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Spectacles - Page 14

  • Carmen ou comment fabriquer un opéra

    carmen.JPGRendre l’opéra accessible à tous est la petite ritournelle qui ne mange pas de pain et qui semble faire l’unanimité. Par contre, dès qu’il s’agit de la mettre en application…

    Depuis 2006, sous la houlette de Jacques Attali, La Fabrique Opéra a retroussé ses manches et s’est attelée à un projet qui mérite d’être salué. Le principe ? Monter un opéra de A à Z grâce à l’économie participative, au maillage associatif et à toutes les bonnes volontés. L’objectif est également de populariser un genre n’ayant – hélas ! – pas les faveurs des jeunes générations.

    Ce projet a démarré à Grenoble et entend bien essaimer partout en France et encourager la production d’opéras. En entendant Orléans courant 2016, La Fabrique Opéra Toulouse proposera quatre représentations de Carmen de Georges Bizet au Zénith de Toulouse les 3, 4, 8 et 9 mai 2016.

    Parler d’opéra collaboratif et populaire n’est pas un vain mot. Le concept de La Fabrique Opéra est d’ouvrir la création d’un opéra de A à Z à tous. Puisque le spectacle lyrique est souvent impuissant à faire venir de nouveaux publics, c’est ce nouveau public qui est invité à investir et gérer un domaine considéré – à tort ou à raison – comme élitiste.

    Monter un opéra : ce projet fou est désormais accessible à tous. Ainsi, à Toulouse près de 400 élèves issus de filières professionnelles, répartis sur 10 établissements de la région, sont chargés de créer de toute pièce un spectacle de Carmen : décors, costumes, coiffures, communication, selon leurs domaines de prédilection. La Fabrique Opéra peut s’enorgueillir d’accueillir parmi ses publics 50 % de néophytes et 30 % de moins de 40 ans (et 62 % viennent en famille) : des chiffres qui feraient pâlir les opéras Garnier, Bastille et consort.

    À cela s’ajoute un mode de financement original : 65 % du budget repose sur la billetterie. Le reste vient d’un mécénat très large – grands groupes, fondations, ministère de l’Éducation nationale, associations – mais aussi du crowdfunding. "Le modèle économique de La Fabrique Opéra permet de proposer des places au tarif moyen raisonnable (autour de 37€), soit moitié moins qu’un opéra traditionnel", apprend-on également sur le site de La Fabrique Opéra.

    Côté spectacle maintenant, les créateurs du Carmen qui sera produit à Toulouse, n’entendent pas mégoter sur la qualité. Stéphane Roche, du Capitole, de Toulouse, est chargé de la mise en scène l’opéra de Bizet. Stanislas de Monredon, chef d’orchestre de La Philharmonie de Toulouse, sera à la direction. Giuseppina Piunti endossera le rôle redoutable et sulfureux de Carmen. Elle côtoiera notamment Luca Lombardo (Don José), Julia Kogan (Micaëla) et Yann Toussaint (Escamillo).

    Une jolie distribution pour un projet ambitieux. Rarement l’expression "rendre l’opéra accessible" n’a paru aussi adéquate.

    Carmen de Georges Bizet, Zénith de Toulouse, 3, 4, 8 et 9 mai 2016
    http://www.lafabriqueopera.com

     

  • Duel pour violoncelle et piano

    duel,cirade,staïcuAu 38, rue de Montpensier, dans une de ces vieilles ruelles du 1er arrondissement de Paris jouxtant le jardin du Palais Royal, le musée du Louvre et la Comédie française, avait lieu un Duel.

    Il se déroulait dans une des plus anciennes salles de la Capitale, sous les ors et les dorures du Théâtre du Palais Royal. Les protagonistes ? Laurent Cirade et Paul Staïcu, de retour pour Duel 2, leur nouveau spectacle créé après une première tournée triomphale dans 36 pays. Les deux musiciens s’affrontent sur scène pendant pendant près d’une heure vingt à coup de violoncelle, piano, violon, mélodica, percussions et autres instruments parfois les plus insolites – scie, didgeridoo ou fil de pêche... L’objet de ce duel ? Faire rire. Mission réussie.

