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En octobre dernier sortait le dernier Astérix, L'Iris blanc, le troisième publié après la mort d’Uderzo en 2020 et aussi le premier avec Fabcaro au scénario. Didier Conrad poursuit son travail de dessinateur pour la saga du petit Gaulois.
Les albums d’Astérix alternent régulièrement voyages dans l’Empire romain – voire au-delà – et aventure au sein du village gaulois. Cette fois, après un périple dans de froides contrées barbares (Astérix et le Griffon), retour en Armorique où les intraitables Gaulois résistants à l’occupant romain voient débarquer un étrange voyageur.
Derrière ses allures courtoises et affables, Vicévertus est en réalité envoyé par César pour ramollir la volonté des Gaulois. Et le moins que l’on puisse dire est que cela marche. Abraracourcix et sa femme Bonnemine sont même dans l’œil du cyclone. Heureusement, Astérix veille et n’est pas dupe de l’influence néfaste d’un Romain trop poli pour être honnête.
Un Romain trop poli pour être honnête
Il faut le dire : cet Astérix est sans doute l’un des meilleurs depuis bien des années, et la présence de l’auteur de Zaï Zaï Zaï au texte n’y est certainement pas pour rien. On sent l’influence du créateur des albums Open Bar dans sa volonté de donner à cet Astérix l’allure d’un conte moderne. Car Vicévertus, derrière son physique de grand échalas à mi-chemin entre BHL et Dominique de Villepin (sic), est un gourou de la "pensée positive", un philosophe de la bienveillance mise à toutes les sauces et un adepte d’une langue de bois capable d’endormir son auditoire.
Autant certaines BD du petit Gaulois ont le défaut de faiblir vers la moitié de l’album, autant cet Astérix reprend du poil de la bête lorsque Bonnemine se laisse alpaguer par le sournois Romain. Et là, il semble que le scénario s’emballe en se transportant vers une Lucrèce ressemblant sur beaucoup de points à notre Paris du XXIe siècle : embouteillages sur le périphérique, voies sur berges bloquées, bobos s’écoutant parler dans un sabir insupportable, auberges se gargarisant de nouvelle cuisine (hors de prix), sans oublier ces trottinettes (les "charinettes") omniprésentes, avec qui Obélix a fort à faire.
Tout cela se terminera, on s’en doute, fort bien, avec un festin villageois indispensable.
Un très, très bon Astérix donc. Et on peut remercier Fabcaro pour ce travail au scénario.
Didier Conrad et Fabcaro, Astérix, L’Iris blanc, éd. Hachette, 2023, 48 p. https://www.asterix.com
On a retrouvé la consœur de Rahan, le "fils des âges farouches"… Connie est aussi rousse que le fils de Craô était blond. Les aventures de la jeune guerrière mêlent allègrement voyages, bagarres et parties de jambes en l’air, tant la jeune femme ne crache pas sur la "baguette" (sans "r").
Un mot sur le tome 1 tout d’abord, qui voit Connie partir à la recherche de contrées anciennes et reculées. Dans Connie, la Barbare (paru aux éditions Tabou), Gianluca Maconi transporte l’intrépide rouquine au beau milieu d’une attaque de barbares contre un groupe de jeunes femmes, membres d’une confrérie de jeunes femmes pacifiques - entre autres qualités. L’issue est non seulement des plus favorables pour le groupe de jeunes femmes – Connie comprise – mais il permet en plus un rapprochement qu’on laisse deviner.
Ce n’est que le début de la saga des plus rocambolesques, où l’humour n’est pas plus absente que l’érotisme. Les hommes en prennent également pour leur grade.
Une saga des plus rocambolesques, où l’humour n’est pas plus absente que l’érotisme
Cet automne, sortait le deuxième tome et la suite de Connie, la Barbare, avec toujours le dessinateur Gianluca Maconi aux commandes. Pour Les Bijoux du Transistan, la jeune barbare passe des temps préhistoriques à un pays des mille et une nuits, le Transistan. Là, le calife attend l’épouse qui lui est promis. Une jeune femme sculpturale, mais aussi aux sombres desseins. Or, le calife n’est pas franchement intéressé par le projet d’union qui lui est promis. Il risque de même de perdre beaucoup plus. Or, c’est ce moment que choisit Connie pour arriver en ville.
