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Nous avions parlé avec gourmandise d’Adé, avec son premier single solo, "Si tu partais", véritable coup de cœur de cette rentrée. Voilà donc l’ex de Thérapie Taxi avec son premier album, Et alors ? Le point d’interrogation est important, tant il interroge autant qu’il toise l’auditeur : oui, Adé n’est pas que cette rockeuse impertinente.
"Et alors ?" La chanson qui ouvre l’album, avec une introduction donnant le ton d’un opus assumant totalement ses influences country ("À peu près"). La pop d’Adé ne désarçonnera cependant pas totalement l’auditeur : rockeuse jusqu’au bout des ongles ("Avec des si"), Adé chante aussi bien le lâché-prise, la liberté (« Et alors ?") que l’amour ("Sunset" et le fameux "Si tu partais").
Le fan de Thérapie Taxi sourira à l’écoute de "Q", un morceau qui peut être lu comme un clin d’œil formé par Adélaïde Chabannes de Balsac – Adé, donc – et Zaoui : "Alors mêle toi d'ton cul, ouais / Et je sais que c'est dur ouais".
L’amour que chante Adé ne joue plus avec la provocation qui a fait le succès de Thérapie Taxi
Et alors ? est le premier album solo d’une jeune femme se cherchant, entre force et fragilité : "Quand j'en aurai marre de rêver, j'en aurai marre de tomber / J'pourrais renaître, j'vais rassembler mes cendres et admirer… Être un cowboy, peu importe / Quand je suis faible, je suis forte / Je rentre et j'arrache la porte" ("Avec des si"). Introspection encore avec ces confessions faites à haute voix dans la jolie ballade "Insomnies" : "Alors je pense mais je pense à quoi / Je pense que j'assume pas / J'pense trop dans ces cas-là".
L’amour que chante Adé ne joue plus avec la provocation qui a fait le succès de Thérapie Taxi. L’ex-chanteuse du groupe de rock parle d’insatisfaction, d’erreurs ("Bonne année"), de rupture et de frustrations ("À peu près"). La fin d’une relation est chantée avec un fausse légèreté dans "Les silences" ("Toutes les blessures invisibles / Qu'on s'est faites sans rien dire sur nos faiblesses / J'ai évité les conflits / Mais je n'peux plus tenir toutes mes promesses") puis dans "Solitude imprévue", un futur tube prouvant à lui seul la qualité d’écriture d’une artiste importante de la scène française.
Sur des images tournées en Super 8, Lina Stalyte propose son nouveau clip et single, "Summer Nights", dans une facture tout autant seventies.
Avant son futur album éponyme prévu en octobre, la Parisienne d’adoption ("Je ne parle pas français", chantait-elle et confiait-elle avec humour dans un précédent morceau) choisit des sons acidulées mêlant pop, R&B, soul et jazz, dans un titre qui sent bon l’été indien.
Un titre qui sent bon l’été indien
"Summer Nights", à la douce mélancolie, est inspirée par une première expérience amoureuse au bord de la Mer Baltique lituanienne. Voilà qui explique pourquoi ce morceau, servi par une voix veloutée, chaloupe les cœurs.
En attendant la sortie de son album à l'automne, Lina Stalyte annonce déjà la couleur : "[Mon] nouvel album Summer Nights [exprimera] mon rapport au corps, à l’amour et aux maux de l’âme. Construit comme une pièce de théâtre en trois actes, ces nouveaux titres sont une ode à l’amour de soi et à l’audace, à la sensualité et à la féminité, des thèmes qui me sont chers".
Il y a ces albums, comme ça, dont l’écoute des trois premiers titres augurent de manière certaine que vous êtes en passe de vous laisser submerger et conquérir totalement par une œuvre incroyable et bouleversante. C’est simple : Rayons gamma, le premier album de PR2B sorti l’an dernier, est un opus incontournable, faisant de cette chanteuse une figure qui va devenir essentielle pour la scène française.
Rayons gamma promet de rester parmi les albums de chanson à absolument avoir avec soi, ou du moins à découvrir, tant le talent de Pauline Rambeau de Baralon (son vrai nom) explose en pleine figure.