    Dans un show efficace et millimétré, les deux compères, complices et adversaires le temps d’une représentation, détournent les codes du concert classique - costumes et nœuds de papillon inclus - pour en faire un spectacle comique, insolite et virtuose. Laurent Cirade le violoncelliste, a sévi dans le célèbre groupe comique multi-primé Le Quatuor, après plusieurs années à l’Orchestre National de France. Il est vrai que l’influence de cette formation burlesque est évidente dans Duel 2. L'autre duelliste est Paul Staïcu, compositeur et instrumentiste confirmé, avec à son actif plusieurs "Premiers Prix" en composition et jazz. C’est d’ailleurs dans le jazz que Paul Staïcu a notamment brillé en jouant aux côtés de Michel Portal, Steve Coleman, Winston Marsalis ou François Jeanneau. Excusez du peu.

    Ces deux musiciens, qui ne sont donc pas venus de nulle part, construisent dans Duel 2 une série de numéros enlevés où la musique devient autant une arme (le spectateur apprendra d’ailleurs comment tuer avec un violoncelle !) qu’un jouet que deux grands gosses – surdoués – convoitent jusqu’à s’entre-déchirer - pour le plus grand plaisir des spectateurs.

    Dans cet affrontement (presque) muet des deux musiciens, les scénettes s’enchaînent sans temps mort. Le non-sens et le burlesque sont la règle et nous renvoient au célèbre duo de Charlie Chaplin et Buster Keaton dans Limelight (Les Feux de la Rampe, 1952).

    L’imagination de Laurent Cirade et Paul Staïcu, sans oublier celle de la metteuse en scène Agnès Bourry, décline à l’infini le détournement des instruments et des répertoires de musique. La surprise peut surgir à tout moment : jouer du piano dans un transat, cuisiner puis déguster un violoncelle ou élever au biberon un violon. Le pouvoir de sex-appeal du violoncelle (que l’on connaissait depuis les célèbres clichés de Kiki de Montparnasse par Man Ray) est aussi raconté avec succès, jusqu’à la "naissance" d’un violon bien encombrant.

    Les moments de poésie ne sont pas oubliés : une variation sur le thème de Carmen, au piano, violoncelle et didgeridoo, fait partie de ces moments de grâce, tout comme l’interprétation tendue et inspirée de Walk on the Wild Side de Lou Reed.

    Laurent Cirade et Paul Staïcu multiplient les références au classique, au jazz, à la pop, au rock, au reggae, au contemporain, au RnB, au disco et à la soul pour détourner quelques grands compositeurs et musiciens - et tout cela au service du rire. L’auditeur attentif pourra reconnaître, entre autres, Jean-Sébastien Bach, Wolfgang Amadeus Mozart, les Beatles, Luigi Boccherini, Ludwig van Beethoven, Georges Bizet, Carlos Santana, Ennio Morricone (dans une scène loufoque inspirée des westerns spaghetti), Charlie Chaplin, les Village People, Johann Strauss, Charles Gounod, les Bee Gees, Sergueï Prokofiev, Vladimir Cosma, Johannes Brahms, Lou Reed ou Barry White.

    Nos duellistes font non seulement un magnifique hommage au patrimoine musical mais contribuent aussi à le désacraliser. Tout cela n’est pas sérieux, semblent nous dire les deux artistes sur scène. Mais la musique l’est-elle réellement ?

    Duel, opus 2, avec Laurent Cirade (violoncelle) et Paul Staïcu (piano),
    Théâtre du Palais Royal, du 5 février au 15 avril 2016
    Du mercredi au samedi à 19 heures
    Duel : le site 

    Duel : la page Facebook 
    Théâtre du Palais Royal 

  • Attache ta tuque ou le français dans tous ses États

    La réforme de l’orthographe a été contre toute attente le sujet polémique de ces dernières semaines.

    En décidant d’appliquer dès la rentrée prochaine un dépoussiérage général de la langue de Molière, qui avait été acté en 1990 (sic), les éditeurs de manuel scolaires ne s’attendaient sans doute pas à un tel ramdam. Le moins que l’on puisse dire est que la décision d’autoriser l’écriture du mot "oignon" en "ognon" ou "entraîner" en "entrainer" (par contre, contrairement à ce qui a été écrit un peu partout, les mots "mûr", "", "jeûne" et "sûr"continueront à porter leur accent) a fait du bruit dans Landerneau, que ce soit dans les réseaux sociaux (qui ont été les premiers à mettre le feu aux poudres), les médias traditionnels et jusque dans les repas de famille. Le bloggeur émet toutefois l’opinion que ce qui a sans doute choqué réside moins dans ces variantes orthographiques que dans une décision publique entendant répondre au fléau des fautes d’orthographe par une phonétisation même partielle de la langue écrite. Est-ce en simplifiant le français que la langue française sera mieux maîtrisée ? Beaucoup répondent par la négative, y voyant même une forme de "lâcheté".