Gianluca Maconi multiplie les scènes croquantes et pimentées, au service d’une histoire de quêtes, passant par des boudoirs, des chambres d’auberges plus ou moins bien fanées et de lieux plus "nature". Connie donne de son corps pour déjouer les situations les plus périlleuses, et elle le fait avec un zèle des plus louables. Tout cela, évidemment, n’est ni sérieux ni réservé à tous les publics. Chez Tabou.
Au moment d’entamer l’année 2024, faisons le bilan, comme de coutume, avec les chroniques de Bla Bla Blog ayant le plus buzzé. Et cette année, vous vous rendrez compte que c’est les livres et la littérature qui ont été les plus plébiscités. Avec également une exposition bretonne sur Tolkien, une BD des plus mutines et surtout le retour d’une chanteuse qui tient la dragée haute à tout le monde !
Voici donc le classement de cette année, par ordre décroissant.
L’écrivain Youcef Zirem est une figure importante de la littérature contemporaine algérienne. Il est aussi un opposant au pouvoir en place qui l’a contraint à l’exil, en l’occurrence en France. Journaliste, chroniqueur, écrivain, il anime aussi depuis 2017 le café littéraire l'Impondérable, à Paris.
Intellectuel, dissident (Algérie, La Guerre des Ombres, éd. Complexe), engagé et humaniste, Youcef Zirem revient en ce début d’année avec un ouvrage des plus personnels, Lâaldja, notre Mère, aux éditons Fauves. Il y parle de sa mère décédée à l’Hôpital de Sidi-Aich, en septembre 2022. Son exil politique l’a souvent éloigné d’elle, au point qu’il n’a pas pu l’accompagner pour ses derniers jours…
Delphine Bell sort en ce moment Roi et toi (éd. Le Lys Bleu). Un récit plus qu’un roman sur un homme, un père, trop tôt parti.
Voilà ce qu'écrit l'auteure : "Un matin, mon père a décidé de partir, nous laissant… Sans un mot, une trace. Où es-tu, papa ? Qui es-tu vraiment ? Toi, le père magnifique de mon enfance, dévoué, libre aussi. Ce livre est une quête, un roman policier et existentiel sur un père que je cherche encore. Il entrelace les écrits de celui qui fut un passionné de l’écriture et de la littérature. Et il pose une question : les êtres que l’on aime nous échappent-ils ? Possède-t-on vraiment ceux qu’on aime ? Qui est-on vraiment ? Papa est parti mais… Je peux écrire"…
Roman ? Récit ? Chronique familiale ? Qui que vous soyez, ouvrez ! De Tatiana Pécastaing (paru chez LC Editions) est un peu tout cela à la fois, au point de désarçonner le lecteur dès les premières pages, lorsque la découverte d’une mystérieuse lettre (avec l’énigmatique phrase "Qui que vous soyez, ouvrez !" inscrite sur l’enveloppe) nous fait passer du Kiev soviétique de 1968 à la Russie tsariste de 1912. Cette fameuse lettre aura son explication bien plus tard dans le roman.
Tatiana Pécastaing suit deux familles, celles précisément de deux de ses grands-parents. Il y a, d’un côté, Gustave, né en Ukraine. Son père était un opposant au régime tsariste, au point de s’approcher d’une organisation terroriste révolutionnaire menée par Alexandre Oulianov, frère de Lénine, arrêté et exécuté après une tentative d’assassinat contre le tsar Alexandre II. Le père de Gustave, Mikaël, est arrêté puis relâché, obligé de se faire discret. Or, c’est le régime tsariste que soutient son fils Gustave, à telle enseigne que lorsque la Révolution de 1917 éclate, le jeune homme s’engage auprès de l’Armée Blanche antibolchévique. En 1924, Gustave s’exile en France, abandonnant en Ukraine sa famille, et en particulier ses sœurs…
Rendez-vous en Bretagne pour vivre pleinement l’univers de Tolkien. Logique, me direz-vous, tant l’auteur du Hobbit et du Seigneur des Anneaux aura su s’inspirer des mythes celtes – mais pas que ! – pour bâtir une œuvre capitale dans la littérature.