"La chanson du bal" vous emballe avec cette chanson électro pop dans lequel la fête, l’insouciance, la drague et la séduction se mêlent au spleen et à la mélancolie : "J'avais ma robe couleur de spleen / Et verre de gin / Il ne fallait rien pour me parler / Ni pour m'aimer".
De mélancolie, il en est justement question dans cet autre bijou, assurément un futur classique. Dans la grande tradition de la chanson française, PR2B donne à voir un sentiment diffus et obsédant : " Tu reviendras toutes les nuits / Même si je ne t'appelle pas / Je te rêve l'après-midi / Je te cherche dans les draps / On t'appelle Mélancolie" ("Mélancolie").
Le morceau qui donne son nom à l’album est celui qui a fait découvrir l’artiste originaire de Bourges. PR2B montre une fois de plus son caractère autant que sa sensibilité à fleur de peau. Le son électro-pop sert magnifiquement cette déclaration d’amour aussi magique et fantastique que le titre : "Alors c'est comme ça / On faisait comment déjà / Sans les rayons gamma ?" Amour encore avec ce magnétique "Ma meilleure vie", qui se transforme en confession et en introspection mais aussi en chant sur les rêves, parfois déçus, et, finalement, l’espoir.
Le moins que l’on puisse dire est que Pauline Rambeau de Baralon clôt en beauté son album
Le bouleversant "Lettre à P." est le premier volet que PR2B consacre à sa famille. Cette lettre à un père trop disparu ("Oh si tu étais là pour voir / Ce qu'ils sont sages / Ce qu'ils font page / Papa tu es mort au bon âge"), ou cette tendre confession pour sa mère en forme de demande d’amour et de consolations ("Si je viens dans tes bras / Peut-être que j’oublierai", "Mama") par une jeune femme qui parle de liens indéfectibles ("Pourquoi je te ressemble traits pour traits / Aurais-tu manqué d’inspiration ?"). De ressemblance physique, il n’en est pas question lorsqu’elle parle de son frère : "Tu n’as pas le même sang que moi". Dans une facture rappelant quelques-uns des chefs d’œuvres de Barbara, PR2B parle de l’enfance, de l’adolescence, des liens entre frère et sœur et des différences qui rapprochent : "On peut compter sur les doigts / Les fois où l’on s’est quittés / Je t’ai vu prier tu m’as vu chanter / On peut compter sur les doigts / Les fois où l’on s’est détestés" ("Mon frère").
Dans une électro-pop urbaine et tout aussi inspirée, la musicienne berrichonne parle, dans "Qui sont les coupables", d’une "petite fille de province d'une ville de diagonale". Dans cet univers triste et étriqué, dans une attente de fin du monde, PR2B pose cette question : "Pourquoi il n'y a que les prisonniers qui s'évadent ?"
L’auditeur sera sans doute autant frappé par la fausse insouciance de "La piscine", un morceau plus cruel qu’il n’y paraît si on tend bien l’oreille : "Combien de larmes pour remplir la piscine / Avant que les amis ne me prennent de court / Et qu’ils baisent et qu’ils rient au fond de la piscine / Quand je finis les verres là au fond de la cour". Tout aussi sombre est le titre au rythme rap "Plus rien de bien", confession qui dit le malaise d’une jeune femme en colère : " Les femmes se font fumer bien mieux dans la vie qu’à la télé".
Pour "Punta cana", l’écriture précise et incisive disent les interrogations d’une jeune femme, lucide sur notre monde contemporain : "J’aimerais qu’on raconte sa vie comme au ciné / Tout est faux mais en vrai / Mes mensonges vérités". Quelle est notre place ? Pourquoi et "pour qui on travaille à la chaîne" ? PR2B se portraitise avec sévérité, tout en cherchant la bienveillance chez ses proches – sa mère, de nouveau: "Ma mère regarde le beau en moi / Sans voir le pire de ma raison". La musicienne lance encore ce constat : "Chienne de vie, amour diluvienne".