    La passion du débat sur cette langue française dans tous ses états rend d’autant plus intéressante la Semaine de la langue française et de la Francophonie qui a lieu du 12 au 20 mars 2016. Son mot d’ordre est : "Attache ta tuque !', 'C'est caillou !'… 1001 expressions à découvrir". Un vrai pied-de-nez à cette affaire de réforme de l’orthographe. Plusieurs personnalités, dont l’humoriste Jamel Debbouze, la journaliste Elsa Boublil ou encore l’écrivaine Marguerite Abouet ont accepté de parrainer cet événement.

    Lors de ce rendez-vous des amoureux des mots, 1 500 manifestations seront organisées dans 70 pays : expositions, ateliers d’écriture, animations, spectacles, concours, dictées, slam…200 librairies seront mobilisées et près de 100 villes et villages sont partenaires de l’opération. Le bloggeur a noté quelques événements qui méritent le détour : le spectacle du conteur québécois Fred Pellerin au Théâtre de la Ville (le 12 mars), les Nuits du slam (du 17 au 20 mars), le grand concert de musique francophone dans les studios de Radio France (le 19 mars) et la Dictée pour les Nuls lors du Salon du Livre au cours duquel le 31e Prix du Jeune Écrivain de Langue Française sera remis (le 19 mars).

    Cette année, la Semaine de la langue française et de la Francophonie proposera aussi de partir à la découverte du français parlé de Bruxelles à Kinshasa, de Genève à Montréal. Ce sera l’occasion de montrer les multiples visages du français dans les 70 États qui le pratiquent couramment. Loin d’être sclérosé, le français offre une richesse infinie. Ainsi, le "bleuet", qui désigne une petite fleur bleue en France, fait référence à une myrtille au Québec. Le "dîner" (ou "diner"?), qui correspond au repas du soir pour les habitants de l’Hexagone, désigne au contraire celui de midi en Belgique. De même, lorsque l’on "tombe amoureux" en France, on "tombe en amour" au Québec, on "glisse pour quelqu’un" au Cameroun et on est "bleu de quelqu’un" en Belgique.

    Réseaux sociaux, télévisions, radios ou établissements culturels sont déjà sur le pont pour faire découvrir au grand public les subtilités de la langue française aux quatre coins du monde. "Attache ta tuque !", comme on le dit au Québec ("Attache ta tuque avec d'la broche, attache ta tuque pis tes bretelles"), dit autrement : "Attention, c’est parti !"

    Semaine de la Langue française et de la Francophonie
    Page Facebook de la Semaine de la Langue française

  • Chloé Lacan et son ménage à trois

    background-photos1.jpgUn soir de concert à l'Olympia des Eagles of Death Metal et de match de Champion's League, j'avais rendez-vous à Bobino avec Chloé Lacan. La chanteuse se produisait dans son spectacle Ménage à Trois, créé en 2014 avec ses deux complices Nicolas Cloche et Brice Perda.

    C'est dans un joyeux bazar sur scène que l'artiste, en tournée nationale jusqu'au 30 juillet 2016, nous emmène dans son univers, savant mélange de musique, de théâtre, de poésie et de scénettes de la vie quotidienne.

    Dans un show tonitruant, au cours duquel Chloé Lacan et ses deux camarades se donnent sans compter, la chanteuse offre au public un répertoire balançant entre air swing (Byzance), ballade sombre (Noces Funèbres), jazz manouche (La Pêche au Bonheur), valse musette, air de cabaret (La Tremblouille), rythme latino américain (Va) ou chanson mélancolique (Nouveau Départ), sans oublier un hommage à Nina Simone et un morceau italien adapté en créole par Nelson-Rafaell Madel. Tout cela est enveloppé dans de l'humour omniprésent où le public est invité à réagir et participer – y compris à la clôture du spectacle lorsqu'il est prié de quitter la salle en musique !