Le magnifique musée de Landerneau consacré au Fonds Hélène & Édouard Leclerc pour la Culture propose, du 25 juin 2023 au 28 janvier 2024, une exposition consacrée à Tolkien et à l’illustrateur emblématique de son œuvre, John Howe. "Cette exposition montre comment à partir de l’œuvre littéraire de Tolkien, un univers pictural est inventé… Puisant dans les mythes médiévaux, [John Howe] crée un imaginaire inédit source de multiples représentations artistiques, jusqu’au cinéma", commente Michel-Édouard Leclerc…
C’est une invitation piquante, fantastique, féerique et sensuelle à laquelle je vous invite. Il s’agit de la découverte du dernier volume du Peuple des Brumes, proposé par Katia Even et mis en image par Styloïde. Bla Bla Blog avait déjà parlé de ce cycle il y a quelques mois.
Dans ce nouvel opus baptisé "Le Bal des saisons", toujours aux éditions Tabou, nous sommes dans un univers de fantasy où la nature a le plus beau des rôle. On y croise des fées, des lutins, des êtres surnaturels, des esprits de la nature – évidemment –, sans oublier des sortilèges, des sorts funestes et un monde de fantasy courant de graves dangers. Mais tout cela est mâtinée de sensualité, d'érotisme et de d'esprit mutin…
Le monde de l’édition vient de voir naître un nouvel acteur, L’éditeur à part. Christophe Pavlevski, François-Xavier Bellest et Claire Passy sont les heureux parents de ce "bébé". Nous avons voulu interroger Claire Passy au sujet de cet éditeur à part.
Bla Bla Blog – La naissance d’un éditeur est toujours un événement dans la vie culturelle. Comment présenteriez-vous L’éditeur à part ? Et d’abord, quelle est sa philosophie ?
Claire Passy – Oui, il est vrai que la création d’une maison d’édition est un évènement particulier dans la vie culturelle. Surtout dans la période actuelle où le monde de l’édition reste très encadré, homogène et prévisible…
Radical. Nicolas Le Bault arpente avec obstination les champs de l’art et de la pensée underground. Après ces créations graphiques incroyables (les publications de White Rabbit Dream,), il s’attaque aux travers de nos sociétés contemporaines avec un essai choc, Le Transhumanisme, stade terminal du Capitalisme (éd. La Reine Rouge).
La première qualité de son livre est de remettre sur la table l’étonnant et prophétique livre de Georges Bernanos, La France contre les Robots. L’auteur de Sous le Soleil de Satan annonçait soixante-dix ans à l’avance l’irruption d’une société robotisée où le statut même de travailleur allait être remis en cause…
2023 marque les 150 ans de Colette, l’une des plus grandes femmes de la littérature français. L’Yonne, son département d’origine, est bien décidé à fêter celle qui est née le 28 janvier 1873, à Saint-Sauveur-en-Puisaye dans l'Yonne.
Tour à tour auteure, mime, comédienne, journaliste, elle laisse à la littérature française sa manière exceptionnelle d'évoquer son émerveillement de la nature et ses émotions de jeunesse. Colette fait partie de ces personnalités ayant inévitablement marqué et inspiré l'Yonne. Pour célébrer son nom et son travail, de nombreux événements auront lieu tout au long de l'année dans le Département…
Voilà un ouvrage qui ravira les amoureux et amoureuses d'Hergé, et en particulier de Tintin. L'encyclopédie des Figurines de Collection, Hergé & Co, parue chez Cote-a-cas, dont il s'agit de la troisième édition, constitue un recensement amoureux des plus rares produits dérivés de l'univers d'Hergé.
Précisions d'emblée que Tintin et ses compagnons constituent l'essentiel des personnages figurés, même si on note la présence de ces autres héros que sont Jo, Zette, Jocko, Quick, Flupke ou l'Agent 15. Cette encyclopédie recense, pas moins de 680 objets…
Avec son nouvel album Et la vie coulait, Nicole Rieu est de retour en 2023 après un grand et riche parcours dans les années 70 et 80 (une participation à l’Eurovision en 1974 avec "Et Bonjour à Toi l’Artiste", une série de tubes tels que "Je suis» , "Ma Maison au bord de l’Eau", "Je m’envole" , "En courant" ou "La goutte d'eau", Grand Prix de l’Hexagone d’Or au Midem 1980), sans compter une participation à la Tournée Âge Tendre et Tête de Bois en 2012.
Observatrice, sage, engagée, mémoire vivante de la chanson, artiste moderne, philosophe : les qualificatifs ne manquent pour qualifier celle qui se pose en observatrice attentive et en contemplatrice de la vie et du temps qui passe. "Et la vie coulait / de jour en jour / De dune en dune", chante-t-elle par exemple dans "Et la vie coulait", repris en chœur sur la toute dernière piste. Nicole Rieu pose un regard introspectif et plein de sagesse sur son existence et sur le temps qui lui reste ("Et me voilà aujourd’hui près de la rive")...