Cette "chienne de vie" est l’objet du titre éponyme qui clôt Rayons gamma. Le moins que l’on puisse dire est que Pauline Rambeau de Baralon clôt en beauté son album. Sans nul doute, l’auditeur gardera longtemps en mémoire la mélodie et les paroles de cette ballade à la mélancolie bouleversante : "Les chiens sont toujours fidèles / Quand ils ont la bouche pleine / Les étoiles les oublient / Quand ils sont dans leur nid / Je regarde le golden que la nuit je promène / Je me demande qui de nous deux a les rênes".
Cette idée est solidement ancrée dans les certitudes : pour rendre votre enfant au QI capable de faire rougir Einstein, une solide dose d’écoute de concertos ou de symphonies de Mozart serait conseillée sans modération. Et les étudiants et étudiantes seraient bien inspirés de se mettre de La Flûte enchantée entre les oreilles pour avoir une chance de réussir leurs examens. Alors, fake ou pas fake ?
Revenons donc aux origines de cette théorie, quitte à en décevoir certains et certaines.
Une étude de l’University of California at Irvine parue en 1993 dans la revue Nature semblait démontrer que l’écoute de la musique de Mozart améliorait les performances spatio-temporelles. Ainsi, 36 sujets s’étaient prêtés à une expérience. 1/3 du groupe écoutait Mozart (la Sonate pour deux pianos en ré majeur K448 de W. A. Mozart), un autre tiers de la musique relaxante, tandis que le dernier groupe attendait dans une salle en silence. Au bout de 10 minutes d’écoute ou de silence, les 3 groupes ont dû réaliser deux tâches d’habiletés cognitives générales et une tâche de mémoire spatiale. Les personnes ayant écouté Mozart ont obtenu des résultats supérieurs dans les trois tâches par rapport aux autres groupes. "L’effet Mozart" était né et toutes les superstitions qui allaient avec. Depuis de nombreuses études sont venues démontrer le contraire et pourtant, nous sommes encore beaucoup à croire qu’écouter de la musique classique et plus précisément du Mozart nous rendrait intelligents...
Mozart risque de n’avoir aucune connaissance ni sur les résultats scolaires de votre enfant, ni sur vos prochains examens
Hervé Platel, professeur de neuropsychologie à l’Université de Caen entend remettre les pendules à l’heure : "Au risque d’en décevoir plus d’un, l’Effet Mozart est un mythe et vous ne serez pas plus intelligent si vous écoutez de la musique ou jouez d’un instrument ou alors si et seulement si vous pratiquez intensément d’un instrument. Et là encore, cela dépend de nombreux facteurs, sociaux, culturels… chaque facteur comptant et faisant la différence. Mais quoi qu’il en soit, faire ou écouter de la musique, quelle qu’elle soit, sollicite de nombreuses capacités, auditives, visuelles (lire la partition), motrice (jouer un instrument), et engendre des émotions qui stimulent et entrainent d’autres capacités cognitives comme la mémoire par exemple. Alors non, vous ne serez sans doute pas plus intelligent en écoutant du Mozart, plus détendu ou plus concentré sur le moment, sans doute. Et oui, vous aurez à travailler pour réussir vos examens, mais n’oubliez pas que tous les effets que produit la musique en nous sont une richesse", analyse Hervé Platel, professeur de neuropsychologie à l’Université de Caen.
Donc, la science semble avoir parlé : Mozart risque de n’avoir aucune connaissance ni sur les résultats scolaires de votre enfant, ni sur vos prochains examens. Pour autant, cela n’enlève en rien les qualités de Mozart : l’excellence musicale et le plaisir de l’écoute de ses concertos, symphonies et autres opéras.
Zoé Morin fait partie de ces nouvelles voix de la scène française que Bla Bla Blog a décidé de suivre. 15 ans et déjà trois EP (le premier était sorti lorsqu’elle avait seulement 9 ans (sic). Le dernier en date,Le premier jour, permet à la chanteuse toulousaine d’imposer un peu plus encore son univers.
Le titre "Tulipe" démontre une vraie maturité et un désir de s’affranchir de l’enfance, à travers le portrait d’une artiste broyée par le succès, artiste inspirée par le destin incroyable de Britney Spears : "Ses fans pensaient être / Sa meilleure amie / Les hommes rêvaient / De l’avoir dans leur lit / Elle offrait sa vie / Sa mythologie / Elle savait qu’elle était". Avec cette chanson pop bricolée avec amour, Zoé Morin lâche la bride et se fait le porte-parole d’une femme fatale et fragile, avec l’audace d’une jeune artiste qui est aussi jeune qu’elle est douée.