    Il n'est pas anodin de dire que cette richesse musicale est servie sur un plateau par trois artistes sur scène, jonglant avec des instruments aussi divers que l'accordéon, le piano, les percussions, l’ukulélé, le saxhorn ou le glokenspiel. Chloé Lacan s'amuse et joue avec ses complices Nicolas Cloche et Brice Perda qui s'avèrent bien plus que de simples accompagnateurs : ce sont de vrais chanteurs, comédiens et showmen. Et puis, il y a la voix de Chloé Lacan, un timbre de velours, caressant et fragile. Il y a sans nul doute du Barbara lorsqu'elle interprète, hiératique et poignante, Noces Funèbres, un chant d'amour baudelairien (ou gainsbourien, si l'on pense à La Noyée) pour un amant disparu : "Et au lit de la rivière / Tu dois m'emmener / Mon bel amant funèbre / Et on s'y couchera / En ne laissant qu'un soupir / Près de la cheminée / Où le feu s'éteindra."

    Voilà d'ailleurs ce qui est la trame de Ménage à Trois : des histoires, tour à tour drôles, mélancoliques, poétiques, sombres, engagées ou cruelles. Il est question, dans ce spectacle enlevé, de la vie à deux "après l'amour" (Ménage à Trois), de la recherche du bonheur (La Pêche au Bonheur), du temps qui passe, du quotidien cruel... ou des passes sur les parkings des supermarchés (Byzance). Parmi les joyaux de ce spectacle figure Nouveau Départ contant le voyage bouleversant d'une mère célibataire avec son fils, à la recherche d'un monde meilleur : "Je le connais ce regard -là / Tu fais le même à chaque fois / Que maman s'en va de travers / Et que les ennuis lui tournent autour / Mais on va jouer, moineau / Et s'inventer des tours".

    Ménage à Trois est un authentique rendez-vous vital, dans un show collectif envoûtant, enlevé et séduisant. Follement séduisant.

    Chloé Lacan, Ménage à Trois,
    en tournée dans toute la France jusqu'au 30 juillet 2016

    http://www.chloelacan.fr
    Page Facebook de Chloé Lacan

  • New

    NEW est une performance pluridisciplinaire alliant théâtre, musique, chant, danse et arts visuels. De cette rencontre, chaque soir, un spectacle totalement unique se fabrique grâce au talent des artistes et avec la complicité du public.

    Durant 1H20 les artistes de NEW (4 à 5 comédiens-chanteurs, 3 à 4 musiciens, un illustrateur et un maître de cérémonie) improvisent librement et intégralement une histoire à partir de suggestions du public ! En effet, avant de rentrer dans la salle, les spectateurs sont invités à inventer le titre d’une comédie musicale inédite et à proposer le lieu dans lequel l’histoire se déroule.

    Deux suggestions sont tirées au sort par le maître de cérémonie et le public en choisit une à l’applaudimètre. Un spectateur volontaire sera ensuite convié à chantonner une petite mélodie pendant que les comédiens se costument. Ce thème sera repris par les musiciens pour composer en direct l’ouverture instrumentale du show, qui deviendra un air récurrent dans la pièce.

    Les décors et la scénographie de NEW se fabriquent sur le vif au rythme des compositions musicales et du scénario. L’illustrateur ou l’artiste-peintre travaille en direct soit sur ordinateur soit sur toile blanche avec pinceaux et couleurs. Ces images, dessins ou peintures sans cesse en évolution sont filmées et projetées en fond de scène. Le spectacle peut commencer ! L’auditoire sera sollicité tout au long de la représentation afin d’orienter le cours des événements ou de choisir par exemple le style musical de la prochaine chanson. 

    NEW est une performance pluridisciplinaire alliant théâtre, musique, chant, danse et arts visuels. De cette rencontre, chaque soir, un spectacle totalement unique se fabrique grâce au talent des artistes et avec la complicité du public.

    Durant 1h20 les artistes de NEW (4 à 5 comédiens-chanteurs, 3 à 4 musiciens, un illustrateur et un maître de cérémonie) improvisent librement et intégralement une histoire à partir de suggestions du public ! En effet, avant de rentrer dans la salle, les spectateurs sont invités à inventer le titre d’une comédie musicale inédite et à proposer le lieu dans lequel l’histoire se déroule.