C’est par hasard que je suis tombé sur cette étonnante et somptueuse BD sortie l’an dernier aux éditions Albin Michel. Serge Lehman au texte et Yann Legendre au dessin proposaient Vega, un de ces albums dont chaque page – que dis-je ? Chaque vignette – semble être un authentique tableau.
Mais parlons avant tout de l’histoire. Vega débute en 2060 à Djarkata. Sur une terre dominée par la technologie - une technologie qui a d’ailleurs épuisé les ressources de la terre - la scientifique Ann Vega quitte son mari Rio et leur petite fille Dewi pour partir en mission. Sur l’île de Java, elle et son équipe viennent de découvrir le dernier orang-outan encore vivant. Au même moment, des terroristes s’attaquent à l’immeuble où se trouvent Rio et Dewi.
Quelques années plus tard, dans un Chicago hyper pollué, Ann Vega étudie cet orang-outan qu’elle a ramené d’Indonésie. Mais ce travail de recherche déplaît en haut lieu.
Arche de Noé spatiale, amour entre une humaine et un singe, luttes terroristes, deuil impossible, poésie et métaphysique
Vega peut être apparenté au cyberpunk (sombre, anticipation dystopique, part importance accordée aux technologies et à la robotique), tout en faisant le choix d’un graphisme des plus alléchants. Chaque planche est conçue avec le plus grand soin. On peut saluer Yann Legendre pour son travail sur le noir, les ombres mais aussi les couleurs, avec un grand sens du détail.
La scientifique Ann Vega est l’héroïne forte mais aussi blessée d’une histoire qui nous parle d’environnement, d’éthique mais aussi du salut (ou non) de la science. Une science souvent insaisissable, à l’image de la découverte des notes de Rio par son épouse ("C’est de la physique quantique… Et je n’y ai jamais compris grand-chose"). L’aventure mêlant arche de Noé spatiale, amour entre une humaine et un singe, luttes terroristes, deuil impossible, poésie et métaphysique devient aussi un conte fantastique. Tout à fait fascinant. Et à découvrir si ce n'est pas déjà fait.
Anaïs Nin : voilà un des noms les plus sulfureux et en même temps les plus passionnants de la littérature du XXe siècle. Elle est célèbre notamment pour un journal à la fois marquant, sincère et sans tabou, au point qu’il a été expurgé des années avant de paraître intégralement tardivement dans une version non expurgée. Ce n’est cependant pas de ce fameux Journal dont je vais vous parler mais de deux œuvres plus étonnantes : une bande dessinée sortie récemment et un recueil de nouvelles de l'écrivaine – certes pas le plus connu.
La BD est de Léonie Bischoff. Son Anaïs Nin, Sur la mer des mensonges, paru chez Casterman, est consacré aux années parisiennes d’Anaïs Nin, quelques années après son mariage avec le doux Hugh Parker Guiler, honorable banquier et artiste à ses heures. La jeune femme, Américaine née cubaine, n’est pas encore l’écrivaine que l’on connaît. À dire vrai, elle se cherche, trouvant son refuge dans un journal (ou plutôt ses journaux), son double, dans lequel elle confie ses interrogations, ses émois, ses souffrances, ses doutes et ses rêves.
C’est une Anaïs Nin de son époque, celle des années 30, allant de ses cours de danse avec le beau Monsieur Mirales aux soirées mondaines. Lorsqu’elle rencontre l’écrivain Henry Miller, de passage en France, l’attraction est immédiate entre les deux artistes. Mais il s’agit d’abord d’une attraction littéraire. D’abord.
Léonie Bischoff s'avère virevoltante et poétique dans ce récit qui aurait pu facilement tomber dans le scabreux. Rien de tel ici, tant l’auteure et dessinatrice suit avec tendresse et admiration une artiste exemplaire à plus d’un titre – même si son amoralité en ferait friser plus d’un et plus d’une. La ligne claire et les couleurs pastel font de cette BD un excellent contrepoint au recueil de nouvelles que les éditions Musardine ont publié en 1999 dans une nouvelle traduction.