Auteure, compositrice et interprète, Zoé Morin domine son sujet
Dans "Le papier magique", c’est de nouveau le portrait d’une femme là encore exploitée : mariage arrangé, soumission et rêve enterré.
Auteure, compositrice et interprète, Zoé Morin domine son sujet, grâce à des textes personnels, riches et denses ("On rigolait pendant des heures") servis par une voix tendue jusqu’à la limite.
L’EP se termine par ce qui est sans doute le plus beau (et aussi le plus long) morceau de son EP. "Le premier jour" se mêle d’influences urbains dans ce message féministe : "Toi justement tu veux changer cette mage / Tu veux remonter le cap / Tourner la page / Que la violence soit un mirage / Bref, t’as mis deux heures à te préparer / Tu t’entends dire « les filles habillez vous comme vous voulez »". Zoé Morin se fait ainsi le porte-parole de celles qui ne veulent passer ni pour des "salopes" ni pour des "coincées".
Celle qui n’est encore qu’une lycéenne prouve par l’audace et la pertinence de son EP qu’elle a tout pour devenir une chanteuse sur laquelle il faudra compter.
Vanessa Philippe avance masqué dans son dernier clip, "Parfois". Masquée mais sincère et bouleversante derrière la légèreté apparente du morceau qui nous parle d’une séparation, chanté avec une fausse désinvolture : "Parfois j’explose / Ou bien j’implose / Et puis tu meurs / Et si j’oublie".
Il y a quelque chose d’une douleur indicible dans ce morceau et dans ce clip utilisant des images du Voyage dans la lune de Georges Méliès.
Vanessa Philippe a le regard tourné vers le ciel dans ce titre comme dans l’album tout entier, Soudain les oiseaux ,qui a été écrit en hommage à sa sœur disparue en 2019. C’est d’abord à elle qu’elle s’adresse lorsqu’elle chante : "Parfois t’es là / Tu disparais / Et ce matin / T’es pas revenue."
"Parfois" est le 9ème clip qu'elle réalise elle-même pour son dernier album. Elle a obtenu plusieurs prix de réalisation. "Suivre le soleil" vient entre autres d'être nommé Finaliste au New York Cinematography Film Awards.
En concert actuellement, Vanessa Philippe sera présente à la JIMI Festival de Marne le 8 octobre 2022.
Au fil des années et des rencontres, Fatbabs a multiplié les collaborations et produit des instrumentales pour entre autres Vanzo (Jamaïque), MC Kaur (Inde), Volodia (France), ou encore Balik (France). Le beatmaker ne se distingue pas que dans le reggae, et c’est bien là sa force. Il remporte en 2017 le contest de remix organisé par Wax Tailor grâce auquel il figure sur l’album By Any Remix Necessary. Fatbabs revient en ce moment avec son nouvel EP, Daily Jam – Aimer.
"On A Daily" bouscule d’emblée l’auditeur avec son instrumental intense, suave et coloré, mélange de funk, de soul, de sons hip-hop et d’électro. "Daddy’s Home" lorgne, lui, du côté de la Jamaïque dans un morceau rempli de nostalgie, en featuring avec Cellz.
Culotté et généreux
Reggae encore avec "Where Do We Go", pour lequel Fatbabs s’est adjoint la collaboration de Naâman pour un morceau tout en harmonie et en tension, avec d’élégantes trouvailles sonores.
Les amoureux du rap américain se régaleront de leur côté avec "Out Deh". Le flow de Tripl3 y est irrésistible, tout comme les apports des rythmiques et de l’électro.
Culotté et généreux, Fatbabs l’est assurément, ne serait-ce que dans sa manière d’inventer une nouvelle manière de faire de l’urbain et de rester sur une corde raide, entre hip hop, trip hop, reggae et électronique.