    Deux suggestions sont tirées au sort par le maître de cérémonie et le public en choisit une à l’applaudimètre. Un spectateur volontaire sera ensuite convié à chantonner une petite mélodie pendant que les comédiens se costument. Ce thème sera repris par les musiciens pour composer en direct l’ouverture instrumentale du show, qui deviendra un air récurrent dans la pièce.

    Les décors et la scénographie de NEW se fabriquent sur le vif au rythme des compositions musicales et du scénario. L’illustrateur ou l’artiste-peintre travaille en direct soit sur ordinateur soit sur toile blanche avec pinceaux et couleurs. Ces images, dessins ou peintures sans cesse en évolution sont filmées et projetées en fond de scène. Le spectacle peut commencer ! L’auditoire sera sollicité tout au long de la représentation afin d’orienter le cours des événements ou de choisir par exemple le style musical de la prochaine chanson. 

    NEW
    Jusqu'au 23 février 2016 au Théâtre Trévise en version française

    tous les mardis à 20h - 14, rue de Trévise, Paris 9ème - 25 € / 17€
    Réservation : 01 45 23 35 45

    Jusqu'au 22 juin à l'Essaïon en version anglaise
    2 mercredis par mois à 21h30 - 6 Rue Pierre au Lard, Paris 4ème - 20 € / 15€
    Réservation : 01 42 78 46 42
    http://www.newcomediemusicale.com

     

     

  • Lady Gaga et Tony Bennett jouent (toujours) joue contre joue

    Arte diffuse en ce moment sur son replay (et pour quelques jours encore) le concert Cheek to Cheek que la chaîne française a programmé le samedi 3 janvier. 

    Je parlais il y a un an de l'album Cheek to Cheek réunissant deux stars que tout séparait a priori : la popstar internationale Lady Gaga et le crooner légendaire Tony Bennett. Sorti en 2014, ce disque de reprises de standards de jazz a connu un succès retentissant. Il a en plus su montrer que Lady Gaga était capable de se montrer sous un visage glamour et romantique.

    Arte diffusait ce samedi, en VOD pour une semaine encore, un concert que les deux artistes ont produit ensemble au Jazz Lincoln Center’s P. Rose Hall de New York en juillet 2014. Les spectateurs reconnaîtront de grands classiques du jazz :  "It Don' Mean A Thing (If It Ain't Got That Swing)", "Sophisticated Lady", "Cheek to Cheek", qui donne le nom à ce disque et à ce concert, "Lush Life", "Bang Bang" ou "Anything Goes".

    Pour ce spectacle, Lady Gaga et Tony Bennett ont mis les petits plats dans les grands : grand orchestre de 39 musiciens avec des solistes renommés (Chris Botti et David Mann, respectivement à la trompette et au saxophone), décor grandiose, danseurs, tournage avec treize caméras HD, sans oublier les costumes chics et l'extravagance glamour de Lady Gaga. Les Français, eux, découvriront certainement Tony Bennett, une des plus grandes voix américaine. C'est tout à son honneur que de s'être lancé dans l'aventure de ce duo avec une star souvent controversée, et de chanter avec elle, joue contre joue.

    Au final, le pari de Cheek to Cheek est d'ores et déjà gagné.     

    Un pur régal ! A voir et revoir, écouter et réécouter.

    "Tony Bennett & Lady Gaga : Cheek to Cheek", Arte, en ce moment en replay
    "Lady Gaga et Tony Bennett, joue contre joue"
    Lady Gaga et Tony Bennett, Cheek to Cheek, Polydor, 2014

  • Barbara Hannigan est Lulu

    Pour jouer Lulu, rôle phare de l'opéra le plus célèbre du XXe siècle, combien de sopranos auraient le coffre de s'y frotter ? Or, non content d'avoir relevé le gant pour la Monnaie de Bruxelles en 2012, Barbara Hannigan mérite de voir son interprétation devenir une référence légendaire. 

    Lulu, l'opéra dodécaphonique en trois actes d'Alban Berg (le dodécaphonisme étant cette technique inventée par Arnold Schoenberg donnant une importance comparable aux douze notes de la gamme chromatique, rejetant de fait toute tonalité), écrit en 1935 et resté inachevé par le compositeur (le troisième acte a été terminé par Friedrich Cerha), conte le destin de Lulu. Celle que l'on nomme et surnomme également Eva, Mignon, Nelly ou Lilith est une beauté légendaire, une femme fatale, "un ange exterminateur" et la "la putain la plus raffinée qui ait jamais ruiné un homme" comme le dit un de ses amants et victimes.

