". Il suffit de quelques notes pour le rendre bouleversant et inoubliable. On ne saura trop répéter à quel point Mozart sait rendre la légèreté profonde, alors que l’apparente simplicité mélodique se fait vite labyrinthique.

    Peu de concertos pour piano dans l’histoire de la musique n’ont proposé mouvement aussi bouleversant que le célèbre "Adagio" de ce 23e. Pas de maniérisme, pas d’exubérance, pas d’effets appuyés comme certains "tubes" populaires, mais un moment de grâce de près de sept minutes et demi, servi par une Elisabeth Sombart s’effaçant derrière la composition de Mozart. Le concerto se termine avec le luxuriant "Allegro assai" – une "résurrection" selon Olivier Messiaen – avec pas moins de huit épisodes thématiques. Une vraie œuvre dans l’œuvre.

    Pour compléter ce double album mozartien, Elisabeth Sombart propose son tout dernier concerto pour piano, le numéro 27 en si bémol majeur, que le compositeur autrichien a écrit en janvier 1791, soit quelques mois avant sa mort. Ce n’est certes pas le plus connu, mais la maîtrise du génie est indéniable et éclate à chaque mesure, non sans facéties (le premier mouvement "allegro"). Le mouvement suivant, "Larghetto", a ce singulier dépouillement, que vient contrebalancer la dernière partie, un "Rondo : allegro" mené avec une belle efficacité toute mozartienne.  

    Elisabeth Sombart fait plus que servir Mozart : elle lui rend hommage et le magnifie. 

    Wolfgang Amadeus Mozart, Concerts pour piano 20, 21, 23 et 27,
    Elisabeth Sombart au piano, Royal Philharmonic Orchestra dirigé par Pierre Vallet, Rubicon, 2023

    https://www.elizabethsombart.com
    https://rubiconclassics.com/release/mozart-piano-concertos-nos-20-21-23-27

    Voir aussi : "Les Schumann en majesté"

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