L’EP se termine avec "Aimer" qui donne le sous-titre à l’opus. Le délicat morceau s’écoute comme une déclaration d’amour à écouter les yeux fermés. L’apport de cuivre donne au titre une texture chaleureuse, tout cela avec un son et une rythmique mêlant trip hop, reggae et jazz.
Tout simplement ébouriffant, généreux et chaleureux.
La découverte du dernier album de la jazzwoman Laura Anglade, Venez donc chez moi, que nous avions chroniqué sur Bla Bla Blog, nous a donné envie d’interviewer la chanteuse, un pied en France et l’autre de l’autre côté de l’Atlantique. Rencontre avec une artiste qui voue un amour immodéré pour la chanson française, y compris le répertoire moins connu des années 30.
Bla Bla Blog – Bonjour Laura. Le public français vous découvre cette année avec votre reprise de standards de la chanson française, l’album Venez donc chez moi. Au Canada, vous êtes une des voix montantes de la scène jazz. Franco-américaine, quels sont vos rapports avec le Canada et la France ? Laura Anglade – Merci. J’ai quitté le Connecticut à l’âge de 18 ans, à la fin du lycée. Je suis partie à Montréal, à l’université Concordia, pour suivre des études de Traduction. J’ai toujours été fascinée par les langues, depuis toute petite. Je n’avais pas du tout envisagé de suivre une carrière en musique à ce moment-là. Cette ville me tentait bien, et le programme surtout…et depuis je n’ai pas quitté le Canada !
BBB – Pour cet album de reprises, vous avez choisi des titres qui ne sont pas forcément les plus connus : "Venez donc chez moi", qui donne le titre à l’opus, mais aussi "Vous qui passez sans me voir" ou "Jamais je ne t’ai dit que je t’aimerai toujours". Pourquoi ces choix ? LA –Venez Donc Chez Moi, tout d’abord met en avant mon identité française, mon “chez moi”, mais aussi, à un autre niveau, un album est une œuvre qui représente un moment précis, un peu comme la photographie. Nous avons enregistré cet album en pleine période de pandémie, bloqués chez nous. Avec Sam, le guitariste, on voulait inviter le public à passer un beau moment intime d’écoute, chez eux, en attendant de venir nous voir en concert peut-être un jour. En ce qui concerne les autres titres, Charles Trenet est le chanteur préféré de mon grand-père, il me chantait souvent ses chansons quand j’étais petite. Je connais pratiquement toutes ses chansons par cœur. Je voulais rendre hommage à ma famille, en leur faisant ce cadeau, pour qu’ils puissent chanter avec moi en écoutant mon disque. Ils sont loin, donc au moins cela nous permet de nous rapprocher un peu, comme si une partie de moi était là, avec eux. D’après moi, “Jamais je ne t’ai dit que je t’aimerai toujours” est une belle leçon. Quand on se lance dans une histoire avec quelqu’un en tout début de relation, il y a toujours un moment d’hésitation. On essaye de se protéger, sûrement pour ne pas s’emballer trop vite. On ne veut pas trop se projeter, par peur d’être rejeté, mais quand ça doit marcher, les choses se mettent en place petit à petit, naturellement. On a pas besoin de se faire des promesses ni des plans, on peut simplement vivre jour après jour, sans attente. Je trouve ce message magnifique.
BBB – On sent chez vous un attachement au répertoire des années 30 et aussi au compositeur Paul Misraki, peu connu, et qui a écrit deux de vos reprises ("Venez donc chez moi" et "Vous qui passez sans me voir"). Est-ce une invitation à redécouvrir le patrimoine musical français oublié et les chansons de Lucienne Boyer, Ray Ventura, voire Charles Trénet ? LA – Effectivement. Je trouve que ces chansons sont intemporelles. On arrive à plonger dans ces histoires et ces mélodies, comme un bon livre. Ce sont des thèmes nostalgiques, mais en même temps encore courants. On s’y retrouve.