    La cruauté de l'amour est au centre de cet opéra, non exempt d'humour noir. Un prologue en anglais présente au spectateur (symboliquement représenté sur scène) cette "vraie bête, sauvage et belle [que l'on ne verra] qu'ici". Lulu, jouée avec ardeur et juste démesure par une Barbara Hannigan complètement habitée par son rôle, passe d'homme en homme tout au long de ces plus de trois heures de spectacle. 

    Séduite par un artiste (interprété par Tom Randle, peintre devenu photographe dans cette version de 2012), Lulu provoque une crise cardiaque mortelle de son mari qui la surprend. Le photographe devient son mari et se suicide de jalousie en apprenant la vie amoureuse tumultueuse de sa femme. Le Dr Schön (Dietrich Henschel), directeur d'un journal, est témoin de cette mort et craint pour sa réputation, alors qu'il s'apprête à se fiancer. Puis, c'est lui-même qui tombe dans les bras de Lulu à la fin d'acte I, sous les yeux complices et jaloux et son fils Alwa (Charles Workman) – qui pense par ailleurs que cette femme ferait un très beau sujet d'opéra ! Dans l'acte II, le Dr Schön est devenu le nouveau mari de Lulu mais sombre lui aussi dans la jalousie ("Voilà donc le soir de ma vie : la peste à domicile", auquel la belle répond : "Tu as sacrifié tes vieux jours, tu as reçu ma jeunesse en échange" ). Il constate que sa femme séduit la comtesse Gräfin Geschwitz (Natasha Petrinsky), sorte de double positif de Lulu : "Elle ne peut pas vivre d'amour car sa vie est amour". Schön perd tout contrôle de lui-même, s'enflammant pour son épouse tout en la suppliant de se suicider pour le bien de tous : "Sans le savoir tu transformes en criminels les gens qui t'entourent". Mais Lulu refuse, prend le revolver que lui tend son mari et le tue. Arrêtée, la criminelle parvient à s'enfuir grâce au fils de Schön. Le couple se retrouve à Paris. Devenu proxénète (acte III), Alwa est entretenu par Lulu. La prostituée terminera sa triste carrière de séductrice sous la lame de Jack L’Éventreur (Dietrich Henschel, de nouveau). Son amie fidèle et sacrifiée, la comtesse Geschwitz ne parvient pas à la défendre et est tuée elle aussi par le serial-killer.

    Drame terrible, l'opéra dodécaphonique et expressionniste de Berg, dirigé par Paul Daniel, prend l'allure d'un spectacle rock et sexy grâce à la mise en scène de Krzysztof Warlikowski. L'inventivité est omniprésente dans cette version contemporaine : un décor monstrueux composé d'un escalier encadré de toboggans surréalistes, une cage de verre omniprésente, des animaux empaillés, les costumes à l'avenant, l'omniprésence du travestissement, les projections vidéo, des scènes de ballet, des figurants par dizaines peuplant la scène. Le baroque, l'inventivité, la démesure revendiquée et la folie servent les chanteurs, Barbara Hannigan en premier lieu. 

    Parler d'interprétation exceptionnelle à son sujet n'est pas exagérée. La soprano canadienne se donne corps et âme dans Lulu. Elle incarne ce personnage jusqu'à la démesure, se faisant tour à tour séductrice, romantique, danseuse, junkie, prostituée, bourreau et victime sacrifiée sur l'autel du plaisir. Alwa chante au cours du deuxième acte un hymne à cette femme condamnant chaque homme qu'elle séduit : "Je vois ton corps comme une musique. Ces chevilles un grazioso. Ces rondeurs un cantabile. Ces genoux un misterioso. Et le puissant andante de la volupté.Un aria qui pourrait tout autant s'adresser à Barbara Hannigan, une Lulu pour l'éternité.

    Alban Berg, Lulu, dirigé par Paul Daniel, mise en scène de Krzysztof Warlikowski, avec Barbara Hannigan, Dietrich Henscheln, Charles Workman, Natascha Petrinsky, Pavlo Hunka, Tom Randle, Ivan Ludlow, Rosalba Torres Guerrero et Claude Bardouil, Bel Air Classiques, 2014
    http://www.barbarahannigan.com