Faire du sexe et de l’érotisme une matière vivante
Alice – car c’est de ce livre dont il est question – souffre d’une paternité – ou plutôt maternité – que Jean-Jacques Pauvert évoque en présentation, avec un mélange d’admiration et de perplexité – et presque de dédain. Les nouvelles de White Stains (c’est le titre américain) ne sont pourtant pas à proprement parler des histoires prudes. C'est le moins que l'on puisse dire.
Anaïs Nin y prend souvent à plusieurs reprises l’identité d’un homme, à l’instar du "Alice" qui ouvre le recueil, le récit d’une promenade amoureuse à la campagne qui prend un tour inattendu lorsque le narrateur et sa maîtresse – Alice, donc – croisent un autre couple.
Dans l’histoire suivante, "Esmeralda", l’érotisme sans fard – ni sans violence – se pare de provocation littéraire, puisque l’écrivaine hispano-franco-américaine conte la première étreinte imaginaire entre Phoebus et Esmeralda, les deux protagonistes du chef-d’œuvre de Victor Hugo.
Le lecteur lira avec amusement les "Souvenirs" d’un garçon dans une société prude et en particulier dans un pensionnat sévère où l’on se cache pour mieux faire la nique à la morale… L'humour n'est pas absent dans cette nouvelle qui entend pourfendre la morale et la bienséance dans une société rigide. Très rigide.
Anaïs Nin propose avec "Florence" une de ces histoires à la fois épicées et émotionnellement très chargées. Là, sans doute, se cache le cœur des écrits de l’auteure américaine. Cette manière de faire du sexe et de l’érotisme une matière vivante et humaine.
On parlera encore de féminisme dans l’éloquent "Des jeunes filles et de leur con", véritable adresse amoureuse à ses sœurs autant qu’invitation à l’amour, ce que racontent deux narrateurs du recueil. Le premier est séducteur et séduisant ("Je veux une femme") alors que le second devient chasseur et joueur ("Le membre d’or").
L’écriture d’Anaïs Nin vient de loin et touche au cœur, au point d’avoir révolutionné la manière d’écrire sur le sexe. On ne peut se priver de citer un extrait : "Ma main était entre ses ravissantes cuisses, et la façon dont elle réagissait à ses attentions me prouva que je n'avais pas oublié comment jouer de cet instrument qui, habilement stimulé, prolonge dans le corps d'une femme les échos d'une harmonie divine".
Quelle bonne idée d’avoir fait des échecs le sujet d’un manga ! L’idée vient du Français Cédric Biscay et la mise en page de Daitaro Nishihara. Que la série soit le fruit de Monaco et du Japon est singulière. Moins surprenant, Blitz, publié chez Iwa, a eu la bénédiction du Maître international Garry Kasparov, qui apparaît d’ailleurs la série, dès les deux premiers volumes.
Dans le campus de Shibuya, Tom est un étudiant peu réputé pour son assiduité et son sérieux. Mais il rencontre Harmony, son exact opposée, brillante et amoureuse des échecs. Pour espérer passer du temps avec elle (voire plus si affinités), le garçon peut compter sur le club d’échecs qu’elle suit dans leur école. Elle s’y débrouille très bien, alors que Tom n’y connaît rien. Mais l’étudiant est combatif et déterminé. Il se plonge dans les parties de grands maîtres, dont Kasparov. Évidemment, c’est insuffisant pour briller aux yeux d’Harmony, jusqu’à la découverte par Tom d’un casque de réalité virtuelle puis le déclenchement d’un orage aux conséquences inattendues.
Pas besoin d’être un ou une experte du célèbre jeu de stratégie pour se plonger avec délice dans les aventures ludico-amoureuses de Tom, Harmony, Laurent, Riko ou Karl. Les personnages de cette saga sont suffisamment bien campés pour susciter l’adhésion générale.
Une saga qui a reçu l’aval de Garry Kasparov
La romance annoncée entre Tom et Harmony, si mal assortis au départ, est le prétexte d’une saga qui a reçu l’aval de Garry Kasparov.
Il ne faut surtout pas rater les pages de postface à la fin de chaque volumes qui éclairent l’histoire : définitions, explication des pièces et des mouvements, focus sur des concepts et analyses de parties. Le lecteur apprend d’ailleurs que les personnages de Blitz jouent de réelles parties, preuve que les auteurs n’ont pas lésiné sur la crédibilité des mangas.
Évidemment, les amateurs de mangas retrouveront ce qui fait le charme de ce genre : actions, importance de la romance et une large place laissée au fantastique. De vrais atouts pour vulgariser un jeu souvent et injustement taxé d'élitiste. Une vraie réussite que ces échecs en BD.