BBB – On est peu surpris de voir apparaître Michel Legrand ; on l’est plus par le choix de vos reprises : au lieu des "Moulins de mon cœur" ou de la "Recette du cake d’amour", vous avez choisi la magnifique "Chanson de Maxence" et de la "Valse des lilas". Pourquoi le choix de ces morceaux ? LA – "La Chanson de Maxence", de la comédie musicale Les Demoiselles de Rochefort par Michel Legrand est l’une de ses plus belles chansons. Elle a été adaptée en anglais, et raconte une histoire complètement différente de l’originale. En général, je choisis de chanter une chanson si je trouve les paroles captivantes. Dans ce cas, je me laisse emporter par la mélodie, complexe et à la fois mémorable et nostalgique, des thèmes que l’on reconnaît facilement à travers toutes les œuvres de Michel Legrand. "La Valse des Lilas" a aussi été adaptée en anglais, c’est une chanson pleine d’espoir, comme les premières fleurs au printemps.
"Mon rêve serait de lui chanter « Chez Laurette » un jour dans son ancien café, et peut-être même d’aller y boire un verre ensemble !"
BBB – Deux femmes ont les honneurs de votre opus : Jeanne Moreau, l’interprète de "Jamais je ne t’ai dit que je t’aimerai toujours et surtout "Barbara ("Précy Jardin" et "Ce matin-là"). J’imagine que c’est tout sauf un hasard de voir Barbara figurer sur cet album. LA – Barbara a toujours été une grande source d’inspiration. "Precy Jardin" est la chanson de Barbara ou je me reconnais le plus. Chaque été depuis mon enfance, ma famille retournait dans notre petit village dans le sud de la France. En 1973, Barbara a quitté Paris pour aller vivre à Précy sur Marne, à la campagne, et c’est là ou elle a passé ses dernières années. Dans ce lieu paisible, loin de tout, près de la nature, Barbara est au paradis. Je reconnais mon petit village, Brousse le Château, à travers les paroles, “juste le clocher qui sonne minuit”.
BBB – L’auditeur français sera heureux de trouver une reprise de "Chez Laurette". À ma connaissance, c’est l’une des première fois que Michel Delpech côtoie Charles Trénet, Charles Aznavour ou Barbara. "Chez Laurette" se devait de figurer dans votre album ? Et spécialement cette chanson, la plus célèbre sans doute de son répertoire ? LA – "Chez Laurette", de Michel Delpech, est une de mes chansons préférées de tout l’album. J’ai appris que le chanteur a écrit la chanson en une traite durant un court trajet en train. Chez Laurette raconte l’amitié entre un jeune garçon et la dame qui tient le café au coin de la rue. Laurette devient vite la confidente de lui et de tous ses amis. Chaque chagrin d’amour, chaque fou rire, elle les voit grandir au fur et à mesure des années qui passent. C’est une belle confiance qui se construit, surtout pendant les années les plus importantes, elle les aident à naviguer l’adolescence. Quand j’écoute cette chanson, pour moi c’est la culture française dans toute sa splendeur. Ça me rappelle de beaux souvenirs avec ma mère, quand on allait faire les boutiques en ville chaque été et qu’on retrouvait toujours les mêmes vendeuses, qui me disaient avec leur sourire familier, “alors ça pousse !” ou quand on allait chercher la viande chez le boucher de ma grand-mère, qui a vu ma mère grandir, et maintenant voyait ses enfants grandir aussi. La vie passe tellement vite. Ce sont ces personnes, ces liens qu’on crée de génération en génération qui forment nos valeurs et ce que l’on devient. J’ai aussi choisi la chanson parce que c’est une des chansons préférées de mon grand-père. Même si Michel Delpech n’est plus parmi nous, j’ai appris que cette “Laurette” est inspirée d’une vraie personne, qui existe toujours, et que ce fameux café aussi ! Mon rêve serait de lui chanter cette chanson un jour dans son ancien café, et peut-être même d’aller y boire un verre ensemble !
BBB – Après cet album, quels sont vos futurs projets ? Une tournée est-elle prévue en France ? Ou un album en préparation ? LA – Je viens de faire une mini tournée à Paris dernièrement en juin 2022. J’espère y revenir le plus vite possible, j’adore cette ville, surtout au printemps. Je pars en tournée avec Melody Gardot en septembre, j’ai vraiment hâte. En ce moment, oui, je pense à un futur album aussi. Plein de belles choses ! Merci beaucoup.