Le passionnant triptyque de Minetarô Mochizuki, Tokyo Kaido, sorti en 2017 au Lézard Noir, est une plongée dans le bizarre et dans ce qui fait la normalité et l’anormalité. Et tout cela, sous forme d’un manga impressionnant de justesse, de finesse et de sensibilité.
Dans la clinique Christiana, le Professeur Tamaki s’occupe de suivre des enfants et des adolescents souffrant de troubles psychologiques. Et il a fort à faire. Il y a Hashi, 19 ans, dont un grave accident de voiture lui a occasionné des dommages qui l’empêchent de pouvoir mentir. Hana, de deux ans son aînée, ne peut réfréner des masturbations et des orgasmes qui peuvent venir n’importe où et n’importe quand. Le cerveau de Mari, six ans, ne lui permet pas de reconnaître d’autres humains, si bien qu’elle est persuadée de vivre seule et isolée dans le monde. Enfin, Hideo, dix ans, pense être dotée de super pouvoirs, ce qui n’est pas sans lui causer problème.
Tous ces malades vivent dans la clinique protégée de Christiana. Mais, un jour, le Professeur Tamaki disparaît.
Tokyo Kaido a des allures de fable
Normaux et anormaux se croisent dans ce triple album envoûtant, passionnant et non sans mystères. Mais justement, qui est normal et qui ne l’est pas ? Le jeune homme incapable de dire autre chose que la vérité ? La jeune fille se réfugiant dans un monde où elle serait seule sur terre ? Ou alors ce professeur réputé prenant la poudre d’escampette du jour au lendemain ? Et que dire du vigile Nihongi, faux dur et vrai demeuré aux tenues improbables ?
Tokyo Kaido a des allures de fable lorsqu’il se permet de longues tergiversations dans le monde imagé de Hashi, avec ce monstre-enfant pourchassé et protégé uniquement par sa mère, dévastée par le deuil de son fils.
On suit les pérégrinations de ces gosses paumés (parce que) malades, à la recherche d’un médecin qui a choisi, en quelque sorte, la voie de l’anormalité.
Quelques jours après la chronique de l’essai de Pierre Fresnault-Deruelle sur Le Temple du Soleil, il est de nouveau question sur Bla Bla Blog de Tintin. Cette fois, il sera question d’une exposition, en ce moment à Bordeaux, "Tintin, L’aventure immersive".
La Fondation Culturespaces, qui s’est intéressée dans l’accueil des publics, la médiation culturelle et les programmes éducatifs, s’est également spécialisée dans l’art numérique et les projections digitales.
Conjointement à l’exposition sur Dalí ("l'énigme sans fin"), Les Bassins des Lumières, Bordeaux, située sur l’ancienne base sous-marine de sinistre mémoire, propose une étonnante et envoûtante immersion dans l’univers de Tintin.
Pas besoin d’être un fan ni un grand lecteur des aventures du journaliste belge à la houppette pour apprécier le travail de mise en scène autour des 24 albums de Tintin.
Les reflets de l’eau apportent un supplément d’âme aux projections de lumières, de couleurs, mais aussi de musiques
Culturespaces et Tintinimaginatio , la société chargée des ayant-droits d’Hergé, se sont associées pour une exposition destinée à un large public. Tintin, Milou, Haddock, Tournesol, Nestor ou La Castafiore sont présentés dans le cadre spectaculaire des Bassins des Lumières, les reflets de l’eau apportant un supplément d’âme aux projections de lumières, de couleurs, mais aussi de musiques, de Gounod aux Beatles, en passant par David Bowie. .
De nombreuses scènes des albums sont mis en scène : les courses en voiture, le voyage en avion au milieu du Sahara (Le Crabe aux Pinces d’Or), les champignons de L’Île Mystérieuse, sans oublier le voyage sur la lune (le diptyque Objectif Lune et On a marché sur la Lune). Les ennemis, méchants et autres génies du mal ne sont pas en reste, que ce soit Rastapopulos, Allan Thompson, Müller ou Mitsuhirato, offrant une belle galerie de crapules.
Voilà un voyage bordelais et tintinesque qui mérite un grand détour du côté de l’ancienne base sous-marine. La Fondation Culturespaces prouve ainsi tout son savoir-faire en matière d’expositions pour le grand public.